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Les taxis roses en Egypte : la solution idoine au fléau du harcèlement sexuel ?

L’Egypte en proie au fléau du harcèlement sexuel, qualifié communément de onzième plaie tant son ampleur est grande, aurait-t-elle trouvé dans la création d’une flotte de Pink Taxis (taxis roses), conduite par des femmes pour conduire à bon port d’autres femmes, l’antidote idéal aux mains baladeuses, sa forme la plus répandue, aux quolibets triviaux, et aux injures salaces ?

Si les milieux conservateurs applaudissent des deux mains à cette initiative, jusqu’à la haute Autorité d’Al-Azhar qui a émis une fatwa spécifique pour en vanter les vertus, estimant qu’elle complète parfaitement un large éventail d’actions menées sur le terrain pour protéger la gent féminine des harceleurs qui courent les rues et sévissent particulièrement à bord des bus, l’émergence des taxis roses dans le paysage urbain du Caire est loin d’être perçue comme la panacée par les associations féministes notamment, mais pas seulement.

Alors que des peines de prison infligées depuis peu aux hommes reconnus coupables de harcèlement sexuel ont été accueillies avec un certain soulagement, voire un optimisme relatif, les Pink Taxis, pour l’heure exclusivement cairotes mais qui ne demandent qu’à essaimer, sont vus d’un mauvais œil par Azza Kamel, une infatigable militante des droits des femmes, à la tête du centre des Techniques de communication appropriées (ACT), les taxant de flirter avec l’anticonstitutionnalité et de creuser un peu plus l’inégalité entre les sexes.

"Les taxis roses encouragent la ségrégation entre les sexes, et compromettent, plus qu’ils n’y remédient, la lutte contre le harcèlement sexuel qui est à grande échelle", ne cesse-t-elle de clamer, dénonçant les effets pervers, à ses yeux, d’un moyen de transport qui de surcroît n’assure la sécurité que d’une certaine catégorie de citoyennes du Caire : les plus aisées.

Quid des autres ? Elles n’ont pas les moyens de se sentir en sécurité, ce qui irrite fortement Azza Kamel, pour qui la coexistence sereine entre les hommes et les femmes devrait être privilégiée urgemment, notamment par le biais de l’éducation, et les délinquants sexuels punis comme il se doit.

D’autres personnalités égyptiennes tout aussi hostiles aux taxis réservés au sexe dit faible, à l’instar de Intesar al-Saeid, avocat et directeur du Centre du Caire pour le développement et les droits humains, et de Wael Abdel Fattah, un journaliste, leur reprochent leur archaïsme moyenâgeux qui fait remonter le temps jusqu' à  « l’ère du harem ». "Les taxis roses ne font que mettre en pleine lumière la gravité du problème, mais ils ne pourront jamais le résoudre", déplorent-ils à l’unisson.

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Sceptique quant à la capacité de ces taxis, reconnaissables entre mille, à préserver l’intégrité physique et morale de leurs passagères, Ahmed Yehia Abdel Hamid, professeur de sociologie, craint fort qu’ils ne provoquent, au contraire, un déchaînement de violences.   "Il y a fort à parier que ces taxis seront pris d’assaut par des harceleurs qui les guetteront, les suivront. Ce sera tout particulièrement le cas si un taxi tombe en panne dans une zone déserte", prédit ce dernier, en imaginant un scénario cauchemardesque.

Les taxis roses garantiront-ils aux femmes égyptiennes une plus grande liberté comme l’assurent leurs fervents partisans ? Nehad Abul Qomsan, responsable du Centre égyptien pour les droits des femmes, n’y croit absolument pas, prétendant que la femme en ressortira plus « isolée et aliénée que jamais », sans parler du fait « qu’il  n'y aura jamais assez de taxis roses pour convoyer toutes les femmes », comme il s’emploie à le mettre en évidence.

S’élevant au-dessus de ce concert de critiques, la voix de Fouad al-Saeid, directeur du Centre national des recherches sociales et criminologiques, fait entendre un autre son de cloche, résolument acquis aux taxis habillés de rose : "Dans une ville comme Le Caire, notre priorité devrait être axée sur la recherche de solutions pratiques autant que possible, et les taxis roses font partie de la solution", réplique-il à l'adresse des détracteurs du projet. Un avis pleinement partagé par Saeid al-Sadeq, professeur de sciences politiques, lequel insiste également sur l’impérieuse nécessité de prendre à bras-le-corps le « phénomène de détérioration morale chez les jeunes ».

Loin de la polémique qui enfle, Inas Hassen est une femme chauffeur de taxi rose qui prend à cœur sa mission de transporter ses clientes en toute sécurité, témoignant d’une réalité du terrain plus rose que celle dépeinte par ceux qui noircissent le trait. "Je conduis mes clientes en confiance, l’ambiance à bord de mont taxi est chaleureuse, et même propice aux confidences typiquement féminines. Nombre de mes clientes emmènent avec elles leurs enfants et s’assoupissent parfois pendant le trajet, chose qu’elles ne feraient pas avec un homme au volant", a confié cette conductrice fière d’accomplir une noble tâche au service de ses coreligionnaires, en espérant vivement que les taxis roses feront des petits au pays des Pharaons.

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