Rapatrié toutes affaires cessantes aux Etats-Unis pour de fallacieuses raisons de sécurité, le reporter de guerre très expérimenté et grand connaisseur des conflits au Moyen-Orient, Ayman Mohyeldin, aura à peine eu le temps de sentir que le vent avait soudainement tourné au sein de la chaîne NBC que le couperet de la censure s’était déjà abattu sur lui, le privant de micro et d’antenne.
Pourquoi la direction de NBC, qui se retranche derrière un motif qui n’abuse personne Outre-Atlantique, a-t-elle subitement décidé de se priver des compétences de ce journaliste américano-égyptien de 35 ans, dont elle avait apprécié les qualités et le potentiel au point d’en faire son correspondant permanent au Caire ?
De nombreuses voix américaines, dont celle de l’association Jewish Voice for Peace, haussent le ton aujourd’hui pour dénoncer la décision de museler un grand reporter, témoin oculaire du raid aérien israélien qui a tué, mercredi dernier, quatre enfants palestiniens sur une plage de Gaza, lequel, fidèle à la déontologie de son métier, n’a ni tronqué la vérité ni déshumanisé les petites victimes de 9 et 11 ans.
Contrairement à ce qu’attendait de lui la chaîne NBC, Ayman Mohyeldin n’a pas tu les noms de ces enfants martyres et n’en a pas fait des êtres désincarnés et sans visages, postant sur Twitter et Instagram une foule de détails sur leur courte existence, leur personnalité respective, ainsi que sur leurs proches, allant même jusqu’à diffuser des photos de famille particulièrement poignantes. Il est certain que si NBC voulait empêcher l’émotion de naître et court-circuiter tout processus d’identification dans les foyers américains, la trop grande conscience professionnelle de son reporter chevronné s'avérait très dérangeante…
Le journaliste Glenn Greenwald, qui fut l’un des premiers à révéler « l’ordre intimé à Ayman Mohyeldin de quitter immédiatement Gaza », dans le journal The Intercept, a également précisé que dès mercredi soir, celui-ci avait été remplacé par un autre « correspondant Richard Engel, accompagné d’un producteur américain qui n'a jamais été à Gaza et ne parle pas arabe". Un limogeage rondement mené qui doit certainement laisser un arrière-goût amer au journaliste idéaliste et intègre, qui a enchaîné les missions pour le compte de CNN, NBC et Al-Jazeera, en nourrissant l’espoir de "changer la manière dont les Etats-Unis perçoivent le Proche-Orient, en mettant au défi les stéréotypes et les quiproquos" comme il l’écrivait sur son compte Facebook.
Très estimé, Ayman Mohyeldin peut compter sur le soutien de nombreux internautes, preuve en est l’hastag #LetAymanReport spécialement créé pour condamner l’injustice de sa mise à pied. Parallèlement à la mobilisation sur les réseaux sociaux, une pétition a été lancée par le collectif Jewish Voice for peace, demandant instamment à la direction de NBC de reconsidérer sa position envers "un grand reporter qui croit que les vies israéliennes et palestiniennes ont la même valeur", en clamant : "Maintenant plus que jamais, nous avons besoin de reportages justes, rigoureux et courageux".
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