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Les risques de déconstruction de l’humanité par l’intelligence artificielle débridée

« Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux qui vous ont précédés ; ainsi atteindrez-vous la piété. » (Sourate 183-186)

 « La création de l’intelligence artificielle serait le plus grand événement de l’histoire de l’humanité. Mais il pourrait aussi être l’ultime (…). Les humains, limités par leur évolution biologique lente, ne pourraient pas rivaliser, et seraient détrônés.» (Stephen Hawking, physicien théoricien et cosmologiste)

Résumé

Le mois de Ramadhan est une période propice à l’introspection pour les musulmans. Nous n’allons pas y déroger. Nous allons montrer objectivement les bienfaits du Ramadhan. La religion, contrairement au positivisme ambiant, est plus que jamais nécessaire pour se référer aux fondamentaux de la vie dans une planète merveilleuse dont nous ne prenons pas soin.

Nous allons justement décrire brièvement le miracle de la vie sur Terre et, ensuite, rapporter les avancées permises par l’intelligence artificielle, notamment pour améliorer la vie des hommes dans plusieurs domaines, dont le domaine médical.

Enfin, il est important d’informer de l’inquiétude au grand jour des dérives de l’intelligence artificielle débridée, comme le fait l’appel lancé par Elon Musk qui fut de tout temps, avec Stephen Hawking, un lanceur d’alerte sur les dangers d’une intelligence artificielle sans éthique.

Le jeûne, une halte dans la vie du musulman

Le Ramadhan, mois béni, commémore la révélation du Coran. Il est le quatrième des cinq piliers de l’Islam. Cette année, le Ramadhan a débuté le 23 mars.

Au sens de l’islam, le mot « sawm » signifie le fait de s’abstenir de toutes les choses interdites pendant le jeûne, entre l’apparition de l’aube et le coucher du soleil, avec l’intention effective de jeûner. Les traditions reconnaissent les vertus du jeûne. Il est sans doute l’une des plus anciennes approches d’auto-guérison. Le jeûne est avant tout un moyen de détoxiquer l’organisme et, de tout temps, il a également été associé à des pratiques spirituelles ou religieuses. Il procurerait, en outre, un sentiment de clarté d’esprit et de « désencombrement mental ». Il s’agissait d’un repos physiologique, que recommandait Socrate il y a 2 500 ans, qui permettrait « d’aiguiser l’esprit ».

La piété « taqwâ » est un terme spirituel et éthique primordial. Il rassemble l’intégralité de la spiritualité et de l’éthique musulmanes. C’est une qualité du croyant, à travers laquelle celui-ci garde toujours Dieu à l’esprit. Une personne pieuse aime faire le bien et évite le mal, pour l’amour de Dieu.

La taqwâ est aussi une piété, une rectitude, elle requiert de la patience et de la persévérance. Le Prophète (paix et bénédictions sur lui) dit que le jeûne est un bouclier. Il protège en effet la personne du péché. Il faut avoir l’intention sincère de jeûner pour Dieu, chaque jour, avant l’aube. L’intention n’a pas besoin d’être formulée expressément par des mots, elle doit être acquise sincèrement dans le cœur et dans l’esprit.(1)

 Miracle de la vie

Ce mois de jeûne est pour nous un mois de ressourcement qui nous permet de nous poser les questions sur le sens de la vie. Le verset 1 de la sourate 96 « Lis ! » nous invite à nous instruire.

Nous allons rapporter quelques faits scientifiques sur l’univers et l’avènement de la vie que tout croyant, quelle que soit son espérance religieuse, devrait apprendre. Sans rentrer dans le détail de la théorie du Big Bang concernant la création de l’univers – l’histoire connue commence alors que l’univers avait déjà atteint l’âge de 10-43 secondes – le temps de Planck. Il se produit une explosion : le Big Bang. Avant, on ne sait pour le moment pas grand chose, bien que des interrogations existent. Même Saint Augustin se posait la question : « Que faisait Dieu avant de créer le monde ?» On lui attribue cette réponse : « Dieu préparait l’enfer pour ceux qui se posent cette question ! ».

Pour une raison inconnue que les scientifiques ne s’expliquent pas, le vide si vivant s’est mis à enfler. C’est comme si quelqu’un avait donné le signal du début. En moins de temps qu’un battement de cils (entre 10-43 et 10-32 secondes), son volume a été multiplié par 1050 (10 suivi de 50 zéros) ! Et sans que l’on sache pourquoi sont apparues les premières particules de matière. Après cette barrière fatidique des trois cent mille ans (rayonnement fossile), des nuages de gaz se sont formés. Ils donnèrent naissance aux milliards de galaxies pendant près de 13,7 milliards d’années ; les plus petits éléments qui composent l’univers, les quarks, n’ont pas de masse à l’origine. Quand ils se déplacent, on suppose qu’ils traversent un « champ de Higgs ».

On serait tenté de reformuler : quelle est l’origine de l’origine ? Qui a donné l’ordre au boson de Higgs d’alourdir les particules pour en faire des atomes, des molécules de la matière, matière dont nous sommes constitués en tant qu’humains, toute vie sur Terre et même dans le règne minéral ?

Ni la Terre ni l’Homme ne sont au centre de l’immense univers. L’ouvrage de Copernic « De revolutionibus orbium coelestium » (Des révolutions des orbes célestes ou des sphères),  en 1543, bouleversa l’Eglise, adepte du mythe géocentrique. L’Eglise a sévi contre le dogme à l’encontre de Galilée jugé. Giordano Bruno eut moins de chance, il sera brûlé vif en 1600. La science avance, l’Eglise recule, Galilée sera réhabilité. En 2000, l’Eglise regretta d’avoir fait brûler vif le dominicain Giordano Bruno, mais refusera toujours de le réhabiliter.

Du point de vue scientifique, tout semble « ajusté » comme si le cosmos entier, de l’atome à l’étoile, avait exactement les propriétés requises pour que l’Homme puisse y faire son apparition. Des atomes jusqu’aux étoiles, l’univers semble fantastiquement structuré, hiérarchisé, ordonné. Bien au-delà de ce que nous pouvons comprendre. Or, cet « ordre » mystérieux repose sur un petit nombre (20) de ces mystérieuses « constantes physiques » : la vitesse de la lumière, la constante de gravitation, le temps de Planck, la masse de l’électron, etc. Si un seul de ces paramètres avait une très faible déviation, même d’une valeur infime, la vie n’aurait jamais pu émerger de la matière et la matière, elle-même, n’aurait jamais pu se former.

Ces grandes constantes sur lesquelles repose, en un invraisemblable équilibre, tout notre univers ont tourmenté, fasciné les plus brillants esprits scientifiques. Einstein disait que Dieu ne joue pas aux dés. Tout est agencé de telle façon qu’il ne fasse ni trop chaud ni trop froid, une gravité qui permet à l’Homme de ne pas flotter dans l’air ou d’être cloué au sol.

Il est écrit dans le Coran : « Rabbana la khalakta hadha batilane Soubhanaka » – «Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé tout ceci en vain ! Gloire à Toi ! Préserve-nous du châtiment du feu.» Sourate 3 «Âl ‘Imrân», versets 190-191.

Sans faire dans le concordisme qui n’a pas sa place et ne rend pas “service” aux adeptes du concordisme, car la science avance, se déjuge, et avance de nouveau, tel n’est pas le cas des religions.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

Sur cette Terre qui a jailli du néant par “miracle” – un miracle que même la science n’arrive pas à expliquer – notre héritage, en tant qu’humain, risque d’être problématisé. Dans ce XXIe siècle de tous les dangers, où on parle de déconstruction à tour de bras, notamment avec le Covid qui a réussi à mettre à l’arrêt la planète entière, il est un autre danger, une autre déconstruction, dont on ne voit que l’aspect ludique du chat en ligne, des réseaux sociaux et de Google, avec des applications dans tous les domaines.

Il s’agit de l’intelligence artificielle (IA) que l’encyclopédie Wikipédia définit comme suit :

« Un ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…). Il n’est pas certain pour autant que nous comprenions le fonctionnement des technologies que nous utilisons, ni les enjeux anthropologiques de cette révolution. Par rapport aux autres révolutions techniques, la mutation numérique s’est produite à une vitesse sans précédent, si bien que les usagers se retrouvent souvent en position d’“accros” aux applications, notamment avec les smartphones. Les Data Centers utilisent une énorme quantité d’énergie et de la nécessité d’un refroidissement permanent.»(3)

Quelques « prouesses » promises par l’intelligence artificielle

Les applications de l’IA sont dans tous les registres. Certaines sont très utiles. Ainsi, la médecine est une discipline qui a beaucoup emprunté aux autres sciences.

Aux États-Unis, l’intelligence artificielle (IA) ChatGPT vient de passer avec succès les trois épreuves de 350 questions à résoudre pour obtenir le United States Medical Licensing Examination (USMLE), lui permettant d’être docteur en médecine !

Demain, le malade pourra faire son diagnostic lui-même avec son ordinateur, aidé, au besoin, par un professionnel de santé non médecin. La robotique médicale fait parler d’elle en ce début de XXIe siècle. La visite médicale dans les services n’échappe pas non plus au « robotisme ». De nouveaux prototypes de médecins circulent, désormais, sur roulettes au chevet du malade dans quelques services d’Amérique du Nord. Le praticien fait sa visite depuis l’hôtel de son congrès, situé à trois fuseaux horaires, dialogue en direct avec son patient par webcam interposée et reçoit sur écran, bien sûr, tous les renseignements paramédicaux, ainsi que la courbe des signes vitaux. Il en tire une synthèse qui lui dictera la stratégie de prise en charge… (4)

Autre performance : un important pas en avant a été fait dans le domaine de l’impression d’organes : à présent, il est possible d’imprimer en 3D des « mini-foies » humains entièrement fonctionnels. Cela pourrait révolutionner le domaine de la transplantation d’organes et surtout fortement réduire les temps d’attente des patients, avec un rejet de la transplantation quasiment nul. Des chercheurs israéliens ont imprimé un cœur vascularisé créé à partir du matériel biologique des patients pour une compatibilité optimale. Jusqu’à présent, les scientifiques en médecine régénérative ont réussi à imprimer des tissus simples sans vaisseaux sanguins. « C’est la première fois que quiconque a réussi à concevoir et à imprimer tout un cœur rempli de cellules, de vaisseaux sanguins, de ventricules et de chambres.»

Le coût du séquençage de l’ADN s’est démocratisé, le code ultime de chacun d’entre nous est passé de 3 millions de dollars (2003) à 1 000 dollars (2016), à seulement 100 dollars en 2022. Ces avancées positives sont à saluer. Elles permettent d’augmenter les performances de l’Homme. Ainsi, des progrès spectaculaires ont été faits, ces dernières années, dans le développement des prothèses pour les personnes amputées des bras ou des jambes.

Les robots tueurs

Une autre crainte est la guerre par procuration à des robots sans éthique, ni intelligence des situations, du fait qu’ils suivent les instructions d’un algorithme. Ainsi, comme nous le lisons sur cette publication : « La guerre a changé de mise en œuvre. Vous ne voyez plus votre ennemi. Avec un drone connecté à un satellite, vous pouvez, par une manipulation d’un joystick, semer le chaos et la mort à 10 000 km de votre salle climatisée, dans le fin fond du Texas. L’inquiétude concernant les éventuels comportements erratiques des robots est réelle : « Est-ce que les robots sont capables de raisonnement moral ou éthique ? Les machines peuvent-elles être morales? On peut implémenter dans une machine quelques règles basiques de morale, mais ça ne constitue pas pour autant un sens moral, la machine aura pour moralité celle de l’être humain qui l’a programmée.»

En 2012, une ligue de prix Nobel et d’associations de droits de l’Homme lancèrent un appel à la mobilisation contre ces robots tueurs. L’ONG Human Rights Watch avait, au même moment, publié le rapport « Losing Humanity » qui annonçait les premières moutures opérationnelles de cette nouvelle génération de robots. Ceux-là craignent clairement un scénario « Skynet », en référence à l’IA dans la série Terminator responsable de la quasi-extinction de l’humanité. (5) 

Les conséquences dangereuses : la manipulation du vivant

Naturellement, il y a le revers de la médaille. Doit-on avoir peur des robots ? Les chercheurs de l’Université de Cambridge ont réalisé une mère-robot capable de construire ses propres enfants, les mettre en compétition et sélectionner, parmi eux, les mieux adaptés à l’environnement.

L’Homme est de plus en plus réparé, puis augmenté grâce à des prothèses. La modification génétique de l’embryon humain se retrouve au cœur des débats depuis l’utilisation de la technique CRISPR/Cas9, véritable « couteau suisse » qui permet de couper et remplacer des morceaux de génome à la carte. Si cette technique de manipulation génétique était présentée comme une solution contre des maladies génétiques mortelles, de tels travaux franchiraient alors une ligne éthique, comme s’en est ému récemment un collectif de scientifiques dans Science. Inquiets des dérives possibles, ils ont demandé un moratoire sur ces recherches.

À côté des conquêtes positives de la science, notamment dans le domaine médical, on ne peut ne pas parler des apprentis-sorciers du vivant, en l’absence d’une éthique opposable à tout le monde ; nous l’avons vu avec le chercheur chinois qui a pu créer et faire naître un bébé en utilisant la technique Crisp Cas9.

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Pour rappel, Le Meilleur des mondes, le célèbre ouvrage prémonitoire écrit en 1931 par Aldous Huxley, décrit une société future divisée en sous-groupes, en fonction de leurs capacités intellectuelles et physiques. Nous allons vers un nouveau monde qui sera confronté à une intelligence artificielle débridée, dont on peut craindre la puissance et l’invasion du monde à bas bruit. Ainsi, en allant vers une science sans éthique, c’est à une forme d’assujettissement de l’humain, victime consentante du dépouillement graduel de son humanité, à laquelle nous assistons. Une science qui s’attaque à ce que l’homme à d’intime et naturel.

« Personne n’a de boule de cristal, écrit Tristan, pour savoir comment le monde de demain sera fait. Plusieurs philosophes réfléchissent à l’avenir de l’humanité. L’une des théories à ce sujet est baptisée ‘l’hypothèse singleton’ qui se résume en une gouvernance mondiale, réalisée, pourquoi pas, par une IA. (…) Dans un avenir plus ou moins proche, il estime que l’humanité basculera dans un monde sous gouvernance universelle.(…) Enfin, dans l’hypothèse la plus futuriste où le gouvernement mis en place était contrôlé par une IA, alors Bostrom théorise qu’il serait possible de ‘calculer’ quel futur est le meilleur pour l’humanité en analysant toutes les possibilités. L’IA, dépourvue de toute empathie, pourrait très bien décider, à la manière d’un Thanos dans l’univers de Marvel, d’anéantir la moitié de la population terrestre pour le bien des 50% des restants.»(6)

Après l’homme réparé, et cela depuis l’enfance de l’humanité – l’homme a remplacé ou amélioré des organismes défaillants de l’organisme (ouïe, vue, prothèses…) – nous entrons dans l’ère de l’homme augmenté qui verrait, à terme, sa part mécanique et électronique l’emporter sur sa part organique. On pourrait penser après les robots, les chatbots, à des entités humanoïdes. La communication entre humains et humanoïdes n’est pas un réel problème. La vraie « syntheligence » impliquerait que l’humanoïde synthétise, prenne des initiatives efficaces, dépasse les connaissances apprises, s’auto-programme et, au final, y trouve du plaisir en communion avec les humains, tout en servant de garde-fou à l’éthique humaine qu’il aurait enregistrée et qui serait, pour lui, la « ligne rouge à ne pas franchir »…

L’intelligence artificielle s’empare de notre moi

D’une façon insidieuse, l’homme abandonne graduellement son héritage humain. « La technologie, écrit Yuval Harari, n’est pas mauvaise en soi. Si vous savez ce que vous voulez dans la vie, elle peut vous aider à l’obtenir. Si vous ne le savez pas, ce sera un jeu d’enfant pour elle de façonner vos objectifs à votre place et de prendre le contrôle de votre existence. La technologie parvenant à mieux comprendre les humains, vous pourriez vous retrouver de plus en plus à son service au lieu d’être servi par elle. Avec les progrès de la biotechnologie et de l’apprentissage automatique, il sera plus facile de manipuler les émotions et les désirs les plus profonds, et il sera plus dangereux que jamais de suivre son cœur. Quand Coca-Cola, Amazon, Baidu sauront tirer les ficelles de votre cœur et appuyer sur les boutons de votre cerveau, comment ferez-vous la différence entre votre moi et les experts en marketing ? » (7)

« Dès maintenant, les algorithmes vous surveillent. Ils observent vos déplacements, vos achats, vos rencontres. Bientôt, ils surveilleront vos pas, votre respiration, les battements de votre cœur. Ils s’en remettent aux Big Data et à l’apprentissage automatique pour vous connaître de mieux en mieux. Et le jour où ces algorithmes vous connaîtront mieux que vous ne vous connaissez vous- même, ils pourront vous contrôler et vous manipuler sans que vous n’y puissiez grand-chose. Somme toute, c’est une simple question empirique : si les algorithmes comprennent ce qui se passe en vous réellement mieux que vous ne le comprenez, c’est à eux que reviendra l’autorité. (7)

«Bien entendu, vous pourriez être heureux de céder toute l’autorité aux algorithmes et de les laisser décider pour vous et le reste du monde. En ce cas, détendez-vous, et bon voyage ! Vous n’avez rien à faire. Les algorithmes s’occuperont de tout. Si, toutefois, vous voulez garder un certain contrôle sur votre existence personnelle et l’avenir de la vie, vous devez courir plus vite que les algorithmes, plus vite qu’Amazon et l’État, et apprendre à vous connaître avant eux. Pour courir vite, ne prenez pas trop de bagages. Abandonnez toutes vos illusions. Elles sont trop lourdes.»(7)

Qu’est-ce qui fait que nous sommes humains ?

Pour l’histoire, le souvenir de Deep Blue, l’ordinateur qui a battu Gary Kasparov, le champion du monde des jeux d’échec, est resté vivace. Il a inculqué directement la méfiance. Ainsi, la science est sans état d’âme : l’intelligence artificielle de Google Brain, AutoML, vient de créer une intelligence artificielle plus performante que toutes celles créées par les êtres humains jusqu’à présent. Les émotions, l’autonomie, leur côté « sexy », avec des visages indiscernables de visages humains ; tout interviendrait pour les rendre acceptables à l’homme, pour rendre les robots plus analogiques. Cela va nous fournir un important retour d’informations, alors même que nous explorons la question fondamentale de savoir ce que c’est qu’être humain.

Si rien n’est fait pour rendre impossibles les dérives de la science, en l’absence d’un moratoire robuste qui fixe les lignes éthiques à avoir comme horizon, l’Homme des prochaines décennies aura une humanité hybride, organique et métallique.

Les hommes améliorés par la mécanique, dotés de prothèses totales et appelés « cyborgs », devraient voir le jour dans les prochaines décennies chez les plus riches, et ce, grâce aux innovations médicales et technologiques. C’est en tout cas ce que promettent les trans-humanistes. Il se posera alors un problème éthique : qu’est-ce qui fait que nous sommes des humains ? L’Homme apparaît fragile, vulnérable, exposé à tous les dangers. Surmontant pourtant les difficultés, il se met à inventer, penser, manier le verbe, écrire et communiquer. Mais l’Histoire de l’homme ne s’arrête pas là. Le voilà qui cherche désormais à dominer sa propre nature pour assurer la maîtrise de son destin. Lui, le faible, ambitionne désormais la toute-puissance au point de décider des formes qu’il pourraît prendre demain.

L’intelligence artificielle, la génétique, les nanotechnologies, l’informatique lui offrent les flammes modernes du feu de Prométhée pour devenir l’égal des dieux. Peut-on ainsi sans conséquence instrumentaliser le corps ? Que deviendrait l’espèce humaine affranchie de sa vulnérabilité, sa conscience, ses émotions, sa finitude qui furent les moteurs de son évolution ? Avec l’emprise des technologies nouvelles sur le corps ou l’esprit humain -biomédecine, nanotechnologies, fantasme de l’Homme augmenté, robotisation de l’Homme -la nature même de l’Homme n’est-elle pas mise en danger ?

À l’heure où notre espèce n’est pas loin d’entrer dans l’ère de la post-humanité, un cri d’alarme est lancé. Peut-on alors, sans risque pour l’humanité, ‘’combler’’ par la technique cette vulnérabilité constitutionnelle de son être et moteur de son évolution ?

Pour le professeur Mattei, « le vrai danger est le projet en cours d’instrumentaliser le corps humain et, au-delà, son esprit et sa conscience. Avec la tentation de réduire le corps humain à un simple agrégat d’organes que l’on pourrait remplacer jusqu’à atteindre ‘‘l’immortalité’’. Sommes-nous propriétaires de notre corps ou bien dépositaires d’une évolution qui le dépasse ? S’agit-il simplement d’un ensemble de pièces que l’on peut remplacer, ou d’une enveloppe que l’on pourrait changer ? Notre destin est-il, tout entier, inscrit dans nos gènes ? »  (8)

« Avec le développement des techniques de procréation médicalement assistée, l’enfant demeure-t-il un sujet de droit ou devient-il un objet auquel on aurait droit ? L’aventure humaine est-elle réellement menacée par le posthumanisme boosté par une intelligence humaine débridée ? ». Jean-François Mattei nous propose un retour à une culture du doute, nécessaire pour armer notre pensée face aux défis à venir. Après avoir passé en revue la question du statut du corps humain, le généticien dissèque les nuances entre « l’homme réparé », objectif premier de la médecine, et « l’homme augmenté » que les transhumanistes voudraient voir se réaliser. Il en appelle d’urgence à l’avènement d’une « robot-éthique ».(8)

Pour l’humanité, l’intelligence artificielle est peut-être plus dangereuse que les armes nucléaires. Il faut agir de manière très circonspecte avec la technologie. « Espérons que nous ne serons pas le chargeur biologique d’une super-intelligence numérique », disait Elon Musk. Même l’astrophysicien, le défunt Stephen Hawking, nous avait prévenu d’un trop grand développement de l’intelligence artificielle. Il appelait à faire attention à l’addiction à l’intelligence artificielle qui peut échapper à l’Homme.

Récemment, le 28 mars 2023, Elon Musk a une fois de plus attiré l’attention sur une intelligence artificielle débridée. Dans la lettre ouverte signée par plusieurs sommités, il a exhorté à suspendre sans délai, pendant au moins six mois, les recherches sur les systèmes d’intelligence artificielle plus puissants que GPT-4, le successeur du modèle sur lequel s’appuie ChatGPT.

Il faut « mettre en pause » l’avancée de l’intelligence artificielle. Ceux-ci souhaitent suspendre pendant six mois les recherches sur les systèmes plus puissants que GPT-4, le nouveau modèle de traitement du langage lancé mi-mars par OpenAI, l’entreprise à l’origine du robot conversationnel ChatGPT, qu’Elon Musk a lui-même cofondée. Le but ?  Elaborer de meilleurs garde-fous pour ces logiciels, jugés « dangereux pour l’humanité ». « Nous appelons tous les laboratoires d’IA à suspendre immédiatement pendant au moins 6 mois la formation de systèmes d’IA plus puissants que GPT-4.»(9)

Les systèmes d’IA contemporains deviennent maintenant compétitifs pour l’Homme dans les tâches générales. Devrions-nous automatiser tous les emplois, y compris ceux qui sont épanouissants? Devrions-nous risquer de perdre le contrôle de notre civilisation ? Des systèmes d’IA puissants ne devraient être développés qu’une fois que nous serons convaincus que leurs effets seront positifs et leurs risques gérables. Par conséquent, nous appelons tous les laboratoires d’IA à suspendre immédiatement pendant au moins 6 mois la formation de systèmes d’IA plus puissants que GPT-4. Cette pause devrait être publique et vérifiable, et inclure tous les acteurs-clés (…) ».(9)

Conclusion

Les promesses de la science concernant l’Homme réparé et l’Homme augmenté peuvent, si elles ne sont pas encadrées par un arsenal éthique, amener à la « fabrication de cyborg mi-homme mi-machine, voire pire encore, la création humaine de chimère mi-homme mi-animal. Il vient que la destruction génétique de l’humanité au profit d’une nouvelle espèce humanoïde, où la dimension mécanique sera prépondérante, serait peut-être l’une des causes de la disparition de l’humanité depuis qu’elle est apparue il y a 10 000 ans.

Nous n’allons pas terminer sur cette note triste et pessimiste sans montrer une belle facette de l’intelligence artificielle, grâce à laquelle la dixième symphonie inachevée de Beethoven a pu être complétée. Elle est aujourd’hui une œuvre finalisée, parachevée… Grâce à la collaboration fructueuse qui s’est nouée entre des musiciens et l’intelligence artificielle, les parties manquantes de la dixième symphonie de Beethoven ont été ajoutées, en restant le plus fidèle au style du compositeur, et cela, en revisitant ses précédentes œuvres.(10)

Contrairement aux nihilistes, à tous ceux qui pensent que l’aventure humaine est une suite de récits que l’humanité, dès la Préhistoire, met en œuvre pour chercher un sens à la vie. Ce sont donc, selon eux, des constructions humaines irrémédiablement vouées à des déconstructions.

Pour nous, la quête du bonheur de l’humanité va de pair avec les conquêtes positives de la science. Il n’en demeure pas moins que la science ne peut pas apaiser les angoisses de l’Homme, la lancinante question de la destinée humaine.

Seules les religions, les grandes spiritualités et la sagesse peuvent rasséréner cette angoisse métaphysique. Pour cela, à quelque spiritualité qu’il appartienne, l’Homme devra aller au-devant de l’inconnu avec sérénité et détermination. Il aura à se battre sur un double front : contre les prétentions scientifiques concordistes de certains théologiens et contre les extrapolations scientistes arrogantes de certains biologistes. (11)

Le salut de l’Homme serait dans une humilité devant le mystère de la symphonie secrète, aussi bien de l’infiniment petit que de l’infiniment grand, en rappelant que tout est « calculé » pour que la vie apparaisse, qu’il y ait un jour, qu’il y ait une nuit, qu’il y ait des saisons. Que la température soit supportable par l’Homme, encore que cette ère, qualifiée d’anthropocène, est en train de problématiser les conditions de vie dans les prochaines décennies.

Je me refuse cependant à croire que l’harmonie du monde puisse s’expliquer par le hasard qui fait qu’un beau matin, on a touché le bon lot à la loterie. Ce bon lot que la science, malgré ses avancées remarquables, n’est pas près de comprendre. La science avance, les mystères aussi. Une immanence doit veiller sur nous et, à ce titre, nous devons lui être reconnaissants. Restons humbles. C’est ce à quoi les religions nous appellent. Prenons soin de la Terre. (11)

D’où venons-nous ? On ne le sait toujours pas ! Par contre, l’autre épineuse question « où allons-nous ? » a trouvé sa réponse, si on confie le destin de l’humanité à l’intelligence artificielle. La révolution biotechnologique débridée risque d’aboutir à notre remplacement par des post-humains.

La déconstruction se fera graduellement, à moins d’un puissant coup d’arrêt imposé en haut lieu, par les instances dirigeantes des scientifiques. Car ce n’est pas un moratoire de six mois qui viendra à bout du rouleau compresseur de l’intelligence artificielle, dont les gourous que sont Baidu, Google, Amazon, Facebook ou encore Microsoft (pour ne citer que ces mastodontes) veillent à ne nous montrer que les aspects ludiques, mais ô combien profitables à ces mêmes entreprises…

Ce mois de piété ne devrait pas être seulement celui des nourritures terrestres et des excès qui les accompagnent. Il devrait être aussi, de mon point de vue, celui du ressourcement et des causeries scientifiques sur le sens de la vie et l’apport précieux des spiritualités, susceptibles d’éveiller les consciences sur les vrais dangers que représente l’utilisation débridée de l’intelligence artificielle. Quelles que soient les formes qu’elle revêt, ses applications, qui paraissent inoffensives, feront inexorablement des humains des citoyens sous influence.(11)

Ramadhan Karim 

Professeur émérite Chems Eddine Chitour
École Polytechnique, Alger

 

  1. http://www.islamophile.org/spip/Regles-et-signification-du-jeune.html
    2. Chems Eddine Chitour https://www.liberte-algerie.com/contribution/plaidoyer-pour-une-intelligence-artificielle-ethique-367400 28 Octobre 2021
    3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_artificielle
    4. Patrice Jichlinski https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-136/robotique-et-medecine-quel-avenir
    5. Chems Eddine Chitour https :// www. lexpressiondz. com/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/y-a-t-il-un-sens-moral-dans-leur-action-196208
    6.Tristan https://www.journaldugeek.com/2021/10/19/a-quoi-ressemblerait-le-monde-sil-etait-gouverne-par-une-ia/
    7. Yuval Noah Harari 21 leçons pour le XXIe siècle Éditeur Albin Michel
    8. Jean-François Mattei Questions de conscience. De la génétique au posthumanisme. Éditions les Liens qui libèrent 2017.
    9. Pause Giant AI Experiments : An Open Letter – Future of Life Institute
    10. https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-industrie-c-est-fou-quand-l-intelligence-artificielle-permet-de-completer-la-dixieme-symphonie-inachevee-de-beethoven.N1147657
    11. Chems Eddine Chitour La Condition humaine à l’épreuve de la science. Édits Chihab 2021. Article de référence  Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/les-risques-de-deconstruction-de-l-humanite-par-l-intelligence-artificielle-debridee-97124 03-04-2023

 

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Un commentaire

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  1. L’intelligence artificielle peut réaliser de véritable prouesse mais est incapable de définir et défendre le sacré .

    Qu’est ce que le sacré ?

    Le sacré, est-il nécessairement une question religieuse ? Ou bien a-t’il une notion plus large ? “Toute entité matérielle ou immatérielle , à qui l’on accorde une valeur intrinsèque inestimable ,essentielle au fondement et à l’équilibre de la vie est quelque chose de sacré”. Voilà peut-être une définition qui peut convenir à ce terme devenu un peu à la fois tabou et ambigu dans notre société. Mais une fois qu’on a dit ça , que peut-on intégrer dans cette définition ? la foi reste un élément essentiel à la vie pour bon nombre de personnes dans le monde. Mais on peut considérer aussi que la famille est sacré , la nature également , ainsi que l’eau et la terre. Les valeurs d’une personne, d’une nation également sont sacré, ansi que l’intérêt collectif. Certains considérent leur voiture ou leur TV comme sacré , mais sont-ils fondamentales à la vie ? Et l’argent est-il sacré ? Non car celui- ci peut se remplacer par le troc , ou par une monnaie numérique par exemple . Ce qui nous donne donc une seconde définition que l’on peut fixer : “Le sacré est quelque chose qui ne se remplace pas”. Donc la santé aussi, est quelque chose de sacré, mais pas l’argent . Notre patrimoine historique , litteraire et artistique également , ne peut se remplacer. Nous considérons toutes ces notions comme sacré, non pas parcque elles soient indiscutables , ou qu’elles soient hors de porté de la critique, mais parcque nous leur accordons une valeur inestimable. Mais alors si nous sommes à peu prêt tous d’accord pour désigner ce qui est sacré ou pas , pourquoi ce dernier est il complètement ignoré ou bafoué ? C’est peut être pour la simple raison que ce sanctuaire qui a été sacré pendant très longtemps ne l’ai plus aujourd’hui. Le sacré a donc encore une place dans la société, puisque nous admettons tous, que celui-ci existe.

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