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Le Prophète Muhammad (QSSL) dans Wikipédia. Un égarement « islamologiste »

L’article de Wikipédia en français consacré au Prophète Muhammad (QSSL) et ayant pour titre « Mahomet » suscite l’étonnement et des questionnements sur son « bien-fondé », car une telle publication est clairement affiliée à l’islamologie moderne, promue principalement par des islamologues occidentaux qui ne connaissent rien à l’Islam ou si peu…

La plupart d’entre eux, en effet, ne maîtrisent pas la langue arabe et ne sont pas imbus par l’esprit et la finalité de notre religion, qui est à la fois authentique et universelle.

Par ailleurs, les idées soutenues dans cet article sont très discutables, tant sur un plan intellectuel qu’historique. C’est dire que l’islamologie enseignée dans les universités occidentales est basée sur des fondements erronés, qui ne cadrent pas avec l’Islam comme religion et comme civilisation.

Il est aussi impérieux d’attirer l’attention sur les visées obscures d’un tel article, car il s’adresse à un public francophone, déjà passablement abreuvé de préjugés et propagande islamophobes, qui méconnaît par trop la genèse de l’Islam et la vie de son Prophète. Un public cible qui risque fort d’être à nouveau trompé sur la véracité de sa mission et de son message.

Nous allons, dans cet article, nous concentrer sur les affirmations et les thèses les plus problématiques et les plus inacceptables pour l’Islam qui y sont véhiculées.

La définition réductrice de départ

D’abord, l’article de Wikipédia évoque une certaine communautarisation et une sanctuarisation de l’Islam, de sorte que la religion musulmane n’est considérée comme vraie et admise comme vraie que par des musulmans convaincus et non dans l’absolu, c’est-à-dire comme la religion révélée et universelle qu’elle est intrinsèquement. « Les musulmans le considèrent comme un prophète, le dernier de la religion abrahamique ».

On a affaire ici à une approche épistémologique basée sur ce que pensent des personnes (les musulmans en l’occurrence), et non sur ce qui est vrai dans la réalité. Ce n’est donc pas une approche ontologique ni même métaphysique, c’est-à-dire cherchant ce qui est réel et vrai.

Une telle phrase introductive jette le doute sur l’ensemble du monothéisme. Si on dit que Jésus et Moïse sont considérés comme des prophètes par les chrétiens et les juifs, alors on n’est pas certains que le christianisme et le judaïsme soient des religions monothéistes révélées.

Pourtant, ces religions, et plus particulièrement l’Islam, ont remplacé complètement les polythéismes qui ont existé avant elles, ce qui prouve que le message monothéiste de l’Islam a changé l’histoire de l’humanité, puisqu’il a mis fin au polythéisme en Asie et au Moyen-Orient, d’abord à la fin de la prédication du Prophète et ensuite lors de l’expansion de l’Islam.

Affirmer simplement que chaque prophète est considéré comme tel, par ceux qui ont cru, devrait s’appliquer même à une religion polythéiste, puisque les Egyptiens ont voué un culte à Osiris, une sorte de prophète de leur religion, et les Grecs à Apollon.

Croire à une religion n’est pas suffisant. Il faudrait aussi que cette religion s’impose dans le monde, ce qui est le cas de l’Islam. 

La conquête militaire à elle seule ne suffit pas à faire diffuser une religion. Où sont l’empire d’Alexandre le Grand ou celui de Gengis Khan aujourd’hui ? Le premier a complètement disparu en Orient, remplacé par les empires romain, parthe, sassanide et puis par le christianisme et l’Islam. Quant au second, c’est aussi l’Islam qui l’a absorbé en Perse et en Asie Centrale. Le monothéisme et l’Islam qui en est le plus récent et le plus dynamique vecteur ont complètement dominé le monde, si ce n’est des tentatives qui ont soit avorté, à l’instar de l’idéologie communiste, soit en se manifestant discrètement, voire sournoisement, comme l’athéisme occidental.

Par conséquent, cet article aurait mieux fait de tenir compte de cette réalité et de ne pas considérer l’Islam comme une croyance d’une communauté, rien de plus. Il aurait été plus honnête de se contenter de cette introduction : « Muhammad (QSSL) est le prophète de l’Islam qui a été révélé aux musulmans et à l’ensemble des peuples monothéistes ».

Le prétendu problème de l’historicité de la biographie du Prophète Muhammad

Il y a aussi cette affirmation triomphaliste et outrecuidante qui sert d’avertissement méthodologique, mais qui témoigne en vérité de ses motivations islamologiques douteuses : « La figure traditionnelle de Mahomet et le récit de sa vie transmis par les traditions religieuses ont commencé à être réinterrogés à partir du xxe siècle, moyennant la méthode historico-critique qui met en lumière plusieurs « zones grises » dans la biographie de Mahomet[1] ».

Il ne faudrait pas être intimidé par une telle annonce prétendument scientifique. Lorsqu’on parle de biographie du Prophète, on a affaire à de l’histoire. L’écriture de l’histoire, en tant que science sociale, n’est autre que l’établissement de relations entre un certain nombre d’éléments pertinents qui déterminent l’existence d’une personnalité historique et le déroulement de sa vie ou d’un évènement structurant dans l’histoire. Ces relations permettent de déterminer les causes de quelque chose de significatif en histoire.

La vie du Prophète Muhammad, les décisions de ses compagnons après sa mort, le rôle du Coran, comme fondement de l’histoire de l’Islam, et les actions des musulmans quelques siècles après sont des éléments qui peuvent être reliés de manière cohérente.

Ainsi, on n’a nul besoin d’une étude « historico-critique » sur la vie du Prophète, ainsi que le le suggère cet article, parce que les relations causales entre les évènements historiques de sa vie sont bien déterminées.

C’est pour cette raison qu’Ernest Renan (cité dans cet article), qui a dit un jour que l’Islam était né « en pleine lumière » et que l’authenticité de la vie du Prophète et de la lutte de ses compagnons dans la diffusion de l’Islam ne fait aucun doute, est remis en cause, selon cet article, par des travaux peu précis attribués à Theodor Nöldeke et à Shoemaker. Ces derniers ayant manifestement développé une approche plus critique.

Selon l’article de Wikipédia, il est « largement admis dans les études occidentales sur les origines de l’islam que quasiment rien de ce qui est rapporté par les sources musulmanes anciennes ne peut être considéré comme authentique et que la plupart des éléments au sujet de Muhammad et de ses Compagnons contenus dans ces récits doivent être considérés avec beaucoup de méfiance[2]».

L’article rapporte également cette citation de Stephen Shoemaker : « Nos chances d’en savoir plus sur la figure historique de Muhammad avec un quelconque degré de fiabilité demeurent […] très faibles[3]» mais aussi celle d’Olivier Hanne qui déclare : «.. Pour les spécialistes, la biographie de Mahomet est impossible. Non que le personnage n’ait pas existé, mais qu’aucun des documents qui en retracent le parcours ne répond aux exigences de l’histoire[4]».

Alors que les preuves historiques sur les grands personnages du passé ne sont pas aussi « neutres » et « objectives », comme on peut s’y attendre, le témoignage historique des compagnons du Prophète de l’Islam et des historiens musulmans est, lui, vraiment objectif et cohérent sur les débuts de l’Islam, puisque ces derniers n’ont jamais fait mystère des dissensions et autres divergences entre les différentes factions islamiques, de la guerre civile qui éclata lors du califat d’Ali, le dernier Calife bien guidé, et ont fait le récit détaillé de la révélation coranique, qui s’est déployée durant les différentes phases de la prophétie de Muhammad.

Ces historiens impartiaux ont d’ailleurs bien retracé les erreurs politiques d’Ali, qui provoquèrent son échec devant la faction hostile des Omeyyades. Ils ont également évoqué, avec une empreinte émouvante, des épisodes marqués par une forte critique du Prophète par ses adversaires.

Alors que l’histoire du christianisme manque d’un enchaînement causal qui permet de relier les évènements historiques, surtout concernant ce qu’on appelle le christianisme primitif (la véritable vie de Jésus QSSL) et le christianisme historique ecclésiastique qui n’est que la synthèse entre le judaïsme, la civilisation romaine et la philosophie grecque, les débuts de l’Islam, la réalité de nos connaissances sur le Prophète Muhammad et la source divine du Coran sont des éléments historiques, dont la réalité est indiscutable. Sur  ce point, Renan avait parfaitement raison.

Les historiens musulmans ont raconté l’histoire du Prophète de manière très précise. On dispose donc de nombreux témoignages sur sa vie et sur de nombreux aspects de sa mission. Ceux parmi les islamologues qui réfléchissent sur la genèse du Coran et qui évoquent une évolution du texte coranique par plusieurs étapes jusqu’à sa codification définitive qui ne prendra fin, selon eux, qu’à une époque tardive avec la destruction de toute recension jusqu’à l’époque omeyyade (entre 685 et 705), ignorent peut-être que des historiens musulmans comme Al-Shâhristani, Al-Djawzi et Al-Tabari ont écrit des histoires sur les débuts de l’Islam qui sont basées sur le récit des compagnons du Prophète et d’autres sources fiables.

Leur témoignage est tellement important qu’il nous permet de comprendre l’histoire de l’Islam de la manière la plus analytique et la plus cohérente possible. Leur récit des dissensions entre les musulmans durant les guerres civiles entre Ali et Muawiya, entre Ali et les Khawaridj et entre Ali et Aïcha, l’épouse du Prophète sont d’une objectivité sans pareil.

Il faut dire que même si la codification du Coran et la disparition des codex disparates ont pris du temps, il n’en demeure pas moins que l’esprit de préserver le texte coranique est demeuré vivace chez les musulmans.

Les musulmans n’ont manifesté aucun désir de dissimulation et de manipulation, étant donné que ces pratiques étaient contraires à leurs habitudes tribales, à la différence du christianisme qui a connu des révolutions, des résistances et des combats sans merci entre des factions religieuses différentes.

On connaît tous les circonstances énigmatiques de la rédaction des bibles et de leurs auteurs, le problème des écritures dites apocryphes, sans parler de la Bible de Barnabé et des manuscrits de la mer morte. Rien de tel chez les tribus arabes, qui n’avaient aucune raison de dissimuler et de revendiquer des recensions différentes du Coran, ce qui a d’ailleurs facilité grandement la destruction des recensions à l’époque d’Uthman et des Omeyyades.

Comment peut-on aussi naturellement et avec une telle sincérité ne rien cacher des échecs sur la vie du Prophète, si ce qui est raconté dans ce récit n’est pas objectif ? En revanche, est-ce que dans la Guerre des Gaules racontée par César, ce dernier parle de ses échecs ? Est-ce que Ramsès a parlé de sa défaite à Qadesh ?

Pourtant, les compagnons du Prophète et les historiens musulmans qui sont venus après eux n’ont pas hésité à parler honnêtement des échecs du Prophète dans une description très réaliste. Voici un exemple édifiant : dans l’ouvrage d’Al-Shâhristani, Al Mil’al ou al-Nihal (livres des factions musulmanes), on trouve une référence aux propos d’Al-Khuwaisiri al-Tamimi qui a dit au Prophète Muhammad « Rend justice Muhammad, tu n’as pas été vraiment juste ».

En entendant cela, le Prophète a dit : « Si je ne suis pas juste, qui pourrait l’être ». La vanité de son ennemi était telle que ce dernier a répondu au Prophète « Ceci est un jugement que je n’utilise pas en faveur d’Allah Le Très-Haut ». Un tel récit sur cette invective adressée au Prophète ne peut être une fausse preuve ? Aucun historien moderne n’aurait pu faire la même chose au sujet d’un personnage aussi important, de surcroit sacré.

Al-Shâhristani évoque même un épisode intéressant, raconté par l’Imam Abu Muhammad ben Ismaël al-Bokhari, en s’appuyant sur le récit d’Abdallah ben Abbas : « Lorsque le Prophète était très malade au point que sa mort s’en est suivie, il a dit « Qu’on me ramène un parchemin et une plume pour que je puisse vous laisser un livre grâce auquel vous n’allez pas vous égarer ». C’est alors que Omar ibn al-Khâtab a affirmé « Le Prophète est très malade. Il nous suffit d’avoir le Livre [Le Coran] ». Après ces propos, un certain vacarme s’est instauré autour du Prophète. C’est alors que ce dernier a dit « Sortez d’ici, je n’accepte point la discorde » ».

Un tel récit montre que les musulmans ne sont pas attirés par les récits mélioristes, mais par la vérité toute simple. Le Prophète n’était qu’un homme après tout, et lui aussi était confronté aux défis de l’existence et de sa mission, avec ses hauts et ses bas, jusqu’à la réussite finale qu’on connaît. De tels récits sont nombreux. On en trouve également chez Al-Tabari et Al-Djawzi.

Lors des premières expéditions contre les Byzantins, le Prophète ordonna de préparer l’armée d’Oussama. Or, un groupe de personnes justifièrent leur inaction en évoquant sa maladie qui ne permettait pas, selon eux, de le laisser seul pour aller combattre, préférant  attendre pour voir ce qu’il allait advenir de son état de santé. Là aussi, c’est un témoignage très réaliste sur la fin de vie du Prophète Muhammad.

Abordons maintenant un épisode sur les débuts de l’Islam, qui a été bien relaté par Al-Tabari (839-923), historien et commentateur sunnite, et qui prouve que le Prophète ne peut pas être l’auteur du Coran.

Il nous explique de la manière la plus harmonieuse le lien entre la sourate « l’Étoile » et un évènement qui s’est déroulé à la Mecque. « Alors fut révélée au Prophète la sourate de l’Étoile. Il se rendit au centre de la Mecque, où étaient réunis les Quraychites, et récita cette sourate. Lorsqu’il fut arrivé au verset 19 : ” Que croyez-vous de al-Lat, de `Uzza et de Manat, la troisième ? Est-il possible que Dieu ait des filles, et vous des garçons ? La belle répartition des tâches que ce serait là… ” Iblîs vint et mit dans sa bouche ces paroles : ” Ces idoles sont d’illustres divinités, dont l’intercession doit être espérée. “Les incrédules furent très heureux de ces paroles et dirent : ” Il est arrivé à Muhammad de louer nos idoles et d’en dire du bien. “… Le lendemain, Jibril vint trouver le Prophète et lui dit : ” Ô Muhammad, récite-moi la sourate de l’Étoile. ” Quand Muhammad en répétait les termes, Gabriel dit : ” Ce n’est pas ainsi que je te l’ai transmise ? J’ai dit : “Ce partage est injuste”. Tu l’as changée et tu as mis autre chose à la place de ce que je t’avais dit. 

 Le prophète, effrayé, retourna à la mosquée et récita la sourate de nouveau. Lorsqu’il prononça les paroles :” Et ce partage est injuste ” Le Prophète fut très inquiet et s’abstint de manger et de boire pendant trois jours, craignant la colère de Dieu. Ensuite Gabriel lui transmit le verset suivant : “Nous n’avons pas envoyé avant toi un seul Prophète ou envoyé sans que Satan n’ait jeté à travers dans ses vœux quelque désir coupable ; mais Dieu met au néant ce que Satan jette à travers, et il raffermit ses signes (ses versets)[5] ».

Cette histoire démontre à quel point les historiens musulmans sont imprégnés par les récits du Coran, qui est le texte fondateur de l’Islam dans une sorte de continuum entre les versets coraniques, la vie du Prophète Muhammad et leur propre récit.

Un tel continuum nous fournit la meilleure explication sur le déroulement des évènements des débuts de l’Islam. Cette histoire prouve que le Prophète et les musulmans n’ont pas eu peur de faire allusion à la tentative diabolique dont il a été la cible, visant à l’association avec les divinités polythéistes, eux qui ont été enracinés dans une puissante croyance envers Allah Le Très-Haut.

Aucune autre religion n’aurait pris un tel risque. Dans la vie de Jésus racontée par les théologiens chrétiens, on décrit ce dernier comme étant totalement invulnérable devant les tentations du démon.

La thèse révisionniste de la « rareté des documents mentionnant le Prophète » après sa mort

Voyons maintenant une autre thèse, souvent évoquée, qui est la rareté ou l’inexistence de données matérielles mentionnant le Prophète Muhammad. L’article de Wikipédia se nourrit de cette thèse, comme un « ténébrion dans la farine ».

Voici ce qu’il en dit : « Les plus anciennes données matérielles qui mentionnent  « Muḥammad » remontent à une cinquantaine d’années après la mort du Prophète : en 685 (an 66 de l’hégire) sur une drachme arabo-sassanide sur une pierre tombale égyptienne et en 692, sur une inscription figurant sur le dôme du Rocher de Jérusalem..[6] ».

Selon d’autres auteurs, le terme Mhmd de la pièce de monnaie arabo-sassanide ne fait même pas référence à Muhammed (QSSL), mais signifie plutôt « le béni », terme utilisé pour désigner Jésus[7].

Ce qui est vraiment étonnant et complètement scandaleux, c’est que des auteurs malintentionnés tirent de cette soi-disant rareté des documents matériels citant le Prophète des conclusions théoriques absurdes, telle la thèse farfelue de Yehuda Nevo, un archéologue israélien, selon laquelle, « le nom de Mahomet apparaît tardivement lorsque les autorités décidèrent à la fin du viie siècle de créer un prophète arabe pour asseoir leur pouvoir[8] ».

Des auteurs moins provocateurs, mais néanmoins révisionnistes, s’accordent sur l’hypothèse selon laquelle le nom de Muhammad commence à être utilisé seulement à partir du califat omeyyade de Marwän (qui débute en 65 de l’hégire), et sur le fait qu’une image a été progressivement construite et idéalisée du Prophète forgée aux viiie et au xe siècles[9].

Aucun de ces auteurs révisionnistes pour l’histoire de l’Islam ne s’est posé une question simple : dans une société nouvellement unifiée par le Prophète par plusieurs tribus arabes dans la Péninsule arabique, on n’a pas affaire à une vie très documentée. Par ailleurs, les premiers califes musulmans ont suivi la ligne de conduite du premier calife Abu Bakr.

À la mort du Prophète, Omar ibn Al-Khâtab déclara : « Celui qui affirme que le Prophète est mort, je le tuerai avec mon épée. Il a été élevé au Ciel comme Jésus. ». C’est alors qu’Abou-Bakr a dit « Pour celui qui adore Muhammad, Muhammad est mort. Quant à celui qui adore le Dieu de Muhammad, alors le Dieu de Muhammad est vivant et il ne meurt jamais » et il a cité ce verset du Coran « Muhammad n’est qu’un messager – des messagers avant lui sont passés – s’il mourait, donc, ou s’il était tué, retourneriez-vous sur vos talons ? Quiconque retourne sur ses talons ne nuira en rien à Allah ; et Allah récompensera bientôt les reconnaissants (Sourate Al-Imran, verset 144)[10] ».

Quel beau témoignage des débuts de l’Islam reflété dans ce verset ! Il nous permet de comprendre qu’en fait, ce qui compte dans l’étude de l’histoire d’une religion, ce ne sont pas de trompeuses preuves matérielles ou documentaires, mais plutôt une explication cohérente du déroulement des évènements historiques.

Or, dans cet épisode de la mort du Prophète, on possède une explication de ce qui s’est passé réellement durant les époques ultérieures. Une telle explication est, de surcroît, corroborée par le Coran.

Si l’on ne trouve pas de témoignages écrits sur le Prophète ou des références documentaires et iconographiques sur lui durant le gouvernorat de Muawiya en Syrie, ni dans la numismatique omeyyade au début de cet empire musulman, c’est parce que les musulmans ont décidé, sur l’injonction d’Abu Bakr, de ne pas diviniser le Prophète Muhammad, et encore moins de le sacraliser comme l’on fait les chrétiens avec Jésus.

Cette attitude, à la fois rationnelle et courageuse, explique pourquoi le Prophète Muhammad n’a pas été inhumé à La Mecque, sa cité natale et séculaire, ni à Jérusalem où plusieurs prophètes ont été inhumés, comme il a été réclamé par plusieurs factions islamiques.

Finalement, les musulmans ont appliqué à la lettre ce qu’il avait proclamé dans un hadith. « Les prophètes sont enterrés là où ils meurent ». Le Prophète a également souligné : « Nous les prophètes, nous ne sommes pas hérités et ce que nous laissons n’est qu’une aumône ».

C’est pour cette raison que les premiers musulmans n’ont pas laissé des documents écrits ou des icônes sur le Prophète. Les axes majeures des débuts de l’Islam sont la non « divinisation » du Prophète, la décision de ce dernier de déclencher la lutte pour la diffusion de l’Islam au Moyen-Orient (le témoignage sur l’expédition d’Oussama lorsque la maladie l’a affaibli est sans équivoque), la pureté, l’authenticité et le pragmatisme de sa vie qui sont particulièrement reflétés dans les difficultés rencontrées durant sa grande mission, le recours fréquent des musulmans aux versets coraniques pour trouver des solutions dans la pratique de leur religion, l’existence de nombreux hadiths et de citations des compagnons du Prophète retraçant sa vie, mais surtout le lien étroit entre de nombreux versets et les différents contextes entourant les débuts de l’Islam.

La thèse « islamologiste » des influences juives et chrétiennes sur la genèse de l’Islam : une réfutation basée sur le texte coranique

Il y a une dernière thèse problématique sur l’existence et la vie du Prophète relayée par l’article de Wikipédia, et qui remet en cause le récit d’un prophète évoluant dans un milieu marqué principalement par le polythéisme, en qualifiant un tel récit d’apologétique visant à prouver l’origine divine de l’Islam. Ces auteurs mettent plutôt l’accent sur des influences juives et chrétiennes, en syriaque, sur la genèse de l’Islam.

Dans cet article, un auteur est souvent cité : Olivier Hanne. Ce dernier aurait décelé des traits christiques et des réminiscences bibliques dans le récit du Prophète, sur la base des traces écrites sur papyrus trouvées dans la région de la mer Morte, dont les propriétaires sont, selon cet auteur, des convertis influencés par leur culture ancestrale (chrétienne)[11].

On peut balayer ces thèses d’un revers de main, en affirmant qu’il y a de grandes différences entre le Nouveau Testament, texte chrétien par excellence, et le Coran, texte révélé au Prophète Muhammad[12].

Dans la Bible, il est clairement fait mention à la doctrine du péché originel qui remonte à Adam, lequel a mangé le fruit d’un arbre interdit. Il semble que dans la Bible, il n’y a aucune rédemption à ce péché.

Adam et Eve ont habité le Paradis et ont été autorisés à manger ce qu’il y avait de bon à manger. Il semble que dans la religion chrétienne, il y a un sentiment de culpabilité des hommes, qui sont devenus responsables du pêché d’Adam et d’Eve, c’est-à-dire une croyance dans une humanité pécheresse éternellement, qui n’est sauvée que par le salut de Jésus.

À rebours de ces interprétations culpabilisantes et radicales, le Coran enseigne que Dieu est miséricordieux et qu’il a pardonné à Adam et à Eve. Admirons de près ce que le Coran nous dit à ce sujet :

« Et Nous dîmes :O Adam ! Habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous-en de partout à votre guise ; Mais n’approchez pas de l’arbre que voici, sinon vous seriez du nombre des injustes”. Peu de temps après, Satan les fit glisser de là et les fit sortir du lieu où ils étaient. Et Nous dîmes : “Descendez (du Paradis) ; ennemis les uns des autres. Et pour vous il y aura une demeure sur la terre, et un usufruit pour un temps. Puis Adam reçut de son Seigneur des paroles, et Allah agréa son repentir, car c’est Lui certes, l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux[13]».

Contrairement au dogme du péché originel, Dieu a pardonné à Adam et à Eve. Dans ces versets, on constate également que c’est le diable qui a tenté ces deux premiers hommes au Paradis et que, par conséquent, c’est lui le plus grand ennemi des hommes. Au lieu de se culpabiliser, les hommes doivent se prémunir des tentations du diable. Par ailleurs, rien n’a été interdit à Adam et à Eve dans le Paradis. Par déduction, rien n’est interdit aux hommes, hormis quelques interdits qui ont été instaurés pour leur bien.

La vie au Paradis a pour miroir la vie sur Terre. L’homme n’a pas hérité d’un péché originel, dont il ne peut se libérer. Bien au contraire, il est libre de jouir de tout ce qui bon sur Terre.

Au lieu d’un dogme inébranlable du péché, Dieu a instauré une liberté de jouir de ses bienfaits sur Terre. Il a juste montré aux hommes, à titre d’exception, quelques interdits dont la transgression nuirait à l’humanité.

On peut admirer cette logique universelle dans ce verset : « …Mangez et buvez de ce que Dieu vous accorde ; et ne semez pas de troubles sur la terre comme des fauteurs de désordre[14] ».

Le dogme du péché original est susceptible de décourager l’humanité en l’entravant avec des chaînes lourdes. Au contraire, le Coran libère l’homme et lui montre la voie salutaire pour connaître la béatitude dans l’Au-delà, par la raison et par le Livre révélé.

Voici ce que nous dit le Coran : «Nous dîmes : “Descendez d’ici, vous tous ! Toutes les fois que Je vous enverrai un guide, ceux qui le suivront n’auront rien à craindre et ne seront point affligés[15] ».

Il est même possible que le fruit défendu soit le symbole de ce qui est interdit sur Terre. Il y a toujours une limite à l’action humaine, au-delà de laquelle la vie ne serait plus possible. Les interdits, cités dans le Coran, visent à sauver l’homme de la déchéance et de l’égarement qui lui feraient perdre les bienfaits de Dieu sur terre. Adam et Eve devaient ainsi être familiarisés avec l’idée de l’interdit.

D’ailleurs, Allah, le Très-Haut, a enseigné à Adam tout ce qu’il devrait savoir pour vivre en paix. C’est encore le Coran qui nous l’apprend : « Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges : “Je vais établir sur la terre un vicaire “Khalifat”. Ils dirent : “Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?” – II dit : “En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas !” Et II apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis II les présenta aux Anges et dit : “Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques[16] ».

Au lieu que toute l’humanité soit responsable du péché d’Adam, elle devra faire face à son propre destin en suivant le Livre révélé et prendre conscience que le péché d’Adam est un avertissement pour tous ceux qui sont confrontés au choix difficile entre le bien et le mal.

La vie et l’exécution des bonnes œuvres et des meilleures actions sur terre ne peuvent être possibles avec une telle accusation. L’homme est un être prophétisé, et non une créature damnée éternellement.

La théorie du péché originel est une création humaine. Ce sont les théologiens chrétiens qui l’ont inventée, au lieu qu’elle soit une révélation à l’instar du récit biblique sur les massacres des habitants des cités conquises par Moïse et Josué, qui sont des inventions d’auteurs bibliques anonymes. D’ailleurs, ces récits guerriers de l’Ancien Testament ont été édulcorés et amplifiés par des rédacteurs bibliques durant toutes les époques marquées par les souffrances du peuple juif (déportation à Babylone, invasion assyrienne, protectorat romain, etc.).

Ces évènements n’ont rien à voir avec la véritable révélation divine qui est hautement pacifique et humaniste. On ne cesse de le répéter : l’Islam est le meilleur exemple d’une religion marquée par ces valeurs.

Il y a également une grande différence entre le Coran et la Bible concernant la naissance et le statut de Jésus comme prophète ou fils de Dieu.

Il y a des révélations bibliques sut l’annonciation qui fait dire à l’archange Gabriel :  « Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu ». Il y a aussi le témoignage de Jean-Baptiste durant le baptême du Christ. Il est écrit dans la Bible « … Le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix fit entendre du ciel ces paroles : Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis toute mon affection[17] ».

En fait, tout ce que Jean-Baptiste a dit ce sont ces mots : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui[18] ». Or, ces mots ne veulent pas dire que Jésus soit le Fils de Dieu.

Dans le Coran, Dieu dit : « 16. Mentionne, dans le Livre (le Coran), Marie, quand elle se retira de sa famille en un lieu vers l’Orient. 17. Elle mit entre elle et eux un voile. Nous lui envoyâmes Notre Esprit (Gabriel), qui se présenta à elle sous la forme d’un homme parfait. 18. Elle dit : « Je me réfugie contre toi auprès du Tout miséricordieux. Si tu es pieux [ne m’approche point]. ».19. Il dit : « Je suis en fait un Messager de ton Seigneur pour te faire don d’un fils pur ». 20. Elle dit : « Comment aurais-je un fils, quand aucun homme ne m’a touchée, et que je ne suis pas prostituée ?».21. Il dit : « Ainsi sera-t-il ! Cela M’est facile, a dit ton Seigneur ! Et Nous ferons de lui un signe pour les gens, et une miséricorde de Notre part. C’est une affaire déjà décidée[19] ».

Dans ces versets coraniques, il n’est pas fait allusion à la notion de fils de Dieu, mais seulement à la naissance de Jésus en le considérant comme un signe pour les gens et une miséricorde. Jésus occupe une grande place parmi les prophètes et les messagers de Dieu, mais il ne fut pas le Fils de Dieu et il nous le dit lui-même, comme le démontrent les versets cités plus haut.

Par ailleurs, dans le Coran, il est expliqué que ces miracles ont été en fait provoqués par la puissance divine, qui a brisé les lois physiques et le principe de causalité ,afin de fortifier la confiance des gens à propos du message divin. Dans le Coran, le mot « permission » a été utilisé à plusieurs reprises concernant les miracles.

Regardons de près ce verset : « 110. Et quand Allah dira : “Ô Jésus, fils de Marie, rappelle-toi Mon bienfait sur toi et sur ta mère quand Je te fortifiais du Saint-Esprit. Au berceau tu parlais aux gens, tout comme en ton âge mûr. Je t’enseignais le Livre, la Sagesse, la Thora et l’évangile ! Tu fabriquais de l’argile comme une forme d’oiseau par Ma permission ; puis tu soufflais dedans. Alors par Ma permission, elle devenait oiseau. Et tu guérissais par Ma permission, l’aveugle-né et le lépreux. Et par Ma permission, tu faisais revivre les morts. Je te protégeais contre les Enfants d’Israël pendant que tu leur apportais les preuves. Mais ceux d’entre eux qui ne croyaient pas dirent : “Ceci n’est que de la magie évidente[20]“. C’est donc Dieu qui a provoqué le processus non causal sous-jacent à ces miracles.

Ainsi, le Christianisme et l’Islam diffèrent substantiellement sur la vérité de ce qui s’est passé réellement dans la vie de Jésus. D’abord, les deux religions ne sont pas tombées d’accord sur la divinisation de Jésus, sur l’existence ou pas de la Trinité, et sur les miracles de ce messager. C’est une différence à la fois ontologique (la vérité historique des évènements) et épistémologique (sur notre compréhension de ces évènements).

L’autre question importante qui représente une véritable ligne de démarcation nette entre la Bible et le Coran est la crucifixion de Jésus.  En fait, Jésus n’a pas été tué. Il a été simplement élevé aux cieux. Comment peut-on tuer un prophète protégé par le Saint-Esprit ?

Celui-ci n’est pas, comme l’ont imaginé des théologiens chrétiens comme Saint-Augustin, une déité intégrée dans la Trinité, mais une entité protectrice ou un ange doté des plus grands pouvoirs. Les messagers ne peuvent pas être tués, parce que leur rôle est de transmettre et de diffuser un livre révélé. Ils sont donc protégés par Dieu jusqu’à la transmission de leur message.

Dans leurs récits bibliques et théologiques, notamment sur la crucifixion, les auteurs n’ont fait que mélanger leurs idées empruntées à la philosophie grecque et les croyances les plus fortes et les plus institutionnelles de la culture romaine avec les enseignements du Nouveau Testament qui est, dans sa version actuelle, une synthèse de ces éléments.

À ceux-ci, il faudrait bien sûr y ajouter les dogmes tardifs du judaïsme, parsemés d’interdits de toutes sortes et de croyances sacrificielles à l’extrême qui s’expliquent par les souffrances endurées par le peuple juif à travers les différents épisodes historiques (déportation à Babylone, invasion assyrienne, colonisation séleucide, etc.). Leurs révoltes ont également tourmenté l’esprit de ces auteurs bibliques. La crucifixion représente le paroxysme de l’agitation éprouvée par cet esprit tourmenté.

C’est dans le Coran, encore une fois, qu’on trouve une réponse précise à ce problème de la crucifixion : « Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié ; mais ce n’était qu’un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude : ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué, Mais Allah l’a élevé vers lui, et Allah est puissant et sage[21] ».

Sur ce sujet délicat, certains islamologues[22] cultivent une incertitude qui affecte notre compréhension de ce verset coranique. Ce dernier est bien clair : Jésus n’a pas été tué et mis sur la croix. On peut bien entendu débattre de la partie du verset qui parle de l’incertitude et du faux-semblant. Or, ces islamologues affirment que le Coran ne nie pas la mort de Jésus et que c’est dans l’interprétation ou l’exégèse du Coran (Tafsir) que la crucifixion de Jésus est relatée.

Disons tout de suite que ces affirmations sont absurdes. Le Coran dit explicitement que Jésus n’a pas été crucifié, ce qui semble pour nous tout à fait logique, en raison de la protection du Saint-Esprit. Les notions de faux-semblant « walakin choubbih alahoum » (mais ceci leur a semblé ainsi) et d’incertitude méritent une explication, mais elles ne sont pas ambiguës.

Un faux-semblant veut dire simulacre ou apparence trompeuse. Ce verset coranique ne signifie pas que c’est Dieu qui a décidé que Jésus soit mis sur la croix, comme le laisse penser certaines citations d’islamologues qui se basent sur le fait que c’est Dieu qui intervient dans l’histoire et non les juifs ou les romains[23].

Jésus n’a pas été crucifié en raison d’un simulacre provoqué sur la croix ou d’un sosie qui a été placé sur la croix à sa place. On trouve dans la tradition que c’est l’Iscariote qui a été crucifié, alors qu’il est apparu aux Juifs sous la forme et les apparences de Jésus.

Il se peut aussi que les témoins de la scène aient été conduits à voir la crucifixion comme une réalité, alors qu’elle ne fut qu’une illusion ou une apparence, un faux-semblant.

Ce qui s’apparente à « une ruse de Dieu », qui a ainsi trompé les juifs sur la crucifixion de Jésus, peut s’expliquer plus généralement par la rupture du pacte entre Dieu et les Juifs. En effet, la tentative de tuer Jésus a marqué l’abandon définitif par Dieu du pacte historique avec les juifs. Historiquement parlant, après Jésus, il n’y aurait plus de prophètes juifs.

Le pacte a été transféré aux arabes avec le prophète Muhammad. Ce n’est pas la mort de Jésus qui explique cette rupture, mais la tentative de le tuer. Ce grave péché s’ajoute à l’assassinat d’autres prophètes, à l’histoire du veau d’or et à d’autres actes d’infidélité enregistrés depuis les premiers prophètes.

Par ailleurs, l’élévation de Jésus par Dieu ne nécessite pas vraiment sa mort préalablement. Bien au contraire, il a simplement disparu avant même qu’il puisse être arrêté pour être crucifié. Sa disparition de la communauté des Juifs a été assimilée à une mort.

Jésus a été rappelé à Dieu comme le laisse entendre ce verset coranique : « Je ne leur ai dit que ce Tu m’avais commandé, (à savoir) : “Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur”. Et je fus témoin contre eux aussi longtemps que je fus parmi eux. Puis quand Tu m’as rappelé, c’est Toi qui fus leur observateur attentif. Et Tu es témoin de toute chose[24] ».

Certains islamologues[25]transforment à tort « rappelé » par « mort ». Une telle interprétation est abusive. Le rappel auprès de Dieu de Jésus n’est pas une mort physique. Il a simplement disparu sur cette terre et rappelé vivant à Dieu, ce qui est démontré dans ce verset : « (Rappelle-toi) quand Dieu dit : « Ô Jésus, certes, Je vais mettre fin à ta vie terrestre, t’élever vers Moi, te débarrasser de ceux qui n’ont pas cru et mettre jusqu’au Jour de la Résurrection, ceux qui te suivent au-dessus de ceux qui ne croient pas. Puis, c’est vers Moi que sera votre retour, et Je jugerai, entre vous, ce sur quoi vous vous opposiez[26]». Mettre fin à la vie terrestre, c’est la disparition sur terre et non la mort. Il est illusoire de traduire mettre fin à la vie terrestre par « faire subir la mort[27] ».

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De toutes les manières, hormis quelques islamologues, la plupart des commentateurs musulmans affirment que Jésus n’a pas été crucifié. Ils préfèrent la notion de Sosie, et durant toute l’histoire de la pensée islamique, des noms divers ont été proposés comme sosies de Jésus placés sur la croix. Tabari, un éminent historien musulman mort en 923, raconte une histoire intéressante : « Jésus a été bien emmené jusqu’à la croix, mais au moment où il allait être crucifié, il disparut et à la place c’est le chef des juifs, un dénommé Josué, qui a été crucifié à la place de Jésus, car Dieu lui a donné son apparence à ce moment-là ».

De toutes les manières, les théologiens musulmans, comme Ibn Kathir, sont unanimes sur l’élévation au ciel de Jésus.

Certains auteurs utilisent cette histoire de la non-crucifixion et de la non-mort de Jésus pour affirmer qu’il y a une propagande islamique contre les juifs, inspirée par des hérésies chrétiennes comme le docétisme et le gnosticisme[28] qui n’admettaient pas qu’un grand messager, comme Jésus, puisse subir une mort aussi atroce et dégradante[29]. Les divergences entre les spécialistes sur l’authenticité d’une telle influence d’hérésies chrétiennes sur les récits islamiques ne s’expliquent que par l’invalidité d’une telle thèse.

En réalité, celle-ci démontre seulement que certaines écoles chrétiennes n’admettaient pas la mort de Jésus et sa crucifixion, exactement comme l’affirme le Coran, et ce, avant que le christianisme ne prenne sa forme actuelle. Les premiers chrétiens et certains théologiens avaient le sentiment que le Nouveau Testament avait déformé et qu’il fallait revenir aux sources et à la vérité de la révélation divine. Mes ces efforts furent vains, en raison d’un rapport de forces défavorable entre ces courants de pensée chrétiens et l’Église catholique qui inventa une arme redoutablement efficace :  l’excommunication.

En fait, il n’y a pas eu de propagande anti-juive chez les théologiens musulmans, lesquels n’ont pas été inspirés par les doctrines considérées injustement comme hérétiques par l’Église. Les théologiens musulmans, guidés par leur bonne intuition, ont bien compris ce que les versets coraniques laissaient entendre sur la crucifixion de Jésus. Celle-ci est un mythe. Peut-être le plus grand mythe de l’histoire et c’est le Coran qui nous l’apprend.

La non-mort de Jésus et son élévation, comme il est clairement affirmé dans le Coran, rendent superflue la théorie du bouc émissaire ayant trait à Judas l’Iscariote, l’idée même d’une machination, mais surtout toute référence à la rédemption et au châtiment punitif.

Abordons maintenant la question de la Trinité, à laquelle le Coran apporte une réponse claire qui s’oppose à ce qui figure dans la Bible. La Trinité et la divinisation de Jésus ont été abordées et réfutées.

Voici les versets qui réfutent clairement la Trinité : « Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : “En vérité, Allah c’est le Messie, fils de Marie.” Alors que le Messie a dit : “Ô enfants d’Israël, adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur”. Quiconque associe à Allah (d’autres divinités) Allah lui interdit le Paradis ; et son refuge sera le Feu. Et pour les injustes, pas de secoureurs !73. Ce sont certes des mécréants, ceux qui disent : “En vérité, Allah est le troisième de trois.” Alors qu’il n’y a de divinité qu’Une Divinité Unique ! Et s’ils ne cessent de le dire, certes, un châtiment douloureux touchera les mécréants d’entre eux. 74. Ne vont-ils donc pas se repentir à Allah et implorer Son pardon ? Car Allah est Pardonneur et Miséricordieux[30] ».

Dans des versets coraniques, on découvre que la Trinité a été rejetée par Jésus lui-même « 116. (Rappelle-leur) le moment où Allah dira : “Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : “Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah ? ” Il dira : “Gloire et pureté à Toi ! Il ne m’appartient pas de déclarer ce que je n’ai pas le droit de dire ! Si je l’avais dit, Tu l’aurais su, certes. Tu sais ce qu’il y a en moi, et je ne sais pas ce qu’il y a en Toi. Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu. 117. Je ne leur ai dit que ce Tu m’avais commandé, (à savoir) : “Adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur”. Et je fus témoin contre eux aussi longtemps que je fus parmi eux. Puis quand Tu m’as rappelé, c’est Toi qui fus leur observateur attentif. Et Tu es témoin de toute chose. 118. Si Tu les châties, ils sont Tes serviteurs. Et si Tu leur pardonnes, c’est Toi le Puissant, le Sage”. 119. Allah dira : “Voilà le jour où leur véracité va profiter aux véridiques : ils auront des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux pour y demeurer éternellement.” Allah les a agréés et eux L’ont agréé. Voilà l’énorme succès. 120. À Allah seul appartient le royaume des cieux, de la terre et de ce qu’ils renferment et Il est Omnipotent[31] ».

Ces versets montrent que ce problème de la Trinité a été l’un des plus difficiles et les plus problématiques de la religion chrétienne. En fait, Jésus est le messager de Dieu, alors que le Saint-Esprit est un ange protecteur et sage qui a été envoyé par Dieu pour le protéger. Dans l’absolu, il n’y a donc aucune Trinité.

Pourtant, lors du 1er concile œcuménique de la chrétienté qui s’est réuni à Nicée en 325, le « Fils » a été considéré comme consubstantiel au Père, c’est-à-dire de même nature que lui. Lors du Concile de Chalcédoine en 451, il a été déclaré qu’il fallait assimiler les notions latines de substance et de personne à celles d’essence (Ousia) et d’hypostase (hupostasis), et que Jésus-Christ, Dieu fait homme, réunit en une seule personne les deux natures, « sans confusion », « sans changement », « sans division » et « sans séparation ».

N’oublions pas que le problème de la Trinité est le résultat de deux éléments importants : le premier a trait à la forte tentation des croyants de diviniser un messager à sa mort. Dans le cas de Jésus, cette tentation a pris le haut du pavé de son vivant, en raison de ses miracles et de sa spirituelle parole.

Même les musulmans furent tentés de diviniser le Prophète Muhammad, si ce n’eût été la sagesse et la grandeur d’âme de son plus fidèle compagnon, Abu Bakr et les enseignements salvateurs du Coran.

En plus, l’Islam n’a pas été influencé par d’autres cultures qui incitent à la divinisation comme les cultures grecque, romaine et chaldéenne, s’agissant de Dieu et de son prophète dans la théodicée et la tradition prophétique.

En revanche, nous pouvons constater que la religion chrétienne, telle que nous l’observons aujourd’hui, n’est que le résultat de trois éléments : la religion juive, la civilisation romaine et la philosophie grecque, ainsi quel le disait l’éminent historien du christianisme, Rudolf Bultmann[32]. Cette influence triangulaire s’est exercée même sur l’histoire de Jésus. Ce qui ne fut pas le cas dans l’Islam.

La vie du prophète Muhammad a été racontée par ses compagnons et par les historiens telle qu’elle fut authentiquement, alors que celle de Jésus recèle des mythes et des légendes, comme le reflètent les difficultés qu’éprouvent les historiens de la chrétienté pour découvrir ce qu’a été réellement ce qu’ils appellent le « christianisme primitif », c’est-à-dire la véritable vie de Jésus.

Une telle influence triangulaire sur le christianisme se dévoile dans le dépassement de la révélation au peuple juif de l’existence et de l’unicité de Dieu (Ancien Testament) en lui ajoutant dans le Nouveau Testament les notions de Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ensuite, le cadre de la pensée grecque intervient pour considérer le Fils (Jésus-Christ) comme l’incarnation du Verbe de Dieu. Le Saint-Esprit qui dans la réalité historique n’était qu’un ange envoyé par Dieu est devenu « l’Esprit de Dieu » ou le « Souffle de Dieu ». Durant les conciles de la Chrétienté, les notions d’essence et d’hypostase (inspirées du philosophe grec Plotin) ont été introduites dans le dogme de la Trinité.

Un dernier exemple peut nous convaincre de l’absence totale d’une influence chrétienne reflétée dans le Coran, qui est un livre universel par excellence, transcendant à la fois les textes religieux qui sont apparus bien après les premières révélations authentiques : dans la sourate La Table servie (Al Ma’ida), est relatée une histoire dont les acteurs principaux sont Jésus et les Apôtres soumis à Dieu.

Ce récit qui, de surcroît est la Sourate préférée du Prophète Muhammad, n’existe nulle part dans les différentes Bibles.

Laissons alors la dernière partie de la Sourate déployer toute sa splendeur dans la description de la grandeur spirituelle de Jésus, et de ce dialogue transcendantal et majestueux entre ce dernier et Allah :

« 112. (Rappelle-toi le moment) où les Apôtres dirent : “Ô Jésus, fils de Marie, se peut-il que ton Seigneur fasse descendre sur nous du ciel une table servie ? ” Il leur dit : “Craignez plutôt Allah, si vous êtes croyants”.113. Ils dirent : “Nous voulons en manger, rassurer ainsi nos cœurs, savoir que tu nous as réellement dit la vérité et en être parmi les témoins”.114. “Ô Allah, notre Seigneur, dit Jésus, fils de Marie, fais descendre du ciel sur nous une table servie qui soit une fête pour nous, pour le premier d’entre nous, comme pour le dernier, ainsi qu’un signe de Ta part. Nourris-nous : Tu es le meilleur des nourrisseurs.” 115. “Oui, dit Allah, Je la ferai descendre sur vous. Mais ensuite, quiconque d’entre vous refuse de croire, Je le châtierai d’un châtiment dont Je ne châtierai personne d’autre dans l’univers.” 116. (Rappelle-leur) le moment où Allah dira : “Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : “Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah ? ” Il dira : “Gloire et pureté à Toi ! Il ne m’appartient pas de déclarer ce que je n’ai pas le droit de dire ! Si je l’avais dit, Tu l’aurais su, certes. Tu sais ce qu’il y a en moi, et je ne sais pas ce qu’il y a en Toi. Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu.

Je ne leur ai dit que ce Tu m’avais commandé, (à savoir) : “Adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur”. Et je fus témoin contre eux aussi longtemps que je fus parmi eux. Puis quand Tu m’as rappelé, c’est Toi qui fus leur observateur attentif. Et Tu es témoin de toute chose. 118. Si Tu les châties, ils sont Tes serviteurs. Et si Tu leur pardonnes, c’est Toi le Puissant, le Sage”. 119. Allah dira : “Voilà le jour où leur véracité va profiter aux véridiques : ils auront des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux pour y demeurer éternellement.” Allah les a agréés et eux L’ont agréé. Voilà l’énorme succès. 120. À Allah seul appartient le royaume des cieux, de la terre et de ce qu’ils renferment et Il est Omnipotent[33]».

Ceci nous amène à parler de l’universalité du Coran. Nous savons que le message coranique et les dires du Prophète s’appliquent à l’humanité tout entière. Dans le Coran, il est même relaté des batailles qui ont eu lieu entre les Romains et les Perses. Par exemple, il y a ce verset : « Alif. Lām. Mīm. Les Romains ont été vaincus, dans les parties les plus proches / basses du pays. Mais après leur défaite, ils vaincront à leur tour, dans quelques années. L’ordre appartient à Allah, avant et après. En ce jour-là, les croyants se réjouiront[34]».

Ce verset révélé vers 622 parle d’une défaite militaire subie par les Byzantins, qui sont venus se battre contre les Sassanides vers 619 sur les bords de la mer Morte. Ce qui est extraordinaire, c’est que les Romains se ressaisirent et remportèrent une éclatante victoire contre les Perses vers 627, soit cinq années après la révélation du verset coranique qui avait prédit cette victoire ainsi que l’enchaînement des évènements de cette guerre.

Ce qui est remarquable dans ce verset, ce n’est pas uniquement sa nature prémonitoire, mais c’est surtout l’intérêt porté aux autres civilisations, puisque ce verset parle de la guerre entre les Romains et les Perses. C’est un sujet d’actualité à l’époque, mais les premiers musulmans n’étaient pas informés du déroulement des évènements.

Par ailleurs, le prophète Muhammad envoya plusieurs messages aux rois byzantin, perse et copte d’Égypte de l’époque, ce qui témoigne que l’Islam était destiné à devenir une religion universelle. L’universalité du Coran est reflétée dans le message adressé par le prophète à Héraclius  :« De Muhammad, Messager de Dieu, à Héraclius, souverain de Byzance. Que la paix soit sur ceux qui suivent le bon chemin. Je t’appelle à croire à l’islam. Deviens musulman et tu seras en sécurité, et Dieu t’accordera une double récompense. Si tu refuses, tu en porteras la responsabilité pour les ariens. ».

Ce qui est étonnant, c’est que cette référence aux ariens montre que le prophète de l’Islam savait qu’il y avait parmi les romains des gens qui croyaient à l’unicité divine et refusaient la trinité comme il est édicté dans le Coran. Les ariens qui sont les adeptes d’Arius, prêtre égyptien, partagent en effet de telles croyances.

Dans le Coran, il est également fait mention des autres religions monothéistes, en attirant l’attention sur des principes communs entre l’Islam, le judaïsme et le christianisme, malgré la déformation des livres révélés des deux dernières religions.

Voici un verset éloquent à cet égard : « Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Thora et l’Évangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants[35] ».

Lorsque le prophète Muhammad subit une terrible épreuve dans une ville païenne, Al-Taif –  les habitants de cette cité ayant pourchassé l’envoyé de Dieu en lui jetant des pierres – un domestique chrétien du nom d’Addas fut envoyé par les propriétaires d’un jardin dans lequel le prophète s’était réfugié et lui dirent : « cueilles de ce raisin, mets-le dans un plat et portes-le à cet homme ». Le Prophète dit : « Et toi, de quel pays viens-tu ? ». ‘Adda répondit : « Je suis chrétien, originaire de Ninive ». Le Messager d’Allah reprit : « Tu es originaire du village d’un homme vertueux : Younous Ibn Matta ». Le garçon dit: « Comment connais-tu Younous Ibn Matta ? ».

Le Prophète répondit : « C’est mon frère. C’était un Prophète et moi aussi je suis Prophète ». Cela dit, Addas se mit à embrasser la tête, les mains et les pieds du Prophète[36]. Voici donc un bel exemple de « Tu aimeras to prochain » et « Tu connaîtras les vertueux des autres religions », et ce sont là des appels universels.

Alors que les théologiens juifs affirment que Jésus s’adresse aux juifs seulement selon les affirmations de rabbins juifs d’époques tardives, comme Moïse Maimonide qui est en fait un théologien et un philosophe juif d’Andalousie qui aurait affirmé que le meurtre d’un païen n’est pas un interdit[37], le Coran en revanche interdit le meurtre de personnes non musulmanes.

« Ne tuez pas, injustement, la vie que Dieu a fait sacrée. Voilà ce que Dieu vous a enjoint ; peut-être comprendrez-vous[38]».

Voilà ce qu’en dit le Coran. Là, il parle de toute vie, mais aussi de celle des animaux. Dans un sens plus profond, il a élevé les êtres humains à une haute dignité et ainsi leur vie, leurs biens et leurs droits sont sauvegardés en Islam.

« Nous avons certes anobli les fils d’Adam, Nous les avons transportés dans la terre comme la mer et nous les pourvoyons de bonnes choses, par conséquent Nous les avons privilégiés sur beaucoup de nos créatures[39]».

Dans le Coran, la vie des non-musulmans est protégée :

« Et si l’un des non-musulmans te sollicite la paixrends-la-lui jusqu’à ce qu’il rentre chez lui en toute sécurité[40]».

On raconte que lorsqu’un certain Musaylama s’auto-proclama prophète, en dénonçant Muhammad, ce dernier n’a pas été tué par le prophète lorsqu’il est tombé entre les mains des musulmans. Voici ce que Muhammad a dit aux émissaires envoyés par Musaylama « Vous ne me reconnaissez pas comme messager, mais je ne pourrais vous tuer, car Dieu nous a ordonné de préserver la vie des émissaires[41]». Lorsqu’après plusieurs années de lutte contre les Quraychites et leurs alliés, il prend la Mecque à la tête de dix mille hommes, il dit à ces ennemis vaincus « Vous êtes des hommes libres ». Quelle belle expression de mansuétude au moment de la victoire définitive.

Lorsque le Prophète Muhammad déclare « Vous êtes des hommes libres », peu importe que les destinataires soient des juifs, des musulmans ou des païens, un tel message est universel, c’est un message de paix, de haute spiritualité et de haute tenue morale. Dans le cas de Muhammad, on remarque une mansuétude et à un respect de la vie d’autrui à toute épreuve qu’il soit païen, juif ou chrétien.

Aujourd’hui, on dénigre beaucoup l’Islam en raison des évènements complexes qui se déroulent dans le monde. Or, dans la riche histoire millénaire de l’Islam, on remarque souvent que les musulmans se sont montrés cléments et respectueux de la vie de personnes non musulmanes.

Par exemple, les Perses musulmans (Samanides) ne prenaient pas comme esclaves des gens de tribus turques vivants non loin des frontières de ce royaume, et ce, conformément aux commandements du Coran, alors ces derniers se sont convertis à l’Islam. Cette attitude des royaumes musulmans de Perse a entraîné la conversion à l’Islam de la plupart des Turcs d’Asie centrale, un évènement de grande ampleur dans l’histoire de l’humanité. Parfois, ce sont les adversaires des musulmans qui se sont montrés cruels et inhumains.

Par exemple, lorsque Jérusalem tombe en 1099 entre les mains des croisés, ces derniers ont assassiné une centaine de milliers d’habitants, qu’ils soient musulmans ou juifs. Lorsque cette ville a été reprise par les musulmans en 1187, aucun chrétien n’a été passé au fil de l’épée par les musulmans. Bien avant les croisades et à l’issue de la bataille sanglante de Manztikert en 1072, les Seldjoukides ont libéré l’empereur byzantin, Romain Diogène IV qui a été fait prisonnier. Mais ce dernier sera aveuglé à son retour à Constantinople par ses coreligionnaires chrétiens.

Umar Ibn Al Khâtab s’est rendu à Jérusalem peu après sa prise par les armées musulmanes en déclarant que, selon le Coran, les musulmans ont un droit de regard sur cette région sacrée, berceau de Jésus et destination par excellence de l’Ascension nocturne du Prophète Muhammad.

Cette démarche du Calife bien guidé s’explique par le fait que le message coranique est un message fraîchement révélé du Ciel et qu’il transcende les anciens messages qui ont été jadis manipulés par des individus avides de puissance et de biens matériels. Le retour à la spiritualité divine passe par la reconnaissance de cette transcendance et de cette tutelle spirituelle musulmane sur les autres religions.

On le remarque très bien lorsqu’en 638, la ville romaine d’Ilia construite par l’Empereur Hadrien en 135 non loin de l’ancienne Jérusalem s’est rendue pacifiquement aux armées musulmanes. Umar Ibn al-Khâtab a soumis les bâtiments qui ont été par le passé des temples païens et les populations chrétiennes à la Djizia en échange de leur liberté religieuse et civile et a ressuscité la région du Temple, qui fut jadis le sanctuaire des Juifs et rasé par les Romains en 70 après J.-C.

En raison de l’existence du Rocher où le Prophète Muhammad avait entamé son Ascension nocturne, le Calife nettoya le Mont du Temple qui avait été abandonné par les chrétiens et transformé en décharge publique. C’est cet endroit qui deviendra le Haram ash-Sharîf (Esplanade des Mosquées), où la Mosquée d’al-Aqsa fut édifiée.

En réalité, le Calife Umar a libéré les Juifs qui ont été autorisés à vivre à Jérusalem. Avant l’arrivée des musulmans, les Juifs ont été massacrés et chassés par les Byzantins. Le Calife n’a pas également transformé les églises chrétiennes en mosquées, tout en ressuscitant la région du Temple en affichant l’Islam comme une puissance spirituelle transcendantale dans cette région sacrée et non comme une simple domination militaire. Voilà qui montre l’esprit universel de l’Islam.

Conclusion

On n’en a pas encore terminé avec l’examen rigoureux de cet article de Wikipédia qui, à plus d’un titre, suscite notre vive critique, basée sur les enseignements de l’Islam et de son histoire. Il est plus que probable que d’autres articles s’attacheront à analyser ses différentes parties, tellement les idées et les concepts qu’elles contiennent s’avèrent problématiques pour un récit orthodoxe et cohérent de la vie du prophète Muhammad (QSSL).

Il est du moins étonnant que les versions arabes et anglaises soient plus objectives et cohérentes, et ne contiennent aucune thèse révisionniste, car c’est de cela vraiment qu’il s’agit. Il y a beaucoup de révisionnisme dans cet article en français de Wikipédia, et il est urgent d’en avertir tout lecteur intéressé, car il constitue une référence encyclopédique dans le monde francophone.

Pour notre part, en tant que musulmans, nous avons jugé nécessaire de pointer du doigt les thèses inadmissibles que véhicule cet article. Des thèses fallacieuses, qui fourvoient gravement le lecteur et le détourne d’une lecture salutaire et bienfaitrice du récit sur la vie et les réalisations du Prophète.

Enfin et comme nous l’avons constaté, l’enjeu des thèses qui y sont promues sont de grande portée dans la communauté scientifique et montre les sombres visées de l’islamologie enseignée dans les universités occidentales : affaiblir, sur le plan cognitif, notre religion petit à petit, jusqu’à sa dissolution complète dans la culture universelle, comme ce fut le cas du christianisme.

 

Notes

[1] L’article de Wikipédia cite pour cette remarque, Hanne. O. Mahomet, une biographie à plusieurs lectures, Moyen-Orient, 2014, p.86-91. On ne va plus citer Wikipédia dans la suite des commentaires puisqu’ils sont tous tirés de son article sur le Prophète.

[2] Stephen J. Shoemaker Les vies de Muhammad dans le Coran des historiens, t.1.Cerf 2019, p. 207-214.

[3] Ibid., p. 196-206.

[4] Op.cit. Hanne, p. 86-91.

[5] Tabari, Mohammed, sceau des prophètes. Une biographie traditionnelle, extraite de la Chronique de Tabari, traduite par H. Zotenberg et préfacée par J. Berque Alfred Morabia.

[6] Christian Julien Robin L’Arabie préislamique. Dans le Coran des Historiens, t.1, Editions Cerf. 2019, p.59.

[7] Volker Popp Bildliche Darstellungen aus der Frühzeit des Islam (IV) Berlin, 2005, 16-123.

[8] Frédéric Imbert L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffitis arabes des premiers siècles, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée 129, juillet 2011. En ligne revue.

[9] Ibid.

[10]  Al-Shâhristani Ahmed al-Mil’al oua al-Nahl, enquête du professeur Muhammad Ouakil, première partie, société Halabi et Associés, Le Caire 1968, p.14

[11] Op.cit. Hanne.

[12] Nous allons nous attarder un peu dans cette partie en raison de son importance car les thèses sur la racine biblique de l’Islam est de plus en plus relayée dans les études islamologistes.

[13]Sourate 2 : Versets 35-37.

[14]Coran 2 : 60.

[15]Sourate 2 : Versets 38-39.

[16]Sourate 2 : Versets 30-31

[17] Luc 3 :22.

[18] Jean 1 :32.

[19] Sourate 19. Maryam.

[20] Sourate Al M’aida (La Table).

[21]Sourate, 4, 157-158.

[22]Mahmoud M. Ayoub (April 1980) Towards an Islamic Christology II : The Death of Jesus, Reality or Delusion (A Study of the Death of Jesus in Tafsir Literature. The Muslim World. Hartford Seminary. 70 (2) : 106 et Mourad Suleiman, Does the Qurʾāndeny or assertJesus’s crucifixion and death ?” dans New Perspectives on the Qur’an – The Qur’an in its Historical Context 2, Routledge, Londres, 2011, p. 356. Mais un groupe de chercheurs comme Charfi, Marx, Reynolds estiment que le passage du Coran sur le faux-semblant est ambigu.

[23]Mahmoud M. Ayoub affirme par exemple : « Le Coran, comme nous l’avons déjà dit, ne nie pas la mort du Christ. Plutôt, il défie les êtres humains qui, dans leur folie, se sont trompés en croyant qu’ils vaincraient la Parole divine, Jésus-Christ, le Messager de Dieu. La mort de Jésus est affirmée plusieurs fois et dans divers contextes », Op.cit. Ayoub (3 :55 ; 5 :117 ; 19 :33.).

[24]Sourate, 5 :117.

[25] Comme Gabriel Reynolds dans The Muslim Jesus : Dead or alive ? Bulletin of SOAS, 72(2) (2009), 242

[26]Sourate .3 :55.

[27]Comme dans la traduction du Coran par Kazimirski. Éditions Ducourt, 2020.

[28]Le plus ancien représentant de ce mouvement qui a renié la crucifixion de Jésus est  Leucius Charinus qui vivait au IIe siècle et qui a été même un compagnon de l’apôtre Jean de Zébédée. Mais son appel véridique au rejet de la crucifixion a été jugée comme apocryphe lors du Concile de Nicée en 787.

[29]Op.cit.Reynolds, p.242.

[30] Sourate Al M’aida (La Table).

[31]Ibid.

[32] Rudolf Bultmann Le Christianisme primitif dans le cadre des religions antiques, Traduction de Pierre Jundt, Paris, Payot, 1950.

[33] Sourate du Coran La Table servie, versets.112-120.

[34]Coran, sourate 30, « Ar-Roum » (Les Romains), versets 1- 4.

[35]Coran 7/157.

[36]Sadjine.com/prophete/sa-vie/prophete_taif.htm.

[37]Op.cit.Dawkins, p.323.

[38]Coran, Sourate « les Bestiaux », 51.

[39]Coran, Sourate « voyage nocturne », 70.

[40] Coran « Le Repentir », 6.

[41]Albani Sunan Abû Dâwûd 2/174.

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One Comment

  1. wikipedia, est une bonne encyclopédie.
    Mise à part les articles science et technologie, le reste est sioniste jusqu’à la moile et rentre sous la loi divine :

    Traduction verset 68 sourat Anam

    ” Et lorsque tu vois ceux qui plongent aveuglément dans les critiques de Nos versets, détourne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils changent de propos. Et si Satan te fait oublier cela, alors, aussitôt que le souvenir t’en sera revenu, ne songe plus à rester avec les gens injustes”.

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