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De la burqa en France aux minarets en Suisse. Le nouveau combat idéologique contre l’Islam

Le référendum populaire du dimanche 1er décembre en Suisse l’ont montré : la France n’est pas la seule société à vouloir croiser le fer avec l’islam. Même le petit voisin helvétique, icône par excellence des droits de l’homme et de la tolérance est en proie à une intense mobilisation autour des aspects visibles de cette religion.

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas le foulard, la burqa ou le niqab qui sont visés, mais les minarets, jalons par excellence de la course à l’islamisation du Vieux Continent et « étendards de confrontation revancharde » selon le comité de pilotage d’une initiative populaire qui a désormais inscrit dans la constitution de l’Etat suisse l’interdiction de la construction de nouveaux minarets.

Les Minarets de la discorde, éclairages sur un débat suisse et européen co-dirigé par Patrick Haenni et Stéphane Lathion et édité par Infolio-Religioscope, resitue les enjeux afférant à un débat qui se formule selon une tradition politique helvétique – l’initiative populaire, soit la possibilité pour un groupe de pression, un parti ou un regroupement de citoyens de demander la mise au vote d’un changement de la constitution – mais dont les termes témoignent plus globalement des lignes de tensions qui rythment les rapports entre l’islam et les sociétés européennes.

C’est désormais autour de symboles et de récits, plus que d’enjeux de pouvoir ou de négociations concrètes entre groupes sociaux, que les différents protagonistes se battent aujourd’hui. Cette nouvelle obsession du symbole reflète une crise du politique, et témoigne des craintes et incertitudes de sociétés confrontées aux défis d’une globalisation où l’islam joue souvent un rôle de révélateur et de symptôme.

Née de la volonté d’un petit groupe, nommé le comité d’Egerkingen, s’ancrant principalement au sein de la droite anti-immigration et d’une frange des chrétiens évangéliques, rejetée par la totalité des autres acteurs politiques et religieux, à commencer par le gouvernement, cette initiative souligne la forte capacité d’agitation médiatique de petites formations fortement mobilisées et capables d’user des mécanismes de la démocratie directe.

C’est sans surprise que le débat souhaité publiquement par les initiants tient plus du matraquage d’idées reçues que d’un échange pertinent sur les tenants et aboutissants d’une initiative. Cependant, il serait erroné de n’y voir qu’un camp retranché où la critique de l’islam servirait, cyniquement, un populisme utilitariste.

Le récit anxiogène sur les minarets, dont les muezzins annonceraient mille et un maux, de « l’immigration » du Sud aux « fondamentalismes » liberticides, fait écho avec un malaise plus latent. Il réveille des angoisses relatives à la sécurité auprès de citoyens suisses qui suivent l’actualité de pays voisins ou lointains et s’inquiètent d’un islam associé à des violences symboliques ou concrètes ; il donne aussi une forme à des incertitudes identitaires que vient irriter la nouvelle visibilité d’un islam partiellement refoulé, et largement perçu étranger ou marginal en Suisse.

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L’Institut Religioscope, étudiant les facteurs religieux dans le monde contemporain, et basé à Fribourg, a tenu à prendre pied dans le débat public. Non pas en militant pour l’une ou l’autre des positions, mais afin de proposer un regard distancié. C’est dans ce dessein qu’il publie cet opuscule de 110 pages, Les minarets de la discorde. Eclairages sur un débat suisse et européen.

Contrairement à la tradition académique selon laquelle l’essentiel réside dans les bonnes questions, les auteurs ont choisi d’accepter les termes du débat public et de tenter de donner un éclairage dépassionné sur les enjeux explicites et implicites du débat : l’islam est-il une religion expansionniste ? Le minaret est-il un pilier du dogme musulman ou une esthétique architecturale relevant plus de l’ordre de la tradition ? Quels sont les réseaux et l’argumentaire de cette nouvelle critique de l’islam qui informe les représentations des acteurs politiques mobilisés en faveur de l’initiative ? Comment comprendre l’essor de cette polémique dans le cadre du système politique suisse et de la présence musulmane dans le pays ? Quelle validité juridique donner au principe de réciprocité qui voudrait conditionner la construction de minarets en Occident à celle des Eglises dans le monde musulman ? Et qu’est-ce à dire du statut des Eglises dans les pays islamiques ?

Entre l’analyse de ces questions s’insèrent également des portraits d’acteurs, croisant itinéraires personnels et positions politiques, qui confèrent un visage et une voix aux discours et montrent l’étendue du spectre des différentes appréciations de cette question d’Orient en Helvétie.

Les minarets de la discorde ont deux objectifs : à l’endroit des citoyens suisses, c’est un guide pour permettre le vote intelligent. Pour le lecteur étranger, c’est un livre d’analyse sur ce nouvel arc de conflictualité autour de l’islam qui se tend sur l’ensemble du Vieux Continent.

En effet, des « affaires » françaises du voile à la question suisse des minarets, en passant par les mobilisations musulmanes consécutivement aux caricatures danoises du Prophète Mahomet, sans oublier les polémiques autour du court-métrage Fitna de l’hollandais Geert Wilders, le débat se nourrit très clairement du symbolique : 4 minarets en Suisse pour près de 400’000 musulmans, 377 burqa en France pour près de 4 millions de musulmans (s’il faut en croire les Renseignements Généraux). Si l’ambassade danoise à Beyrouth a brûlé, c’est pour l’enjeu symbolique de quelques caricatures dans un journal, et non en raison de la discrimination à l’embauche ou de la ghettoïsation contrainte de populations musulmanes. Quant à Mme

Les regards croisés des différents auteurs de cet ouvrage mettent en évidence que si le symbole est aujourd’hui la pierre de touche des conflits, c’est parce que, des deux côtés, nous vivons une crise du projet politique. Si le débat suisse sur les minarets doit nous apprendre quelque chose, c’est que c’est sur les sociétés réelles qu’il faut reporter le débat aujourd’hui.

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