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Ad-Dīn : de la religion à la cité (3/3)

ash-Sharī‘a comme source dynamique

ash-Sharī‘a donc c’est al-mawrid, l’usage littéraire entend une source d’eau ou bien un lieu d’abreuvage en eau en mouvement, non stagnante. Pour désigner l’abreuvage à partir d’une eau stagnante, on emploiera le mot makra‘a au lieu de mashra‘a. « ash-Shir‘atu et ash-sharī‘atu, dans le langage arabe c’est mashshru‘atu al-mā’, c’est-à-dire le lieu de breuvage où se désaltèrent (yashshra‘ûna) les gens (…), les Arabes ne le nomment sharī‘a que si l’eau est abondante sans rupture, apparente et facile d’accès, douce  et de provenance non pluviale ; autrement, c’est le mot al,-kar‘ qui est spécifié pour désigner le breuvage d’origine pluviale »[1].

ash-Sharī‘a comme initiation et ouverture vers un sens

On devine bien l’importance de l’usage de deux termes différents pour distinguer l’eau en mouvement de l’eau stagnante. L’une est source de fraîcheur et de vitalité l’autre est source de maints risques. L’idée du renouveau et du commencement est aussi contenue dans l’écoulement de l’eau, entendu que le verbe shara‘a, signifie également entreprendre ou initier une chose ; d’où, aussi, l’idée d’ouverture à partir d’une source et dans une direction, illustrée par l’action d’ouvrir (shara‘a) l’arc à flèche dans une direction. Dans son essai de traduction du Qur’ān, Jacques Berque a prêté attention à ces subtilités, puisqu’il semble retenir dans sa traduction du verset (V, 48), les dimensions d’ouverture et d’accès que renferme, le terme shir‘a : « …à chacun de vous, Nous avons ouvert un accès … ».

Source, ouverture et direction se retrouvent également dans l’usage du mot shirā‘ (les voiles) as-safīna (du navire). Dans une belle description littéraire et allusive, Ibn al-‘Arabī utilise l’image du vaisseau marin. Il décrit ses multiples composantes qu’il dispose en parallèle avec les états multiples, du cheminement spirituel du vaisseau gnostique. Les voiles sont pour le vaisseau, ce qu’est ash-sharī‘a pour le cheminement spirituel[2], « shirā‘uhā ash-sharī‘a ». Lorsque les voiles sont hissées, elles deviennent une source de propulsion qui permet au navire d’avancer dans une direction, c’est aussi ce sens que renferme le terme sharī‘a.

ash-Sharī‘a comme synonyme de philosophie

« Pour dire vrai ! Aussi bien le contenu ou le fruit de la philosophie que la raison de son apprentissage, ne sont autre chose, que la recherche de la perfection de l’âme », selon Ibn Hazm (384 – 456 ; 994 – 1064), dans son traité de religion comparée, al-Fal fī-l-Milal wa-l-Ahwā’ wa-n-Nial, Beyrouth, 1996, I, p. 171.

Dans son célèbre al-Milal wa-n-Nial, ash-Shahrastānī (479 – 548 ; 1086 – 1153) identifie la philosophie à la sagesse ; et sont identifiés comme philosophes, les sages brahmanes hindous, les sages Arabes, les sages Grecs anciens et les péripatéticiens ainsi que les philosophes de l’islam. Pour lui, philosophie et sagesse tendent à l’élévation de l’âme : « la base de la philosophie et le principe fondamental de la sagesse ont comme finalité [la perfection] de l’âme, le reste [des connaissances] est comme des enfants pour eux ». Ensuite, le classement de la philosophie en tant que sagesse, parmi ash-sharāi‘ et al-milal ; se justifie par le fait que tout l’apport de ceux qui les possèdent « est de bonne estime chez les philosophes »[3]

Transfiguration statique du concept de ash-sharī‘a

Historiquement, le terme sharī‘a a connu un glissement d’un concept ouvert qui désigne la conduite spécifique et doctrinale d’une communauté particulière, vers un concept doublement fermé. Désormais, avec l’avènement des dynasties Umayyades et Abbassides notamment, le concept sharī‘a a commencé peu à peu à caractériser spécifiquement l’Islam et les prescriptions qu’il inspire. Il finira par se substituer au concept de ad-dīn même.

Par ailleurs, on remarque l’absence de cet usage abusif et inflationniste du concept, chez les premiers auteurs. Les prescriptions sont subdivisées en catégories de sciences, c’est-à-dire, qu’elles sont le fruit d’un effort humain selon des règles et des méthodes appropriées.

C’est l’imām ash-Shāfi‘ī (150-204 ; 767-820) qui serait l’un des premiers à avoir tenté de systématiser dans ses écrits l’ensemble de ces sciences, dont le très connu livre ar-Risāla. Avant lui,  ar-Rāzī (544-606 ; 1149-1209) décrivait les débats antérieurs à l’établissement des écrits de référence, ainsi : « ils discutaient sur des questions concernant les fondements de la jurisprudence, ils argumentaient et s’opposaient, mais sans référence à une règle commune qui leur permettait de savoir quels sont les arguments de la sharī‘a.

C’est ash-Shāfi‘ī qui a établi par déduction la science des fondements de la jurisprudence et qui a proposé une loi générale comme référence, afin de connaitre les degrés d’argumentation du sh-Shar‘ »[4]. Bien que les termes sharī‘a ou shar‘ figurent dans cette citation, on remarquera que le champ sémantique renvoie en priorité à la discussion, à l’argumentation, à la déduction et à la logique, étant tous des outils au service de la science des fondements de la jurisprudence. En ce sens, le terme sharī‘a s’entend ici comme une action de légiférer des prescriptions selon des moyens humains et dans des situations historiques particulières.

Il est difficile de situer avec précision le moment historique, du glissement du sens de ash-sharī‘a pour signifier exclusivement la loi légale. Non plus de pouvoir attester chez quel auteur cet usage est apparu en premier. Le plus ancien auteur[5] chez qui nous avons rencontré le terme ash-sharī‘a est abû Bakr Muhammad Ibn al-Ḥusayn al-Ājirī (264-360), dans son Kitāb ash-Sharī‘a (traité sur ash-sharī‘a). Malgré l’intitulé explicite sur l’objet du livre, le traité est une entrée directe en matière sans précision ni de son objet ni de la définition de son intitulé. Cependant, l’intitulé du premier chapitre résume en lui seul l’objet du livre : al-amr bi luzûm al-jamā‘a wa-n-nahy ‘ani-l-firqa, bil al-ittiba‘ wa tark al-ibtidā‘ (l’obligation de se tenir à la majorité et l’interdiction du sectarisme, en suivant de manière conforme [les prescriptions] et en s’abstenant de produire des innovations).

Le livre se situe historiquement à la période du début, de la deuxième moitié du troisième siècle. Une période qui a connu énormément de controverses idéologiques ainsi que des troubles politiques. Plusieurs auteurs se sont donnés donc comme tâche de délimiter la voie à suivre dans des domaines aussi divers comme le culte, le dogme, la morale civique ou politique, la critique historique des sources, etc., et afin de préserver l’unité sociopolitique et religieuse. Les préoccupations de la période précédente en termes de production, début fin du deuxième siècle, étaient plutôt celles de la collection et de la classification du ḥadīth, par crainte de la disparition totale des mémoires des dires prophétiques.

La cristallisation de as-sharī‘a comme loi religieuse révélée et comme concept prédominant les sciences[6] auxquelles elle se référait, aurait pris de plus en plus forme dans le débat du moment, principalement chez les auteurs du courant littéralistes. C’est pour cette raison, probablement, qu’à l’encontre de cette lecture restrictive de ash-sharī’‘a, le courant rationaliste de al-Mu‘tazila allait arguer que al-‘aql (la raison) est aussi une source de connaissance et de fondement juridique. Le courant de at-Taawwuf allait, quant à lui, opérer par un déplacement téléologique du débat sur ash-sharī‘a comme vérité de la lettre, vers al-aqīqa comme finalité de cette lettre.

C’est ce procédé que suivra Ibn al-‘Arabī dans ses exposés sur as-sharī‘a qu’il mettra en parallèle de al-aqīqa, soit pour mettre en exergue les distinctions soit pour démontrer leur filiation organique. Disons-le d’emblée ! as-sharī‘a pour Ibn ‘Arabī n’a de réalité que comme voie vers al-aqīqa[7], elle est la voie aplanie (aarīq al-muarraqa) par le législateur (al-Mutarriq) afin que puisse le voyageur, entreprendre et traverser son chemin.[8]

Ce qu’entend la parole Qur’ānique « à chacun de vous[9], Nous avons accordé une source de conduite (shir‘a) et une voie claire (minhāj) »[10], ce sont les différentes voies, nous dit Ibn al-‘Arabī, alors que la Réalité est une (al-aqīqatu ‘Aynun Wāida), et elle demeure la finalité de ces voies indiquées. C’est aussi, cela le sens désigné par Sa parole : « Vers Lui tout est ramené[11] » [12].

Lors de son ascension spirituelle, arrivé au Trône, Ibn al-‘Arabī fait la rencontre du « pôle de ash-sharī‘a ». Celui-ci l’éclaira sur la clôture du cycle de la prophétie, comme nouvelle sharī‘a éventuelle, par l’avènement de Muhammad. C’est plutôt, l’obtention de la science d’al-aqīqa que je désire, s’exclama Ibn al-‘Arabī ! Le pôle d’ash-shrī‘a lui indiqua alors la voie de l’union des deux.

Dans le chapitre trois cent trente-neuf des Futūāt-s, Ibn al-‘Arabī identifie ash-sharī‘a par rapport à al-aqīqa en termes de saisie comme concept, mais non pas comme deux choses réellement distinctes. La distinction est tout simplement d’ordre pédagogique de ce qu’il faut entendre uni sur le plan gnostique. Cependant, cette union principielle entre ash-sharī‘a et al-haqīqa n’exclut pas la suprématie d’al-haqīqa devant laquelle s’agenouille ash-sharī‘a [13].

Il est rapporté dans un ḥadīth, que le Prophète déconseillait le questionnement excessif en matière de la légalité de la pratique, afin d’éviter l’accroissement des règles prescriptives : « Ne m’interpellez pas sur certaines choses, tant que je ne vous en fais pas matière (litt. Laissez-moi tant que je vous laisse) »[14].C’est que la conformité aux règles prescriptives de ash-sharī‘a, exige de l’effort. En outre, l’accroissement des règles comme balises, implique un plus d’épreuves sur la voie de al-aqīqa. D’où la recommandation prophétique à ses compagnons d’éviter de provoquer plus de limitation en matière de ash-sharī‘a, alors qu’en ce qui concerne al-aqīqa, la Parole divine enjoint le Prophète lui-même, à solliciter de la croissance[15] : « Et dis ! Ô mon Seigneur, augmente-moi en science »[16].

Al-aqīqa est une, la voie qui y mène l’est également. Alors que ash-sharī‘a est multiple, ses chemins le sont aussi. Et chaque shar‘ sollicite al-aqīqa car elle constitue son in (intérieur), c’est ainsi que l’ensemble des sharā’i‘ ne peuvent être envisagés que comme (uwwaruhā adh-dhāhira) des formes apparentes de al-aqīqa ; ash-sharī‘a  s’estompe, elle est relative à une histoire donnée, alors qu’al-aqīqa est éternelle puisqu’elle est liée à l’éternité divine ; la durée de ash-sharī‘a  est en raison de la volition (al-ibqā’) divine qui s’estompe alors qu’al-aqīqa demeure éternellement  en raison de l’éternité (al-baqā’) divine[17].

Cette suprématie d’al-aqīqa prédomine sur les deux formes de ash-sharī‘a : « ash-shar‘ al-Ilāhī wa-l-ukm as-siyāsī », à savoir les prescriptions divines aussi bien que les sentences politiques. C’est ainsi, que celui qui détient le savoir juridique devrait s’agenouiller devant celui qui possède la connaissance d’al-aqīqa afin de l’éclairer sur la source de chaque prescription, et ce, à partir de la Présence divine[18].

La distinction entre ash-shrī‘a comme un premier volet contenant les prescriptions divines, lesquelles n’occupent qu’une moyenne de cinq pour cent du Qur’ān ; et un deuxième volet plus volumineux, qui est le fruit d’interprétations et de commentaires successifs selon des méthodes diverses; nous retrouvons cette même distinction chez un certain Ibn Taymiyya, lequel ajoute un troisième volet qu’il nomme ash-shar‘ al-mubaddal, et par lequel il entend les prescriptions innovées et non conformes aux sources canoniques.

Pour Ibn Taymiyya, ash-shir‘a dont parle le Qur’ān équivaut à ash-sharī‘a au sens de point d’abreuvage par rapport à un fleuve, alors qu’al-minhāj serait la voie qu’empreinte ce fleuve.

« Pour parler vrai, dit-il, concernant la quintessence de la religion (haqīqat ad-dīn), s’agissant de la religion du Seigneur des mondes, elle est celle consentie unanimement par tous les prophètes et messagers. Et bien que chacun d’entre eux possède une source de conduite (shir‘a) et une voie (minhāj), l’objectif à atteindre demeure le même, à savoir l’adoration exclusive vouée au Seigneur des mondes à l’exclusion des associés, et c’est cela la quintessence de la religion de l’Islam »[19].

Au-delà de l’interminable débat, entre les adeptes de at-Taawwuf et les littéralistes parmi les Fuqaha’ (jurisconsultes), le pivot de démarcation entre les deux tendances reste principalement d’ordre téléologique. À notre sens, si l’ultime visée de ad-dīn pour toutes les écoles musulmanes confondues, c’est at-Tawid (l’unicité divine), et que la concrétisation réelle de l’unicité divine, réside bel et bien dans le lien établi par l’adorateur envers son Adoré, au moyen de al-‘Ibāda (l’adoration) : « Je n’ai créé les Jinn-s et les humains que pour M’adorer »[20]. C’est précisément à ce niveau de al-‘Ibāda que se situe le différend. Pour les littéralistes, l’adoration consiste à se conformer strictement à des règles serrées, adorer c’est se conformer le plus strictement possible. Alors que chez les sûfī-s, par exemple, le sens du mot adoration renferme également de la connaissance. Adorer c’est aussi connaître, et c’est une interprétation[21] de première heure.

Si l’on admet que, dans les deux écoles, la démarche est interprétative et est déterminée par la sotériologie, le salut individuel en dépend alors dans la mesure où il faut distinguer conceptuellement ce qui relève exclusivement de l’ordre divin, de ce qui en découle comme interprétation positive ou humaine.

Ibn al-‘Arabī opère une séparation entre la prescription relevant exclusivement du domaine divin et qualifié comme (ash-shar‘ al-Ilāhī), de l’ordonnance politique relevant du domaine de la gouvernance humaine et désignée comme (al-ukm as-siyāsī).

Alors que chez Ibn Taymiyya, le qualificatif de shar‘ semble convenir aussi bien aux prescriptions révélées (ash-shar‘ al-munazzal » qu’aux prescriptions interprétées ( ash-shar‘ al-mu’awwal ). Au risque de confondre le révélé avec l’interprété et finir par le sanctifier comme ordonnancement divin. Le souci majeur pour lui, semble porter sur la distinction entre le texte scripturaire authentique du faux, ou l’original de l’innové qu’il qualifiera de (ash-shar‘ al-mubaddal).

Le vocable « al-mubaddal » accolé au terme Shar‘, dans ce cas-ci pour révoquer scrupuleusement toute innovation sans exception, et réduit par voie de conséquence la part possible de l’interprétation humaine, alors que l’école sûfī enfourche l’herméneutique afin de sonder l’au-delà de la règle et d’atteindre la connaissance (al-ma‘rifa) qui préside à cette règle. Il faut le signaler ici, les sûfī-s distinguent bel et bien l’innovation étrangère de l’innovation intrinsèque à la doctrine musulmane. Il n’est pas question donc d’introduire un élément étranger au corpus, il est tout simplement question d’opérer une nouvelle lecture, plutôt recommandée, au sein du corpus sans franchir le cadre et afin de l’adapter selon le besoin.

Nous rencontrons cet exercice d’interprétation qui consiste en l’interrogation des textes afin d’atteindre la finalité des prescriptions, appelé « fiqh al-maqaid » (la jurisprudence des finalités) comme option de certaines écoles d’al-fiqh qui l’ont adoptée dans leur démarche interprétative. L’école d’al-Mālikiyya (de l’imām Mālik, (93-179 ; 711-795) s’est illustrée en cette matière. C’est à l’imām andalou Ash-Shāṭibī (- ???-790 ; ???-1388), un des piliers de cette école, que revient le privilège du premier traité en la matière : « al-Muwāfaqāt » (les concordances)[22], qui devait s’intituler : « at-Ta‘rīf bi as-Srār at-Taklīf » (l’identification des secrets des prescriptions).

Ibn Khaldūn (732-808 ; 1332-1406) dans sa célèbre Muqaddima (prolégomènes), identifie as-sharī‘a comme une science à l’élaboration de laquelle, s’est attelé l’Imām Mālik (93-179 ; 711-795) en premier, ensuite ses successeurs, Idrīs as-Shāfi‘ī (150-204 ; 767-820) puis Ahmad Ibn Hanbal (164-241 ; 780-855) : « Au début, la science de ash-sharī‘a  était une pure transmission, ce sont les successeurs qui ont retroussé les manches et qui ont effectué les vérifications afin d’identifier les [récits] authentiques. Ainsi, Mālik a rédigé son livre al-muwaṭṭa’ où il a consigné les fondements des prescriptions d’après ce qui est authentique et reconnu »[23].

Le qualificatif science, à lui seul, rétablit ash-sharī‘a à sa dimension humaine comme science. Les deux fondements principaux qui sont le Qur’ān et le Ḥadīth, sont d’inspiration divine et transcendante, cependant ash-sharī‘a comme science est une lecture historique, adaptative et humaine : « à chacun de vous, Nous avons accordé une source de conduite et une voie claire »[24], et « Certes, Nous n’avons envoyé de messager que dans la langue de son peuple, afin de les éclairer »[25].

Al-fiqh (la jurisprudence), ‘ulum al-Qur’ān (les sciences du Qur’ān) et ‘ulûm al-adīth (les sciences des dits prophétiques), pour ne citer que les principaux ; sont des sciences c’est-à-dire des avis de spécialistes qui peuvent diverger quant à l’interprétation qu’ils donnent en fonction des lectures et des règles admises comme méthode de recherche, d’où l’existence d’écoles juridiques différentes.

Les sciences qui se rapportent particulièrement aux domaines du dogme (al-‘aqīda), du culte (al-‘ibādāt), au droit de succession (al-farāid) ou les mœurs et les règles de conduite (al-mu‘āmalāt), prendront peu à peu de l’ampleur en côtoyant le pouvoir politique qui cherche sa légitimité auprès du faqīh (le jurisconsulte). Le faqīh justifiera, explicitement, son édit en se référant aux sources canoniques, mais en réalité, il suivra implicitement le désir du politique. On peut donc dire que l’identification du terme ash-sharī‘a de manière stricte aux lois religieuses est une conséquence du pouvoir politique, lequel cherche à légitimer son autorité en l’habillant de la couverture du sacré.

Le glissement du sens du mot ash-sharī‘a s’effectue donc, en passant de doctrine ou de philosophie à du dogme fixe ; de source de conduite, initiée par le message prophétique, à des règles imposées par la force de la loi ; de lecture dynamique, qui considère les facteurs espace et temps, à une lecture figée ; et d’une vision ouverte sur le monde à un repli sur soi.

La transfiguration du concept ash-Sharī‘a va atteindre son point de paroxysme en s’identifiant totalement au concept de ad-dīn. De la sorte, elle a fini par occulter les dimensions du cheminement et de la connaissance et a fini par se couper elle-même de sa source spirituelle pour devenir sans souffle et sans sens.

Cette réduction cognitive du concept de ash-Sharī‘a, pour ne contenir presque exclusivement que le champ des règles légales et religieuses, a amené certains auteurs à s’interroger sur la place qu’occupent, quantitativement, ces versets dans le corpus qur’ānique.

Ar-Rāzi, situe ce nombre aux alentours de cinq cents[26]. As-Siyûṭī, également, rapporte le même nombre d’après al-Ghazālī et bien d’autres, qui considèrent que : « les versets qui concernent les prescriptions sont au nombre de cinq cents ; d’autres disent qu’ils sont au nombre de cent cinquante »[27]. La raison de cet écart, est due au fait que lorsque les uns se tiennent, strictement, aux prescriptions explicites ; les autres prennent en compte, les récits historiques et les allégories qu’ils considèrent, également, comme source de prescriptions. En termes de pourcentage, les versets prescriptifs sont de l’ordre de cinq pour cent sur l’ensemble des six mille deux cent trente-six versets Qur’āniques.

S’agissant des facteurs qui ont présidé à une lecture erronée de ad-dīn ainsi que celui de ash-Sharī‘a, par voie de conséquence. Nous avons tenté de dégager les facteurs internes à l’Islam, en interrogeant le sens littéral aussi bien que la signification conceptuelle de ad-dīn, dans ses acceptions littéraires arabes et Qur’ānique, mais aussi à travers son développement historique. D’autres facteurs sont dus à une lecture moderne, empruntée à une conception dite occidentale du mot et du concept de religion et qui mérite également qu’on s’y arrête pour une lecture critique de sa genèse, dans la discussion suivante.

Discussion

Du dīn à al-madīna

L’analyse du terme madīna selon la méthode de la linguistique comparée[28], soutient le fait que la racine trilitère d-y-n soit à sa base de la même manière que dans les langues hébraïque et araméenne lesquelles relient, toutes, cette racine à différentes formes en rapport avec l’établissement du droit ou son administration. Le mot madīna aurait connu sa première apparition dans la langue araméenne avant l’Islam, pour indiquer une zone administrative ou juridique. C’est cette racine commune qui explique la survivance en langue arabe des termes comme dāin (créancier), madīn (débiteur) adāna (prêter ou accuser) idāna (accusation), à titre d’exemple.

Nous rencontrons ainsi, les formes « dīn » dans l’Arabe et dans l’Hébreu et « dīnā » dans l’Araméen pour désigner la loi ; « Beth Din » ou la maison de la loi pour désigner le tribunal dans l’Hébreu ; également, « dayyān » pour le juge dans l’Arabe et l’Hébreu.

Les récits historiques ou traditionnistes mentionnent le fait que le Prophète a procédé à la re-nomination de la ville de Yathrib qui signifie celle qui reproche ou exclue, par le nom de al-Madīna, c’est-à-dire la Cité. Nous avons connaissance de l’importance qu’accorde le prophète aux noms et qu’il suggérait leurs changements ou procédait intentionnellement à la re-nomination adéquate. En agissant ainsi, le Prophète n’avait-il pas indiqué par cette re-nomination, la désignation d’al-Madīna par ce nom qui signifie la Cité, comme fondatrice et annonciatrice d’une nouvelle aire civilisationnelle ! Le mot civilisation en arabe se dit, aussi, madania, faut-il le rappeler !

Yathrib était une Oasis cosmopolite et à prédominance tribale, principalement les Aws et les Khazraj qui se livraient bataille durant des décennies ; et multiconfessionnelle regroupant des ensembles disparates de confessions antéislamiques, de juifs et de chrétiens, auxquels s’ajoutent les nouveaux migrants, c’est-à-dire les Mecquois.

Probablement, entre autres explications, les deux grandes tribus ennemies qui composaient l’agglomérat de Médine, lassées par cet état d’instabilité et d’insécurité permanent, vont accueillir volontiers le nouveau message. Le Prophète ne tardera pas, par ailleurs de marquer son avènement à Médine par de grandes décisions d’une importance vitale et dont les conséquences ont contribué à changer le cours de l’histoire du monde.

Il commença par la fraternisation des deux composantes majeures de Yathrib, les Aws et les Khazraj, qui constitueront dorénavant le groupe des Anār, ceux qui ont accueilli et qui ont défendu le Prophète ainsi que son message.

Il prolonge cette fraternisation aux Mecquois, constituant eux, le groupe des migrants qui ont quitté l’hostilité de leur ville natale Makka.

Il va établir une charte commune, kitāb ou aīfa, que d’aucuns considèrent comme une première constitution écrite du genre à son époque. Le but étant celui d’institutionnaliser les droits et les devoirs de chacune des parties constituantes de la nouvelle ville Cité-État. « Il appela alors les représentants des musulmans, ainsi que ceux des non-musulmans de la région : Arabes, Juifs, Chrétiens et autres. Il leur suggéra la création d’une Cité-État à Médine. (…) il la dota d’une constitution écrite, la première de ce genre, dans le monde. »[29] Y sont définis les devoirs et droits des citoyens ; du chef de l’État ; l’abolition de la coutume de la justice privée ou de la vendetta, le rétablissement du droit revient désormais au pouvoir central ; la liberté religieuse y est explicitement reconnue, notamment pour les juifs, de manière égale aux croyants musulmans. Ils constituent ensemble une seule Umma.

Il adoptera le nom de al-Madīna pour désigner La Cité nouvellement constituée, le nom de al-Madīna est à envisager donc, comme un toponyme qui concentre en son sein la désignation géographique d’un lieu, certes, mais qui évoque également la volonté historique d’établir une ville aux aspirations d’une Cité et aux dimensions juridiques et politiques d’un État.

Cette aspiration civilisationnelle se trouve, tacitement, évoquée entre les lignes du corpus Qur’ānique. Le terme madīna y est évoqué, par moments, en lien avec la présence d’enceinte ou de muraille[30] ; la présence d’une administration officielle[31]; ou d’une administration et d’une monnaie[32]; ou d’une administration et d’un pouvoir coercitif[33]. La ville y est spécifiée comme un centre urbain[34]; un lieu de rencontre de populations d’origines diverses[35]par rapport à la périphérie peuplée par des Bédouins appelés a‘rāb, et qui sont regroupés en petites entités homogènes, plutôt sur base de lien tribal ou du sang.

Très significatif également, la mention par le Qur’ān du terme Qarya qui peut être comprise comme ville par moments, mais son usage dans le texte renvoie le plus souvent au sens de bourgade, d’une agglomération d’habitants de plus petite taille qu’une ville et située à la périphérie. Le mot al-Qarya est souvent cité pour indiquer un agglomérat humain non regroupé autour d’un projet commun mais plutôt caractérisé par l’injustice, par la domination des plus riches et des plus puissants, et par l’absence de valeurs morales ou spirituelles communes.

Le verset 14 de la sūrat XLIX renvoie d’une manière ferme, la prétention des a‘rāb à la dimension de al-īmān, laquelle exprime un état plus profond de cohérence entre l’adhésion et l’agir. Il leur confirma plutôt le fait qu’ils sont restés attachés à la dimension de al-islām, laquelle appelle à plus d’intériorisation et de conséquence.

Bien remarquable, le verset 14 est précédé par un appel aux gens indifféremment de leur différence ou appartenance et par un rappel de l’origine humaine commune. Tous les humains sont créés de la jonction d’un mâle et d’une femelle, et constitués ensuite en peuples et tribus différents, afin de se lier par la connaissance et la reconnaissance[36].

Bien intéressant encore, le message que livre le verset qui suit le verset 14. Il décrit la dimension de al-īmān comme celle des véridiques ; particulière à ceux qui adhèrent, qui acceptent l’autorité et qui œuvrent en effort. Le verset 16 clôture ce débat en guise d’interrogation-confirmation ! « Dis : « Allez-vous enseigner Allāh ce qu’est votre dīn ? ». Nous y sommes de nouveau au terme de addīn, objet de notre discussion.

Le thème général de la sūrat traite principalement des règles de bienveillance, du respect mutuel entre les membres de la communauté, de respect de l’autorité, de solidarité sociale, d’éviter d’ébruiter les rumeurs, de combattre l’injustice et d’établir le droit … En somme, c’est un appel au maintien des valeurs primordiales, au vivre ensemble et au développement de la Cité. Les mêmes valeurs qui seront regroupées sous la dénomination de addīn dans la sūrat.

Du dīn à al-madīna, tel était notre parcours durant cette étude. Notre entreprise première avait comme objectif de distinguer le terme addīn dans ses spécificités linguistiques d’abord, et conceptuelles islamiques ensuite. La recherche nous a conduits tout naturellement à lever le voile sur un horizon aussi vaste que celui de la civilité et de la civilisation grâce au terme de al-madīna, un autre mot dérivé d’une racine commune. Ce résultat nous a emmenés immanquablement à la question de la sécularisation, philosophique et politique à la fois, celle de la séparation entre le religieux et le politique. Une question née encore une fois, faut-il le rappeler, au sein du monde occidental et chrétien et au sein duquel est né et s’est développé le concept de religion.

En Occident, la religion s’est constituée en Église et l’Église s’est instituée en État. La lutte contre cette forme d’État qui cherchait à dominer et les biens matériels et les consciences, conduisait nécessairement à la lutte contre la religion et à la cantonner pour finir au strict minimum dans la sphère privée, faute de pouvoir l’éradiquer totalement.

La laïcité va naître comme compromis au sein de cette lutte, mais pas uniquement, car elle est en totale correspondance avec la conception dualiste également, laquelle est une des caractéristiques de la pensée occidentale. À ce point de vue, laïques et religieux se partagent la même vision du monde subdivisé en sacré et profane. L’enjeu consiste alors à déterminer ce qui relève de l’un ou de l’autre monde.

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Bien que cette idéologie occidentale se soit imposée intellectuellement et politiquement au reste du monde, elle n’accueille que peu ou pas de légitimité auprès du monde oriental, de tradition bouddhique, hindouiste et islamique, pour ne citer que ceux dont l’importance géographique et démographique est la plus imposante. Ce constat est probablement vrai aussi, pour d’autres traditions ou conceptions anciennes.

Dans le monde islamique ? et spécifiquement arabe, ce débat occupe la scène politique depuis des décennies avec beaucoup d’imprécision, beaucoup de confusion et beaucoup de malentendus.

L’une des principales causes revient à l’importation de concepts qui ne font pas corps avec un terreau d’une constitution différente.

Pour des raisons qui lui sont propres, la sphère occidentale envisage l’histoire du monde d’une manière linéaire et évolutive, le subdivise en choses profanes et choses sacrées ; alors que dans la sphère orientale le mouvement du monde est conçu d’une manière cyclique, le sacré et le profane sont interchangeables dans une dynamique d’espace-temps, fortement liée à la conception de la non-dualité, laquelle ne reconnait la dualité des choses qu’en  apparence mais soutient leur unité ontologique.

Nous avons soulevé expressément, ces deux caractéristiques car elles échappent souvent à certaines analyses superficielles, celles par exemple d’une certaine intelligentsia arabe imprégnée par la vision occidentale.

Dans le monde arabe la laïcité a fait et fait toujours débat. Il y a des raisons internes, conséquence logique d’une évolution normale. D’autres sont externes puisqu’elles imposent le sujet comme un enjeu géopolitique, mais ce n’est pas notre sujet, ici.

Notre propos porte sur l’arabisation du terme importé de la laïcité, et réputé en arabe moderne par le mot al-‘ilmānia ! Quelle est sa signification originelle ? Bénéficie-t-il d’une validité conceptuelle aussi justifiée qu’il soit hissé, par une certaine élite arabe, au rang de la condition sine qua non afin de rattraper le train de la modernité en marche ?

Étymologiquement, laïque vient du grec laikos. Il signifie ce qui est relatif au peuple, d’ordinaire par opposition à celui qui est régulier ou ordonné ou clérical, Klerikos en grec. Il recouvre un sens similaire en latin, laicus qui signifie commun ou ordinaire.

Pour parler de laïcité donc, il est nécessaire que les domaines du religieux ordonné et du religieux commun soient séparés. L’absence de clergés et l’absence d’institution propre à ce qui est communément admis comme relevant du domaine religieux en Occident, mais aussi l’absence d’une conception aussi nette pour distinguer les domaines du sacré et les domaines du profane, nous emmène à considérer que les efforts alloués au transfert conceptuel du terme laïcité vers l’espace arabo-musulman ne peuvent mener que vers des apories.

Le professeur M. A. al-Jābri[37] soutient l’idée que nul slogan parmi les slogans de la pensée arabe moderne n’a été, et demeure encore, un sujet d’amalgames et de malentendus comme celui de al-‘ilmāniyya. Il considère aussi que les tentatives de traductions sont aussi bien fautives sur le plan linguistique, qu’inadéquates au niveau contextuel. C’est une tentative de falsification, dira-t-il, presque. Il appelle à exclure le terme de al-‘ilmānia du vocabulaire technique arabe, il appelle de ses vœux, à soutenir plutôt une assise de la pensée arabo-musulmane, sur base des concepts de démocratie et de rationalité, ainsi que sur la présence légitime de l’Islam tant sur le plan conceptuel que sur le plan pratique.

Quant au terme arabe al-‘ilmānia, soit il est un dérivé du mot ‘ilm qui veut dire science, al-‘ilmānia traduirait plutôt l’idée de scientisme, soit il est le dérivé du mot ‘ālam, qui signifie le monde et qui donnera la forme de al‘ālamania c’est-à-dire une conception qui ne se rapporte qu’au monde. Les deux formes sont erronées dans un espace arabo-musulman, imprégné d’une pensée à caractéristiques orientales. Pire, elles forment parmi d’autres conceptions hybrides un réel obstacle vers la concrétisation de la Cité (al-madīna).

Questionner la question libère de ce qui semble, a priori, comme évident ; et ouvre sur d’autres possibilités à penser, occultées jusqu’alors, à défaut d’adéquation du langage. N’est-il pas dit que « Les questions, en philosophie, sont plus essentielles que les réponses »[38] ?

 

 

Notes:

[1] Cf. Lisān al-‘arab, VIII, p. 175.

[2] Cf. Le Livre de l’Ascension, S. Moustarhim & M. Giannini, ALBOURAQ, 2020, p. 111.

[3] Cf. ash-Shahrastānī,  al-Milal wa-n-Niḥal, Beyrouth, 2007, II, p. 59.

[4] Dans Ar-Risâla, Introduction, Ahmad Shâkir, Beyrouth.

[5] Voir : Ja‘far al-Katânî, ar-risâla al-Mustaṭrafa, Dar al-Bashâir, Beyrouth, 1993.

[6] Au début du troisième siècle de l’hégire, on parlait encore de ‘Ilm ’Uṣûl alfiqh (science des origines) al-aṣṣghar (jurisprudence) et al-akbar (l’unicité divine et le dogme) ; de ‘Ulum al-Qur’ān (science du Qur’ān) et de ‘Ulûm al-Ḥadīth (sciences du Ḥadīth)

[7] Cf. Fut, III, p. 153.

[8] Cf. Fut, II, p. 383.

[9] Vous les communautés différentes.

[10] Cf. Qur’ān V, 48.

[11] Qur’ān XI, 123.

[12] Cf. Fut, III, 153.

[13] Cf. Fut, III, 150.

[14] Cf. at-Tirmidhî, n° 2679.

[15] Fut, III, 151.

[16] Qur’ān, XX, 114.

[17] Fut, III, 151.

[18] Cf. Fut, III, 153.

[19] Ibn Taymiyya, al-fatâwâ al-kubrâ, XI, p. 218.

[20] Qur’ān, LI ,56.

[21] Voir également les commentaires de : Ibn Jurayj (80-150 ; 699-767) dans le commentaire d’Ibn Kathîr et Mujâhid (21-104 ; 642-722), disciple du compagnon du Prophète Ibn ‘Abbâs dans le commentaire Ma‘âlim at-Tanzîl, d’al-Baghawî.

[22] Voir l’histoire de ce changement de titre, suite à une vision en songe : al-Muwâfaqât fî ‘Uṣûl ash-sharī‘a, p. 16, Dar al-Kutub al-‘Ilmiyya, Beyrouth, 2004.

[23] Al-Muqaddima, Dâr al-Qalam, Beyrouth, 1978, p.442.

[24] Cf. Qur’ān V, 48.

[25] Cf. Qur’ān XIV, 4.

[26] Cf. Ar-Râzî, al-Maḥṣul fî ‘Ilm al-Uṣûl, ar-Risâla, 1980, VI, p. 23

[27] Al-Itqân fî ‘Ulûm al-Qur’ān (IV, p. 35) & Irshâd al-Fuḥûl, Riyad, Dâr al-Fadîla, 2000, p. 1028.

[28] Cf. M. F. Hijāzī, ‘Ilm al-lugha al-‘Arabia, p. 209.

[29] M. Hamidullāh, Initiation à l’Islam, p. 16.

[30] Qur’ān, (18, 82).

[31] Qur’ān, (7, 123) ; (30, 12).

[32] Qur’ān, (18, 19).

[33] Qur’ān, (28, 18).

[34] Qur’ān, (9, 101) et (120, 101)

[35] Qur’ān, (28, 15).

[36] Qur’ān, (13, 49).

[37] M. A. al-Jābri, Wijhat Nathar (point de vue), al-markaz aṭ-Ṭaqāfī al-‘Arabī,1992, p. 109.

[38] Karl Jaspers, Introduction à la Philosophie.

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