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Le Nissâb, concept islamique représentant le seuil de richesse à partir duquel la zakât devient obligatoire

Recommandation pour l’adoption du Nissâb le plus bas entre l’or et l’argent

La Zakât est une obligation faisant partie des cinq piliers de l’islam. Elle dépend du Nissâb, qui est un concept islamique représentant le seuil de richesse à partir duquel la zakât devient obligatoire pour une personne qui le possède pendant une année entière. De nos jours, l’or et l’argent sont les deux moyens d’estimation du Nissâb des billets bancaires contemporains. Le Nissâb pour l’or correspond à un poids de 85 grammes d’or 24 carats (équivalent à 4759 € aujourd’hui), tandis que le Nissâb pour l’argent correspond à un poids de 595 grammes (équivalent à 422 € aujourd’hui). À l’époque prophétique, le Nissâb pour l’or et l’argent était identique et permettait l’achat de vingt brebis (environ 3400 € de nos jours). Au fil de l’histoire, le Nissâb de l’or a augmenté, tandis que celui de l’argent a diminué. Dans le contexte historique actuel, marqué par la cherté de la vie, la précarité et la grande pauvreté, où le cours de l’or a atteint des sommets, contrairement à celui de l’argent qui reste stable et bas, le Conseil Théologique Musulman de France (CTMF) recommande vivement, pour le calcul du Nissâb de la Zakât Al-Mâl, d’opter pour l’argent. Cette recommandation du CTMF se justifie par les raisons suivantes :

– Le Nissâb d’argent est établi par des hadiths authentiques et célèbres, et fait l’unanimité des savants depuis les premiers siècles.

– Le Nissâb d’argent profite davantage aux pauvres que celui de l’or, car il est le moins cher des deux. En effet, plus l’or est cher, plus son Nissâb devient élevé, ce qui réduit le nombre de musulmans concernés par l’acquittement de la Zakât. Par conséquent, la somme distribuée aux pauvres diminue considérablement. En revanche, l’adoption du Nissâb d’argent produit l’effet inverse, avec davantage de ressources provenant de la Zakât pour les personnes dans le besoin.

– Celui qui, en plus de toutes ses dépenses annuelles de base (loyer, nourriture, vêtements, etc.), parvient à épargner une somme dépassant le Nissâb d’argent ou d’or, sans en avoir besoin pendant une année entière, atteint ainsi le seuil minimum de richesse en islam et doit s’acquitter de la Zakât Al-Mâl selon les quatre écoles de Fiqh (jurisprudence musulmane).

– Des conseils internationaux de Fiqh islamique ont recommandé l’adoption du Nissâb le plus bas entre l’or et l’argent, tels que le Conseil du Fiqh Islamique de La Mecque en 1982 et le Conseil du Fiqh Islamique de l’Inde en 1989. Il convient de noter que plusieurs dizaines de savants du monde musulman siègent dans ces deux conseils.

Pour toutes ces raisons, le CTMF préconise l’adoption du Nissâb d’argent plutôt que celui de l’or.

Le Conseil Théologique des Musulmans de France 

 

Pour ceux qui souhaitent davantage de précisions et d’arguments, ils peuvent se référer à l’annexe (ci-dessous) où des informations complémentaires sont fournies.

Annexe

Au fil de l’histoire, le Nissâb de l’or a augmenté, permettant aujourd’hui l’achat d’une trentaine de brebis, tandis que le Nissâb de l’argent a diminué, permettant actuellement l’achat de seulement trois brebis . Face à cette réalité, certains érudits musulmans ont recommandé, au cours du siècle dernier, l’adoption du Nissâb d’or, car il a conservé sa valeur contrairement à celui d’argent. De plus, ils ont constaté que la richesse n’est pas compatible avec le Nissâb d’argent, qui est relativement faible. Il convient de noter que le Prophète (que la salât et le salâm d’Allâh soient sur lui) a dit à Mu’âdh : « Informe-les qu’Allâh leur a prescrit une aumône au niveau de leurs biens, qu’on prélève auprès de leurs richesses et qu’on distribue à leurs pauvres ! » (Bukhârî et Muslim). Or, pour eux, une personne qui possède quelques centaines d’euros ne peut être considérée comme étant riche. Cependant, en opposition à ce point de vue, de nombreux autres savants ont préféré retenir le Nissâb d’argent, en se basant sur les raisons évoquées dans la première page.

Dans les paragraphes suivants, nous présentons des arguments en faveur de l’adoption du Nissâb d’argent.

1/ L’évolution historique des cours de l’or et de l’argent :

Il est vrai que le cours de l’argent a connu une baisse, tandis que celui de l’or a augmenté significativement. Cela signifie que la valeur de l’or n’est pas équivalente à celle de l’époque prophétique. Par exemple, en 2007, le Nissâb d’or était d’environ 1300€. Quinze ans plus tard, il est maintenant passé à 4759€, ce qui représente une augmentation de 366%. En revanche, les salaires n’ont pas connu une telle hausse en si peu de temps. Ainsi, une personne qui gagnait un salaire de 2000€ en 2007 n’a pas atteint aujourd’hui 7320€. Cela signifie que de nombreux musulmans qui étaient au-dessus du seuil de richesse à l’époque (1300€) et qui payaient leur Zakât Al-Mâl sont maintenant en dessous du seuil de richesse actuel (4759€) et ne sont donc plus tenus de payer la Zakât. Ce qui diminue considérablement les ressources de la Zakât pour les nécessiteux.

Il convient de noter que ni la baisse excessive de la valeur de l’argent, ni la hausse exponentielle de la valeur de l’or ne sont souhaitables, car elles nous éloignent beaucoup de la valeur du Nissâb à l’époque prophétique. Ni l’or ni l’argent n’ont conservé donc leur pouvoir d’achat depuis les premiers temps de l’islam. Par conséquent, il est plus sage de privilégier aujourd’hui l’adoption du Nissâb d’argent, qui devient plus bénéfique pour les pauvres malgré sa baisse, plutôt que de s’accrocher à l’or, qui n’a pas conservé sa valeur de l’époque prophétique et qui ne bénéficie pas actuellement aux nécessiteux.

2/ La compatibilité du Nissâb d’argent avec la richesse :

Il est nécessaire de préciser que lorsque nous parlons du Nissâb d’argent (422€), cela ne signifie pas qu’une personne possédant cette somme est considérée comme riche au sens absolu. En même temps, il ne s’agit pas d’un salaire mensuel de 422€, ce qui indique un niveau de pauvreté. Au contraire, il s’agit d’une épargne qui reste égale ou supérieure à 422€ pendant une année entière, en plus des besoins de base tels que le loyer, la nourriture, les vêtements, etc.

Prenons l’exemple d’une personne qui gagne un salaire mensuel de 2500 € et qui, après avoir payé le loyer annuel, les différentes charges, les impôts, le voyage, etc. parvient quand même à épargner 422 €. Selon la conception musulmane de la richesse, ne peut-on pas considérer cette personne comme étant riche puisqu’elle possède le Nissâb d’argent ? Cette personne, qui dispose des moyens nécessaires pour se nourrir, s’habiller et voyager selon ses souhaits, avec un surplus de 422€, ne pourrait-elle pas payer alors une Zakât équivalente à 10,55€ (soit 2,5% de son épargne annuelle) ?

3/ La grande perte des pauvres à cause de l’adoption du Nissâb de l’or :

Lorsque nous suivons le Nissâb d’or et dispensons ceux qui épargnent annuellement 1000€ de payer 25€, ceux qui épargnent 2000€ de payer 50€, ceux qui épargnent 3000€ de payer 75€ et ceux qui épargnent 4000€ de payer 100€ , car ils sont en dessous du seuil de 4759€ (représentant le Nissâb d’or), nous privons simplement les pauvres de centaines de millions d’euros malgré leur besoin manifeste et malgré le coût élevé de la vie. De plus, la prescription de la Zakât a été établie dans le but de lutter contre la pauvreté, et l’adoption du Nissâb d’or va aujourd’hui à l’encontre de cet finalité.

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En principe, le mal qui touche les pauvres doit être éliminé, selon une règle des sciences islamiques. De même, une autre règle stipule que le mal majeur doit être éliminé par un mal mineur. Dans ce cas, le mal majeur est la situation des pauvres qui ne reçoivent pas suffisamment de Zakât, selon le Nissâb d’or, tandis que le mal mineur concerne les riches, ou les personnes avec des revenus justes moyens, qui s’acquittent de la Zakât selon le Nissâb d’argent.

En effet, la dureté de la pauvreté, si elle n’est pas atténuée par la Zakât suffisante, peut pousser certains individus à commettre des actes répréhensibles. Cela pourrait compromettre la sécurité et la stabilité d’une société. Par conséquent, l’adoption du Nissâb d’argent est une solution simple et efficace qui profite aux pauvres sans nuire aux riches.

4/ Le sens de la richesse et de la pauvreté :

– Le sens linguistique :

Selon les dictionnaires arabes, le terme “richesse” est associé à des notions telles que l’autonomie financière, l’aisance, l’absence de besoins envers autrui, la fortune et l’abondance des biens. En regroupant ces définitions différentes, nous pouvons conclure que la richesse se situe au-delà d’une zone de pauvreté et de besoin, où l’autonomie financière et l’indépendance vis-à-vis des autres commencent à se manifester. C’est dans cette zone que la richesse se trouve. Cette interprétation linguistique suggère que la richesse implique un niveau d’autosuffisance où l’individu ne dépend pas des autres pour subvenir à ses besoins. Ainsi, le seuil minimum de richesse est atteint lorsqu’une personne atteint cet état d’autonomie et d’indépendance.

– Le sens coranique de la richesse et de la pauvreté :

Un verset coranique donne clairement le sens des deux termes : « Que les aumônes aillent de préférence aux pauvres qui se sont consacrés au service d’Allâh, sans pouvoir parcourir le monde en vue de gagner leur subsistance. À voir leur attitude si digne, celui qui ne les connait pas les prendrait pour des gens riches. C’est grâce à cette particularité qu’on les reconnaît, car ils n’importunent personne de leurs demandes. » (C2-V273).

Dans ce même verset, Dieu les qualifie de pauvres selon Sa connaissance divine, mais les arabes de l’époque les considéraient comme riches en raison de leur attitude. Leur apparence de richesse était due au fait qu’ils ne mendiaient pas par dignité et par confiance en Dieu. Ainsi, selon les Arabes, celui qui ne mendie pas, et est autonome financièrement, est considéré comme riche, même s’il n’est pas fortuné. Par conséquent, nous pouvons comprendre que le hadith prophétique ordonnant de prélever la Zakât auprès des riches, vise des personnes qui, en plus de leur autonomie financière, possèdent un Nissâb quelconque en or, en argent ou en autres biens.

– Le sens de la richesse selon le Fiqh islamique :

La majorité des écoles juridiques (à l’exception des Hanafites) considère que la frontière entre la richesse et la pauvreté est déterminée par le concept d’autonomie financière (Al-Kifâyah). Celui qui se situe en dessous du seuil de l’autonomie financière est considéré comme étant dans le besoin et le droit de recevoir la Zakât sans avoir l’obligation de la payer. Celui qui dépasse le seuil de l’autonomie financière sans atteindre le Nissâb n’est pas tenu de payer la Zakât, car il ne possède pas la richesse requise pour cela, et il n’a pas le droit de recevoir la Zakât, car il n’est pas considéré comme pauvre. Enfin, celui qui dépasse le Nissâb pendant une année entière est tenu de payer la Zakât sans avoir le droit de la recevoir.

Cependant, les Hanafites adoptent une approche binaire. Soit une personne est riche, soit elle est pauvre. Le besogneux a le droit de recevoir la Zakât sans avoir l’obligation de la payer. En revanche, celui qui possède le Nissâb, en plus de ses besoins de base, est considéré comme riche et a l’obligation de payer la Zakât sans pouvoir la recevoir.

Ainsi, selon l’unanimité des quatre écoles juridiques, une personne qui possède le Nissâb d’argent (422€) pendant une année entière, au-dessus du seuil de l’autonomie financière et en plus de ses besoins de base, est tenue de payer la Zakât, dont le montant s’élève seulement à 10,55€.

5/ Les conseils internationaux de Fiqh islamique :

En 1982, le Conseil de Fiqh Islamique de La Mecque a recommandé, à la majorité, d’adopter le Nissâb le plus bas entre l’or et l’argent, c’est-à-dire l’argent. Ensuite, en 1989, le conseil de Fiqh Islamique de l’Inde a recommandé à l’unanimité de ses 70 participants d’utiliser le Nissâb d’argent pour le calcul de la Zakât sur les biens. Ces deux conseils internationaux réunissent les plus éminents savants du monde musulman en matière de Fiqh.

À cette époque, le cours de l’or était bien inférieur à sa valeur actuelle, et malgré cela, ils ont privilégié l’argent pour le calcul du Nissâb. On peut imaginer ce qu’ils auraient pu dire s’ils avaient vu le Nissâb actuel de l’or qui avoisine les 5000€.

Le Conseil Théologique des Musulmans de France 

 

 

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