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Le monde d’après ?… Crise d’Etat, de gouvernance autoritarisme, communautarismes, ressentiments ?…

Crise d’Etat, d’hégémonie, de gouvernance, d’autorité, ou « Ingouvernabilité », autoritarisme, inter-socialité, communautarismes, séparatisme, ressentiments ?

« Numa pompilius éleva le temple de Janus. Ce temple, construit au bas de l’Argilète, devint le symbole de la paix et de la guerre. Ouvert, il était le signal qui appelait les citoyens aux armes ; fermé, il annonçait que la paix régnait entre toutes les nations voisines. »
Tite-Live, Histoire romaine.

« Six hommes d’Inde, très enclins à parfaire leurs connaissances, allèrent voir un éléphant — bien que tous fussent aveugles — afin que chacun, en l’observant, puisse satisfaire sa curiosité.
(…)
Ainsi, ces hommes d’Inde discutèrent longuement, chacun faisant valoir son opinion avec force et fermeté. Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l’erreur. »
La parabole des « aveugles et de l’éléphant », rendue célèbre par le poète américain John Godfrey Saxe au milieu du XIXe siècle, trouve son origine dans le jaïnisme.

« Le monde d’après » avait dit le président de la République Emmanuel Macron lors du premier confinement suite à la pandémie du COVID-19. Cela implique une rupture mais aussi une continuité.

En effet, ces crises ne se sont-elles pas déjà opérées en une multitude de crises bien antérieures ? Il suffit hélas de relire l’Histoire. Sans aller jusqu’à la rupture cosmologique des cieux et de la terre, ou encore la rupture ontologique ou psychanalytique du cordon ombilical, voire symbolique de la chute Adamique. Mais cette fracture, cette blessure1, pour reprendre le mystique et poète Khaled Roumo, n’en demeure pas moins irrésolue, voire existentielle et toujours d’actualité. Ravivant aussi ce vieux débat entre Modernes et Anciens2. Tous devant cette perspective du dépassement de la condition humaine et de sa finitude. Cycle Khaldunien de l’apogée et du déclin des civilisations. Ou comme le dit le Coran, « Du mort surgit le vivant ».

Notamment dans la dialectique d’un darwinisme social issu des réflexions ultra-libérales d’un Herbert Spencer sur la critique de l’Etat, de la bureaucratie, du fonctionnariat, et d’un Friedrich Hayek, sur l’autogestion, et annonçant une progression vers la privatisation, et progressivement la disparition de ce que d’aucuns appelaient « l’Etat Providence », et plus récemment une dérive vers un libéralisme autoritaire3, voire répressif4.

Pourtant ces crises à répétition n’ont eu de cesse de mettre en exergue des mécontentements, des critiques, voire des revendications et des manifestations réprimées dans la violence, laissant un sentiment de crise de l’autorité étatique, voire de « sociétés ingouvernables5 ». Nonobstant la place croissante de ce que Bertrand Badie appelle l’inter-sociabilité6, dans un climat de « tribunal médiatique » ou « tribunal moral », hystérisation et banalisation de la haine7 via les réseaux sociaux, droitisation des idées8, exacerbation et instrumentalisation des tensions communautaires, identitaires, corporatistes9, et politiques, via des buzz et non plus des débats démocratiques étayés, voire contradictoires. Temps de l’instantanéité et de l’émotion au détriment du temps plus serein de l’analyse et de la critique en profondeur. Retour des populismes10.

D’aucuns situent l’exacerbation de ces crises depuis la mise en place de l’ordre Maastrichien11, et la trahison de l’héritage du Conseil National de la Résistance, alors que d’autres promettent une nouvelle ère économique, à coups de slogans ou novlangue rappelant étrangement ceux de régimes autoritaires, voire totalitaires12, du moins illibéraux13… réduisant le débat démocratique à peau de chagrin, et à une polarisation : pour ou contre. Comme si la complexité et la possibilité d’autres voies, d’autres pensées étaient impossibles14. Binarité inquiétante ou émergence d’une nouvelle forme de Maccarthysme, voire d’Inquisition ?

Depuis la promesse d’une « mondialisation heureuse », les théoriciens et autres prophètes de malheur annonçaient le choc des civilisations ou la fin de l’histoire, puis le Grand Remplacement. Et les politiques de banaliser dans le débat public les idées du RN, ex FN, rejoignant la geste de Trump et Netanyahu saluant les régimes illibéraux et la montée de l’extrême droite partout en Europe15. Pendant que d’aucuns se moquaient des larmes de Greta Thunberg, exposant à l’ONU les conséquences irréversibles de l’Anthropocène16, du réchauffement climatique, de la disparition des espèces, de l’épuisement des ressources naturelles, de la disruption17, d’une forme de néguentropie18, et des conséquences migratoires, humanitaires et écologiques. En somme la fin du mythe Hegelien du progrès linéaire, voire exponentiel. Même si en terme de progrès, les nano technologiques, les moyens de communications, et autres, dans la lignée des sciences et de la philosophie post-humaniste, le rêve continue encore à nourrir les possibilités et les réalisations19, dont nous ne connaissons, hélas, pas encore les effets20.

Sans que ne cessent les interventionnismes militaires à coups de publicités « Engagez-vous ! » rappelant les appels de l’Oncle Sam, à l’instar du slogan présidentiel « La France en marche21 » modifié alors. Interventionnisme comme au temps de la « Mission Civilisatrice » lors des siècles précédents, qui ont pris d’autres formes comme les « Missions Humanitaires22 » des années 90 et la « Lutte contre le terrorisme23 ». Instrumentalisation des rivalités ethniques, religieuses, politiques aussi bien à l’intérieur de l’hexagone qu’à l’extérieur. Impérialisme et néo-impérialisme qui ne dit pas son nom, rapport d’infantilisation et paternalisme des citoyens africains et du Moyen-Orient, à l’instar des musulmans de France24, et des citoyens français en général. Universalisme et Egalitarisme remis en question25. Et de l’autre côté, anathèmes proférés par les mandarins ou thuriféraires du pouvoir à l’encontre de prétendus « islamo-gauchistes26 » ou d’« islamo-fascistes27 » comme autrefois certains qualifiés d’hitléro-stroskistes ou de judéo-bolchéviques. A l’instar de l’horrible assassinat de Samuel Paty et la succession d’attentats non moins tragiques, à la suite desquels Pascal Bruckner, connu pour son essai Le sanglot de l’homme blanc, entre autres, accusa Rokhaya Diallo d’avoir « armé le bras des tueurs »28.

Rupture ou continuité ou répétition de l’Histoire ?

Et ces dernières années, nous regardions à travers nos écrans cette histoire qui se faisait ailleurs, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, et plus près de nous en Grèce et en Espagne. Rassurés d’être encore protégés, croyons nous, par un Etat providence ou système démocratique aux partis politiques et presse et médias divers et pluriels, garants de nos libertés publiques, du droit de manifester et de débattre librement et protégés par la Constitution, et des contre-pouvoirs encore plus ou moins indépendants. Qui aurait imaginé la crise des gilets jaunes, la répression des manifestants anti-réformes des retraites, les violences policières, ou encore cette nouvelle forme de « contrôle sanitaire »29, ponctuée d’attentats ? Ajoutant au climat anxiogène. C’était sans compter une forme de darwinisme social et économique exacerbé par la mondialisation et la concurrence de nouveaux acteurs (Gafa, multinationales) et nouvelles puissances émergentes (notamment la Chine, Inde, Russie, pays du Golfe, Turquie). Nous pensions encore avec nostalgie aux propos du président Chirac, « Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie, vient de l’exploitation depuis des siècles de l’Afrique » 30. C’était une autre époque où Chirac était acclamé au Liban ou ailleurs. C’était d’autres pratiques31. A l’instar d’un De Villepin s’opposant en une geste digne d’un Voltaire ou d’un Zola, à l’intervention militaire de la France en Irak en 2003. France qui pour le coup gardait encore tout le pouvoir symbolique et le capital sympathie d’une puissance indépendante et héritière des Lumières, et digne héritière du Gaullisme, d’une autre voie alternative qui pouvait s’opposer aux décisions va-t’en guerre de Georges W.Bush qui avait méprisé les résolutions « du machin » (l’ONU). Rires d’outre-tombe du général, « je vous l’avais dit ! » dans la même intonation que le fameux « Je vous ai compris ! ».

Mais depuis Sarkozy les choses allaient changer… En pleines élections présidentielles et débat sur l’identité Nationale32, l’affaire Merah avait ébranlé toutes les consciences, et donné suite à d’autres attentats tout aussi tragiques en résonance avec la débâcle de l’Irak et de la Syrie33. Au niveau international, on l’a vu dans l’ascension de son ami Alassane Ouattara en Côte-d’Ivoire34 et puis le rôle de Sarkozy-BHL dans l’exacerbation du chaos libyen et l’affaire Kadhafi… Dans un climat international d’intérêts de la Françafrique menacés par les appétits de la Chine, et aussi des USA, de la Russie, des pays du Golfe, et de la Turquie35. « La mondialisation heureuse » profilait son ombre, son double, le terrorisme36 et les crises inter-sociales qui allaient en découler. Sans jamais évoquer le sujet tabou, à savoir ce que d’aucuns pourraient qualifier de néo-colonialisme ou néo-impérialisme37, non plus seulement aux services d’Etats comme au siècle dernier, mais au service de multinationales et d’intérêts souvent privés38.

Plus près de nous, une succession de ruptures que chaque citoyen n’a eu de cesse de ressentir notamment depuis le début du mandat présidentiel de Macron39. La diminution du pouvoir d’achat, l’exacerbation des inégalités, la disparition de la droite et la gauche, le scandale de l’affaire Benalla, la gestion musclée des gilets jaunes et des manifestants contre la réforme des retraites, les décrets et autres lois à coups de 49-3, le mépris de Balkany, de corruption généralisée, la privatisation à tout va, le fichage et le contrôle des citoyens, les logiciels permettant la reconnaissance faciale, dans un climat d’état d’urgence, de violences policières, d’exacerbation des particularismes. Ce que le président a qualifié de « séparatisme », que d’aucuns appellent traditionnellement communautarisme. Bien sûr séparatisme et communautarisme par le haut que jamais il ne dénoncera ou ne condamnera40. Ce que d’aucuns qualifient de guerre entre les riches et les pauvres ou de Lutte des classes41. Dans un climat d’Etat d’urgence sanitaire et d’Etat d’urgence sécuritaire. « Nous sommes en guerre » avait dit monsieur le président.

Pendant que certains élus ou personnalités médiatiques à coups d’injonctions voudraient que les musulmans de France dès qu’un fait divers ou un attentat terroriste ait lieu, prennent position, ce que les personnalités représentatives du CFCM, certains intellectuels ou personnalités publiques font… mais qui suppose qu’en effet les musulmans de France seraient une communauté unie et monolithique42, et ce qui conforte les tenants de la théorie du communautarisme et du séparatisme. Et du Grand Remplacement ! Comme si les « musulmans » du moins de culture musulmane ou d’origine maghrébine ou africaine ou autres, étaient réduits au prisme religieux alors qu’eux-mêmes sont traversés par une multitude de courants de pensée, d’inclination sexuelle ou autres (républicains, libertaires, anarchistes, communistes, athées, gay ou lesbienne, croyants mais individualistes inscrits dans la modernité)43. Et le problème est là… alors qu’un déséquilibré quand bien même chrétien ou juif ou anarchiste ou autre commettrait la même horreur, il ne viendrait à personne l’idée d’incriminer tous les chrétiens ou tous les juifs de France… On se souvient de l’éloge littéraire d’Anders Breivik, et Brendon Tarent faisant référence à Marine Le Pen44 ou à Zemmour45 pour expliquer son acte sans que personne ne trouve rien à redire, du moins en minimiser les effets, sans que des associations d’extrême droite ou autres ne soient fermées.

Pourquoi en est-il autrement des français de culture ou de confession musulmane ? Pourquoi ne leur fout-on pas la paix, et de réaliser que ce problème est un problème national et qu’il concerne tous les français quelle que soit leur origine ou leur confession ? Auquel cas, nous ne sommes plus respectueux du pacte social Rousseauiste ou de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ou encore La constitution qui ne reconnaît pas des communautés mais des citoyens et rien que des citoyens… cette dérive serait-elle d’influence américaine?… Ou alors serions-nous face à un double discours, surtout lorsque l’on connaît la bienveillance et le financement en pétrodollars et vente d’armes à certaines théocraties, elles-mêmes fief de cette idéologie mortifère wahabbo-salafiste46 ? Comme l’explique Georges Corm47, c‘est donc moins à un  » retour du religieux  » que l’on assiste qu’à un recours au religieux au service d’intérêts économiques et politiques fort profanes. De même que les printemps arabes qui sont vus par ces pétromonarchies comme un espoir à combattre, surtout quand les peuples revendiquent les garantis de l’Etat-Providence sur le modèle de nos Etat-Nation et de nos constitutions48, et ce depuis la Nahda. Les médias faisant comme si les islamistes avaient gagné, et envahi tous les « Territoires perdus de la République » ! Ou peut-être que ce prétendu séparatisme ou communautarisme arrangerait bien nos politiciens qui cherchent à diviser pour mieux régner et nous faire oublier leurs manquements, leurs responsabilités, leurs contradictions dans cette débâcle généralisée ? Préparer le terrain pour les prochaines élections, redonner un second souffle à ce quinquennat pour le moins riche en surprises49. Après la crise des gilets jaunes, le mécontentement des retraités, des médecins, des avocats, des salariés, des chômeurs, des étudiants, rien de mieux que de relancer le débat sur le séparatisme, la radicalisation, la haine… dans un climat anxiogène, de radicalisation du débat, de moralisation, de pudibonderie, d’anathème des uns et des autres (Féministes versus hommes politiques ou publics, affaires Darmanin Polanski, antiracistes versus racistes, LGTB versus homophobes, Mediapart versus Figaro, etc.).

D’ailleurs, bien avant l’assassinat de Samuel Paty, Franz Olivier Giesbert ancien directeur du Figaro (et directeur actuel du Point) dans une conférence de presse et dédicace de son dernier roman, « Dernier été » aux éditions Gallimard, remake du roman de Houellebecq « Soumission » avec moins de talent, annonçait l’imminence d’une guerre civile… Soit il avait des informations haut placé, soit il faisait part d’un don de prophétie. Son roman dystopique décrivant un climat apocalyptique de persistance du COVID 30 (en 2030) et de canicules estivales sur fond d’idylle amoureuse d’un écrivain sénile (autoportrait nous a-t-il avoué). Franz Olivier Giesbert réglant « gentiment » ses comptes avec François Busnel de l’émission La Grande Librairie l’imaginant comme ministre de la morale (regrettant l’autodafé jetant au feu Matzneff et Gide), et moins gentiment avec le journaliste Edwy Plenel de Mediapart traité d’islamogauchiste pour avoir dénoncé ses amis (Polanski, Darmanin, Sarkozy, Zemmour, etc.). Obsession maladive de l’islam, où dans son roman du moins dans son délire littéraire nous expliquant que la région de la Wallonie en Belgique deviendra la première république islamique d’Europe, et nous peignant un président de la France qui ponctue ses déclarations publiques par « Allahou Akbar50 », et reprenant tout un chapitre sur la théorie de Bat Ye’or et la dhimmitude51.

Etrange que les guerres de gangs entre tchétchènes et jeunes de quartiers sensibles qui ont eu lieu à Dijon n’aient pas donné suite, ou l’indignation escomptée. La preuve en est le mutisme ou l’immobilisme des forces de l’ordre, de même que les médias se focalisant sur l’insécurité et les « racailles52 », sans qu’aucune enquête en cours ou du moins suite médiatique à cette affaire pour essayer de savoir qui sont ces gens qui se sont filmés avec des kalachnikovs et autres armes à la main sans être inquiétés53. Comme si se laisser faire trahissait une volonté politique de chaos ou de guerre civile. Stratégie du choc, titre d’un excellent livre de Naomi Klein54.

De même Cynthia Fleury, dont nous ne remettrons pas en cause son engagement et ses travaux55, lors d’une interview sur France Culture56, comparait le ressentiment d’aujourd’hui aux conditions qui ont amené les mouvements fascistes ou nazis au pouvoir, mais dans le cas présent qui a passé outre le vote des Français lors du référendum sur le traité européen en 2005, qui ne cesse de trahir et de voter des lois liberticides et de réprimer la liberté de manifestation inscrits dans la constitution? Qui instrumentalise, banalise et reprend des concepts ou des thèmes de l’extrême droite dans le champ médiatique et politique ? Ce serait faire le jeu de l’œuf ou de la poule… qui a amené à cette situation les gilets jaunes qui sont l’expression d’une colère, leur ressentiment qu’elle critique ou ceux qui sont à la solde de l’ordre oligarchique et financier ? N’osant critiquer Zemmour qui est l’illustration de sa théorie « ressentimiste », madame Cynthia Fleury de nous renvoyer à la réaction des réseaux sociaux ! Alors que Gerard Noiriel a démontré la ressemblance rhétorique entre Zemmour et Durmont dans son excellent livre Le venin dans la plume57… et osé d’écrire du haut de sa tour d’Ivoire, « La morale des « esclaves » se joue déjà ici, dans le fait de se soumettre à la rumination »58

De plus, Cynthia Fleury à propos de son livre Ici gît l’amer, sur le ressentiment, le populisme et la victimisation est à mi-chemin d’une pensée qui pourrait être encore plus étoffée. Puisque cela omet toute l’analyse Bourdieusienne des rapports de domination et marxiste des rapports de classe ou encore Fanonienne des rapports impérialisme ou colonisation ou Arendtienne (totalitarisme et impérialisme) et Foucaldienne du contrôle des corps, et toutes les critiques et analyses politiques sociologiques de ces dernières années, notamment la French Theory appréciée de par le monde… Ne pas reconnaître la légitimité du ressentiment des Français c’est comme si on disait que les sujets sous Louis XVI étaient des victimaires ou des « ressentimistes ». Ou que la Monarchie même n’avait pas usé de ces procédés à l’égard des Jésuites, des protestants ou plus tard les catholiques à l’égard des francs-maçons accusés d’être des judéo-maçons. Ou plus proche de nous, la judaïsation de la France sous la plume de Drumont59, comme la prétendue islamisation sous la plume d’autres chantres de passions tristes… C’est comme voir le verre à moitié vide ou à moitié plein… Fabrice Lucchini dans une autre vidéo où il cite la philosophe a raison de dire c’est la désillusion de l’homme moderne dans un monde ultraliberal individualiste où le profit et la déshumanisation priment qui font qu’on en est arrivé là… Il suffit de relire l’essai de Jacques Bouveresse sur le Progrès60 ou la critique sur Hegel d’un progrès linéaire voire exponentiel qui ne connaissait pas encore les effets de l’anthropocène ou de la néguentropie évoqués par Bernard Stiegler, ou encore le concept de Décivilisation ou de déclin analysés par Hamit Borzaslan61

Réminiscence, résonance, et perpétuation générationnelle62, notre époque est en tension entre les « gagnants » de la Mondialisation, élites soumises au diktat de la Finance et des multinationales63, et les peuples se sentant trahis ou déclassés, et n’exprimant plus que colère, déception, ressentiment face à une classe médiatico-politique imbue d’elle-même et trahissant en France tout l’héritage du Conseil National de la Résistance et les idéaux socialistes de partage de démocratie, et d’égalitarisme. D’où ces débats sur l’universalisme64 et la remise en question de certains acquis politiques et sociaux que nous avions cru « éternels ». Toute une société sombrant dans ce que Spinoza appelait les passions tristes65. Comme si le vivre ensemble, les valeurs universelles des Lumières de la Révolution n’étaient qu’une parenthèse et qu’on nous disait que l’universalisme est à l’altérité radicale, au séparatisme. Ce qui sert bien les intérêts des puissants qui tirent leur puissance dans le fameux adage « diviser pour mieux régner », qu’avait La Boétie dans la servitude volontaire ou Orwell dans 1984 très bien mis en exergue.

Enfin, comme le disait Péguy aux gens d’en haut qui n’ont jamais vécu les conditions du peuple. Et comme je le dirais à des gens qui comme Macron touchaient (touchent) près de 1000 Euros d’argent de poche lorsqu’ils étaient étudiants alors que la majorité des français a pour salaire de base le SMIC : oui, il y a un ressentiment réel, ancré sur le réel, et non un ressentiment théorique que ces thuriféraires voudraient juguler avec je ne sais quel effort sur soi, de l’ordre de la psychanalyse bobo ou encore une nouvelle mystique philosophique. En attendant, ce n’est pas tout le monde qui peut faire preuve de stoïcisme ou d’épicurisme voire de vivre en philosophe grec en dehors de la cité.

Oui agir, mais quand un président nous dit qu’il n’y a plus de gauche plus de droite, et quand les médias sont rachetés par les grands groupes industriels, que les politiques sont perçus par les manifestants comme les pantins de la Finance et de ces mêmes groupes industriels… Oui il faut réinventer un nouveau mode d’action. Encore faut-il que les Policiers les CRS ne tabassent pas à coups de matraque, de lacrymogène et de grenades, de contrôle facial66. Pendant que nos dirigeants font passer des lois d’exception et liberticides à coups de 49-3 et répriment toute contestation politique… et que la politique ne se résume pas à une réaction, une émotion légitime d’indignation face à la barbarie, à la terreur, à un système d’action-réaction à l’encontre des plus faibles voire des plus basanés ; mais bien à un débat, à des contre-pouvoirs, des médias véritablement libres et indépendants. Sortir de l’Etat d’urgence. Mais peut-être est-il trop tard ? Sauf si un soubresaut, un réveil national où chacun comprend qu’au-delà du terrorisme, au-delà de la crise sanitaire, ce sont les libertés publiques qui se jouent, en espérant que nous n’y ayons pas renoncé67, à nos libertés, voire à l’avenir de la démocratie. Et que nous ne soyons pas soumis à la tyrannie de la masse ou de l’opinion publique instrumentalisée via l’instantanéité ou l’info émotionnelle68. Sinon l’Histoire l’a bien montré, nous risquerions de surenchère en surenchère de monter dans une escalade de représentations qui risqueraient d’amener au pire. Et voir toutes ces questions comme des problématiques sociales économiques politiques et citoyennes qui incombent à chacun de nous, et nous concernent tous, et nous mettre face à nos responsabilités69.

Grégoire Chamayou70 l’explique très bien, « On a pu présenter le néolibéralisme comme étant l’expression d’une « phobie d’Etat ». En réalité, il s’accommode très bien du pouvoir d’Etat, y compris sous des formes autoritaires, tant que cet Etat demeure libéral au plan économique.
De quoi alors est-il « phobique » ? On l’a vu sur l’exemple de la question écologique : crainte de la régulation, de ses coûts pour le capital, de ses empiètements sur les prérogatives managériales, et, là-derrière, horreur des mouvements sociaux, de la « démocratie-mouvement » et de ses exigences, à juste titre perçues comme tendanciellement antinomiques avec l’organisation capitaliste de la production et le primat de la valeur qui la fonde. »

Et ce qui se joue selon lui, « L’antiétatisme des courants autogestionnaires, leur pensée de l’immanence, de l’autonomie et de l’auto-organisation exerçait sur eux un attrait indéniable. L’autogestion, en ce qu’elle était une tentative de rupture avec l’étatisme économique et un projet de dépassement à la fois du gouvernement managérial et de la pseudo-régulation par le marché, leur apparaissait comme un véritable défi. (…) La grande réaction qui s’est emparée dans les années 1970 ne fut pas tant conçue comme une alternative à l’Etat-providence que comme une alternative à l’alternative. Sans doute aurait-on là une bonne indication pour savoir d’où repartir aujourd’hui : contre le libéralisme autoritaire, rouvrir le chantier de l’autogestion.»

Nous avons là des pistes de pensées dans le sillage de Proudhon faisant l’éloge des guildes et corporatismes du Moyen-Age, ou autres libertaires anarchistes et gauches plus modérés, appelant à des modèles de décentralisation, de souveraineté du peuple par référendum direct. Après tout, le cœur du débat ne se situerait-il pas dans cette tension entre pouvoir aux mains d’une élite politique pourtant élue par le peuple, mais constituées de pseudo-experts, de journalistes liés aux intérêts de leurs patrons, et le pouvoir aux mains de ceux qui se voient comme par le vote représentants de la « souveraineté du peuple ». Le divorce, la rupture, le malentendu, ne viendrait-il pas de là ? D’un manque d’explication théorique, pédagogique, auprès des citoyens ? En somme, n’est-il pas temps de réfléchir à ce nœud gordien qui fondait déjà toutes les inquiétudes de Benjamin Constant quant à l’intérêt général et le prolongement sur la réflexion des principes du gouvernement limité comme garantie des droits et des libertés fondamentales de l’individu, du pluralisme comme contre-pouvoirs, et l’importance du droit comme respect des formes et des procédures, mais également la légitimité du pouvoir ? Revenir à un ordre constitutionnel assurant l’équilibre entre ordre et liberté71 ? Et cesser cet Etat d’urgence qui commence à s’installer durablement et de façon insidieuse. Ne faudrait-il pas aussi se méfier de ceux qui se disent représenter la République ou les valeurs de la République, avec les mêmes intonations ou accents que ceux qui disent sous d’autres cieux représenter la Nation72, tout comme un certain excité qui gesticulait en prétendant incarner le Reich ? Que si le radicalisme est à combattre, il ne le pourra sans une véritable démocratie, et non par un jeu d’instrumentalisation qui justifierait les états d’urgence, le maintien de la peur, l’interventionnisme militaire, ou la répression policière, et le contrôle des citoyens.

Amine Ajar.

1 Khaled Roumo, Le Coran déchiffré selon l’Amour, éd. Erick Bonnier.

2 La querelle des Anciens et des Modernes, précédé d’un essai de Marc Fumaroli, éd. Folio classique.

3 Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, Une généalogie du libéralisme autoritaire, éd. La Fabrique.

4 Vanessa Codaccioni, Répression, L’Etat face aux contestations politiques, éd. Textuel.

5 Ibid, Grégoire Chamayou.

6 Bertrand Badie, Inter-socialités, Le monde n’est plus géopolitique, éd. CNRS.

7 Rappelons-nous de la violence et de l’hystérie qu’il y a eu autour de l’affaire Mila.

8 Julien Licourt, Donald trump incarne la droitisation du monde, celle de l’opportunisme idéologique, in Le Figaro, du 10/11/16.

9 Sous la dir. de. Bertrand Badie & Dominique Vidal, Qui gouverne le monde ?, éd. La Découverte.

10 Amine Ajar, D’un populisme à l’autre ou phénomène des vases communicants, In Oumma.com, le 07/07/19.

11 Michel Onfray, La théorie de la dictature, précédé de Orwell et l’Empire maastrichien, éd. Robert Laffont.

12 Johann Chapoutot, Libres d’obéir, Le management, du nazisme à aujourd’hui, éd. Gallimard.

13 Bertrand Badie & Dominique Vida, Le retour des populismes, éd. La Découverte. Juliette Grange, Les néoconservateurs, éd. Agora.

14 Collectif, Penser à gauche, Figures de la pensée critique aujourd’hui, Editions Amsterdam.

15 Bertrand Badie & Dominique Vidal, Le retour des populismes, éd. La Découverte. Juliette Grange, Les néoconservateurs, éd. Agora.

16 Claude Lorius & Laurent Carpentier, Voyage dans l’Anthropocènecette nouvelle ère dont nous sommes les héros, éd. Babel.

17 Bernard Stiegler, Dans la disruption, Comment ne pas devenir fou ?, éd. Babel.

18 Lire mon article, Amine Ajar, De « l’Utopie » à la « Praxie » : Le Coran comme caisse de résonance du chaos et de la nature humaine ?…, In Oumma.com, le 16/09/18.

19 Polémiques sur la 5G.

20 Ibid.

21 E. Macron a repris un slogan du régime de Vichy, in Youtube, 06 mai 2017. https://www.youtube.com/watch?v=N7ZGwAnL500

22 Jean-Claude Guillebaud, La trahison des Lumières, Enquête sur le désarroi contemporain, éd. Points.

23 Amine Ajar, Taqiya et Lutte contre le terrorisme, ou face cachée de la mondialisation, in Oumma.com,

24 Amine Ajar, Je ne suis pas votre nègre ou la face cachée de nos démocraties, In Oumma.com, le 19/06/17.

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25 Réjane Senac, L’invention de la diversité, éd. PUF.

26 Amine Ajar, De l’islamo-gauchisme ou tabou de la critique du nouvel ordre oligarchique, in Oumma.com, 29 novembre 2017.

27 Ce concept repris aussi sous la forme d’islamo-droitisme en référence à l’épisode du Mufti de Jérusalem, Pierre André Taguieff, L’islamo-droitisme ça existe aussi, Le Point, 02/11/2020. A ce propos relire mon article, Amine Ajar, La question judéo-arabe, entre débat scientifique et enjeux politiques, 09 Avril 2017. Lire aussi Michel Abitbol, Le passé d’une discorde, éd. Tempus, ou Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah, éd. Sindbad, ou encore Abdelwahab Meddeb & Benjamin Stora, Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours, éd. Albin Michel.

28 Le Nouvel Obs, « Charlie Hebdo : Pascal Bruckner accuse Rokhaya Diallo d’avoir « armé le bras des tueurs. Dans l’émission 28Minutes sur Arte », 22 octobre 2020.

29 Lionel Astruc, L’art de la fausse générosité : La fondation Bill & Melinda Gates, éd. Actes Sud.

30 https://youtu.be/oIoLJm2f-fE

31 Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde, Essai sur la puissance de la faiblesse, éd. La Découverte.

32 Cyprien Caddeo, « Séparatisme : quand Macron fait son Sarkozy », Libération, 23/07/2020.

33 Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits : sur le « retour » du religieux dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, éd. La Découverte.

34 L’affaire Bouaké, une affaire d’Etat. Jean Balan, Crimes sans châtiment, affaire Bouaké, Un des plus grands scandales de la Vème République, éd. Max Milo.

35 Bertrand Badie & Dominique Vidal, Nouvelles guerres, éd. La Découverte.

36 Georges Corm, La nouvelle question d’Orient, éd. La Découverte. Lire aussi, Richard Labévière, Terrorisme, La face cachée de la mondialisation, éd. Pierre-Guillaume de Roux.

37 Saïd Bouamama, « Planter du Blanc », Chroniques du (néo) colonialisme français, éd. Syllepse.

38 Ibid, Bertrand Badie & Dominique Vidal, Qui dirige le monde ?, éd. La Découverte.

39 Lire mon article, Amine Ajar, A l’heure de Poutine, Trump, Macron, de quoi la figure de l’hyper président est-elle le nom ?, 31/08/18, in Oumma.com.

40 Eric Maurin, Le ghetto français, Enquête sur le séparatisme social, éd. Seuil.

41 Emmanuel Todd, Les luttes de classes en France au XXIème siècle, éd. Seuil.

42 Sylvain Cypel, Israël contre les juifs, éd. La Découverte.

43 Lire aussi mes articles, Amine Ajar, L’assignation communautaire et identitaire ou la fabrique de l’ennemi intérieur ?, 24/10/17, et aussi, De l’islam symbolique ou médiatique aux citoyens réels, 10/02/12, in Oumma.com.

44 Amine Ajar, A l’heure du Macronisme, du Lepenisme, du Fillonisme… 19/02/17, in Oumma.com.

45 Lire mon article, Amine Ajar, Zemmour, un énième livre pour rien ou pour le pire, 14/01/17 in Oumma.com.

46 Richard Labévière, Les dollars de la terreur, Les Etats-Unis et les islamistes, éd. Grasset.

47 Georges Corm, La question religieuse au XXIème siècle, éd. La Découverte.

48 Amine Ajar, Reflexions sur l’I(i)slam et la politique, instrumentalisation ou servitude volontaire ?, in Oumma.com, le 27/08/20.

49 L’effondrement ou l’implosion du pseudo parti La République en Marche.

50 Relire mon article, Amine Ajar, Allahou Akbar ! La langue arabe criminogène ?, 04/02/17, in Oumma.com.

51 Statut des sujets non musulmans qu’il faudrait pour ne pas faire de révisionnisme historique, replacer dans un contexte de systèmes monarchiques où en France les minorités religieuses étaient souvent moins bien traitées. A comparaison égale, une fois les indépendances, les citoyens de confessions juives ou chrétiennes ont acquis la même nationalité et mêmes droits que leurs concitoyens, lors de la formation d’Etats-Nations sur des constitutions modernes. La preuve en est Gad El Maleh comme tant bien d’autres, de nationalité marocaine et française.

52 Amine Ajar, Face à la banalité du mal et de la haine… la pensée d’Hannah Arendt, in Oumma.com, le 17 février 2020.

53 Que dire de l’affaire Claude Hermant qui est une affaire d’Etat. Le Média, Attentats de 2015 : L’incroyable raté des services français, le 06/10/20. https://www.youtube.com/watch?v=xM0Nd4BHP6w

54 Naomi Klein, Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre, éd. Babel.

55 Il est vrai en comparaison au travail et à son engagement professionnel, et aussi clair que l’on ne peut pas réduire Cynthia Fleury à ce livre et à cette interview, cependant il aurait été courageux de sa part d’être plus critique à l’égard du gouvernement Macron, et surtout de Zemmour. Même si je comprends par les temps qui courent on n’ose pas trop cracher dans la soupe, notamment celle des puissants et notamment de l’Etat qui est, j’imagine, son employeur au Conservatoire des arts et métiers ou de l’école nationale supérieure des Mines à Paris et sa chaire à l’hôpital Sainte Anne à Paris et chercheuse au Muséum National d’histoire naturelle. C’est sûr, c’est comme un enseignant qui critiquerait devant les médias la politique du ministre de l’éducation Blanquer.

56 Cynthia Fleury, Dépasser le ressentiment pour sauver la démocratie, in France Culture, le 05/10/20. https://youtu.be/ElNNOOXQEv4

57 Gerard Noiriel, Le venin dans la plume, Edouard Drumont, Eric Zemmour, et la part sombre de la République, éd. La Découverte.

58 Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer, éd. Gallimard.

59 Pierre Birnbaum, Les fous de la RépubliqueHistoire politique des juifs d’Etat, de Gambetta à vichy, éd. Fayard.

60 Jacques Bouveresse, Le mythe moderne du progrès, éd. Cent mille signes.

61 Hamit Borzaslan, Crise, violence, dé-civilisation, éd. CNRS.

62 Emmanuel fureix & françois Jarrige, La modernité désenchantée, Relire l’histoire du XIXème siècle français, éd. La Découverte.

63 Jean Ziegler, L’empire de la honte, éd. Poche. Ou Les nouvelles mafias contre la démocratie, éd. Points, Essai.

64 Louis Georges-Tin, Les impostures de l’universalisme, éd. Textuel. Lire aussi Francis Wolf, Plaidoyer pour l’universel, éd. Fayard.

65 Françaois Dubet, Le temps des passions tristes, inégalités et populisme, éd. Seuil.

66 Paolo Cirio, L’artiste dont la police et Darmanin veulent la tête, in Le Média, 24/10/20. https://youtu.be/Va1Wz894PFc

67 François Sureau, Avons-nous renoncé la liberté ?, in France Culture, 30/09/19. https://youtu.be/VUgQAr4zPV4

68 Bertrand Badie, Inter-socialités, Le monde n’est plus géopolitique, éd. CNRS.

69 Amine Ajar, Sortir de la culture de l’excuse et du déni… pour se réapproprier le réel, in Oumma.com, le 13/03/17.

70 Ibid. Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, Une généalogie du libéralisme autoritaire, éd. La Fabrique.

71 Thierry Chopin, Benjamin Constant, Le libéralisme inquiet, éd. Machalon, coll. Le bien commun.

72 Alaa El Aswany, Le syndrome de la dictature, éd. Actes Sud.

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  1. Texte un peu long et un peu brouillon qui touche, sans trop oser le mentionner, la question fondamentale de la démocratie, du « pouvoir du peuple » donc, celle de l’égalité sociale et donc des classes sociales qui participent réellement, activement ou pas, à l’exercice du pouvoir. Avec donc en soubassement la question centrale qui est celle de la propriété privée ou publique des moyens de production et d’échange dans le cadre d’une souveraineté populaire qui pose aussi la question de la souveraineté des nations dans le cadre d’une coopération internationale (ou d’une concurrence et d’une guerre ?). Question fondamentale à laquelle doivent répondre toutes les idéologies politiques et aussi toutes les interprétations possibles des éthiques religieuses.

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