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L’Ange Gabriel et la Kaaba vus par les manuels scolaires français

La nature de la révélation coranique a été abordée à plusieurs reprises dans la Sîra, (la biographie de Mohammed), ainsi que dans certaines chroniques arabes. Si certaines versions se distinguent par le respect d’une certaine cohérence, d’autres se caractérisent par la formation de mythes qui ne correspondent pas au contenu des premiers versets révélés Il ne serait pas inutile de citer ces versets afin de nous éclairer sur le choix de l’une de ces versions.

Les premiers versets coraniques révélés (selon le consensus entre les théologiens, exégètes, la biographie de Mohammed (sas) et les chroniques arabo-islamiques) sont :

1- Lis au nom de ton Seigneur qui a tout créé.

2- Qui a créé l’homme de sang coagulé.

3- Lis car ton Seigneur est le plus généreux.

4- C’est lui qui t’apprit l’usage du calame.

5- Il a appris à l’homme ce que l’homme ne savait pas.

Ces quelques mots semblent dessiner et présenter les objectifs de cette religion. Car le verbe lire «  lis » à l’impératif est non seulement le premier terme, mais il est aussi répété dès le troisième verset, comme s’il s’agissait d’une confirmation. La lecture est bien sûr la clé du savoir et le moyen indispensable à toute élaboration d’une culture et d’un discours scientifique. Ce n’est pas par hasard que le mot Seigneur est aussi répété deux fois. S’agit-il d’un équilibre entre le cultuel d’une part et le scientifique d’autre part ?

Ces versets présentent l’écriture après la lecture « l’usage du calame ». Enfin le savoir et la science se manifestent à travers les verbes « allama , yalam » qui signifient « a enseigné , instruit et enseignera, instruira » . L’infinitif arabe « ilm » signifie science. Les deux verbes arabes sont traduits en français faute de mieux par « a appris » et « ne savait pas ». Le texte coranique montre également Al Insan « l’être humain ». Par deux fois, apparaît un autre équilibre : Dieu/homme.

D’autre part les notions de « création » « d’invention », « de science », de solidarité » se manifestent clairement à travers ces termes « créé, sang coagulé, généreux ». D’ailleurs nombreux sont les mots coraniques « Yaqilun » (ils raisonnent), « yatafakkarun » (ils réfléchissent). Les recherches récentes à ce sujet avec notamment le livre « Alhulisi Almanhaj al iqtisadi » (le programme économique, édition « Majma al buhuth al islamia », Le Caire 1990, page13), signalent que le nombre de termes coraniques concernant la foi et la religion est de 811 Le nombre de termes coraniques concernant la culture et la science est également de 811.

L’analyse des premiers versets et les analyses du texte coranique contribuent à distinguer les versions « logiques » de celles qui appartiennent plutôt au mythe, non seulement à propos des versions concernant la nature de la révélation mais aussi à propos de la pierre noire (la kaaba).

En effet on peut trouver dans la « Sira d’ Ibn Hicham » ( édition, Maktabat al kulliyat , Le Caire 1974 vol.1 p. 220-222), les versions suivantes :

1- Mohammed (sas) dit « lorsque j’étais en plein sommeil, Gabriel est venu me voir avec un livre couvert de tissu en pure soie, puis il m’a dit « lis ! » Je ne sais pas lire, je lui ai répondu. Il m’a poussé violemment avec ce livre à tel point que j’ai pensé que j’allais mourir. Et il m’a laissé par la suite » (cette scène s’est répétée deux fois). Enfin Mohammed (sas) dit : « Qu’est ce que je lis » ? Alors Gabriel répète son acte précédent deux fois puis demande à Mohammed (sas) de répéter les premiers versets coraniques « Lis au nom de ton Seigneur … » Et quand je me suis réveillé, ces mots se sont inscrits dans mon cœur tel un livre » ajoute Mohammed (sas).

2- Mohammed (sas) dit : « Lorsque j’étais en plein sommeil, Gabriel est venu me voir avec un livre couvert de tissu en pure soie, puis il me dit : Lis ! Je lui ai répondu, je ne suis pas lecteur, je suis illettré, je ne sais pas lire les livres. Cette scène est répétée trois fois. Alors Gabriel lui demande de répéter « lis au nom de ton Seigneur… » . « Et quand je me suis réveillé ces mots se sont inscrits dans mon cœur tel un livre », affirme Mohammed (sas).

3- Gabriel vient voir Mohammed (sas) à travers l’image d’un être humain, il ressemblait à Dihya Bin Halifa .

4- Gabriel vient voir Mohammed (sas) sans changer d’aspect, un ange avec six cents ailes qui sont faites de perles et de rubis.

5- Dieu parle à Mohammed (sas) derrière un hidjab « rideau, voile » pendant le sommeil ou pendant la veille.

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6- Mohammed (sas) a vu Gabriel sur un voilage entre le ciel et la terre.

7- Mohammed (sas) a vu Gabriel assis sur un trône entre le ciel et la terre.

Ces versions présentent la rencontre de Mohammed avec l’ange Gabriel à travers un rêve. Ce qui est « logique » et correspond à l’esprit de raison en Islam. La version numéro trois donne à Gabriel l’image de l’être humain. Ces deux versions sont à la fois complémentaires, logiques et imaginables par l’homme du septième siècle et même de celui du vingt et unième siècle. Par contre la violence de Gabriel envers Mohammed dans la version numéro un « Il m’a poussé avec … j’ai pensé.. « aller mourir » contredit l’image positive, la nature douce et la mission religieuse de l’ange.

Le mythe commence à prendre forme dans la version numéro quatre « un ange avec six cents ailes (…) de perles et de rubis », mais également à travers les histoires numéros six, sept et huit « Gabriel entre le ciel et la terre sur un voilage » ou encore « assis sur un trône » ou quand Mohammed veut « se tuer et Gabriel le prit entre ses ailes ». Enfin Gabriel s’efface laissant sa place à Dieu qui parle directement à Mohammed « derrière un hidjab pendant le sommeil » avant de franchir la deuxième étape « pendant la veille » selon la version numéro cinq.

Nous allons voir comment les manuels scolaires français s’inspirent surtout de textes « littéraires » pour présenter l’épisode de la rencontre de Mohammed (sas) avec l’ange Gabriel en faisant totalement abstraction de la version coranique.

Les versions des manuels scolaires d’Histoire et Géographie de cinquième, les éditions Bordas 1997 ( page.23) , Hachette (page.22) , Hatier (page27) présentent cet épisode à travers les titres suivantes « La première révélation » , « Mahomet et l’ange Gabriel », « Mahomet nouveau prophète ».

Ces éditions scolaires soulignent que « Gabriel descendit du ciel et trouva Mahomet sur le mont Hira. Il se montra à lui et lui dit : «  Salut à toi, Ô Mahomet, apôtre de Dieu ! » « Mahomet fut épouvanté. Il se leva, pensant qu’il était devenu fou. Il se dirigea vers le sommet pour se tuer en se précipitant du haut de la montagne. Gabriel le prit entre ses ailes et lui dit : «  Mahomet tu es le prophète de Dieu « 

La suite de cette version dans l’édition Bordas est « Gabriel lui dit : Ô Mahomet, récite ! , Mahomet dit : Comment réciterais – je, moi qui ne sais pas lire ? Gabriel dit : Récite au nom de ton Maître … »

Enfin pour Hatier et Hachette, cette même version est modifiée, car Gabriel ajoute « Je suis Gabriel, l’ange de Dieu, qui t’apporte son message pour que tu le lises. Mahomet lui répondit : Comment lirais-je, moi qui ne sais pas lire ? L’ange lui dit : Lis au nom de ton Seigneur … ».

Le rôle de l’historien est de choisir une version issue des textes religieux. La civilisation islamique est fondée sur une religion qui invite sans cesse l’homme à la lecture, à la culture, à la raison et à faire preuve de solidarité et de tolérance à tout instant. Autre exemple, celui des éditions Hatier, qui privilégie une version fantaisiste dans un livre d’Histoire scolaire pour commenter une miniature persane datée de XIV ème siècle mettant en scène Mohammed (sas) et Gabriel avec ses ailes où l’on peut lire donc dans la version de l’édition Hatier « Gabriel prit Mahomet entre ses ailes ». Cette miniature qui relève de l’imaginaire est présentée tel un texte religieux fondamental par les éditions Hatier.

On retrouve également l’ange Gabriel dans d’autres textes mythiques présentés par les manuels scolaires d’Histoire de cinquième, comme étant des textes religieux islamiques. Ces textes accompagnent l’image de la Kaaba dans certaines éditions telles que Hachette (1997, page 2), qui signale « la pierre noire (ovale de 25 cm. x 10 cm. ) est encastrée dans la Kaaba . Elle est considérée par les musulmans, comme la main droite d’Allah sur la terre, donnée par l’ange Gabriel à Abraham ». L’édition Magnard (1997, page19), ajoute « Cette pierre blanche déposée par l’archange Gabriel est devenue noire à cause des péchés des hommes ». L’édition Hatier, (1997 page.24) écrit « La pierre noire qui, selon les musulmans, a été donnée par l’ange Gabriel à Abraham ». Par contre l’édition Belin, (1997, page.26) utilise le conditionnel « La Kaaba aurait été construite par Abraham ; l’ange Gabriel lui aurait donné la pierre qui, blanche à l’origine, aurait noirci à cause des péchés des hommes ».

Les quatre citations précédentes n’ont pas de références. Aucun verset coranique, ni aucune tradition prophétique ne signalent que cette pierre est «  la main d’Allah » ou que Gabriel l’a déposée ou l’a donnée à Abraham.

En revanche un verset coranique affirme tout simplement que c’est Abraham qui a construit la Kaaba.

La pierre noire a un caractère sacré aussi bien pour les musulmans que pour les arabes avant l’avènement de l’islam. Nous terminerons ce passage relatif à la Kaaba par cette citation du calife Omar qui s’adressant à cette pierre affirma « Je sais bien que tu es une pierre, tu ne peux faire ni du bien ni du mal ; mais comme j’ai vu le prophète te donner un baiser, j’en fais de même ».

L’Education Nationale doit veiller à l’authenticité des textes surtout dans un domaine aussi sensible que la religion. Particulièrement, quand il s’agit d’une religion qui glorifie la culture et la science et qui distingue le cultuel du pouvoir temporel.

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