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Avis théologique autorisant le regroupement de de la prière du Ichâ’ et celle du Maghrib en période estivale

Chaque année, durant la période estivale, l’heure tardive de la prière du Ichâ’ suscite une préoccupation majeure au sein des fidèles musulmans de France. Cette difficulté inhabituelle, qui perdure pendant plusieurs mois, représente un défi notable pour la majorité d’entre eux. Généralement, cette problématique se manifeste approximativement à partir du mois de mai, selon les régions, et persiste jusqu’à la fin du mois d’août.

Afin d’apporter une réponse à cette contrainte inhabituelle, le Conseil Théologique Musulman de France (CTMF) préconise de regrouper la prière du Ichâ’ avec celle du Maghrib dès le coucher du soleil. Cette recommandation, émanant du CTMF, vise à remédier à cette difficulté singulière, en s’appuyant sur les éléments suivants :

  • Les versets coraniques et les hadiths prophétiques qui soulignent la miséricorde et la facilité divines accordées aux musulmans, dans le dessein de les prémunir de toute forme de difficulté ou de gêne.
  • Le hadith, rapporté par l’imam Muslim dans son recueil authentique, transmis par Saïd Ibno Jubayr, qui lui-même l’a rapporté d’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée), qui relate : “Le Messager de Dieu (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) réunissait les prières de Dhuhr et Asr, ainsi que celles de Maghrib et Ichâ’, à Médine, sans qu’il n’y ait une raison de crainte ou de pluie.” Saïd Ibn Jubayr, voulant comprendre le fondement de cet acte, interrogea Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée), qui lui répondit : “C’était pour préserver sa communauté de toute gêne”.  
  • Les avis émis par divers conseils internationaux de savants musulmans contemporains, ayant autorisé le regroupement de la prière du Ichâ’ avec celle du Maghrib pour les musulmans d’Europe, qui font face à une prière du Ichâ’ tardive durant la période estivale.

Par conséquent, étant donné l’ampleur de la gêne occasionnée pendant plusieurs mois estivaux en raison de la prière du Ichâ’ tardive, il est possible de réunir de manière anticipée les prières, collectives dans les mosquées, ou individuelles dans les foyers, du Maghrib et du Ichâ’, après le coucher du soleil. Cette pratique évite ainsi aux fidèles d’attendre tardivement la prière du Ichâ’, en dépit des fatigues engendrées par les nuits courtes de l’été, des obligations professionnelles ou des études.

(*) : Difficulté inhabituelle : se réfère à une situation dépassant la norme habituelle, qui est généralement supportable.

P.S. : Les arguments étayant cette recommandation du CTMF sont présentés ci-dessous

Paris le 09 juin 2023

Le Conseil Théologique Musulman de France

 

Annexe de l’avis théologique autorisant le regroupement du Ichâ’

et du Maghrib en période estivale.

 

L’argumentation selon les fondements théologiques :

Nous avons constitué cet avis théologique grâce à deux arguments fondamentaux :

Le premier argument : 

Le hadith, rapporté par l’imam Muslim dans son recueil authentique, transmis par Saïd Ibn Jubayr, qui lui-même l’a rapporté d’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée), qui relate : “Le Messager de Dieu (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) réunissait les prières de Dhuhr et Asr, ainsi que celles de Maghrib et Ichâ’, à Médine, sans qu’il n’y ait une raison de crainte ou de pluie.” Saïd Ibn Jubayr, voulant comprendre le fondement de cet acte, interrogea Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée), qui lui répondit : “C’était pour préserver sa communauté de toute gêne”.  Dans une autre version, on questionna Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) sur les intentions qui justifiaient cet acte, et sa réponse fut : “C’était pour faciliter les choses à sa communauté.”

De même, selon l’expression rapportée par l’imam Abdur-Razzâq dans sa compilation de hadiths, Sâlih Mawlâ At-Taw’amah entendit Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) déclarer : “Le Messager de Dieu (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) regroupait les prières de Dhuhr et Asr, ainsi que celles de Maghrib et Ichâ’, à Médine, sans qu’il ne soit en voyage ou qu’il pleuve.” Ibn Abbas (qu’Allah l’agrée) fut interrogé sur les raisons de cette pratique prophétique, et il répondit : “Je le considère comme une facilitation pour sa communauté, pour leur rendre la vie plus aisée.”

De plus, dans son recueil authentique, Muslim rapporte les propos d’Abdullah Ibno Chaqîq qui dit : “Un jour, après la prière d’Asr, Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) prononça un discours qui se prolongea jusqu’au coucher du soleil. A l’apparition des étoiles, les fidèles se mirent alors à s’exclamer : « As-salât ! As-salât ! ». Un homme de la tribu de Banu Tamîm, insistant, s’approcha de lui en répétant inlassablement : « As-salât ! As-salât ! ». C’est alors qu’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) lui dit : « Vas-tu m’apprendre la Sunnah ? » et il continua : « J’ai vu le Messager de Dieu (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) réunir les prières de Dhuhr et Asr, ainsi que celles de Maghrib et Ichâ’. ». Abdullah Ibno Chaqîq s’en alla, par la suite,  interroger Abu Hurayrah (qu’Allah l’agrée) qui confirma les dires d’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée).

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Ces deux hadiths authentiques témoignent de manière claire que le Prophète (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) réunissait effectivement les prières de Dhuhr et Asr, ainsi que celles de Maghrib et Ichâ’, à Médine, sans qu’il n’y ait une raison particulière justifiant ce regroupement. Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée), éminent spécialiste des sciences coraniques, comprit que cet acte prophétique représentait une permission pour sa communauté d’agir de même, dans le but de leur éviter tout inconfort. Par conséquent, chaque fois qu’une gêne, une difficulté ou une contrainte accompagne l’accomplissement de la prière dans son créneau horaire, il est permis au musulman de réunir deux prières en suivant l’exemple prophétique, ainsi que les enseignements ultérieurs d’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée).

En outre, le deuxième hadith nous apprend qu’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) prononça un discours devant les musulmans après la prière du Asr, qui se prolongea jusqu’à la fin approximative du créneau horaire de Maghrib. Lorsqu’un homme parmi l’assistance lui rappela l’heure de la prière, Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée) lui répondit avec une connaissance profonde de la Sunnah prophétique, affirmant avoir vu le Prophète (que la salât et le salâm soient sur lui) réunir les deux prières sans justification particulière. De plus, Abu Hurayrah (qu’Allah l’agrée) confirma les paroles d’Ibno Abbas (qu’Allah l’agrée).

Pour rappel, Al-Hâfidh Ibno Hajar affirme qu’un groupe d’imams a suivi le sens littéral du hadith d’Ibno Abbâs (qu’Allah l’agrée) en autorisant d’une manière absolue, en cas de besoin quelconque, le regroupement dans un lieu de résidence (en dehors du voyage), à condition que cette pratique ne devienne pas une habitude. Ensuite, il a mentionné quelques noms de ce groupe, tels que Ibno Sîrîn, Rabî’ah, Ibno Al-Mundhir, Abu Bakr Ach-Châchî (surnommé par Al-Qaffâl Al-Kabîr), ainsi que certains spécialistes du Hadith. Cependant, Ibno Juzay affirme qu’un autre groupe d’imams a autorisé le regroupement, cette fois-ci, sans même qu’il y ait une raison justifiant cette pratique. Il a cité comme exemples, le mâlikite Achehab et les Dhâhirites.

Il est à noter que cet avis théologique, à savoir le regroupement du Maghrib et du Ichâ’ en été, ne peut être remis en question par la présence, dans les livres de jurisprudence musulmane, d’une condition permettant cette pratique conformément aux hadiths précédents, sans que le regroupement ne devienne une habitude. Deux raisons viennent légitimer cette pratique :

  • Tout d’abord, la condition ou la réserve posée par les savants en matière de jurisprudence était liée à une compréhension du contexte du hadith, à savoir un regroupement sans raison particulière. Par conséquent, une réserve fut formulée concernant le regroupement lorsque l’accomplissement de la prière d’Ichâ’ à son heure réelle n’occasionnait aucune gêne ou difficulté. Or personne ne peut nier, aujourd’hui,  les inconvénients et les contraintes auxquels sont confrontées les personnes lorsque l’heure tardive de la prière d’Ichâ’ en été dépasse 23h00, surtout pour celles qui travaillent, qui ont besoin de se coucher tôt ou de se lever tôt, que ce soit pour la prière ou pour mener une vie quotidienne ordonnée, propice à l’accomplissement de l’adoration de manière théologiquement juste. 
  • Deuxièmement, le regroupement pendant environ quatre mois, selon les régions, durant la période estivale où la prière d’Ichâ’ est trop tardive, ne peut être considéré comme une habitude. Il s’agit plutôt d’une utilisation circonstanciée de l’autorisation accordée pendant cette période temporelle limitée. En effet, les juristes ont également permis aux personnes malades de procéder au regroupement en cas de besoin. Par conséquent, le besoin de réunir les prières en été est comparable à celui des personnes malades. De plus, l’interprétation d’Ibno Abbas “C’était pour préserver sa communauté de toute gêne” et “C’était pour faciliter les choses à sa communauté” démontre clairement l’autorisation accordée à toute personne éprouvant occasionnellement ou régulièrement une gêne, d’utiliser cette permission émanant du Prophète de miséricorde (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui).

Le deuxième argument :

Parmi les caractéristiques les plus remarquables de la théologie musulmane se trouve le principe de la facilité et de la préservation des croyants des contraintes. L’envoi du noble Prophète, que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui, fut une manifestation de “Miséricorde universelle”, et son message consistait à recommander le Bien, à interdire le Mal, à déclarer licite ce qui est pur et illicite ce qui est impur, à alléger les fardeaux des individus et à les libérer de leurs entraves (Coran 7:157).

Parmi les versets coraniques confirment clairement les principes de la facilité et de l’évitement des difficultés pour les croyants, on peut citer :

  • “Il ne vous a imposé aucune contrainte dans la religion” (Coran 22:78).
  • “Allah ne cherche pas à vous mettre dans l’embarras” (Coran 5:6).
  • “Allah veut vous faciliter les choses, et non les compliquer” (Coran 2:185).
  • “Allah veut alléger vos charges, car l’homme a été créé faible” (Coran 4:28).

Les commentateurs coraniques s’accordent à dire que ces versets bénis confirment le principe de “supprimer la contrainte” et de rechercher la facilité dans les actes d’adoration, les transactions et toutes les affaires sacrées ou profanes des croyants. Par contrainte, on entend toute difficulté qui dépasse la norme habituelle, qui est généralement supportée, que ce soit sur le plan spirituel, physique ou matériel, qu’elle soit immédiate ou future.

La noble Sunnah prophétique, représentée par la vie exemplaire du Messager d’Allah, que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui, constitue le modèle ultime en termes de facilité et de recherche de la facilité. Parmi les hadiths prophétiques qui soutiennent cette notion, on trouve :

  • “La religion qu’Allah aime le plus est celle d’Abraham, en raison de sa facilité et de sa souplesse” (Bukhari).
  • “Chaque fois que le Messager d’Allah avait le choix entre deux options, il choisissait la plus facile des deux” (Bukhari et Muslim).
  • “La religion est facile, mais l’excès conduit à la destruction. Soyez donc équilibrés et modérés pour atteindre le bonheur” (Bukhari).
  • “Vous êtes une communauté à qui la facilité a été accordée” (Ahmad).

Le Prophète, que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui, réprimandait ses compagnons qui rendaient les gens mal à l’aise en récitant de longs chapitres du Coran pendant la prière du soir (Ichâ’). Il leur recommandait de les raccourcir en pensant aux personnes faibles, âgées et ayant des besoins particuliers.

Dans son livre “Ahkam Al-Qor’ân”, Ibno Al-Arabi écrit : “Les textes théologiques qui recommandent la facilité, l’évitement des difficultés et des contraintes pour les croyants sont presque infinis”.

Ach-Châtibî, dans son ouvrage “Al-Muwâfaqât”, affirme : “Dans cette communauté, les arguments en faveur de la suppression des contraintes sont catégoriques”.

Les juristes ont déduit de ces enseignements des règles théologiques qui servent de critères pour réguler la conduite des croyants et la mise en pratique des recommandations théologiques. Parmi ces règles, on trouve par exemple : “La difficulté apporte la facilité “, “La gêne doit être éliminée”, “Nul ne doit causer ni subir de mal”, “Le mal est à enlever”, etc.

Il convient de souligner que le regroupement des prières est plus solide théologiquement et juridiquement que l’estimation tardive de l’heure de la prière du soir (Ichâ’) en été. Cette pratique repose sur une base théologique, à savoir le regroupement des prières, bien que les juristes aient divergé quant à son interprétation.

En présentant cet avis théologique aux musulmans de France, nous rappelons que le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (en 1999), et le Conseil de Fiqh Islamique de La Mecque (en 2007), ont déjà émis des avis similaires. Les  avis de ces conseils résultent d’une réflexion collective menée par un groupe de juristes du monde musulman.

Au final, soulignons qu’un hadith rapporté par l’imam At-Tirmidhî et transmis par Abu Hurayrah (qu’Allah l’agrée) relate les paroles du Prophète (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) : « Sans craindre de causer une difficulté à ma communauté, je leur aurais recommandé de retarder la prière du Ichâ’ jusqu’au tiers ou à la moitié de la nuit ». Ce hadith authentique, soutenu par un autre récit similaire rapporté par Ibno Mâjjah, démontre qu’une prière du Ichâ’ effectuée au tiers ou à la moitié de la nuit représente une véritable difficulté selon le témoignage prophétique, puisque le Messager d’Allah (que la salât et le salâm d’Allah soient sur lui) a renoncé à faire cette recommandation. Pour établir un lien avec notre contexte français, prenons l’exemple de Paris pendant la saison estivale, où le tiers de la nuit correspond approximativement à 23h20. Nous remarquons que les différents horaires de prière, basés sur différentes estimations de l’heure du Ichâ’ (17 degrés, 12 degrés, une heure trente minutes après le Maghrib ou selon l’horaire du 45ème parallèle), proposent un Ichâ’ après le tiers de la nuit, allant de 23h30 à 1h05 du matin, ce qui représente une grande difficulté pour les fidèles. Cette constatation confirme le choix d’opter pour la solution consistant à regrouper l’Ichâ’ et le Maghrib, conformément à l’enseignement prophétique, afin d’éviter la difficulté d’attendre la prière au-delà de 23h20, à savoir le tiers de la nuit, ce qui va à l’encontre du choix prophétique.

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Un commentaire

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  1. Salem alaykoum.
    Il y a quelques années je travaillait le matin de bonne heure et la difficulté de faire l’Icha me pesait énormément. Un frère m’avait parlé d’une facilité en me disant qu’il était possible de regrouper la priere du Maghreb et de l’Icha quand la situation s’imposait.
    C’est un savant sortie de l’école Égyptienne El Azhar qui m’a expliqué la possibilité de le faire .
    Mais j’ai entendu également que si je venais dans la nuit à me relever je devais refaire la prière de l’Icha .
    Car mais seul Dieu est savant on m’a expliqué que pour être valable je devais dormir tout de suite après les prières et pour qu’elles soient validé il fallait que des que je m’endormais je ne devais plus me réveiller jusqu’au matin disons l’heure de travaillais et que si au cours de la nuit je me relever je devais refaire la prière de l’Icha .
    Il aurait été bien de savoir si ce que je dis est vrai dans ce cas de le mettre dans votre article .
    Car si certains prient cette prières et veulent regarder la télé ensuite ou se lève dans la nuit est ce que la prière est valide ?
    Barakallahou fikoum.

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