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Les faiblesses structurelles de la pensée de Mohamed Shahrour

Nous allons, dans cet article, tenter de déconstruire l’œuvre du défunt islamologue syrien, Mahmoud Shahrour (1938-2019), que nous considérons comme faisant partie des œuvres islamologiques extrêmement dangereuses, voire nocives, pour l’avenir de l’Islam et la place du Coran dans notre héritage religieux et civilisationnel.

J’ai déjà écrit un long texte, en cinq parties, réfutant les principales thèses de l’islamologie moderne, qu’elle soit développée par des experts occidentaux ou musulmans.

Cette prétendue science, qui n’est autre qu’une menace existentielle pour les fondements de l’Islam, s’attelle à étudier ce qu’elle appelle l’origine de l’Islam et de la prédication prophétique, alors même que l’Islam n’a d’autre origine que d’être un maillon essentiel du monothéisme divin. Un monothéisme qui s’est manifesté d’abord chez les juifs, puis chez les chrétiens, pour s’achever entre les mains des Arabes au Moyen Âge.

L’Islam est, en effet, la continuation de la révélation divine, après des falsifications qui ont occulté le message divin des siècles durant.

L’islamologie considère le Coran comme un objet de son étude, en le réduisant à un texte humain, littéraire et non saint. Ce qui relève d’un pur égarement apocalyptique, particulièrement choquant pour les vrais musulmans. C’est dans ce registre que s’inscrivent des travaux que nous avons amplement critiqués.

En tête de liste, il y a l’œuvre de Mohamed Arkoun qui cherche, à travers le texte coranique, des structures sociologiques et culturelles, comme la structure mythique et la structure symbolique, dans le cadre de l’exploration d’un prétendu « impensé » du discours coranique. Tout devient symbole chez cet auteur controversé, y compris le paradis et l’enfer, ce qui est parfaitement inacceptable pour tout musulman normalement constitué.

Khalafallah et al-Khouli se sont fourvoyés, eux aussi, en cherchant, dans le texte coranique, des messages littéraires. Comme si le Coran était un conte de fées ou un livre de légendes, à l’image de l’Odyssée et de l’Iliade des anciens Grecs !

Quant au travail de Mohamed Shahrour, il s’inscrit dans une approche outrecuidante et complètement absurde qu’est l’étude linguistique du Coran selon les outils modernes. Comme si Allah, Le Très-Haut, avait attendu quatorze siècles pour que les musulmans puissent enfin comprendre Sa Parole divine grâce à son prétendu « prophète » innovateur du 21ème siècle…

C’est son ouvrage, intitulé « Le guide pour une lecture du Coran : méthode et termes [1] », qui a fait l’objet de notre critique et dans lequel les axes majeurs de sa pensée sont renfermés.

Sa lecture prétendument « moderne » du Coran 

D’abord, cet auteur déclare que son intention n’est autre que de transgresser ou dépasser ce qu’il appelle les constantes dans le fiqh islamique et le patrimoine en général, qui sont, selon lui, non sacrés et le produit d’une époque et d’un système politique révolus [2]. Dans ce sillage, Mohamed Shahrour affirme quelque chose de vraiment problématique.

Il considère que, dans l’époque moderne, on n’a pas plus besoin des messages prophétiques et même divins, puisque les sociétés sont arrivées à un haut degré de perfectionnement scientifique et humain, alors qu’à l’époque des prophéties monothéistes, l’homme était à peine sorti du règne animal. Ce qui caractérise, à ses yeux, la modernité, ce sont la science et le droit positif qui impose le respect des droits de l’homme [3].

Or, ceci est loin d’être vrai : le monde actuel est en crise, la science connaît des limites infranchissables, et les systèmes humains et politiques s’effondrent les uns sur les autres, comme un château de cartes.

Des idéologies qui, jadis, comptaient des millions d’adeptes et causèrent des millions de morts, tels le communisme et le nazisme, ont disparu. Notre époque n’est pas exempte d’esclavage, de maltraitances, de conflits meurtriers, et la notion prétendument occidentale des droits de l’homme est bafouée tous les jours par ceux qui la célèbrent et prétendent la protéger. L’amour de l’argent et la dissolution des valeurs humanistes prévalent sur tout le reste.

Par ailleurs, Shahrour rejette en bloc tout ce qui a été réalisé par les théologiens musulmans depuis des siècles. Il balaie d’un revers de main les Mutazilites, qui étaient des théologiens rationalistes, jusqu’aux Acharites soufis, en passant par les explications du Coran, comme si cet héritage ne revêtait aucun intérêt, aucune utilité pour nous, musulmans d’aujourd’hui [4]. Ceci est tout à fait inadmissible pour tout travail théologique renouvelé, lequel aurait besoin de faire l’inventaire de ce qui a été dit et d’en tirer des éléments bénéfiques pour une théologie rénovée et revigorée.

Cette logique de la rupture n’est absolument pas salutaire. Elle n’est bénéfique à aucun travail de rénovation et de réhabilitation de l’héritage islamique, qui devront être les pierres angulaires de la réforme que nous appelons de nos vœux. Shahrour prétend que, lui seul, possède une base d’explication crédible scientifiquement [5]. On va, dans les chapitres qui suivent, examiner cette base d’explication et critiquer ses fondements.

Le système de connaissance suivi : dissociation, dualisme et confusions

Pour l’instant, nous poursuivons notre exploration des thèses principales de Shahrour : ce dernier souligne que le Coran est absolu en lui-même, mais relatif dans sa compréhension par le lecteur. Cette relativité dépend, selon lui, de l’état des connaissances et de ses instruments chez l’homme [6]. Nous nous inscrivons en faux contre cette manière de dissocier ce que j’appelle l’ontologie du Coran, c’est-à-dire sa nature profonde, avec son épistémologie, c’est-à-dire la connaissance qu’on peut tirer du Livre saint.

C’est une démarche qui remet profondément en cause le message coranique, car ce dernier vise justement à pénétrer les cœurs et les esprits des croyants. Nous allons proposer une explication qui montre comment cette relation entre la nature et la valeur intrinsèques des versets coraniques et le lecteur croyant se forme.

Shahrour aborde cette relation de manière étrange, mais assez simpliste. Il compare la relation entre le croyant lecteur et le Coran à la relation auteur-texte-lecteur, tout en affirmant que le lecteur mobilise ses connaissances pour comprendre le texte et ce que l’auteur pense réellement à travers les lignes [7]. Dans ce sillage, il qualifie Dieu d’auteur, la révélation de texte, et les lecteurs de gens dont les connaissances sont limitées [8].

Ensuite, il verse dans des amalgames compromettants, qui ne reflètent pas la réalité de la dynamique coranique. Il revient sur cette dualité entre la stabilité ou l’absoluité du texte coranique et le caractère mouvementé ou, disons-le, « cinétique » du contenu de la prophétie [9], en insistant sur la dépendance de chaque lecture du Coran au contexte cognitif variable, selon le temps et l’espace de l’époque considérée [10].

Cette démonstration prête à équivoque, d’abord parce qu’Allah, Le Très-Haut, ne peut pas être qualifié d’Auteur. Cette notion recouvre, en effet, plusieurs significations : l’auteur est le créateur d’une œuvre ou à l’origine d’un acte, d’une œuvre ou d’autre chose, mais ce processus est uniquement et proprement humain et non divin.

Bien que Créateur, Dieu n’est pas l’auteur du Coran, mais le Coran est la parole de Dieu. La thèse de Shahrour rappelle étrangement celle des Mutazilites, qui ont proclamé la doctrine de la création du Coran avec les conséquences et le destin que l’on connaît dans l’histoire de la théologie islamique.

Faire allusion, comme le fait ce penseur syrien, à la contextualisation cognitive et spatio-temporelle de la compréhension du texte coranique est problématique à plus d’un titre, comme on l’a déjà esquissé : cette idée remet en cause l’intentionnalité du créateur, qui a parlé au prophète Muhammad (QSSL) par l’entremise de l’Archange Djibril.

Cette intentionnalité implique une compréhension systématique du texte coranique, qui engage le musulman au moment même où il commence à lire le Coran et qui captive l’esprit du récitateur dès la lecture du premier verset. Cette relation a été qualifiée d’Idjaz par les théologiens musulmans depuis le Moyen Âge.

Et voilà que cet auteur nous propose une forme de rationalité basée sur les connaissances modernes et systématiques, mais qui est en fait un relativisme pur et dur qui établit une dépendance de la compréhension du texte coranique au contexte dans lequel se trouve le lecteur ! Un tel relativisme affecte aussi bien l’objectivité et l’universalité, et ébranle la confiance du croyant.

Par ailleurs, le Coran n’a rien à voir avec les connaissances modernes, dans le sens où c’est la modernité qui est considérée comme la référence et non l’authenticité du Coran. Si on fait dépendre la compréhension du Coran du temps, de l’espace et de l’état des connaissances humaines, cela voudrait dire que Dieu a besoin des connaissances humaines, ce qui est inadmissible.

En fait, et je le dis sans animosité, les musulmans n’ont besoin d’aucune connaissance pour comprendre le Coran qui est leur seule référence transcendantale, cognitive et culturelle (hormis le hadith dans certains cas). Il arrive que des connaissances scientifiques soient interpellées, mais juste pour constater qu’elles confirment les révélations du Coran dans les domaines cosmogoniques et scientifiques. C’est ce qu’on appelle la miraculosité scientifique du Coran.

On a besoin aussi des connaissances scientifiques et philosophiques pour prouver l’existence de Dieu, la vérité de la création et de la bénédiction divines, ainsi que le Coran l’affirme magistralement dans ses versets. Mais on n’a nul besoin des connaissances humaines et scientifiques pour comprendre le Coran. Cette thèse est une gageure et, dans ce domaine, je trouve que Shahrour rejoint les penseurs prétendument islamologues dans leur idéologie qui considère le Coran comme objet d’étude, et non comme source de vénération et d’adoration.

On décèle également dans la suite du développement de son approche sur le Coran, une contradiction : alors qu’il commence par mettre en relief l’éloquence, la perfection et le miracle linguistique du Coran, en jetant la lumière sur l’absence de synonymes, l’abstraction de chaque mot avec une précision inégalée à l’époque par rapport à la période appelée al-djahiliya, c’est-à-dire la période préislamique [11], il reprend et insiste sur sa thèse, selon laquelle on a besoin d’une méthode conceptuelle pour approfondir notre connaissance du texte coranique et éviter des problèmes de compréhension [12].

C’est une véritable contradiction logique : si le Coran est un miracle divin, alors Allah, Le Très-Haut, est parfaitement capable de favoriser la compréhension et la mémorisation de ses versets chez tous les croyants sincères qui lisent assidûment le texte coranique. Le miracle coranique est global, universel et pluridisciplinaire (linguistique, scientifique, cognitif, etc.).

Dire, en même temps, que le Coran est miraculeux sur le plan linguistique et que ses lecteurs musulmans ne peuvent le comprendre aussi facilement est une réelle contradiction, qui constitue une faiblesse structurelle dans l’œuvre de Shahrour. Ce qui est surprenant, c’est que cet auteur recourt aux sciences appelées « épistémologie » et « linguistique » [13] en appui à cette prétention de comprendre le Coran mieux que tout autre musulman. Ce qui est, de surcroît, non transparent et non démocratique.

Ceci nous rappelle le concept de la double vérité d’Ibn Rûshd : la vérité philosophique du Coran, que seuls les philosophes peuvent atteindre, serait, pour ce philosophe égaré, différente de la vérité familière du Coran, si chère au commun des mortels. Mais la différence essentielle entre cet illustre philosophe musulman du Moyen Age et Shahrour réside dans le fait qu’il n’y a que ce dernier et un groupe d’islamologues, particulièrement malintentionnés à l’égard de l’Islam, qui osent prétendre connaître la vérité profonde du Coran.

En réalité, l’épistémologie et la linguistique ne sont pas des domaines aussi infaillibles, consistants et cohérents (en utilisant le langage des logiciens et des mathématiciens). Ce sont des domaines qui ont connu leurs crises. Le terme « épistémologie » est très vague, car il recouvre deux disciplines très différentes et deux objectifs irréductibles l’un à l’autre. Il y a la théorie de la connaissance qui s’intéresse au fonctionnement du raisonnement scientifique, ses fondements et sa logique. Mais il y a aussi la philosophie des science, un domaine plus vaste qui s’intéresse à ce qui caractérise la science (l’expérience, la théorie, l’induction, la déduction, la relation entre la théorie et l’expérience).

On peut d’emblée dire que ces domaines ont fait face à des crises, comme l’apparition de paradoxes logiques, la crise de l’analycité de Kant déclenchée par Quine qui remet en cause la distinction entre propositions analytiques et synthétiques, la remise en cause de l’induction par David Hume, puis par Karl Popper, et les théorèmes d’incomplétude de Kurt Gödel.

Au nom de quoi alors considère-t-on ces sciences en crise comme des références méthodologiques et cognitives ultimes pour étudier le Coran, si on suppose que ce dernier n’a jamais été mis en défaut ? [14]. Loin de mettre l’accent sur cette situation, Shahrour énumère les principes qui sont sous-jacents à ces sciences, en rapport avec la lecture du Coran.

La méthode conceptuelle : une série de dualités et de confusions

Il y a d’abord, d’après lui, le principe selon lequel tout « texte linguistique » ne peut être appréhendé que par la raison [15]. Or, ce principe ne s’applique pas vraiment au Coran, parce que le texte divin interpelle les croyants de manière subtile. Il ne se réduit pas aux règles classiques de la raison ou du rationalisme réducteur et abstrait, mais s’étend aux émotions, aux sentiments et plus généralement à tout ce qui relève des lois du cœur.

Le soufisme a largement étudié ces dispositions humaines en rapport avec le divin, et il n’est pas de notre propos de les évoquer à ce stade de notre analyse de l’œuvre de Shahrour. Il suffit juste de rappeler que les croyants font preuve d’une révérence et d’une mémorisation extraordinaire, lorsqu’ils sont en contact avec le Livre saint.

Ensuite, il dit que la langue est porteuse de la pensée humaine qui peut être parfois, selon lui, trompeuse, alors que nous devons croire que le Coran est vrai. Par conséquent, la miraculosité linguistique n’est pas garante de son authenticité [16], insiste-t-il. Mais là, il défonce des portes ouvertes et ne cesse de multiplier les confusions.

A contrario, nous pouvons dire que la miraculosité linguistique du Coran est étroitement liée à son authenticité, même si celle-ci couvre des choses beaucoup plus vastes que la langue seulement.

Il énonce également que le Coran est exempt de superflu et d’informations non importantes. Mais là également, il tombe dans une affreuse contradiction concernant l’exemple qu’il donne pour étayer ce principe.

Dans ce verset « S’il n’y a pas les moyens qu’il jeûne trois jours (complets) pendant le pèlerinage[17] », les traducteurs et les interprètes du Coran ont tendance à ne pas tenir compte du mot « complets », qui pourtant existe dans le verset. Quant à lui, ce mot a toute sa raison d’être en l’expliquant par le système duodécimal qui a été retenu dans le Coran [18]. Toutefois, il est difficile de croire que Dieu ait choisi ce système de calcul humain dans la révélation coranique.

On pense plutôt que le mot « complets » signifie que le jeûne doit être poursuivi jusqu’à la rupture du jeûne, le troisième jour, afin d’éviter que les musulmans ne jeûnent que deux jours jusqu’au levée du soleil, alors qu’ils doivent jeûner jusqu’à la fin de la troisième journée. C’est aussi simple que cela. Par ailleurs, dire que Dieu a choisi le système duodécimal implique une certaine dépendance du divin aux modes de calcul des humains, ce qui est une chose difficile à croire.

Le meilleur exemple qu’Allah, Le Très-Haut, ne recourt jamais à de tels systèmes, c’est ce verset de la sourate 53 « L’étoile » :

« Il a été à la portée de deux arcs ou plus près encore »

Il s’agit du Prophète, lors du voyage nocturne. Ici, Dieu n’a pas utilisé un système de mesure quantitatif, mais plutôt quelque chose de visuel, afin de montrer aux musulmans à quoi ressemblait la situation du Prophète en étant très proche de Dieu lors du voyage nocturne. Les systèmes numériques, géométriques ou quantitatifs sont de toutes les manières imparfaits parce qu’humains, alors que les versets du Coran frappent les sens, les esprits et les cœurs.

Shahrour énonce également un principe, selon lequel, les connaissances sont façonnées par les sociétés humaines en fonction des époques et que ces connaissances sont prises en compte dans le Coran. Là aussi, c’est une conception réductrice du Coran, parce qu’elle suppose une contextualisation temporelle et intellectuelle entre le texte coranique et les réalisations humaines. Elle est totalement injustifiée.

On peut plutôt dire que certaines vérités scientifiques sont irréfutables et absolues, et trouvent leurs parallèles dans le Coran. Elles ne sont pas nombreuses, mais on est catégorique sur le fait que ces versets et ces vérités scientifiques parlent de la même chose. Mais ceci n’est l’objet de notre article.

Shahrour revient toujours à cette dualité en la formulant de différentes manières. Il y a par exemple cette formulation : il affirme que notre compréhension de la parole divine est évolutive et non absolue, alors que le texte coranique lui-même est absolu et non évolutif [19]. Cette dualité est vraiment illusoire, parce que le Coran est unique, universel et ouvert sur l’humanité entière. Il est également valable aussi bien en tant que texte qu’informations comprises par les musulmans en tout lieu et en tout temps. Dieu ne peut pas dépendre des humains et de l’évolution de leurs connaissances dans le temps pour qu’il soit compris par les fidèles.

Cet auteur tente de résumer les principes cognitifs du Coran de la manière suivante : la dialectique de l’opposition dans la même chose (création ou non création) ; dialectique des couples et enfin, la dialectique des contraires (jour et nuit, la vertu et le pêché, etc.) [20]. Ces principes sont, je le pense, très réducteurs, car ils ne reflètent pas la beauté du Coran, sa grandeur, sa transcendance, les miracles qui sont sous-jacents au texte coranique.

Alors que Shahrour considère que le langage du Coran est supérieur à celui de la poésie, parce que celle-ci se prête à la subjectivité, à l’irrationalité et à l’approximation dans l’usage de la langue – le Coran étant extrêmement bien articulé à travers ses versets, très précis dans la signification des mots et objectif – il remet toutefois en cause cet éloge et cette conclusion en évoquant des principes qui sont souvent utilisés, paradoxalement, par la poésie moderne.

Il semble ignorer que cette poésie s’est développée à un tel degré en Occident qu’elle reprend à son compte des paradigmes comme cette dialectique des contraires. Par exemple, le poète italien Ungaretti, pour lequel j’ai une grande admiration, utilise souvent ce type de paradigmes dans sa poésie, lui qui a vécu en Egypte avant de revenir en Italie. Il a ainsi comparé le désert et la forêt, l’oasis et le désert, ainsi que l’aube et la nuit dans une poésie extrêmement belle et esthétique.

Il en est de même de la dialectique des couples qui était connue depuis les Grecs. Ce peuple antique a même produit, grâce au génie de Platon et d’Aristote, des paradigmes et des concepts beaucoup plus développés et raffinés, et surtout beaucoup plus abstraits comme le syllogisme, la déduction, les catégories et l’induction.

Il semble aussi que Shahrour emprunte des concepts de la philosophie moderne, telle cette notion de dialectique si utilisée dans la philosophie de Hegel, ce penseur allemand qui n’a fait que mener la philosophie moderne à l’athéisme et à l’égarement le plus complet. Bertrand Russel a dit un jour : « la seule chose dont on est sûrs est que tous les concepts de Hegel sont faux ».

En reprenant ce concept controversé et moderne de « dialectique », Shahrour rejoint ces prétendus connaisseurs de l’Islam, lesquels veulent en faire un objet d’étude soi-disant scientifique. Mohamed Arkoun, à cet égard, prétend soumettre le texte coranique à l’« esprit objectif » que Marx, Nietzche et Freud ont inauguré au sein de la philosophie postmoderniste.

On voit bien ici que la notion de dialectique utilisée par Shahrour provient de la pensée hégélienne qui a engendré la philosophie marxiste, laquelle a appliqué la raison dialectique au rôle de l’économie dans l’histoire et a plongé les sociétés occidentales dans une lutte implacable des classes qui s’est soldée par des reversements apocalyptiques des rapports de force, en amenant au pouvoir des régimes sanguinaires et dictatoriaux [21]. A vrai dire, Hegel mais aussi Marx, Nietzche et Freud n’ont pas véritablement assuré l’avènement de l’esprit objectif. Ils ont juste mis le feu dans la citadelle philosophique, en aboutissant au nihilisme et à une philosophie désespérée et frustrée.

Nous proposons, à la place des principes cognitifs de Shahrour qui nuisent à la grandeur du Coran et altèrent sa beauté, que le Livre saint laisse déployer lui-même ses thématiques universelles qui se déclinent comme suit :

Une stricte moralité qui régit le comportement du musulman qui doit ordonner le bien et interdire le mal et poursuivre la justice et la charité. Le premier devoir du musulman est de croire en Dieu et de ne reconnaître aucun associé : « Et lorsque Luqmân dit à son fils tout en l’exhortant : « O mon fils, ne donne pas d’associé à Allah, car l’association à [Allah] est vraiment une injustice énorme. Nous avons commandé à l’homme [la bienfaisance envers] ses père et mère ; sa mère l’a porté [subissant pour lui] peine sur peine : son sevrage a lieu à deux ans. « Sois reconnaissant envers Moi ainsi qu’envers tes parents. Vers Moi est la destination [22] ».  « O mon enfant accomplis la Salât, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise ! Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole [23]».

Une transcendance spirituelle et eschatologique qui fait connaître Dieu aux hommes et leur commande une obéissance absolue : « Et c’est devant Allah que se prosterne tout être vivant dans les cieux, et sur la terre ; ainsi que les Anges qui ne s’enflent pas d’orgueil [24]» « À Allah appartient la royauté des cieux et de la terre. Il donne la vie et Il donne la mort. Et il n’y a pour vous, en dehors d’Allah, ni allié ni protecteur [25]». « Votre Seigneur est, Allah qui créa les cieux et la terre en six jours, puis S’est établi « Istawâ » sur le Trône, administrant toute chose. Il n’y a d’intercesseur qu’avec Sa permission. Tel est Allah votre Seigneur. Adorez-Le donc. Ne réfléchissez-vous pas ? [26]». « Mais ils ne se rappelleront que si Allah veut. C’est Lui qui est Le plus digne d’être craint ; et c’est Lui qui détient le pardon [27] » ; « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent [28]».

Un discours historique qui montre à l’homme une origine étroitement liée à la transcendance divine et qu’il est le fils d’Adam. Cette origine permet la reconnaissance des fils d’Adam à la fin des temps.

Ce discours historique fait référence également à la vie des autres prophètes de Dieu : « Et quand ton Seigneur dit aux anges : « Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges : « Je vais établir sur la terre un vicaire « Khalifa ». Ils dirent : « Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?» – Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas ![29]» ». « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ?» Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons… » – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : « Vraiment, nous n’y avons pas fait attention » [30]. « Nous avons déjà apporté à Moïse et Aaron le Livre du discernement (la Thora) ainsi qu’une lumière et un rappel pour les gens pieux, qui craignent leur Seigneur malgré qu’ils ne Le voient pas, et redoutent l’Heure (la fin du monde). Et ceci [le Coran] est un rappel béni que Nous avons fait descendre. Allez-vous donc le renier ? En effet, Nous avons mis auparavant Abraham sur le droit chemin. Et Nous en avions bonne connaissance [31]».

Un humanisme unique en son genre. Ce verset exprime pleinement un humanisme d’origine transcendantale d’une pureté absolue qui n’a pas d’égale dans ce bas monde : « Pense-t-il que personne ne pourra rien contre lui ? Il dit : « J’ai gaspillé beaucoup de biens ». Pense-t-il que nul ne l’a vu ? Ne lui avons-Nous pas assigné deux yeux, et une langue et deux lèvres ? Ne l’avons-Nous pas guidé aux deux voies. Or, il ne s’engage pas dans la voie difficile ! Et qui te dira ce qu’est la voie difficile ?

C’est délier un joug [affranchir un esclave], ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénuement. Et c’est être, en outre, de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance, et s’enjoignent mutuellement la miséricorde [32]».

Une vision du salut qui promet au musulman le Paradis et lui enseigne comment éviter l’Enfer. Ces deux lieux ultimes pour la destinée humaine sont décrits de manière assez détaillée dans le texte coranique : « Quand l’événement (le Jugement) arrivera, nul ne traitera sa venue de mensonge. Il abaissera (les uns), il élèvera (les autres). Quand la terre sera secouée violemment, et les montagnes seront réduites en miettes, et qu’elles deviendront poussière éparpillée alors vous serez trois catégories : les gens de la droite – que sont les gens de la droite ? Et les gens de la gauche – que sont les gens de la gauche ? Les premiers (à suivre les ordres d’Allah sur la terre) ce sont eux qui seront les premiers (dans l’au-delà) Ce sont ceux-là les plus rapprochés d’Allah dans les Jardins des délices, une multitude d’élus parmi les premières [générations], et un petit nombre parmi les dernières [générations], sur des lits ornés [d’or et de pierreries], s’y accoudant et se faisant face [33]».

Une cosmogonie qui rappelle au musulman comment Dieu a créé l’Univers. Une telle création ne souffre d’aucune possibilité de réfutation : « Dis : « Renierez-vous [l’existence] de celui qui a créé la terre en deux jours et Lui donnerez-vous des égaux ? Tel est le Seigneur de l’univers, c’est Lui qui a fermement fixé des montagnes au-dessus d’elle, l’a bénie et lui assigna ses ressources alimentaires en quatre jours d’égale durée. [Telle est la réponse] à ceux qui t’interrogent. Il S’est ensuite adressé au ciel qui était alors fumée et lui dit, ainsi qu’à la terre : « Venez tous deux, bon gré, mal gré ». Tous deux dirent : « Nous venons obéissants ». Il décréta d’en faire sept cieux en deux jours et révéla à chaque ciel sa fonction. Et Nous avons décoré le ciel le plus proche de lampes [étoiles] et l’avons protégé. Tel est l’Ordre établi par le Puissant, l’Omniscient [34]».

Une explication « finaliste » d’une partie de la création comme utile à l’homme. On entend par là,  un dépassement de la science puisque cette dernière ne peut pas comprendre que certaines choses de la nature ont été créés pour l’homme. La science rejette le finalisme afin de nous prouver une existence gratuite, sans finalité et sans essence de l’Univers. Nous avons déjà cité les versets qui reflètent ce discours explicatif sur la finalité du monde.

Un discours-contexte : ce sont toutes les réponses divines contenues dans le Coran aux situations auxquelles ont été confrontés les musulmans sous le commandement du Prophète (QSSL) (guerre sainte contre les Quraychites, rappel divin au prophète concernant certains faits qui se sont produits durant sa mission prophétique, etc.).

Enfin, un discours juridique et social qui concerne tous les versets de nature normative et législative (héritage, règles du pèlerinage, jeûne, sanctions pour des pêchés déterminés, halal et haram, etc.).

Ces axes représentent à eux seuls des mondes ontologiques et spirituels qui ne se contredisent pas entre eux. La cohérence du texte coranique est complète et ne souffre d’aucune incertitude. La Parole divine est permanente et transcendantale et elle embrasse tous ces axes majeurs de la révélation coranique.

Le fait que nous ayons pu résumer tous les axes du texte coranique, sans prétendre à aucune exhaustivité, reflète sa robustesse et la solidarité entre ces différentes séquences (moralité religieuse, transcendance spirituelle, discours historique, l’humanisme, discours du salut, cosmogonie) tout en étant autonomes. Ces séquences ne sont pas fragmentées au hasard tout au long du texte coranique. Elles sont au contraire bien ajustées pour offrir au croyant une praxis, une voie à suivre et un tableau cohérent de l’existence du monde et de sa propre destinée.

Par ailleurs, ces axes coraniques sont complètement intelligibles sans l’aide d’aucun instrument cognitif ou une théorie moderne. Une lecture pieuse de ce texte ne peut supporter une analyse critique ou des interprétations hasardeuses qui ne reposeraient pas sur la révélation coranique elle-même.

Nous n’avons nullement besoin des concepts de Shahrour qui tend à considérer le Coran comme un objet d’étude et d’analyse, en oubliant que le principe de l’unicité divine empêche une telle analyse qui reflète ostensiblement les faiblesses de l’entendement humain. Enfin, le texte coranique se déploie lui-même pour offrir ses différents discours à l’humanité, sans l’aide d’aucune théorie ou méthodologie prétendument scientifiques.

Les fondements de la législation : un dualisme sans issue et des égarements   

Shahrour distingue entre ce qu’il appelle les versets de la prophétie du Prophète Muhammad  (QSSL) et les versets de son message comme Prophète [35]. Il poursuit donc sa propension à cultiver les amalgames, en distinguant les versets du Coran sur la base d’un jugement sur leur validité et sur leur fait qu’ils soient l’objet ou non d’une interprétation en usant des connaissances humaines modernes. Selon lui, tous les versets dits prophétiques [36] sont caractérisées  par l’absoluité du texte et le caractère changeant du contenu, ce que nous avons rejeté dans les pages précédentes.

Quant aux versets du message, ils sont composées, selon lui, en versets (la mère du livre) dont le texte est absolu et fermé à toute interprétation et en versets qui sont appelés les versets de l’explicitation de la « Mère du livre » qui sont caractérisés, toujours d’après lui, par le caractère absolu du texte et le caractère changeant du contenu [37]. C’est non seulement un dilemme rédhibitoire de séparer un texte de son contenu de cette manière, mais distinguer les versets entre la prophétie et le message représente aussi un contre-sens historique. Le Prophète (QSSL) n’a fait que transmettre à la communauté une révélation divine.

Shahrour semble ici se laisser bercer par les mythes bibliques qui parlent de prophéties, comme si les prophètes étaient à l’origine d’une bonne partie de leurs messages supposés, pourtant de provenance divine. Cette manière de présenter les fondements d’une religion n’est pas familière à l’Islam, une religion qui n’a jamais divinisé le Prophète et qui ne lui a jamais attribué un autre rôle que celui de messager.

Les questions politiques, liées au pouvoir et à la gestion des affaires de la communauté, ont été imposées sur le terrain parce que les adversaires de l’Islam voulaient carrément mettre fin à cette nouvelle religion. Il y a des versets du Coran qui le prouvent, mais leur examen nous éloignerait de notre but qui n’est autre que de déconstruire l’œuvre de Shahrour. Une oeuvre qui représente, en soi, l’une des menaces les plus dangereuses pour notre religion.

Il y a un problème d’une importance cruciale : en établissant cette classification, Shahrour aborde la question des versets sans équivoque. Des versets qui peuvent se prêter à des interprétations diverses sans qu’on emploie ici le mot « équivoque », car on ne peut attribuer au Créateur quelque chose qui porte atteinte à sa perfection.

Allah, Le Très-Haut, nous avertit de manière péremptoire sur les dangers que recèle toute interprétation ou innovation concernant le second type de versets coraniques.

Ces versets nous l’expliquent de manière magistrale : « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre : il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à d’interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : « Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur !» Mais, seuls les doués d’intelligence s’en rappellent [38]».

En fait, on trouve dans ces versets, eux-mêmes, la solution au problème posé par les versets dits équivoques. Ceux qui sont enracinés dans la science s’en remettent à Dieu et au Coran pour résoudre cette difficulté inhérente au sens exact de certains versets.

Ainsi, en étant imbus de ce principe coranique, nous allons proposer les règles suivantes qui doivent régir tout examen d’un verset dit équivoque « mushâbih » :

– Dans l’examen de ces versets, il ne faudrait jamais sortir du texte coranique ;

– Recourir au plus court chemin pour arriver à la conclusion, c’est-à-dire au sens exact de ce verset ;

– Eliminer toute explication non nécessaire d’un verset coranique « équivoque » et les hypothèses les plus simples doivent être préférées [39].

En appliquant ces trois principes méthodologiques, on peut examiner maintenant quelques versets connus pour être « mutâshabih ».

L’un des plus connus est celui-là : « Il n’y a aucun grief fait à ceux qui croient et font les bonnes actions à propos de ce qu’ils ont consommé, du moment qu’ils ont eu la crainte (de Dieu), ont apporté foi et ont fait les bonnes actions, puis ont eu la crainte et ont apporté foi, puis ont eu la crainte et ont fait le bien [40] ».

Les théologiens musulmans depuis le Moyen-âge ont été confrontés à ce verset étant donné l’existence d’autres versets non équivoques qui interdisent de consommer l’alcool et le porc. Ils ont alors envisagé deux solutions ou deux hypothèses :

– Soit que ce verset signifie que Dieu ne fera aucun grief aux croyants quant à ce qu’ils auront consommé durant leur vie du moment qu’ils ont la foi et font les bonnes actions. La première hypothèse a été problématique pour ces théologiens car elle induit, selon eux, que les croyants peuvent alors consommer ce qu’ils veulent.

– Soit il signifie que Dieu ne fera aucun grief à ceux des croyants qui sont morts avant qu’Il interdise tel aliment et telle boisson, et qui en avaient donc consommé de leur vivant.

En utilisant les principes énoncés en haut, il convient d’écarter ces deux hypothèses en ne retenant que la suivante : les croyants bien intentionnés qui croient fermement à Dieu et au Coran et qui mangent par erreur des aliments interdits n’ont aucun souci et ne doivent avoir aucune crainte. C’est pour nous la seule interprétation logique de ce verset en écartant l’hypothèse d’un verset ultra-permissif qui permet aux croyants de consommer ce qu’ils veulent ainsi que la seconde hypothèse car elle est non nécessaire puisque le verset n’évoque nullement les personnes décédées.

Examinons maintenant ce verset qui est considéré également comme « mutâshabih » : « Les croyants, les juifs, les chrétiens, les sabéens, ceux qui ont cru en Dieu et au jour dernier et auront fait le bien, ceux-là auront leur récompense auprès de leur Seigneur, et sur eux il n’y aura aucune crainte, ni ils ne seront attristés [41] ».

L’hypothèse la plus simple et la plus logique en gardant à l’esprit nos trois principes est que les juifs, les chrétiens et les sabéens restent croyants et monothéistes et peuvent garder leur religion sous l’autorité de l’Islam en bénéficiant du statut de Dhimi. Inutile de faire d’autres hypothèses qui laissent entendre que ces croyants ont refusé d’adopter le message du Prophète ou de savoir s’ils sont croyants ou mécréants.

Ces hypothèses sont inutiles pour interpréter ce verset. Ce sont des croyants en Dieu et ne peuvent donc être inquiétés s’ils veulent garder leur ancienne religion. Cette hypothèse est alors confrontée par un verset univoque (muhakam) qui est celui-ci : « Nulle contrainte en religion. La bonne voie est désormais distincte de l’erreur. Celui qui rejette les fausses divinités et croit en Dieu sa saisi l’anse la plus solide, qui ne se brisera jamais. Dieu entend tout, et il est Omniscient [42] ».

Voyons ce dernier verset : « Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l’eau], ou en voyage – (alors que) l’un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché une femme – 6 et que vous ne trouvez pas d’eau, alors… [43] ». L’hypothèse la plus simple est relative au fait d’avoir des relations intimes avec son épouse et non à un simple contact par le toucher.

Ensuite, Shahrour parle des versets abrogeant et des versets abrogés de manière chaotique et incompréhensible. Alors que le Coran est on ne peut plus clair à ce sujet, voilà qu’il en parle comme si certains musulmans se permettent d’abroger des versets, ce qui est outrageux alors que rien dans le Coran ne peut désormais être abrogé. C’est un fatras d’affirmations incohérentes.

Mais ce qui est grave, c’est qu’il affirme de manière péremptoire que l’ère de l’abrogation divine s’est achevée avec le message prophétique et que l’on vit désormais à l’ère marquée par l’ijtihad, à travers lesquels une chose est abrogée par une autre[44].Comme si l’Ijtihad transcende ce qu’il y a dans le Coran.

En réalité, le processus d’abrogation est une affaire interne au Coran et il ne sert à rien d’évoquer des mots pompeux comme l’ijtihad humain à l’époque moderne, qui n’a rien à voir ni de près ni de loin avec cette question endogène au Coran. En fait, l’abrogation a été décidée par Dieu au moment même de la révélation et le Coran garde l’empreinte de cette volonté divine. Mais les innovateurs modernes tentent d’exploiter la variabilité de ce processus divin par des affirmations visant la destruction des fondements de l’Islam en attribuant à l’abrogation une portée et une dimension exagérée et « hyperbolique ».

Chaque innovateur trouve son compte : voici donc certains qui considèrent que le verset relatif au commandement divin ordonnant la non-contrainte en religion a été abrogé par d’autres versets et que des versets dits médinois ont été abrogés les versets mecquois. D’autres encore s’amusent à affirmer que le Coran ne réfute par les anciennes écritures, etc. On a enfin Shahrour qui accorde à l’interprétation moderne un pouvoir d’abrogation que n’ose même pas évoquer son impact sur le Saint Coran. Toutes ces affirmations sont incohérentes et sans aucun fondement.

Regarderons d’abord de près ce que nous dit majestueusement ce verset : « Nous abrogeons un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas que Dieu est Omnipotent ? [45] ».

Ainsi, Dieu nous affirme qu’il améliore parfois son  jugement dans un processus créatif dans le meilleur et pour le bien. La création est un processus qui se situe dans le temps. Il en est de même de l’abrogation qui intervient dans un temps donné.

Pourtant, les innovateurs modernes cherchent des failles dans ce processus en évoquant des contradictions. Les innovateurs prétendent que les versets comme celui-ci – « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la Salat et acquittent la Zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux [46] » – sont contradictoires et abrogent le verset « Nulle contrainte en religion ».

En vérité, ces deux versets parlent de deux choses différentes : ce dernier verset est d’une validité universelle s’appliquant en temps de paix et même en tant de guerre, lorsque les combattants musulmans entrent en contact avec des chrétiens, des juifs et des sabéens, c’est-à-dire des monothéistes pratiquant leur religion ou lorsque des musulmans dialoguent avec des non-musulmans sur leur religion. En revanche, le premier verset décrit une situation de combat dans un contexte de guerre déclenchée par les polythéistes contre les croyants musulmans. Ces innovateurs parlent comme si les musulmans doivent se laisser tuer alors qu’ils sont attaqués de toutes parts par les ennemis de leur religion.

En recourant à nos simples principes méthodologiques, on découvre toute la cohérence et la beauté du texte coranique alors que les innovateurs s’égarent dans des hypothèses inutiles et hasardeuses qui discréditent leur sérieux et leur objectivité.

Franchement, ces innovateurs sont aveugles et affirment n’importe quoi et ce, pour une raison simple : ils ne sont pas pénétrés par la grandeur et la beauté du texte coranique. Il ne cherche qu’à le réfuter mais ne réussissent pas et ne réussiront jamais.

On a une belle évocation de cette situation dans ce verset : « Ils ressemblent à quelqu’un qui a allumé un feu. Mais quand le feu a illuminé tout alentour, Allah a fait disparaître leur lumière et les a abandonnés dans leurs ténèbres où ils ne voient plus rien [47]».

L’égarement de Shahrour n’a pas finalement de limites. Il aborde notamment ce qu’il appelle les versets coraniques de dimension historique évoquant les récits des prophètes qui sont qualifiés de versets indicatifs pour tirer seulement des leçons et qui n’ont aucune portée législative.

Honnêtement ce prétendu penseur n’est pas vraiment pénétré par le vaste déploiement créatif, sublime et tellement structuré et bien articulé de la parole divine, dont les différents axes sont cohérents les uns avec les autres.

Je vais juste citer deux versets que Shahrour pourrait considérer sans hésiter comme des versets historiques, bien qu’ils soient éminemment législatifs. Car ce qui a été prescrit pour des peuples qui ont vécu bien avant les musulmans, mais qui ont reçu la révélation divine, s’applique et s’impose également aux musulmans.

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Ce que Dieu a légiféré pour les juifs et les nazaréens s’appliquent également aux musulmans. Le premier verset est celui-ci : « Certes ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazairiens, et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allah, au Jour dernier et accompli de bonnes œuvres, sera récompensé par son Seigneur ; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé [48] ».

Il y a encore ce verset dont la portée législative et juridique ne fait aucun doute, alors même qu’elle parle du message divin révélé à Moise (QSSL) : « Et, lorsque nous avons pris l’engagement des Enfants d’Israël de n’adorez qu’Allah ; de faire le bien envers les pères, les mères, les proches parents, les orphelins et les nécessiteux ; d’avoir de bonnes paroles avec les gens, d’accomplir la prière et d’acquitter l’aumône. Mais, à l’exception d’un petit nombre parmi vous,  vous avez manquez à vos engagements en vous détournant de Nos commandements [49] ».

Ce sont bien là des versets historiques, mais à visée législative. Les commandements d’Allah, Le Très- Haut, qui sont descendus du ciel et qui sont cités dans ces mêmes versets s’appliquent indubitablement aux musulmans, bien qu’ils n’aient pas vécu à cette époque reculée.

Bien entendu, il y a des versets qui font partie de ce que j’appelle un discours coranique historique. Mais l’histoire racontée dans le Coran n’est pas un sujet froid, abstrait et narratif. C’est un discours qui engage authentiquement le musulman et qui lui montre que l’Islam n’est pas une religion qui est apparue ex nihilo. De nombreux versets sur les juifs et les chrétiens, qui peuvent être considérés comme historiques, montrent en fait pourquoi Allah, Le Très-Haut, a décidé de révéler sa parole divine au Prophète Muhammad (QSSL).

C’est en fait pour corriger les écritures qui ont été falsifiées par des prêtres et des évêques juifs malintentionnés et cupides, dont pour certains, comme nous l’indique le Coran, s’avèrent être illettrés. Ce sont des versets très importants et structurels. Ils ne sont pas là simplement pour tirer des leçons, ainsi que l’affirme malencontreusement Shahrour. Ce sont certes des versets historiques, mais éminemment législatifs.

Il développe encore une vision des plus occidentalisées sur ce qu’il faudrait restreindre en matière de droits. Il cite l’exemple de la polygamie qui peut, selon lui, être combattue par la législation positive des sociétés musulmanes, même si elle ne représente pas un pêché [50].

Là vraiment, Shahrour se laisse bercer par les injonctions occidentales et s’éloigne des commandements divins renfermés dans le Coran. La polygamie est un droit accordé par Dieu aux musulmans. Mais il a été combattu et restreint de facto dans les sociétés musulmanes, en raison de la colonisation et de l’influence culturelle des pays occidentaux sur ces mêmes sociétés.

Shahrour suit de près l’idéologie de l’Occident sur ce point, qui a marqué de son empreinte les sociétés affaiblies et écrasées sous son joug dans le monde arabo-musulman. Il le dit explicitement et de manière outrancière : «… l’interdiction et la permission procèdent par l’ijtihad pour la restriction du halal grâce à la diligence humaine [51] ».

Il affirme également que l’analogie recourt aux connaissances dans les sciences humaines [52]. Or, elle a existé autrefois dans le fiqh d’Abu Hanifa. En fait, le déclin qui a frappé la civilisation islamique donne l’impression que toutes les bonnes choses viennent de l’Occident et tout est donc mélangé dans la tête des musulmans.

Cette situation d’anarchie affecte des domaines névralgiques, comme le sont les interdits. Shahrour recommande de se limiter aux 14 interdits cités dans le Coran. Mais en vérité, le problème est extrêmement complexe et il est lié au déclin de la civilisation islamique. Par exemple, il y a des versets dans le Coran qui encouragent de libérer les esclaves et de les marier s’ils le souhaitent. Mais cette injonction divine n’a jamais été appliquée dans les faits dans l’histoire musulmane, surtout pour le cas des esclaves-femmes que les hommes possédants ont été autorisés à acquérir.

Avec le temps, ce droit a été restreint jusqu’à disparaître complètement au regard de la législation et dans les faits, en raison de l’abolition de l’esclavage en Occident. Les musulmans se retrouvent alors privés d’un droit coranique, tout en voyant des limites s’imposer de facto dans les relations extraconjugales qui sont considérées comme de l’adultère.

Alors que, dans le passé, les musulmans avaient des possibilités qui pouvaient leur permettre de jouir d’une vie meilleure, ils se retrouvent aujourd’hui privés de leurs droits, en l’occurence à la polygamie, tout en faisant face à l’interdiction coranique de l’adultère dont l’ombre imposante plane dans les esprits.

On remarque ici que la liste de Shahrour est trop simpliste, parce que dans les faits, des droits cités dans le Coran ont été supprimés dans la pratique quotidienne des sociétés musulmanes, alors que les interdits sont restés les mêmes.

Shahrour veille scrupuleusement au maintien de cette situation en encourageant la restriction de la polygamie, tout en parlant des interdits. Les innovateurs de ce genre, complices de l’Occident, ne se soucient pas du bonheur des musulmans en leur imposant une restriction de leur droit à la polygamie, tout en laissant les interdits tels quels. Ce que j’entends par là, c’est que les interdits sont jalousement imposés, alors même que des droits accordés par Dieu ont été limités.

On se perd vraiment dans les égarements de Shahrour. Par exemple, il sépare la tradition du message de la tradition prophétique. Tandis que la première est de nature divine et ses injonctions sont, selon lui, éternelles, la seconde est proprement humaine et liée au Prophète, en tant que dirigeant politique et judiciaire, ses injonctions étant provisoires et limitées dans le temps [53], précise-t-il. Franchement, cette affirmation s’inscrit en porte- à-faux contre toute la théologie et le fiqh islamiques du Moyen-Âge, depuis les Acharites jusqu’aux quatre écoles juridiques islamiques, qui considèrent le hadith comme source de loi.

Pour être objectif, il aurait pu exiger une plus grande rigueur dans l’authentification des hadiths et la vérification de leur chaîne de transmission, un travail qui n’a d’ailleurs jamais été réalisé depuis des siècles. Mais de là à rejeter le caractère juridique, éternel et universel des hadiths, c’est vraiment quelque de chose de radical et de contreproductif, parce que le hadith fait partie des sources de la législation islamique qu’on le veuille ou pas.

Je ne sais, par ailleurs, comment il arrive à relativiser le sens du verset coranique : « Et obéissez au messager, afin que vous ayez la miséricorde [54] ». En fait, il y parvient peut être en s’accrochant à cette dualité illusoire entre la tradition du messager et la tradition du Prophète. Or, cette distinction est invalide parce que les dires du Prophète sont un tout et le Coran nous ordonne de lui obéir.

Dire que le Prophète n’a pas été inspiré, pour une partie de ses dires, par la révélation jette le doute sur l’authenticité de sa mission qui a été avant tout d’inspiration divine du début à la fin. Cette distinction est maladroite puisque les prophètes juifs à qui Dieu n’a pas révélé de textes divins ne sont pas moins inspirés par Dieu dans leur mission.

Autrement, ils seraient des illuminés sans aucune légitimité auprès de leur peuple. Par ailleurs, il remet en cause le fiqh islamique dans sa globalité et lui dénie son rôle dans l’édification de la législation islamique en proposant une nouvelle lecture des versets coraniques sans expliquer les raisons de ce rejet. Est-ce que c’est en raison du poids exorbitant du hadith dans le fiqh des trois écoles théologiques ou de la supériorité des connaissances du vingt-et-unième siècle ? Il ne le dit pas.

Pour ma part, je considère que c’est le triomphe du courant hanbalite qui repose sur un corpus de hadiths au 9ème siècle sans une solide vérification de la chaîne de transmission et son rejet de l’analogie et de la raison dans tout effort jurisconsulte qui explique son aspect relativement archaïque et non en raison de son dépassement par les connaissances modernes.

On peut utiliser, comme on l’a déjà fait dans les pages précédentes, un minimum de règles simples pour tracer un chemin sûr dans l’interprétation des versets coraniques même réputés équivoques. Mais nous rejetons le recours abusif aux sciences humaines modernes dans toute lecture du Coran parce que sortir du texte coranique est un égarement sans retour dans les dédales de la connaissance incertaine et controversée des humains à l’époque moderne. Pourtant, Shahrour n’exclut pas une seconde, une troisième puis une quatrième lecture, humaines et de manière illimitée dans le temps.

Cependant, il y a un sérieux problème avec ce raisonnement : c’est instaurer une dépendance de nature temporelle entre la parole divine et les différents systèmes de connaissances humaines selon les époques.

Cette dépendance ne peut être supportée par le Coran parce que c’est la parole ex abrupto d’Allah Le Très Haut qui a établi une relation directe avec les esprits et les cœurs des musulmans à l’époque même du Prophète et qui est restée gravée dans la mémoire collective musulmane pendant des siècles. Il y a eu bien entendu des crises d’interprétation à l’époque omeyyade et abbaside mais ces crises touchent des questions qui n’ont rien à voir avec l’interprétation des versets coraniques en matière législative. Elles concernent plutôt des thématiques théologiques comme les attributs divins, l’origine du Coran (créé ou incréé), le libre-arbitre ou la prédestination qui n’ont rien à avoir avec le sujet que nous traitons ici.

On va montrer à titre de conclusion, la véritable structure du Coran en opposition avec tout recours aux sciences modernes et aux connaissances humaines. En réalité on peut évoquer la robustesse et la cohérence du discours divin renfermé dans le texte de la révélation coranique,  une cohérence et une robustesse qui s’affirment sur les plans logiques et ontologiques. Ces caractéristiques qui reflètent l’unicité du discours divin et sa préservation à travers les siècles ne se rencontrent nullement dans le savoir humain.

Le discours divin est lié à la transcendance et à l’infini, contrairement au discours scientifique basé sur l’individualité de l’entendement humain qui est fini et limité.

Certains scientifiques et philosophes ont compris toute la portée de cette différence en admettant que c’est la puissance divine, transcendante et infinie, qui permet d’expliquer les fondements mêmes de la pensée humaine qui ne peut à elle seule rencontrer l’infini.

Nous pouvons donner des exemples tirés de l’expérience scientifique particulièrement édifiante de certains scientifiques à différentes époques. Le mathématicien, Gorge Cantor a découvert que l’existence des nombres infinis engendre des contradictions mathématiques au point de provoquer un effondrement des mathématiques et de la logique. La seule solution pour lui d’éviter ces contradictions est de reconnaitre l’existence d’une super-infinité qui est Dieu.

Newton a rencontré une difficulté similaire pour comprendre pourquoi les planètes ne s’écrasent pas entre elles en raison de la force de la gravitation et pour expliquer le caractère fixe et immuable de l’espace et du temps absolus. C’est l’existence de Dieu qui permet, selon lui, de résoudre les difficultés inhérentes à ces concepts scientifiques et d’empêcher les planètes de s’écraser entre elles.

On a aussi des exemples édifiants avec la physique et la cosmologie modernes : dans le processus d’élaboration de leurs théories scientifiques, les physiciens rencontrent souvent cette difficulté marquée par l’apparition soudaine des infinis.

Une première fois avec la théorie de l’électron (l’électrodynamique quantique) qui reste un mystère jusqu’à aujourd’hui [55] puis avec la théorie électrofaible unifiant la force faible et la force électromagnétique et enfin avec la théorie de l’énergie noire cosmique qui a une valeur finie très faible alors que ces composantes énergétiques (photons et champs virtuels) sont supposées interagir entre eux en générant des énergies infinies. Ce problème a dérouté les physiciens modernes à tel point que l’un des plus éminents physiciens a considéré la question de Dieu comme une question désormais réelle [56].

Par conséquent, la pensée humaine est inexorablement limitée pour prétendre décortiquer et interpréter la parole divine présentée dans le Coran, en recourant exclusivement aux outils de la science moderne.

Le discours divin renfermé dans le Coran est caractérisé par la robustesse textuelle, cognitive, logique et ontologique puisque la révélation est d’essence divine. Contrairement à tous les discours humains dans le monde moderne marqués par le doute et le relativisme, le Coran est immunisé contre toute tentative d’interprétation hasardeuse parce qu’il est cohérent et robuste.

La robustesse du texte coranique est le corollaire de l’assurance divine de son intégrité. Le tafsîr est l’activité humaine qui permet de commenter le texte coranique en recourant au Coran lui-même ou accessoirement aux Dits du Prophète Muhammad (hadîth). Ainsi, le Coran est le plus important texte qui permet d’interpréter ses versets. De cette manière, les aléas et les incertitudes engendrées par les activités cognitives humaines sont d’emblée évacuées.

Le Coran est donc la parole ex abrupto de Dieu descendue sur Muhammad (QSSL) son prophète. La source du Coran est donc divine et les musulmans ne peuvent supporter qu’on l’étudie en recourant aux instruments modernes, qui sont d’origine humaine. C’est Dieu qui garantit la sauvegarde physique du texte coranique et son intégrité épistémologique et ontologique.

Les principes méthodologiques suivants régissent le texte coranique :

– Le contenu de tous les versets du Coran possède une unité ontologique et épistémologique puisqu’il est le produit de la Parole divine. C’est Dieu qui parle tout au long du texte coranique.

« L’homme n’y a jamais [et dans la plupart des cas] la parole. De bout en bout, c’est Dieu qui parle. Il est l’unique auteur et le locuteur exclusif du Coran. Il s’y exprime selon diverses personnes grammaticales du singulier ou du pluriel [57]».

Par conséquent, aucune fragmentation ou éparpillement du discours coranique ne peuvent être acceptés. Le texte coranique est auto-suffisant. Il n’y a nul besoin d’une interprétation hors tradition et hors texte coranique et il n’y a dans les différentes séquences du Coran aucune proposition indécidable (ni vraie ni fausse) ou fausse (de logique ou de fait).

L’infaillibilité du texte coranique s’accompagne de l’infaillibilité de la création divine

« Vous ne verrez pas le moindre défaut dans la création du Miséricordieux. Tournez vos yeux : Y détectez-vous la moindre faille [58] ».

Fort de ces trois atouts, le texte coranique peut être considéré comme cohérent, robuste et formant un corpus unique, homogène et intelligible.

Cependant, les tentatives de Shahrour et, bien avant lui, de Mohamed Arkoun, d’Amin al-Khuli et de Mohamed Khalafallah n’ont d’autre dessein que de soumettre la révélation coranique à l’examen des sciences humaines modernes, qui ont été élaborées par l’Occident.

Tout en prétendant à une démarche scientifique, rationnelle et objective, les islamologues modernes ne poursuivent qu’un seul et sombre but :  la déconstruction du discours islamique dans toutes ses formes (le Coran révélé, les hadiths, la théologie, etc.), à l’aide de méthodes dites scientifiques.

C’est une gageure inacceptable pour les musulmans sincères. Nous avons démontré, en réfutant les principaux axes de la réflexion de Shahrour, que de telles tentatives sont vaines. Elles ne réussiront pas à faire du Coran un objet d’étude moderne, ni à le décortiquer, et encore moins à le vider de sa substantifique moelle en usant de sciences prétendument supérieures.

 

A lire également sur Oumma :

«L’islamophobie intellectuelle : une critique». La saine critique de l’intellectuel algérien, Rafik Hiahemzizou 

Notes

[1] Maktabat Al Fikr al-djadid, Al-Saqi, 2016 ;

[2] Ibid., p.16

[3] Ibid., p. 12 et 13.

[4] Ibid., p. 18

[5] Ibid., p. 20.

[6] Ibid., p. 21.

[7] P. 25.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Ibid., p. 28.

[12] Ibid., p. 30.

[13] Ibid.

[14] Les islamologues modernes qui sont en faits des pseudo-scientifiques ont tenté de remettre en cause le caractère divin du Coran. Nous avons écrit plusieurs articles qui ont été publiés par le site oumma.com qui remettent en cause toutes leurs tentatives et axes de recherche.

[15] Ibid., p. 31.

[16] Ibid.

[17] Sourate Al-Bakara, 196.

[18] Ibid., p. 32.

[19] Ibid., p. 34.

[20] Ibid., p. 36.

[21] On peut faire une hypothèse intéressante : le marxisme a influencé le baasisme syrien, ce qui explique l’attitude de Shahrour qui fait un usage abusif du terme « dialectique » qui est un terme marxiste hérité de l’œuvre de Hegel.

[22] Coran, Sourate 31, 13-14.

[23] Coran, Sourate 31, 17-18.

[24] Coran, Sourate 16, 49.

[25] Coran, Sourate 9, 116.

[26] Coran, Sourate 10, 3.

[27] Coran, Sourate 74, 56.

[28] Coran, Sourate 51,56.

[29] Coran, Sourate 2, 30.

[30] Coran, Sourate 7, 12.

[31] Coran, Sourate 2, 48-51.

[32] Coran, Sourate 90, 3-17.

[33] Coran Sourate 56, 1-16.

[34] Coran 41, 9-12.

[35] Ibid., p. 36.

[36] Déjà une telle appellation est suspicieuse et controversée car elle insinue et suggère que le Prophète est à l’origine du Coran, ce qui est l’objet ultime des islamologues mal intentionnés.

[37] Op.cit. p. 36.

[38] Sourate 3, 7 du Coran.

[40] Coran 5/93.

[41] Coran 2/62.

[42] Coran, 10 : 99.

[43] Coran 4/43.

[44] Op. cit. Shahrour, p.38-39.

[45] Le Coran, « La Vache », 106.

[46] Coran, Sourate 9, 5.

[47] Coran, Sourate Al-Baqara, 2 : 17.

[48] Ibid., p. 2 :62.

[49] Ibid., p. 2.83.

[50] Op.cit.Shahrour, p. 40.

[51] Ibid., p. 41.

[52] Ibid.

[53] Ibid., p. 42.

[54] Coran 24/56.

[55] Cette théorie n’explique pas en fait pourquoi l’atome est stable alors que le champ électromagnétique se trouvant entre les électrons et les noyaux atomiques est composé d’une mer de photons virtuels qui devraient interagir entre eux provoquant des sauts d’énergie infinis. Pourtant la valeur de la charge électrique qui est une constante observée sur le plan expérimental est de valeur finie. Les physiciens qui ont élaboré cette théorie ont carrément occulté le problème en divisant les infinis entre eux, ce qui n’est pas honnête sur le plan scientifique.

[56] C’était lors d’un débat entre Léonard Susskind, l’un des plus grands physiciens connus et Lex Fridman, journaliste scientifique. Voici le lien : (1909) Leonard Susskind: Quantum Mechanics, String Theory and Black Holes | Lex Fridman Podcast #41 – YouTube.

[57] Guy Monot « L’humanité dans le Coran ». École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses. Tome 103, 1994, pp.19-29.

[58] Coran, 67 :3.

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3 commentaires

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  1. Bravo excellente démonstration ! J’avais déjà lu ces arguments clairs chez le professeur Mustapha Cherif qui dans son récent ouvrage « lire le Coran » réfute aussi ces intellectuels de pacotille comme sahrour qui prétendent être scientifiques. Bravo encore.

  2. “Le discours divin est lié à la transcendance et à l’infini, contrairement au discours scientifique basé sur l’individualité de l’entendement humain qui est fini et limité.”

    Quand un musulman dit Dieu est grand, c’est l’exceptionalité de cette grandeur que la raison ne peut pas mesurer tant dans son infini qui dépasse l’entendement(fini), qui est mise en perspective pour Son plus noble rappel.

    Un texte magistral.

  3. Shahrour est un incompétent notoire sans aucun doute surtout en langue arabe, des fautes de grammaire ont été ême soulevées dans certains de ses ouvrages.

    Par contre je pense qu’il eut été judicieux de ne pas citer Al-Khouli dans le même article, car Al-Khouli a quand même une autre approche bcp moins idéologique que celle de Shahrour; Al-Khouli avait au moins le mérite d’interdire le discours sur le renouveau si on ne maîtrise pas totalement la tradition musulmane dans son ensemble, ce qui n’est pas le cas de shahrour. De plus, Al-Khouli avait les compétences pour sonder les secrets de l’éloquence du Texte coranique, ce qui n’est pas le cas de Shahrour. Al-Khouli avait dans une certaine mesure ouvert la voie à l’herméneutique en islam certes, mais tout en restant dans les règles communément admises de la langue arabe et de la rhétorique, ce qui n’est pas le cas de Shahrour qui a mélangé langue et idéologie.

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