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Quel est ce dépôt de Dieu confié à l’homme ? (Al-Amâna)

Ce qui distingue également l’homme des autres créatures, c’est « al-amâna » que Dieu lui confie.

Ce vocable revêt divers sens dans le Coran. Nous le retrouvons utilisé au singulier à propos du document écrit relatif aux dettes contractées (S.2, 283). « Al-amânât » (les dépôts) revient quatre fois sous formes de pluriel, s’agissant du respect du Droit de Dieu, du Prophète et des hommes (S.2, 27). Il est à  faire remarquer que « al-amâna » s’emploie chaque fois au singulier ou au pluriel sans l’article défini « al ». Il n’en est pas de même dans la sourate « al-Ahzâb » : le nom, étant défini, couvre quelque chose de précis :

          « Certes Nous avions proposé le dépôt de la foi aux cieux, à la terre et aux montagnes. Ceux-ci ont refusé de s’en charger ; ils ont été effrayés. Seul, l’homme s’en est chargé, mais il est injuste et ignorant. » (S.38, 72)

Quel est donc ce dépôt confié à l’homme ? Aïcha Abderrahmân examine certaines interprétations qu’elle réfute et donne finalement son point de vue. Suivons donc sa démarche intellectuelle.

At-Tabârî généralise le terme et pense qu’il couvre tous les dépôts en matière religieuse et ceux que les gens laissent entre les mains de leurs semblables. Son idée est recevable, en ce sens que le texte coranique parle de dépôt au singulier et en limite le champ d’action. Le même auteur communique d’autres interprétations données à ce terme particulier.

– Le dépôt fut confié uniquement à Adam, qui ne s’était pas montré à la hauteur de la tâche, puisqu’ ayant désobéi à son Seigneur, il fut expulsé du paradis ; il se déchargea dès lors de la responsabilité dont Dieu l’a investi ;
– Ce serait Caïn qui reçut le dépôt  de son père, mais il trahit la confiance portée sur lui, en tuant son frère ;
– Par dépôt, il faut entendre l’obéissance, les prescriptions religieuses, la justice etc.

La première version, qui lie le dépôt à la chute d’Adam du paradis, est incompatible avec le contexte du verset, lequel ne limite pas la durée de cette charge. Il en est de même de la seconde, car Dieu spécifie qu’il s’agit d’Adam. Celui-ci ne pouvait pas se substituer à son Créateur et remettre à son fils ce que Dieu lui avait donné en qualité de symbole de l’homme en général.

En outre, la pureté de la langue arabe et sa précision ne peuvent pas revêtir le mot « al-amâna » d’un sens général, au point d’être le synonyme de plusieurs noms à la fois. Quant à l’assimiler aux prescriptions religieuses, le Coran réunit les deux idées dans un même verset et en sépare la signification (Voir par exemple : S.28 à 33)

Les autres hypothèses sont également à réfuter, car le Livre sacré délimite l’espace de l’obéissance, de la croyance, de la mécréance, du non-respect de la parole donnée, de la négligence des devoirs etc. Il est clair, en outre, que si le dépôt avait une relation avec l’un des domaines mentionnés, les cieux, la terre et les montagnes n’auraient pas opposé un refus à quelque chose de relativement pénible que ce qu’ils portent déjà.

En effet, les éléments de la nature supportent de lourdes responsabilités : le ciel est suspendu sans que des colonnes ne le soutiennent ;  la terre et les montagnes renferment en elles toutes les richesses et contiennent les habitants de ce monde. Tous acceptent de jouer leur rôle selon les lois permanentes fixées pour l’éternité.

Ils n’auront donc aucun compte à Dieu, puisque tout se réalise selon Sa seule Volonté. Il ne sera pas demandé à la terre pourquoi ses secousses détruisent des régions entières, ni au tonnerre la raison des dégâts qu’il occasionne. Il s’agit, par conséquent, d’une charge plus dure, aux conséquences irréversibles.

Bien que « al-îmân » (la foi) procède « d’al-amâna », le premier terme s’explique par la croyance et le second définit la responsabilité appropriée pour la mettre en œuvre. C’est pourquoi ‘Aïcha Abderrahmân pense que le dépôt en question vise les épreuves que l’homme connaîtra dans sa vie.

Ces épreuves impliquent l’exercice de la liberté et la responsabilité du choix, ainsi que la récompense ou le châtiment correspondant au comportement des uns et des autres.

Et voici que l’être humain accepte « al-amâna », mais commet des injustices parce qu’il ne sait pas combien son agrément comporte de dangers.

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La fonction de « khalifa » se conçoit, en effet, en liaison avec les épreuves auxquelles l’homme se soumet d’une façon  permanente. Pour jouer son rôle, il est tenu de redresser ses torts, de surmonter son ignorance des choses et de combattre en lui les démons de la mécréance, de la turpitude qui en résultent. De sa volonté à se remettre constamment en question, il s’ouvre le chemin de la foi, de la morale et de la science.

C’est parce qu’il existe des différences quant aux dispositions des hommes, aux volumes de leurs problèmes et aux manières de les aborder ainsi qu’à leurs capacités de les résoudre, que l’humanité se compose en peuples définis chacun par ses caractéristiques particulières.

Il appartient à l’homme de subir les tracasseries inhérentes aux échecs qui jalonnent le chemin de la vie, d’accepter les pertes matérielles et humaines que l’existence sème sur son parcours et d’affronter toutes sortes de problèmes aussi épineux les uns que les autres pour répondre aux conditions que ce monde lui impose.

En vérité, Dieu a créé l’homme et, avant de le rappeler à Lui, Il éprouve ses capacités spirituelles, son sens de la justice, ses activités sociales… en lui faisant subir des tests où se mêlent le bonheur et le malheur, la joie et la peine, et des moyens salutaires et des tentatives trompeuses.

L’être humain assure son progrès en remettant en cause, d’une manière constante, les facteurs à l’origine de ses déboires ; en révisant, quand les nécessités l’exigent, chaque situation à la lumière des  nouvelles données.

C’est là une idée-force de l’Islam sans laquelle la stagnation, voire la régression s’imposent d’elles-mêmes.

« En vérité, Dieu ne change rien à l’état d’un peuple si celui-ci ne change pas son comportement intérieur. » (S.13, 11)

La création d’Adam fera que l’homme exercera son vicariat sur la terre ; son existence, de sa naissance à sa mort, ne sera qu’une suite ininterrompue de batailles entre le faux et le vrai dont il aura à faire le choix et à en supporter la responsabilité. Les épreuves endurées s’accompagneront inévitablement d’un lot de malheurs et de bonheurs.

Sans l’examen auquel il est soumis et sans les mauvaises tentations qui l’assaillent, la vie de l’homme en ce monde n’aurait pas sa raison d’être. Mais ce mortel se singularise par une fonction qu’aucune autre créature n’avait précédemment remplie. Ceci suppose qu’il sera doté d’une particularité à savoir d’une pensée qui le conduira à approuver ou à contester ce qui, avant lui, ne souffrait d’aucune controverse, dans le but de bâtir un monde où les droits de chacun reposeront sur les principes d’égalité et de justice.

         « Tout le système, écrit Ihsan Hamid Al-Mafragy, que l’Islam met en œuvre attendue à la réalisation d’une société fortement unie et cohérente, axée sur la reconnaissance en l’être humain d’une personne propre, avec pour corollaire, la nécessité de lui assurer le respect de ses droits. »

A cet effet, Dieu accorde à l’homme une liberté d’action qui le rend directement responsable de ses actes.

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