Alors qu’autour d’eux résonnent la clameur des stades, les flonflons d’un Brésil en fête, et une effervescence médiatique planétaire, les musulmans brésiliens, en recrudescence, observent, imperturbables, le rituel du Ramadan, ne se laissant nullement distraire par les festivités qui entraînent le pays des cariocas dans un rythme endiablé, encore plus que d’ordinaire, de l’aube jusqu’au crépuscule.
Ils étaient plus de 27 000 en 2001, les fidèles qui vivent au cœur du géant d’Amérique latine sont désormais au nombre de un million et demi, selon le dernier recensement effectué par la Fédération islamique du Brésil. Tous, où qu’ils se trouvent dans les vastes étendues du plus grand pays catholique du monde, empruntent chaque jour le chemin menant vers les 127 phares cultuels de l’islam, quatre fois plus nombreux à rayonner dans le paysage national qu’en l’an 2 000.
Issus de tous les pays et rejoints par un nombre croissant de convertis, hommes et femmes, qui viennent gonfler leurs rangs, les musulmans du Brésil se fondent dans un métissage d’ethnies, même si lorsque l’heure de célébrer le Ramadan a sonné, ils se distinguent du reste de la population par un jeûne et une intensité spirituelle uniques.
"Dans mon pays, en ce moment, il fait tellement chaud. Ici, la température est très agréable, et les jours sont plus courts", a confié Ibrahim Nashawaty, un réfugié syrien, qui a choisi d’élire domicile à Brasilia définitivement. "En revanche, ce qui est plus difficile pour moi, c’est de voir les gens manger et boire dans les rues ou au travail, je n’étais pas habitué à cela, et cela met ma résistance à rude épreuve. C’est un vrai défi de faire le Ramadan en terre chrétienne, mais je vais le relever avec toute la force de ma foi. L’essentiel c’est que toute ma famille se plaît ici et est heureuse", a-t-il précisé.
Tout comme Ibrahim Nashawaty, Adnane, le traducteur attitré de l’ambassade d’Irak, fréquente assidûment la mosquée abritée par le Centre islamique de Brasilia, depuis qu’il a foulé le sol brésilien il y a quelques années de cela, tout droit débarqué de son Maroc natal. Estimant le nombre de ses coreligionnaires résidant dans la capitale du Brésil entre 3 000 et 5 000, il reconnaît, lui aussi, la vraie gageure que représente pour tout musulman l’accomplissement de son devoir religieux lors du mois saint, dans un monde environnant qui lui est étranger : "Il y a des aspects du Brésil qui rendent le jeûne plus difficile. La sécheresse du climat, la manière dont les femmes s'habillent, l'odeur du café et des cigarettes dans la rue. En l’occurrence, pour moi me passer de café, c'est une épreuve en soi. Concernant la chaleur, je concède qu’en Irak ou au Koweït, la température peut atteindre les 53 ou 54 degrés celsius à cette époque de l’année", a-t-il commenté.
D'autres en revanche se sont acclimatés sans douleur à une société qui majoritairement ne pratique pas le Ramadan, à l'instar de Bakhtear Binalam, un ressortissant du Bangladesh installé également à Brasilia, pour qui cette confrontation n’a pas été un challenge insurmontable. Ce qui relève de l’exploit, quand on apprend que de par son métier de serveur dans un bar-restaurant, celui-ci ne peut guère éviter la vue de personnes se sustentant ou se désaltérant… "Pour moi, c'est la plus grande expression de ma religion, je suis donc très heureux de le faire", assure-t-il. "Il n’y a pas que le jeûne, il y a aussi la générosité du coeur, afin de secourir les plus pauvres. Je donne une partie de mon argent pour les plus démunis, et dans le jeûne, je donne une partie de ma santé à Allah", a-t-il ajouté, avant de se diriger vers la mosquée de Brasilia où convergent, comme lui, des fidèles qui transcendent toutes les difficultés, loin de l'agitation extérieure, à son paroxysme avec la frénésie du Mondial.
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