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Le jour où j’ai participé au Carême avec des catholiques

Le mois dernier, j’ai participé aux célébrations annuelles de Carême à l’église catholique orientale de l’Epiphanie de Notre Seigneur de la ville d’Annandale, en Virginie. Ne pas manger de viande toute une journée ne m’a posé aucun problème ; d’autant plus que le soir, j’ai eu droit à un dîner très copieux de pierogi – sorte de raviolis au fromage – servi par une dame très aimable, qui ne cessait de me demander si je voulais me resservir de tout. J’acquiesçais à chaque fois. « Plus de beurre ? ». « Oui ». « Plus d’oignons émincés ? ». « Absolument !»

D’ailleurs, je mangerais volontiers comme cela tous les jours.

Si je doute des bienfaits d’un tel repas pour la santé, son aspect positif sur le plan spirituel est indéniable. Ce jour-là – c’était un vendredi – j’ai eu l’occasion de partager avec des non-musulmans une pratique qui – bien que différente du jeûne en islam, découle des mêmes origines et des mêmes traditions. Cette expérience m’a rappelé à quel point nos religions se ressemblaient.

Depuis mon arrivée à Washington en 1980, j’ai participé à de nombreuses célébrations non- musulmanes. Pour leur faire découvrir d’autres religions et leur apprendre à être ouverts d’esprit, j’ai souvent emmené mes trois enfants dans des églises, des synagogues et des temples sikhs et bouddhistes. En revanche, je n’avais jamais assisté auparavant à une célébration du Carême dans une église.

Dans le calendrier grégorien, le Carême est une période de jeûne qui dure quarante jours. Elle débute le mercredi des Cendres et se termine le dimanche de Pâques. Cette année, le Carême a commencé le 13 février et prendra fin le 31 mars. Cette période se réfère au jeûne de Jésus dans le désert et à sa tentation par Satan.

Des centaines de personnes étaient présentes dans le grand réfectoire de l’église. Des bénévoles s’étaient portés volontaires pour cuisiner, servir et nettoyer. L’atmosphère de l’église me rappelait mon enfance au Soudan. Dans mon village natal de Wadihaj, dans le nord du pays, où j’ai grandi, les villageois apportaient de la nourriture à la petite mosquée locale. Ils partageaient tout et mangeaient ensemble après de longues journées de jeûne.

A l’église, le Révérend Deacon Elmer M. Pekarik fit une courte prière avant que le début du repas. Comme dans mon village, il ne s’agissait pas simplement d’un repas. Après avoir rompu le jeûne en croquant une petite date et en avalant une gorgée d’eau, les fidèles priaient.

Pour certains chrétiens, le Carême consiste à se passer de tout produit animal – y compris les œufs, le lait et le fromage – pendant quarante jours. D’autres chrétiens font une exception pour le poisson et d’autres encore se privent de viande uniquement pendant deux jours dans la semaine – c’est d’ailleurs la pratique de l’Eglise catholique d’Orient. Durant toute la période de Carême, il est courant aussi de renoncer aux friandises – tel que le chocolat – ou à une activité qu’on apprécie particulièrement – comme par exemple aller sur Facebook.

Alors que j’étais assis tout seul dans mon coin dans le réfectoire de l’église, à savourer les nombreux pierogi dans mon assiette, un homme assez âgé, originaire de Bulgarie – que j’appellerai Andrei – me demanda s’il pouvait se joindre à moi. Nous avons alors entamé une conversation informelle à propos du jeûne au sein de nos religions respectives.

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Mon nouvel ami se plaignit du fait que de nos jours, le nombre de chrétiens qui jeûnent était faible en Amérique. « Certains Américains disent se priver de chocolat ou d’autres luxes » marmonna-t-il. Il évoqua le temps où il était adolescent en Bulgarie, et qu’il jeûnait. Il me raconta d’un air enjoué que tout le monde avait tendance à faire des excès pendant la période qui précédait le Carême – un peu comme on le fait avec les célébrations de Mardi Gras aux Etats-Unis ou du Carnaval au Brésil.

Quant à moi, je lui ai parlé du Ramadan, qui dure un mois lunaire, pendant lequel les musulmans jeûnent tous les jours, en s’abstenant de manger et de boire de l’aube au crépuscule.

J’ai appris à Andrei que le Coran disait : « Ô croyants! On vous a prescrit le jeûne comme on l'a prescrit à ceux d'avant vous » (Sourate 2. 183). Je lui ai également dit que le livre saint mentionne le jeûne de quarante jours de Jésus et qu’il raconte que le prophète Mahomet jeûna avec les Juifs pour commémorer l’exode d’Egypte. De nombreux musulmans sunnites choisissent aujourd’hui de jeûner également à cette occasion, qu’ils appellent l’Achoura. (A ne pas confondre avec l’Achoura des musulmans chiites qui marque le martyre de l’Imam Hussein).

A l’église, il était temps que nous cessions de bavarder et de manger pour procéder à la prière, comme on le fait pendant le Ramadan avec la prière de tarawith prononcée tous les soirs. Andrei me présenta au Révérend Deacon Pekarik qui me conduisit du réfectoire à la chapelle principale. Le Révérend ainsi que d’autres prêtres et membres de la congrégation me souhaitèrent la bienvenue en m’invitant à me joindre à eux. Ils m’ont demandé si j’étais catholique simplement parce que les non-catholiques ne reçoivent pas la communion.

Le Révérend regretta que j’eusse payé mon repas ; pour lui, j’étais l’invité de son église. Il ajouta que sa communauté était honorée de ma présence. Ce geste me rappela à nouveau mon village au Soudan : tout visiteur passant par là, à pied ou à dos d’âne, se voyait offrir – de manière parfois insistante – un repas par les villageois.

Le service prit fin et je m’apprêtai à sortir. Les rites catholiques et musulmans sont certes différents mais un grand nombre de nos traditions se ressemblent. En quittant cette église, j’ai eu le sentiment profond que tous nous partagions une même volonté de se rapprocher du divin.

En partenariat avec le CGNEWS

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