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Soufiane Djilali: “Le peuple algérien est en déshérence, orphelin d’une élite qui l’éclaire et qui l’encadre”

Epris de démocratie et gardant intact l’espoir de voir son pays, l’Algérie, se tourner résolument vers l’avenir, en progressant intelligemment et sereinement sur la bonne voie, à la croisée du juste milieu et de la modernité éclairée, Soufiane Djilali, le président du parti bien nommé Jil Jadid (Nouvelle Génération), a pris la plume pour apporter sa pierre à l’édifice.

Loin d’être un simple exutoire pour cet infatigable éveilleur de consciences, notamment politique, de l’autre côté de la Méditerranée, l’écriture de l’essai « La modernité, genèse et destin de la civilisation occidentale contemporaine”- (Editions Les presses du Chélif, Jil Jadid) lui a permis de coucher sur le papier le fruit de la réflexion qu’il a mûrie au fil de ses trois décennies d’engagement sur le terrain. Une réflexion étayée sur la société algérienne, ainsi que sur le « processus complexe » de la modernité enfantée par l’Occident, qui se nourrit de la pensée féconde forgée par l’illustre Malek Bennabi.

Ce n’est pas la première fois que Soufiane Djilali, opposant de la première heure au régime de Bouteflika, saisit sa plus belle plume pour contribuer à ce que l’Algérie entre de plain-pied dans le XXIème siècle. Mais il ne l’avait jamais fait en analysant de manière didactique la modernité occidentale, érigée en modèle universel de progrès et d’émancipation, les quatre piliers sur lesquels elle repose, et le double effet de fascination et de rejet qu’elle suscite sous d’autres latitudes, notamment en Orient.

A l’occasion de la parution de son ouvrage passionnant, Soufiane Djilali a accepté de répondre aux questions d’Oumma.

L’objectif de votre livre, dites-vous, est de réfléchir sur la genèse de la modernité sans en faire l’apologie. Vous soutenez une hypothèse selon laquelle « la modernité occidentale repose sur quatre piliers ». Quels sont ces piliers ?

Oui, j’ai voulu, avec cet essai, aborder une question qui ne cesse de tarauder les esprits les plus éclairés dans l’espace civilisationnel islamique depuis au moins la fin du XVIIIe siècle. Le sujet n’est donc pas nouveau. Nos élites s’interrogeaient sur les raisons qui ont laissé notre civilisation se déliter depuis plusieurs siècles et nos peuples se cantonner dans une impuissance face à l’Europe, puis plus largement face à l’Occident, depuis trois siècles au moins.

Il ne vous a pas échappé que je suis politiquement engagé depuis 35 ans maintenant. J’ai été donc confronté au défi de proposer un projet de société pour mon pays, dans l’espoir de le voir se stabiliser et se développer harmonieusement.

En 2017, j’avais écrit un livre sur « La société algérienne, choc de la modernité, crise des valeurs et des croyances ». J’y décrivais en particulier la société algérienne traditionnelle, avec ses structures anthropologiques et surtout les effets pathogènes de l’intrusion de la modernité qui s’était réalisée brutalement et dans l’impensé.

Ce passage d’un monde paysan, d’une pauvreté extrême, dominé par la colonisation, souffrant d’illettrisme et de superstitions à un monde urbain, libéré de l’oppression, engagé dans une politique volontariste de développement, en un laps de temps de deux décennies, a déstabilisé tous les repères psychosociologiques de la société.

C’est cette mutation brutale et non digérée qui était devenue la matrice des profonds troubles des années 90 où la violence extrême, névrotique, avait explosé, au nom d’un islam-refuge.

Mon désir de profiler un projet de société cohérent, sur la base de cette première analyse, m’a poussé à réfléchir sur un modèle de développement adapté à notre société. Mon idée première était donc d’écrire un essai pour exposer mon idée sur le chemin à emprunter pour que l’Algérie se transforme dans la sérénité et la cohésion, vers une modernité assumée.

Bien entendu et vu l’évolution actuelle de l’Occident vers une « post-modernité », charriant des valeurs incompatibles avec notre être national et civilisationnel, j’ai voulu commencer par décortiquer la modernité elle-même pour mieux construire ma proposition sociétale. Mais une fois le travail entamé, j’ai été amené, au vu de la complexité du projet, à séparer en deux essais les deux thèmes : l’un pour mieux saisir le sens profond de la modernité, et le deuxième pour formuler une approche pour le développement de l’Algérie. Le premier essai est là, le deuxième sera entamé dès que possible.

Bien entendu, je n’ai pas fait œuvre d’historien, ce n’était pas le but. Cependant, je présente la genèse de la modernité selon une analyse originale.

Pour moi, la modernité s’est construite sur quatre piliers fonctionnels, de manière différée dans le temps et dans l’espace. Ces piliers sont l’expression d’attributs ontologique d’Homo sapiens. Ainsi, le besoin sécuritaire des individus a poussé les groupes humains vers un système d’organisation collective, qui va du plus rudimentaire comme le pouvoir tribal, jusqu’au plus sophistiqué représenté aujourd’hui par l’Etat-nation.

Par ailleurs, la peur de la mort et la recherche de la vie après la mort, liées au sens spirituel inné, a développé la dimension religieuse, alors que les relations d’origine affective ont permis l’enracinement identitaire qui se manifeste sous forme de clans, de tribus, d’ethnie ou de nation.

Enfin, les besoins physiologiques ont été à l’origine de la maîtrise de l’agriculture, lorsque la cueillette et la chasse ne couvraient plus les besoins énergétiques des populations. Autour de l’activité agraire s’est développée l’artisanat, puis peu à peu l’industrie jusqu’à la révolution du XVIIIe siècle. Dans la forme moderne de la civilisation, ses quatre piliers sont donc : L’Etat, la Religion, la Nation et l’Economie.

Je propose donc dans cet essai, une analyse des mécanismes intimes de la dynamique qui a animé ces quatre piliers et leur couronnement, par ce qui est communément appelé « Modernité ». Après avoir traité de leur genèse, j’ai prolongé cette partie du travail en abordant la question du destin de cette modernité.

Quelle définition donnez-vous de la modernité, dont vous écrivez qu’elle a notamment contribué à « déconstruire, voire annihiler la pensée religieuse » ?

Du point de vue des valeurs, la modernité c’est d’abord la rationalité, la liberté, le matérialisme et l’individualisme. Or, ces valeurs vont à l’encontre de ce que voulait instituer l’Eglise catholique.

La rationalité supposait la quête scientifique, dont le principe était le doute et l’incertitude, elle induisait donc la remise en cause des interprétations et des vérités absolues de la Bible. La liberté devait permettre à chacun de s’épanouir selon ses désirs, menant au remplacement de la morale d’origine religieuse par l’éthique séculière. Le matérialisme donnait une explication profane et désacralisée du monde. Enfin, l’individualisme poussait chacun à la recherche égoïste de son confort personnel, se détournant de la responsabilité de groupe et instituant la rivalité et la compétition sociales.

Historiquement, cela s’est traduit par une révolte progressive mais profonde de l’élite d’abord, puis plus largement d’une partie des populations contre l’Eglise catholique, conduisant d’abord au Protestantisme puis à l’athéisme. Il faut dire que le Protestantisme a débarrassé les croyants du poids de l’Eglise, en tant qu’intermédiaire contraignant dans leur relation avec Dieu, mais a ouvert, en même temps, la voie à un capitalisme déculpabilisé.

Très imprégné par l’ancien Testament, il a réactivé l’idée de peuple élu par l’entremise de la notion de prédestination de l’élection divine des uns et la malédiction des autres, sans possibilité de rédemption. Cela a conduit évidemment au suprémacisme, ainsi qu’à une eschatologie messianique.

Ce qui peut paraître paradoxal dans mes conclusions, c’est le fait que la modernité n’ait pu s’épanouir qu’en se révoltant contre le religieux, alors qu’au départ, sans le religieux, il n’y avait pas la possibilité de construire une civilisation. La modernité a utilisé la religion comme un échafaudage qu’elle a éliminé par la suite.

Cependant, maintenant qu’il n’y a plus de transcendance, c’est l’Homo occidentalis qui se veut Dieu à la place de Dieu, d’où la proclamation Nietzschéenne : « Dieu est mort ! ». La modernité s’est construite sur trois siècles environ, utilisant autant la matrice des valeurs religieuses que des valeurs nouvelles anti-religieuses. En ce XXIe siècle, les valeurs religieuses sont épuisées et la modernité perd sa boussole. C’était dans cette tension dans le couple Religion-antireligion que la modernité puisait son énergie et gardait un cap. Dorénavant, elle bascule dans une post-modernité par la perte de tout sens sacré.

Comment situez-vous la tradition par rapport à la modernité ? Sont-elles totalement antinomiques ?

Oui et non. Si l’on devait confronter les deux paradigmes dans leur entièreté, oui, il y a antinomie. D’un autre côté, autant la modernité que la tradition, ne peuvent seules aujourd’hui répondre fondamentalement aux cruciales questions sur l’avenir de l’humanité.

L’une attend de nous un renoncement au développement matériel et à l’enfermement, alors que l’autre nous conduits à la déshumanisation et au désenchantement. La question est : est-ce que l’une et l’autre formes civilisationnelles peuvent renoncer à une partie de ce qui les as constituées pour coopérer ? Auquel cas, il s’agira de rééquilibrer le rôle des quatre univers mentaux qui ont engendré les quatre piliers civilisationnels pour arriver à une complémentarité et une cohésion. Le monde ne peut fonctionner exclusivement avec la foi ou avec la raison. La solution est dans l’articulation Foi-raison !

C’est pour cela que, prenant conscience des excès de la post-modernité, prolongement naturel de la modernité, plusieurs intellectuels proposent de revenir à la Tradition, c’est-à-dire non pas à une structure sociétale traditionnelle, mais à la redécouverte des « vérités » anciennes qui nous ont été transmises par le biais de révélations.

Dès le début du XXe siècle, René Guénon et plusieurs auteurs à sa suite formulèrent l’espoir de maintenir vivante une réalité spirituelle originelle, dite Tradition primordiale, qui pourrait refleurir une fois que l’Occident aura épuisé sa dystopie. Aujourd’hui, des discours religieux, naissants en Europe mais bien plus puissants aux USA, refont surface. Malheureusement, c’est une velléité qui porte beaucoup de danger en elle car, comme par dépit, elle exprime une fuite en arrière, une tentative de retour à quelque chose qui avait déjà échoué, alors que la logique aurait voulu que l’humanité dépasse les rigidités des exotérismes pour se concilier avec plus de spiritualité. Ce n’est pas aux rites mais aux cœurs, au sens spirituel, que l’humanité doit avoir recours.

Un chapitre de votre livre aborde la question de la postmodernité, « qui se veut la continuatrice de la modernité », mais qui, selon vous, « la déconstruit ». Comment se traduit ce processus de déconstruction ?

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Il est classique de relever que la modernité est avide de changement, chaque étape se construisant sur les décombres de la précédente. Pour construire une nouvelle réalité, il faut d’abord déconstruire celle qui a cours… C’est l’idéologie progressiste.

Dans la logique de la modernité, elle doit accepter son sacrifice pour laisser place à la post-modernité, comme elle s’était érigée elle-même sur les ruines de la tradition. Un homme moderne de la fin du XXe siècle apparaît aujourd’hui comme un modèle déjà dépassé, obsolète. Les nouveautés prennent des rides dès leur naissance.

Cependant, tant que la dynamique du changement s’appuyait sur l’idée que la raison et la science allaient déchiffrer tous les mystères du monde et que ceux-ci étaient intimement liés à la matière, il y avait comme une trajectoire balisée. Cette vision ne s’est pas réalisée. Aujourd’hui, les hommes sont en face d’un vide : on pensait trouver les premières briques avec lesquelles la matière serait construite et on rencontre le vide. La physique quantique nous dit que les particules qui composent la matière sont corpuscules et ondes à la fois. Ils sont donc insaisissables. La science butte face au mystère des forces fondamentales de la nature. L’infiniment grand, l’univers avec ses galaxies semblent répondre à la loi de la relativité générale qui, elle, est incompatible avec la physique quantique qui semble ordonner l’infiniment petit. Comment alors expliquer la matière, son origine, et les lois qui la gouvernent ?

Dans le domaine biologique et après avoir théorisé l’apparition de la vie et son évolution, les explications deviennent de plus en plus confuses etc… L’ADN, qui promettait d’expliquer le vivant, ne livre que très peu de son fonctionnement.

Nous passons donc de l’étape de la recherche de la vérité à la relativisation de la vérité. Tout se fluidifie. Sans « Dieu », il n’y a plus d’explication possible du monde. La science ne peut répondre à cette ultime question que posait déjà Leibniz au tout début du XVIIIe siècle : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». La raison se heurte à un mur, derrière lequel plus rien n’est accessible à la pensée.

Il est vrai que ce XXIe siècle est celui des prouesses technologiques. Mais il est aussi celui de la perte des repères anthropologiques. Le « transgendérisme », le transhumanisme, les bouleversements causés à la nature, la découverte douloureuse de la finitude de notre planète sur laquelle nous sommes prisonniers, malgré l’immensité du cosmos… tout cela appelle à la perte de sens.

Le désarroi dans lequel surnage Homo modernicus l’incite à se débarrasser de son Surmoi, réceptacle de la civilité. Il ne veut plus de la contrainte, ni de la morale et bientôt plus de l’éthique. La société ne fonctionne que grâce à des règles imposées par la loi et la contrainte de l’Etat face à la libération des instincts et des pulsions. Les hommes ont perdu leur échine mentale qui fortifiait leur volonté et leurs principes de vie, et ont donc désormais besoin d’un exosquelette pour se maintenir en tant qu’être. L’homme moderne dérive peu à peu vers une forme de robotisation, d’ailleurs « l’homme augmenté » est en marche avec, entre autres et pour l’exemple, les essais de Neuralink !

Vous posez la question du déclin de l’Occident. À quel moment peut-on situer le début de ce déclin, et quelles en sont les principales raisons ?

En réalité, la modernité dans son essence contenait les germes de son déclin. Il faut se rendre compte que la civilisation occidentale contemporaine a charrié des contradictions insolubles dès le début. Elle prônait l’humanisme, mais a été impitoyable envers les peuples qu’elle a réduits en esclavage ou à l’état de colonisés. Elle était le porte-étendard de la justice, mais a produit de graves inégalités dans le monde et en son sein. Elle voulait la prospérité pour tous, mais elle a permis l’exploitation des plus faibles. Elle était la source de l’Etat de droit et de la démocratie, mais aussi des guerres insensées qui ont ravagé le monde et son propre continent.

La modernité a apporté la technologie, le confort, la maîtrise de la nature, la médecine, la conquête du savoir et tant de magnifiques et belles choses. Elle a été aussi la cause du mal-être, de la massification d’individus, à la fois atomisés et clonés.

Tant que la dimension spirituelle existait dans les sociétés, celles-ci se maintenaient plus ou moins en équilibre. Une fois l’extinction de la miséricorde divine acquise, elles ne peuvent qu’être promises à la déshérence.

Dans votre préface, vous écrivez que l’Algérie devra sortir « du fatalisme de l’avenir impensé ». Cela signifie-t-il que les élites intellectuelles et politiques du pays n’ont jamais véritablement élaboré de réflexion sur son développement, préférant se contenter d’importer des modèles extérieurs ?

Vous savez, en 1962, l’Algérie a pu réintégrer l’histoire et devait tout construire, y compris son rapport au monde, sa culture et sa société. Elle était en lambeaux.

Malgré toutes les critiques amères qui sont faites au régime de l’indépendance, il reste que l’Etat a été construit, la nation relativement consolidée et son identité spirituelle largement récupérée. Mais cela ne donne pas encore le développement recherché.

Pourtant, ce qui était en ligne de mire, c’était justement le développement industriel et technique. Très rapidement, des générations entières ont été instruites, des usines construites et du pouvoir d’achat distribué (grâce essentiellement aux hydrocarbures). Cependant, le malaise a grandi. Dans les années 90, nous avons vécu des convulsions mortifères, et aujourd’hui encore nous n’avons pas réussi à instaurer un Etat de droit, et encore moins un pouvoir légitimé par une démocratie active.

Nous sommes dans un système de gouvernance qui perdure depuis la révolution, car il avait été forgé par le feu et le sang. Le problème est qu’il n’y a pas encore une alternative sérieuse à lui opposer. Bien sûr, des partis politiques se battent sur le terrain, chacun porteur de sa vision et de ses intérêts. Mais au-delà de la politique politicienne, il n’y a pas de vision métapolitique claire.

Nous sommes toujours dans des diagnostics de surface, répétant toujours la même rengaine : il faut offrir des emplois, lutter contre le chômage, construire des logements, augmenter le pouvoir d’achat, préparer l’après pétrole, transmettre le flambeau aux jeunes etc… Certains nuancent le discours en réclamant plus d’islam, d’autres plus de laïcité, mais tout le monde sent bien les limites de tels programmes. Personne ne sait comment les dépasser. Le pouvoir politique, déconnecté des nouvelles générations, est tombé maintenant dans une médiocrité criarde et s’accroche désespérément à ses vieilles croyances. L’opposition essaye de s’introduire dans son temple, en adaptant son discours et ses choix. Le peuple, lui, est en déshérence, orphelin d’une élite qui l’éclaire et qui l’encadre.

Pourtant, après plus de six décades d’indépendance, il nous faut passer à un autre niveau de gestion de notre société. L’Algérie possède beaucoup d’esprits brillants, mais qui n’ont pas l’opportunité de travailler collectivement sur un projet d’avenir qui soit en accord avec l’âme du peuple. C’est ce défi qu’il faut lancer. Il nous faut réfléchir à partir de dimensions civilisationnelles pour trouver notre voie. Voilà pourquoi je me suis attelé à contribuer à cette réflexion.

Après avoir réfléchi sur le sens et la genèse de la modernité, en tant qu’homme politique algérien, quelle modernité proposez-vous pour l’Algérie ?

La réponse à votre question fera justement l’objet de mon prochain ouvrage. Ce que je peux vous dire d’emblée, c’est qu’il y a lieu de prendre en compte les quatre piliers civilisationnels et de les mettre au centre d’une politique de long terme. D’abord, il y a lieu de rénover la structure et les outils de l’Etat. Il ne s’agit pas de remettre en cause les principes du 1er novembre 54, au contraire, mais de changer de méthode. Notre Etat est devenu lourd, bureaucratique, centralisé, sclérosé et trop souvent corrompu. Cela est un axe.

Par ailleurs, il n’y a pas de doute qu’il faut prendre en compte l’aspiration religieuse du peuple. De mon point de vue, il y a des questions extrêmement sensibles qu’il faudra aborder avec beaucoup de pédagogie. Je vous donne des exemples : les questions du libre arbitre, de la raison, de la responsabilité individuelle, des rapports homme/femme, des approches juridiques, sociétales et même théologiques devront être réfléchies. Il y a des pistes très intéressantes à explorer, mais qui sont pour l’heure étouffées par un conformisme cadenassé.

En un mot, il faut, conformément à l’esprit du Coran, ouvrir la porte à l’Ijtihad. Dans le cas contraire, nous ne faisons que pratiquer une religion des hommes et non pas de Dieu, comme le dit si bien Moreno Al Ajâmi.

Le troisième axe est celui de la consolidation de la Nation, donc de l’identité nationale. Elle doit être intégrative, solidaire, plurielle et complémentaire, tout en étant ouverte sur le monde. L’école est de la première importance pour éduquer et non pas seulement instruire les nouvelles générations. Il faut inculquer à nos enfants de vraies valeurs de convivialité, de citoyenneté, de civisme, d’esprit de coopération… Nous ne pouvons pas construire un avenir prometteur si nous ne formons pas nos enfants à la discipline, au sérieux, à la responsabilité, à la créativité etc. Il faut encadrer tous ces jeunes, leur donner un horizon de vie, une ambition de réussite, tout en respectant nos valeurs fondamentales de morale, de solidarité et d’entraide.

Enfin, dernier pilier, l’économie doit être mise aux normes. Ce n’est pas à l’Etat de construire les infrastructures et les usines, et encore moins de s’occuper à délivrer des autorisations pour tout acte commercial ou industriel. Libérer l’initiative, encourager les réussites, laisser les hommes et les entreprises se développer. Sortir de la mentalité de la bureaucratie tatillonne et souvent crapuleuse pour booster les Algériens, qui sont pleins d’énergie et bouillonnants d’idées.

Revenir à la vérité des choses, à la valeur réelle des hommes et des objets. En finir avec le bricolage et les mensonges de la démagogie et du populisme politiciens sont le gage d’une politique intelligente et efficiente.

Voilà, en avant-première ce que je développerai prochainement !

Propos recueillis par la rédaction 

Soufiane Djilali,  auteur du livre “La modernité, genèse et destin de la civilisation occidentale contemporaine” (Editions Les presses du Chélif, Jil Jadid).

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2 Comments

  1. Merci pour cette entretien. L’analyse me paraît pertinente et contributrice pour un avenir meilleur. Cependant, parler d’indépendance me parait déplacer. L’Algérie par sa longue Histoire coloniale a fini par s’excéder en s’engageant dans une révolution armée. En parlant d’indépendance, notamment de la part d’intellectuels algériens, on signifie quelque part que l’autorité algérienne aurait à un moment donné fait appel à une autorité étrangère pour la libérer d’une contrainte. Ce qui ne fut pas le cas. l’Histoire est connu.
    L’Algérie a traversé 132 ans d’humiliations. Les négociations (accords d’Évian) en 1962 entre le FLN et les autorités Française, sans que j’en connais les tenants et les aboutissants, ne sont pas le résultat d’un différend politique mais bien la fin d’un conflit qui n’a que trop duré.

    Pour ma part, si dans les textes ont parle d’indépendance, dans les faits, il s’agit d’une libération d’un système colonial. Aujourd’hui, l’Algérie n’est pas à blâmer ni à plaindre. Elle est à comprendre au travers de deux temps traumatiques : la fin du colonialisme de la France (la reconstruction) et les méfaits du terrorisme des années 1990 (la blessure). Celui-ci même qui a brisé les espoirs d’une génération.

    Mais au final, la contribution intellectuelle de Sofiane Djilali reste opportune. Je m’engage à lire ce qu’il nous propose.

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