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« Sioniste en Libye » : quand le CRIF censure l’aveu de Bernard-Henri Lévy

Info Oumma. Jeudi, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a mis en ligne les vidéos des débats tenus lors de sa récente convention nationale. Problème : la conférence de Bernard-Henri Lévy- au cours de laquelle l’écrivain avait révélé son engagement pour la Libye « en tant que juif et sioniste »-a été entièrement supprimée quelques heures plus tard. Entretemps, Oumma avait pris des notes et capturé l’image démontrant la censure.

39 minutes : tel était le temps de parole accordé à Bernard-Henri Lévy lors de la convention nationale du CRIF qui s’est tenue, en partenariat avec le Figaro, le 20 novembre à Paris. Hormis les questions-réponses avec le public, une demi-heure environ fut consacrée aux soulèvements arabes et au rôle de l’écrivain dans l’expédition guerrière en Libye. Au soir de ce colloque hétéroclite, l’AFP avait signalé-sans être particulièrement relayé par les médias de masse- le propos singulier du philosophe, reconnaissant explicitement s’être engagé « en tant que juif » et avec, en «  étendard », sa « fidélité au sionisme et à Israël ». Et l’homme de surenchérir  : « C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure politique, que j’ai contribué à définir des fronts militants, que j’ai contribué à élaborer pour mon pays et pour un autre pays une stratégie et des tactiques ».

Tel Aviv for ever

Interrogé sur France 2 à propos d’une telle déclaration, BHL a contesté le récit de l’AFP en l’expliquant par une décontextualisation.

Il n’en est rien : après avoir longuement évoqué son attachement à l’Etat hébreu, relaté son implication « à l’âge de 18 ans » pour tenter de s’engager en 1967 dans la guerre des Six-Jours ou détaillé sa participation « aux côtés » de l’armée israélienne dans l’invasion de Gaza, Bernard-Henri Lévy a révélé que sa lecture « universaliste » du judaïsme avait motivé sa démarche auprès des rebelles libyens. Plus concret, il a également rappelé à son auditoire pourquoi -selon lui- le régime de Tripoli était, de longue date, un adversaire acharné d’Israël. Par ailleurs, il expliqua sa dédiabolisation de l’islamisme imputé au Conseil national de transition libyen par sa préférence, pour la sécurité de l’Etat hébreu, envers des nations voisines qui soient des Etats de droit plutôt que systèmes despotiques : « Les démocraties, entre elles, ne se font pas la guerre ! », affirma-t-il.

Sarcastique, BHL anticipe également la réaction hostile de ceux qui visionneront cette conférence sur Internet et pourraient dès lors croire que son engagement en Lybie accréditerait, selon lui, le mythe du « complot juif » qui étend sa « toile » sur le monde. Peu lui importe, assène-t-il, d’exaspérer « l’islamofasciste de banlieue » qui serait réfractaire à tout argument contraire. Enfin, revenant sur le thème du débat portant sur l’avenir du judaïsme français, l’écrivain bomba un torse dépoitraillé en affirmant solennellement au public que « Nous, juifs, nous sommes forts. De notre culture, de notre richesse, de notre diversité ».

Dissidence, censure et goulag 

Le « fantasme » du lobby-sioniste-tout-puissant ne pourra pas s’appuyer sur les propos tenus par BHL dans cette vidéo : jeudi soir, après avoir rendu accessible l’ensemble des débats, le CRIF -via son partenaire Akadem.org- a totalement effacé, quelques heures à peine après la mise en ligne initialement complète, toute trace audiovisuelle de BHL lors de sa convention nationale. La preuve en images :

Jeudi 15 décembre, vers 14h : capture d'écran en HTML sur le site Akadem.org

 

Jeudi 15 décembre, vers 14h : capture d’écran en HTML sur le site Akadem.org

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Jeudi 15 décembre, depuis 22h : la nouvelle page d’accueil de la vidéo sur Akadem.org

L’intervention de BHL, intitulée « Tendre la main aux révoltes arabes », a été supprimée, de même que ses réponses aux questions du public ainsi que sa brève interruption par l’un des membres agacés de l’auditoire. La conférence complète était protégée de tout téléchargement classique par Akadem.org, un site dépendant du Fonds Social Juif Unifié et particulièrement procédurier : toute récupération vidéo est « systématiquement poursuivie » en justice selon ses responsables.

Outre ces menaces de rétorsion judiciaire affichées par son partenaire numérique, le CRIF n’hésite pas également à énoncer une contre-vérité : dans son article annonçant la mise en ligne des vidéos, il est indiqué que « l’intégralité des communications et des débats est restituée » sur le site Akadem. Comme vient de le démontrer Oumma, c’est faux : les aveux singuliers de BHL ont été retirés, de même que son nom -inscrit dans le programme de la journée. Le motif exact demeure un mystère : qu’ils s’agissent de déclarations considérées comme hors-sujet ou politiquement embarrassantes pour Nicolas Sarkozy -responsable en chef de l’intervention en Libye-, l’explication d’un tel retrait ne figure pas sur le site du CRIF ou sur Akadem.org, peu enclins d’ordinaire à censurer l’écrivain. Faut-il alors y voir une requête de Bernard-Henri Lévy lui-même qui ne souhaitait pas finalement afficher de manière aussi évidente son communautarisme politico-religieux ? Affaire à suivre.

Coming out

Aux antipodes de la pratique régulièrement vantée par les mêmes protagonistes de la liberté d’expression, ces procédés soviétiques confirment le diagnostic d’un journaliste inattendu sur le terrain de l’autocritique. Invité à exprimer son point de vue lors de la convention, Claude Askolovitch, adepte récurrent de la chasse aux sorcières antisémites, a pourtant déploré -avec aplomb- l’abrutissement du débat suscité dans l’Hexagone par l’engagement sioniste : « Israël, loin de nous élever, nous a rendu, nous, dans nos débats, juifs de France , moins intelligents, plus staliniens, plus durs, plus excluants et c’est quelque chose qui me déchire ».

Plutôt que le lobbying des pro-palestiniens, l’extrémisme de Benyamin Netanyahu et le raidissement du CRIF auront davantage précipité la fin de l’union sacrée entre intellectuels et journalistes communautaires.

Bonus :

Pour le plaisir, Oumma tient à saluer Show Studio, un site britannique dédié au monde de la mode et qui ne pratique pas la censure. Pour preuve, il est toujours possible de visionner une étrange interview de BHL, mise en ligne vendredi et durant 44 minutes. Filmé comme une rock star en noir et blanc ainsi qu’en plan très serré, l’écrivain y pratique -en anglais- son activité favorite : parler de soi. Oumma a retenu le meilleur morceau : l’autodéfinition de BHL, à la fois philosophe, journaliste, fashion victim et va-t-en-guerre-humanitaire. Delicious.

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