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Ne pas faire l’économie de la question du statut de la femme en Islam

interview accordée au magazine Actualité des religions

Actualité des Religions

 

 

  •  N’est-il pas surréaliste de s’interroger sur le pouvoir religieux des femmes en islam, alors que la charia leur offre un statut de mineures ?

    Leïla BABÈS – Je distingue, dans le message coranique, la dimension religieuse et ce qui relève de l’organisation de la communauté. Sur le plan religieux, le Coran accorde aux femmes un statut de croyantes, au même titre que les hommes : cette égalité en matière de religion ne peut être contestée. Sur le plan des dispositions juridiques et légales, le droit musulman, en tant qu’ensemble de dispositions juridiques, place la femme dans un rapport de dépendance. Cela tient au fait qu’en matière de législation, le Coran s’adresse exclusivement aux hommes. La Révélation coranique est intervenue dans un milieu arabe fondé sur un système patriarcal ; mais elle a neutralisé les abus qui tendaient à déposséder le femme de ses droits.

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  •  En matière de témoignage, le Coran est explicite : la parole d’un femme vaut celle de deux femmes, car, l’une s’égare, l’autre lui rendra la mémoire (II, 282). Quelle valeur peut avoir une exégèse coranique féminine ?

    Leïla BABÈS – Ce verset traite de législation, d’organisation communautaire. Il ne concerne pas la dimension spirituelle de l’islam. Or, sur ce plan, les femmes étant les égales de l’homme, rien ne les empêche de s’exprimer, d’offrir leur propre interprétation du Coran. C’était le cas du vivant du prophète Mohamed : elles avaient droit à la parole, et elles étaient présentes dans les mosquées.

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  •  L’islam a donc connu des femmes théologiennes ?

    Leïla BABÈS – La théologie n’a jamais été interdite aux femmes, le savoir religieux non plus. Les instituts d’enseignement musulmans, écoles ou universités, ont toujours accueilli des élèves de sexe féminin. J’ai mené une recherche sur une mosquée-école d’Annaba, en Algérie, fermée au début du XIXe siècle. Elle comptait plusieurs femmes parmi les élèves ! Reste que celle-ci, aussi diplômées soient-elles, n’accèdent pas au rang de maître. L’islam ne l’interdit pas, mais les sociétés dans lesquelles cette religion s’est développée relèguent les femmes dans l’espace privé. Donc loin du pouvoir religieux et politique.

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  •  Vous évoquez les mosquées. Or, les femmes n’y sont pas admises, ou alors pour être reléguées dans un espace secondaire…

    Leïla BABÈS – Ce sont des pratiques abusives, qui trahissent non seulement le message coranique, mais aussi la loi islamique. Celle-ci n’interdit pas aux femmes l’accès à la mosquée. Et il n’y a aucune ambiguïté là-dessus.

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  •  Et rien ne s’oppose à ce qu’elles passent de l’autre côté de la barrière pour être imam ?

    Leïla BABÈS – Un principe prévaut en matière de législation islamique : ce qui n’est pas nommément interdit dans les textes peut être autorisé par les juristes. Or, il n’est nulle part stipulé qu’une femme ne peut être imam ! Dans les premiers siècles de l’islam, ce sujet a donné lieu à des débats. Chaque école a tranché à sa manière. Ainsi, l’école malékite interdit aux femmes la direction de la prière. En revanche, l’école chaféite l’autorise, à condition que les fidèles soient aussi des femmes. Ceci s’applique au petit imamat, c’est-à-dire la direction de la prière. Une autre question concerne l’accès des femmes au grand imamat – le califat -, c’est-à-dire la direction spirituelle et politique de la communauté. Au XIVe siècle, le philosophe Ibn Khaldoun a soutenu que les quatre conditions exigées par cette fonction – le savoir, l’équité, la compétence et l’aptitude physique – ne sont pas inaccessibles à la femme. Il ajoutait cependant que cette responsabilité ne peut lui être accordée parce que le message coranique s’adresse aux hommes.

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  •  La porte du califat, si celui-ci est rétabli, leur est donc fermée ?

    Leïla BABÈS – Ce droit a été élaboré au Moyen Âge. Nous entrons dans le XXIe siècle, et je ne vois pas pourquoi le droit musulman ne pourrait être renouvelé à la lumière de notre époque ! Les musulmans ont sacralisé les interprétations coraniques, puisées bien sûr dans les textes fondateurs, mais qui restent tout de même des interprétations humaines de la parole divine. Il faut distinguer la dimension divine, le dogme intangible, et la part des élaborations humaines, certes inspirées du Coran et de la sunna, mais qui doivent être révisées en fonction des nouveaux besoins et de l’évolution de nos sociétés contemporaines. (…) Les musulmans ne peuvent pas faire l’économie de la question du statut de la femme en islam. n

    Propos recueillis par Djénane Kareh Tager

    Actualité des religions, n° 3, mars 1999

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