La notion de « courant » est très particulière dans l’islam.
Parce que le prophète Mahomet a également été un « roi », en construisant un Etat à Médine et parce que ses successeurs, les califes, ainsi que leurs opposants vont faire de la politique au nom de la religion, des courants « politico religieux » apparaitront qui seront plus politiques que religieux.
La constitution des courants dans l’islam se produira à trois moments de son histoire. Au 7ème siècle, au moment de la succession du prophète, puis au 9ème siècle au moment de la constitution de l’orthodoxie sunnite et enfin aux 19 et 20èmes siècles avec le choc de la rencontre du monde arabe avec la modernité et la puissance européenne.
Au 7ème siècle, la succession du prophète à la tête du jeune Etat islamique, crée à Médine et élargi au nouvel empire arabe, va donner lieu à une compétition féroce entre la famille du prophète, représentée par Ali, son cousin et gendre, soutenu et par Médine et par les guerriers radicaux, et l’aristocratie de La Mecque représentée par le clan des Omeyades. De cette guerre de succession sortiront les grands courants initiaux de l’islam.
Les sunnites forment le courant majoritaire issu de l’aristocratie mecquoise partisane d’un califat dynastique qui sera construit par les Omeyades et les Abbasides.
Le chiisme, courant minoritaire des partisans d’Ali, défait militairement à Kerbala, concentré en Irak, le berceau du chiisme, construira une théologie fondée sur l’imanat opposé au califat et sur l’attente et le retour de l’iman caché. Le chiisme deviendra bien plus tard, au 16ème siècle, la religion officielle de la Perse à partir d’une décision politique de la nouvelle dynastie perse décidée à se singulariser du sunnisme du monde arabe. L’époque contemporaine est la grande revanche du chiisme avec la révolution islamique de Khomeiny de 1979 et sa portée dans le monde islamique mais surtout avec la reconquête chiite de l’Irak au lendemain de l’action américaine en Irak en 2003. C’est la vengeance tardive de la défaite de Kerbala ressentie comme telle par le monde sunnite. Le troisième courant, issu de la fitna du 7ème siècle, sera le kharidjisme, les « séparatistes révoltés », adeptes de la violence armée contre tous les dirigeants impies, refusant tout compromis politique, ancêtres des radicaux de l’islam et des djihadistes.
La mémoire de cette époque initiale de l’islam est entière dans l’islam moderne et contemporain.
Au 9ème siècle, au sein du sunnisme, la défense politique de la dynastie régnante des Abbassides face aux contestations des courants minoritaires antis califaux passe par la construction d’une orthodoxie religieuse fondée sur la tradition du prophète, la sunna. Il s’agit de nouveau d’une légitimation du politique par le religieux codifiée dans une orthodoxie appelée le sunnisme qui regroupe les « adeptes de la sunna du Prophète ». Cette construction sera la matrice des grands courants « théologiques » de l’islam sunnite. Ces trois grands courants du sunnisme sont le mutazilisme, la hanbalisme et l’acharisme.
Le mutazilisme, le courant éclairé de l’islam sunnite, influencé par la philosophie grecque, milite pour une lecture des textes sacrés fondée sur la combinaison de la foi et de la raison, affirme la liberté de l’homme face à Dieu et propose une théologie spéculative. Le mutazilisme, par son arrogance et sa maladresse, sera rejeté par le peuple à partir de la lutte menée par le courant du hanbalisme fondé par Ibn Hanbal, l’un des créateurs de la sunna. Ibn Hanbal peut être considéré comme le fondateur du fondamentalisme sunnite à partir de l’affirmation d’un retour strict aux seules sources et fondements que sont le coran et la sunna et d’une lecture littéraire des textes sacrés.
Ce combat perdu par le mutazilisme contre le hanbalisme conduira finalement les califes abbassides à se rallier à une synthèse puisée dans l’acharisme, du nom d’Al Achari, le grand théologien de Bagdad passé du mutazilisme à un conservatisme tempéré. L’acharisme demeure jusqu’à aujourd’hui la voie centrale de l’islam sunnite. Il repose essentiellement sur la prédominance de la sunna et de son interprétation codifiée par les ulémas, ce qui signifie le rejet de la théologie ouverte nourrie par la raison. Le rejet populaire puis politique du courant mutazilite est un moment clef de l’histoire de l’islam sunnite.
Le troisième moment de la formation des courants de l’islam sunnite sera la période des 19 et 20èmes siècles dans laquelle le monde arabe « rencontrera » l’Europe, une Europe puissante, coloniale et modernisée. Le monde arabe entrera dans un grand débat sur la conciliation possible entre son identité et la modernité européenne. Quels sont ces grands courants ?
D’abord, le wahabisme, apparu au 18ème siècle dans le désert arabique, se veut un courant fondamentaliste prêchant un Islam rigoureux et puritain dans la filiation du hanbalisme. Il deviendra la bannière du futur royaume érigé par la tribu des Saoud sur toute l’Arabie.
Le salafisme, ou plutôt les salafistes, hérités du hanbalisme et revigoré par le wahabisme, affirme que seul le retour aux sources de l’islam permettra la survie du monde arabe et qu’il faut mettre en place la loi islamique dans toute sa pureté initiale. Le salafisme est purement religieux et quiétiste pour certains tels les tablighs ou les proches du wahabisme saoudien mais il est devenu politique pour ceux qui sont entrés dans l’arène politique en faveur de l’édification d’un Etat islamique, tel le parti salafiste égyptien « Nour ». Et il existe aussi une troisième variante du salafisme, le salafisme révolutionnaire, celle qui emploie l’action armée et qui a débouché sur le djiadisme.
L’islamisme politique est encore autre chose. Il est le fait des Frères Musulmans crées dans les années 1920 en Egypte en réaction à la présence coloniale britannique et à la modernité occidentale. Le fondateur des Frères Musulmans, Hassan el Banna, a voulu transformer la religion en une idéologie politique moderne par la création d’un parti et d’un programme de réforme inspiré de la religion.
Les Frères égyptiens ont essaimé dans de nombreux pays, tels que la Tunisie, le Maroc, la Jordanie ou le Syrie, qui possèdent des partis islamiques issus des Frères musulmans mais dont les trajectoires sont très différenciées.
Il y a, enfin, le courant réformiste éclairé du néo mutazilisme, hérité de la pensée de Mohamed Abdouh, grand mufti d’Egypte et recteur de l’université d’El Azahr au début du 20ème siècle. Le néo mutazilisme en appelle à la réouverture du débat théologique et juridique à partir de la raison et également au « concordisme » entre l’Islam et l’Europe occidentale. Ce courant, à l’image du mutazilisme du 7ème siècle, est très minoritaire dans l’islam officiel.
Aujourd’hui, on est frappé par la grande similitude entre les courants initiaux de l’islam sunnite et les courants modernes ainsi que par la grande stabilité de la pondération entre le courant majoritaire conservateur hérité de l’acharisme, les courants minoritaires mais actifs des salafismes et de l’islamisme politique et le courant rationnel et ouvert constamment marginalisé.
Mais le grand débat sur l’avenir de l’islam est peut-être en train de se réouvrir…
Ce texte est extrait du compte rendu de la séance d’octobre du :
Séminaire de recherche 2015-2017 du collège des Bernardins – Etats Religions Laïcités : les nouveaux fondamentalistes. Enjeux nationaux et internationaux
Depuis les tragiques événements des 7-9 janvier 2015 les Français ont pris conscience de la crise du modèle républicain d’intégration et de la nécessité de changer en profondeur le rapport de l’État à la notion de « neutralité laïque ».
En effet celle-ci signifie que les agents de l’État doivent être indépendants et impartiaux. Elle ne signifie pas que ceux-ci doivent s’interdire de penser et de connaître la diversité des convictions et des cultes.
Le grand rassemblement du 11 janvier 2015 témoigne également de l’inquiétude des Français à l’égard du danger que représentent la croissance exponentielle des nouveaux fondamentalistes « laïcs » et « religieux » et l’incapacité des uns et des autres à dialoguer ensemble dans un esprit républicain.
Les objectifs du séminaire seront :
– pour la première année : à partir de certaines études portant sur les parcours des nouveaux fondamentalistes, de comprendre de façon anthropologique et trans-disciplinaire les ressorts et les mécanismes du fondamentalisme.
– pour seconde année est de trouver des solutions à la double crise de la modernité et de la perte de sens qui sont à la source des engagements fondamentalistes. On travaillera sur les issues possibles aux fondamentalismes aux différentes étapes de leurs formations.
Quand on s’aperçoit du nombre de courants de sectes de sous-sectes dans l’islam, on peut craindre que le monde ne connaîtra jamais la paix!
Du temps des compagnons du prophète (psl), le mot sunite n’existait pas , il y avait le mot souna qui veut dire acte et parole du prophete (psl).
Le mot chiite veut dire en arabe partisan d’une personne, et avait un sens politique.
Pour votre information, Ali n’avait pas de partisans, il était le quatrième prince des croyants , il faisait la guerre à Mouaouia qui lui avait des partisans.
Qui a tore et qui a raison, dieu Allah n’a pas voulu je verse du sang dans cette guerre, je doit m’abstenir d’en parler. Je dit toujours que Ali avait pensé et il avait raison, Mouaouia avait pensé et il avait tore.
Le chiisme dont on parle n’a rien à voir avec le temps d’Ali, les perses entraient dans l’Islam avec une mentalité du temple du Feu. C’est le problème des nations civilisées, on change rarement d’habitude.
Le problème ne se posait pas à l’ouest, les romains étaient chrétiens, religion reconnue par l’Islam.