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L’antiracisme sur de biens mauvais rails

Nous sommes plongés dans une situation où les actes racistes augmentent alors que les dénonciations au plus haut niveau n’ont jamais été aussi fermes, nombreuses et rapides. Tout se passe comme si les discours symboliques et l’arsenal répressif accru n’avaient aucune incidence sur l’irrépressible croissance des passages à l’acte racistes. Pire encore, cette rhétorique anti-raciste ne serait-elle pas, elle même, productrice de cette banalisation ?

Dénoncer l’antisémitisme comme étant le summum du racisme et celui qui doit être combattu avec la plus grande énergie, peut certes avoir une légitimité. Cela n’en demeure pas moins problématique. Car en confirmant cette position, nous sommes immanquablement entraînés vers une hiérarchisation des racismes. Qui nous conduit à la fois à considérer, quelles que soient les précautions de langage, que les autres racismes seraient moins condamnables ; mais aussi à verser dans une forme d’antisémitisme. Car comment discriminer les victimes de l’antisémitisme plus fortement que d’autres victimes du racisme sans sombrer dans une vision raciste…antisémite ?

Que dire aussi de la thèse omniprésente de l’antisémitisme arabo-musulman qui stigmatise, non en se basant sur les motivations des acteurs, mais sur leur appartenance réelle ou supposée à une vaste communauté qui trouve une artificielle homogénéité dans le regard posé sur elle ? N’est-ce pas du racisme ?

On voit bien les limites d’un discours, qui faute d’être efficace, se discrédite et annonce la renaissance perpétuelle de ce fléau.

Ne pas lutter également contre toutes les formes du racisme revient à ne lutter efficacement contre aucune d’entre elles.

La mésaventure du RER D l’illustre on ne peut mieux. Alors que tout le monde réalise la supercherie, on trouve encore des voix comme celle de Yonathan Arfi pour persister sur le caractère « plausible » qu’aurait revêtu, au départ, ce conte. La presse fait son mea culpa mais un grand quotidien qui va jusqu’à s‘excuser au près des jeunes des cités issus de l’immigration maghrébine ou africaine, stigmatisés à tort, reconnaît dans le même que le scénario « sonnait juste ». Mais qu’est-ce qui était plausible ? Qu’est-ce qui sonnait juste ? une violence spécifique aux jeunes arabes, africains, musulmans ? dirigée spécifiquement contre des juifs ? avec une préférence pour les femmes et les bébés ? …n’est-ce pas du racisme ?

Cette histoire met au jour, avec fracas, le racisme rampant qui ronge l’opinion, et dont font les frais ces nouveaux barbares, habitant les cités, éternellement jeunes et étrangers.

Car quand bien même les statistiques sur les actes antisémites n’en finissent plus d’exploser, c’est bien le racisme dirigé contre les arabo-musulmans qui connaît la plus forte progression dans l’opinion publique française (1).

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Et si le 21 avril 2002 hante notre avenir, ce n’est que par pur artefact. Le score du front national n’ayant pas été spécialement élevé à cette occasion, c’est bien un contexte électoral particulier qui avait propulsé Le Pen dans un deuxième tour inédit d’une présidentielle. Ce scrutin présenté comme un séisme politique dans lequel monsieur Cukierman trouvait des vertus… Pourquoi ce sentiment de surprise le 22 au matin ? La France n’avait elle pas été confrontée à des crimes abominables et inquiétants auparavant ? Le front national, ce parti dont les scores réguliers témoignent d’une haine bien ancienne, connue et qui avait déjà entraîné la mort de Brahim Bouaram, ou Ibrahim Ali. Qui s’en souvient ? Les coupables étaient connus. Qu’y a-t-il eu de plus odieux depuis ?

Par ricochet, « RER D » symbolise aussi le dévoiement et la faillite du discours anti-raciste, bien qu’on s’évertue aujourd’hui à ne craindre qu’une relative démobilisation. Par ailleurs il ne s’agit pas d’admettre une quelconque pertinence à une compétition victimaire, mais bien plutôt de s’appuyer sur ces gifles spectaculaires pour retrouver nos valeurs, et les véritables postures qu’elles exigent.

L’emballement que tout le monde reconnaît aujourd’hui doit nous conduire tout autant à refuser l’instrumentalisation politique qui biaise systématiquement la lutte contre le racisme, depuis le début du 3ème millénaire. Il incombe tout particulièrement aux politiques aujourd’hui de délivrer des messages responsables en résistant à toutes les tentations et à toutes les récupérations. Les citoyens n’attendent pas des leçons mais des attitudes exemplaires au plus haut niveau sur ce sujet très sensible. Faute de sortir de l’impasse, nous nous condamnons à un accroissement inévitable et paradoxal des sentiments racistes et antisémites. Une sorte de banalisation à laquelle nous goûtons déjà, une libération du pire.

Avec pour pendant, un quotidien avec son lot d’actes spectaculaires faisant écho à un bien médiocre humanisme.

Notes :

(1) C’est le constat que faisait Nonna Mayer, Directrice de recherches au CEVIPOF, le 18 mai dernier sur le plateau de « C dans l’air » ( Emission « Sommes nous antisémites ? »)

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