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Racisme Exclusion Rejet Démagogie

DCF 1.0

Pendant 72 heures, les instances politiques françaises ont donné au monde un spectacle hallucinant… 72 interminables heures de stigmatisation orgiaque, de lynchage médiatique, de veule hystérie collective d’une classe médiatique et politique à la dérive, s’abandonnant au vertige du saut à l’élastique, dans les abysses du racisme, de l’exclusion, du rejet d’autrui et de la démagogie.

Rappelons le contexte. Il n’est pas fameux. Qu’on en juge : de la loi d’exception sur le voile à l’expulsion de nombreux imams, de la stigmatisation des musulmans de toutes origines et en particulier des maghrébins à la profanation des cimetières, en passant par le harcèlement juridique, politique et électronique d’Oumma.com, le plus important site Internet musulman francophone…le constat n’est pas brillant.

Pour illustrer ce qui précède, l’observateur avait l’embarras du choix. Car dans l’outrance, la déraison et la xénophobie, il y a concurrence, et l’on joue à guichets fermés. Notre choix nécessairement arbitraire, a donc porté sur quelques « stars » au détriment d’autres non moins méritantes, auxquelles nous demandons humblement de bien vouloir nous pardonner de ne pas les avoir citées. Qu’elles soient assurées que nous ne manquerons pas de réparer cette omission le moment venu…

La chute des derniers tabous sur le racisme.

Sus aux ultimes tabous sur le racisme ! Foin des dernières digues que l’on attaque au bulldozer. Dans le Figaro, Alain-Gérard Slama entame variations et vocalises sur « le mâle blanc occidental » sic ! (cf le Figaro du 12/07/2004 rubrique « Débats et Opinions »).

Ailleurs l’ethnicisation bat son plein. Au diable les précautions oratoires ! Dans cet universel basculement des valeurs, il n’est même plus question de français « de souche » versus… versus quoi à propos ? D’aucuns ne parlent plus de « jeunes » mais de « maghrébins » et « d’africains » auteurs d’un acte « terrible et surprenant », « atroce mais plausible » à l’encontre d’une jeune femme qui n’est plus seulement une infortunée victime, mais une « petite Blanche lambda de 23 ans avec son bébé » ! (cf Libération, d’après l’AFP 13 juillet 2004).

L’authentique émotion de Jean Pierre Raffarin !

« L’émotion qu’a déclenchée cette information réelle ou virtuelle est une émotion authentique ». Jean Pierre Raffarin, AFP 13 juillet 2004.

Voilà comment s’exprime celui qui s’assied dans le fauteuil du duc de Richelieu ! A l’écouter, seules compteraient désormais les émotions éprouvées ! Pleins feux sur les sensations ! Démission de l’esprit ! Grand frisson assuré ! La catharsis en somme, comme lors d’un spot publicitaire, d’une projection cinématographique ou d’une représentation théâtrale dont nos concitoyens de confession musulmane acquitteraient les billets d’entrée ! Revient immanquablement à l’esprit cette excellente maxime de La Rochefoucauld selon laquelle :

« Chacun dit du bien de son cœur, et personne n’en ose dire de son esprit ».

Sur la scandaleuse inauthenticité des paillettes et des effets spéciaux, rien ! Rien non plus sur l’oblique stigmatisation de toute une partie de la population ! Aucun regret ! Silence !

Claude Goasguen ratiocine :

« Si cette dame a commis un grave mensonge (…) cela ne doit pas nous empêcher de poser politiquement la question (de l’antisémitisme) parce qu’elle est grave, elle est au moins aussi grave que l’affabulation sinon plus grave et elle mérite d’être discutée », a déclaré le député UMP du XVIe arrondissement de Paris. AFP 13 juillet 2004.

Certainement, la citation aura été extrapolée, déformée ou extraite de son contexte. Parce qu’en lisant cela, on comprend mieux le général de Gaulle selon lequel d’aucuns, « s’exagérant l’impuissance relative de l’intelligence, négligent de s’en servir »

Reprenons l’argutie : gardons à l’esprit qu’on parle de l’affabulation d’une inconnue. Pourtant on compare ici antisémitisme et mythomanie d’un quidam sous le rapport de leur gravité respective. Comme s’il pouvait y avoir commune mesure entre les deux ! Mais cette comparaison inédite tait l’essentiel : ce qu’il faut mettre en parallèle avec l’antisémitisme, c’est l’exploitation à laquelle ce malencontreux fait divers a donné lieu. Les deux sont aussi graves l’un que l’autre, parce que dans les deux cas, des êtres humains sont attaqués non pas à raison de ce qu’ils font, mais de ce qu’ils sont.

Autre chose et non des moindres : l’affabulation est révélatrice du racisme qu’on distille sciemment au sein de notre société : désormais tout affabulateur, toute affabulatrice agit en réglant sa conduite sur celle de certains médias et responsables politiques : en cas de problème le bouc émissaire musulman est tout trouvé et tout prouvé ! De cela qui devrait faire réfléchir, pas de trace dans les propos du député !

Les approximations comptables de Dominique Strauss-Kahn.

Si c’est un coup monté, évidemment, ce serait critiquable en tant que coup monté (…) Mais ça ne changerait rien au fait que c’est la dixième ou la vingtième agression de ce genre”. Dixit Dominique Strauss-Kahn, député et ancien ministre de l’Economie (PS).

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L’imprécision arithmétique surprend. Avec un ministre de l’Economie aussi peu scrupuleux sur les chiffres, on conçoit des craintes pour les finances de l’Etat ! C’est dix ou c’est vingt ? Et puis vingt quoi ? Réponse du comptable : « dixième ou vingtième agression de ce genre ». « L’agression de ce genre » étant purement imaginaire et mythique, c’est donc selon lui la « dixième ou vingtième » affaire dans laquelle un mythomane met en cause des arabes ou des africains sans fondement. Révélateur. Et de fait ! Du rabbin Ferhi à Alex Moïse, les illustrations abondent. Le premier déclara avoir été poignardé au cri de « Allah Akbar » ! Plus prosaïquement, il fut fortement soupçonné d’automutilation à l’aide de son propre couteau de cuisine. Le second, épistolier d’occasion, se destinait des lettres de menaces antisémites. Et que dire de cette étudiante membre de l’UEJF qui porte plainte en mars 2003 pour avoir été agressée de nuit en rentrant chez elle par trois hommes encagoulés qui, après l’avoir traitée de « sale juive », lui auraient gravé une étoile de David sur le bras ? Après des doutes émis par le Crif sur le caractère antisémite de l’agression et la difficulté pour la police d’établir les faits, l’affaire n’aura pas de suites.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement Mais on l’aura compris, ce n’est sans doute pas là ce qu’entendait dénoncer l’orateur. Ce qu’il voulait signifier, c’est que pour lui, l’éventualité d’une mythomanie ne changerait rien à sa conviction intime sur le sujet. Conviction à laquelle les faits ne sauraient rien changer. Parce que ce qui compte désormais, ce n’est plus la réalité dont on n’a cure, mais la représentation que quelques uns s’en font et surtout en donnent.

La Licra et ses « Nazis de banlieue ».

« Les nazis de banlieue défient la France »  : Communiqué de la Licra, Paris, 13 h 03.

Rien que ça ! Rappelons quand même que les nationaux socialistes étaient à la tête de l’Etat le plus puissant d’Europe, disposaient d’une armée de près de trois cent divisions, qu’ils ont tenu le monde en haleine cinq années durant et que lorsqu’ils se sont avisés de « défier la France » quatre tragiques semaines leur ont suffi. Rappelons au surplus que cet épisode peu glorieux de l’histoire de l’Europe s’est soldé par plusieurs dizaines de millions de morts. Voilà ce que la Licra évoque à propos d’un fait divers, dont le caractère imaginaire est avéré.

Ne serait-il pas temps de prendre un peu de recul ? Sait-on de quoi on parle ? Les mots ont-ils encore un sens ? L’histoire une signification ? Comment peut-on la banaliser au point de l’évoquer ainsi à temps et à contretemps ? Ne faut-il pas faire preuve d’un peu de mesure et de retenue ?

Mais le propos est trop outrancier pour ne pas se disqualifier. Aussi faut-il chercher sa véritable fonction ailleurs. C’est moins sur le mot « nazis » qu’il faut s’arrêter que sur son complément de nom : « de banlieue ». Le mot renvoie immédiatement aux populations défavorisées que l’on « nazifie », afin de convoquer dans l’imaginaire collectif l’image d’un ennemi inhumain, barbare et monstrueux. Que font les supposés « nazis de banlieue » (sic) ? Réponse : ils « défient la France » (sic). Etrange…On en parle comme d’une puissance étrangère, comme si décidément, les intéressés ne faisaient pas partie de notre société, du pays, de la nation…A ce stade de l’hyperbole, on pressent l’ordre de mobilisation et le rappel des réservistes. Et de fait ! L’article assène bientôt la phrase suivante : « Pour la LICRA le temps est venu de la mobilisation de tout le pays pour affronter ceux qui menacent la paix civile en commettant des actes antisémites barbares ». (soulignés par nous).

La « Saloperie » (sic) d’Elisabeth Schemla sur Proche-Orient « Info ».

Tout texte entretient avec son titre un rapport étroit. L’éditorialiste de Proche-Orient « Info » (sic) a été sévère avec le sien : elle a choisi de le nommer « Saloperie » (dixit). On ne discutera ni la pertinence, ni l’outrance du propos et pour tout dire son obscénité. Le style c’est l’homme. C’est aussi l’auteur, fût-il une « autoresse » ! En revanche on se penchera avec attention sur son contenu.

Qu’y trouve-t-on ? Tout d’abord que racisme et antisémitisme ne sont ni « indissociables » ni « symétriques ». Ca débute mal : si l’on admet que l’humanité est une, alors le concept de racisme doit être tout aussi unifié. On ne peut faire de différence entre racismes que sur la base d’une conception de l’être humain que nous ne partageons pas. La rédactrice ne paraît pas de cet avis. La cause ? C’est que, écrit-t-elle, les actes de violence ne sont jamais le fait de ceux des juifs qu’elle appelle des « crétins » et des « excités » (dixit) et parce que « leurs méfaits relèvent jusqu’ici du plus pur fantasme ». « Ou alors, nous sommes tous très mal informés » conclut-elle, modeste. Pour son information, nous lui suggérons humblement de prendre contact avec l’Association générale des étudiants de Nanterre. Elle l’informera des actes de violence perpétrés par les « crétins » & C° en plein tribunal !

Puis elle en vient à ce qu’elle estime être « le point crucial ». Prêtons-lui attention, en gardant bien à l’esprit qu’elle parle d’une agression commise dans le métro parisien :

« Il est temps, il est urgent que les autorités en prennent conscience : elles sont plongées, sans s’en rendre compte à coup sûr, dans une hystérie anti-israélienne. Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, ils n’ont à l’égard de ce pays que mots dépréciatifs, culpabilisants, méprisants. Ils ont, toujours, la condamnation à la bouche. Israël n’a jamais, jamais, grâce à leur (sic) yeux. Sur rien. Aucun acte, aucune décision ne rencontre autre chose qu’hostilité de leur part. Israël est travesti par leur regard, et par leurs mots. C’est simple : quoi que ce pays fasse, il est coupable. Coupable dans toutes les tribunes internationales où la France s’exprime ; coupable, en France, pour l’opinion publique française. Ce qui vient de se passer à propos de l’avis consultatif de la Cour de la Haye sur la barrière de sécurité est symptomatique »…

Et le propos sur le martyrologue d’Israël de se poursuivre sur cinquante lignes ! Cinquante lignes d’une prose de cet acabit, pendant lesquelles on est passé subrepticement d’un fait de société à la politique étrangère, du métro de Paris à l’aéroport de Lod/Ben Gourion. Cinquante lignes c’est-à-dire l’essentiel d’un article censé parler de l’agression fictive de vendredi dernier ! Après cela, reste t-il encore un doute sur ceux qui établissent un lien entre la société française et Israël ? Objectif : identifier la légitime critique de la politique israélienne à de l’antisémitisme, imposer à jamais silence aux consciences éclairées que révoltent les crimes sans nom commis par Israël contre le peuple palestinien ! Voici en effet comment dame Schemla conclut « Saloperie » (sic) :

« Cette jeune Marie maltraitée dans le métro a d’abord été victime de ses agresseurs, ensuite des agresseurs permanents d’Israël » (sic) !

On conclura ce rapide panorama sur l’étrange subversion de la langue française à laquelle les festivités donnèrent lieu : on fit de « banlieue » le sauf-conduit vers les territoires jadis tabous du racisme et de la xénophobie ; on travestit le mot « République » pour l’opposer à islam, on galvauda le sens de « laïcité » qu’on fit rimer avec limitation des libertés publiques de nos concitoyens de confession musulmane. On galvauda, on travestit, on bricola, on déforma, on tripatouilla à l’envi des concepts qu’on mit à l’encan.

En second lieu, on relèvera avec soin qu’au milieu de l’hystérie générale, des personnalités politiques et non des moindres n’ont pas pris part à la curée. De leur côté, pas « d’effroi » instantané, pas de discours flash sur la « francophobie » supposée des banlieues, pas d’appel solennel à la « punition ». Certes ces personnalités n’ont pas trouvé le courage de faire des déclarations d’apaisement. Mais dans le climat délétère de ces soixante-douze heures, elles ont su garder leur sang froid, observer le silence. Et leur décence les désigne à notre attention. De même en va-t-il de ces rares journalistes qui ont eu l’honnêteté de présenter leurs excuses à nos concitoyens d’origine maghrébine et africaine.

Ces hommes politiques de valeur, ces journalistes honnêtes et scrupuleux se reconnaîtront. Nous ferons de même le moment venu. Parce qu’avec eux, nous surmonterons le déchaînement délétère des passions et des factions, nous éviterons les pires divisions, celles qui ne peuvent qu’affaiblir la cohésion de notre société, et porter atteinte à l’honneur de notre brave et vieux pays, pour lequel tant de valeureux soldats, toutes origines et confessions confondues, ont donné leur vie, parce que comme nous, ils avaient l’intime conviction qu’on est français non par le sang reçu, mais par le sang versé….. Ceux-là aideront à transcender ces soixante-douze heures pendant lesquelles la France a pris le RER D dans le long et interminable couloir souterrain et obscur du racisme, de l’exclusion, du rejet de l’autre et d’une vile démagogie !

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L’antiracisme sur de biens mauvais rails

En attendant le premier mort…