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La vie de Malek Bennabi (10)

Au Quartier latin qui grouille maintenant d’Algériens, Messali Hadj plastronne. Les ouvriers algériens viennent se griser à ses discours qui les vengent des humiliations subies dans le quotidien. Bennabi y voit quant à lui la pleine mesure de la « boulitique ». Il faudrait dire peut-être quelques mots sur cette notion que Bennabi a popularisée par son emploi répétitif dans son œuvre. Le mot n’est pas de lui. 

Il serait apparu au début du siècle, vers 1912, année qui vit naître le mouvement « Jeunes Algériens » qui regroupait quelques intellectuels « indigènes ». Ceux-ci, « en vue de mériter l’octroi de droits politiques », se proposaient de faire accepter au peuple algérien le service militaire obligatoire qui venait d’être institué par l’administration coloniale. Pour tourner en dérision ce programme, les élites arabisées de l’époque les nommèrent « ashab-el-boulitik » (1) . Ce mouvement trouvera son expression dans la « Fédération des élus ».

Dans le contexte de l’œuvre bennabienne, ce mot est devenu un concept par lequel il veut fustiger le revendiquisme qui fait abstraction de toute idée de devoir et éloigne les élites et ceux qui les suivent de toute autocritiques, de toute remise en cause de soi, de toute responsabilité de réforme des mentalités et des réalités sociales.

Il l’emploie pour la première fois dans « Les conditions de la renaissance » (1949) puis dans pratiquement tous ses ouvrages. Plus tard il lui consacrera un article, « Politique et Boulitique », où on peut lire : 

« Ce mot est un coup de fouet qui cingle toutes les hypocrisies. Un coup de balai populaire là où s’entassent les ordures, les déchets de la foire «boulitique»… Le peuple s’était aperçu depuis longtemps de certaines contrefaçons introduites dans notre vie politique par des charlatans qui, au moment où le pays se débarrassait de certaines superstitions entretenues par le maraboutisme et le colonialisme, ont pu l’abuser quelque temps en substituant le bulletin de vote à l’amulette, et le zaïm, barbu ou imberbe, au marabout…

C’est un mot vengeur. Il venge tous ceux qui ont gardé un idéal malgré les escroqueries. Tous ceux qui ont gardé confiance dans les destinées du pays. Tous ceux qui ont prêché le sens du devoir en même temps que celui du droit, par-dessus la tête de ceux qui n’ont voulu réclamer que des droits, comme si à l’échelle individuelle ou nationale on obtenait quelque chose gratuitement. La politique se distingue en effet de la « boulitique » d’abord en cela. 

Quand on hurle dans la foire, quand on gesticule, quand on parle au peuple uniquement de ses droits, sans lui rappeler ses devoirs, quand on prône les méthodes de facilité, on fait de la « boulitique ». La lutte de la politique et de la « boulitique » est donc ancienne. Sous leur aspect psychologique, l’une est une intériorisation, l’autre est une extériorisation. L’une est une réflexion sur la manière de servir le peuple, l’autre une somme de hurlements, de gesticulations pour se servir du peuple en le dupant

Sous l’aspect technique, la « boulitique » ne se définit pas. Et si le peuple algérien n’avait pas fabriqué ce mot pour la désigner, il n’y aurait aucun mot pour la nommer. Son dossier ne relève pas de la science mais de la morale ou de la justice, comme une escroquerie… Donc la « boulitique » ne se définit pas. Mais, dans notre pays, elle a une longue histoire… » (2).

Dans l’actualité française, l’affaire Stavisky éclate en février 1934. C’est l’histoire d’un juif ukrainien arrivé six ans plus tôt en France les mains vides et les poches creuses, et qui se retrouve en peu de temps à la tête d’un empire financier grâce à des accointances au sein du pouvoir local. Le député de Bayonne, ville où une grande banque a fait faillite, se suicide. Trois jours après, le cadavre de Stavisky est retrouvé à Chamonix. Puis c’est le corps du procureur général en charge de l’affaire qui est découvert sur une voie ferrée. Les étudiants manifestent, des émeutes sanglantes éclatent, le colonel de La Rocque menace de marcher sur l’Assemblée Nationale, le gouvernement Chautemps tombe, emporté par les vagues du scandale… 

A Paris, on annonce l’arrivée de Gandhi qui doit donner une conférence. L’AEMNA contribue à son organisation. Bennabi est enchanté. Il nourrit depuis assez longtemps déjà un sentiment de sympathie pour ce petit homme qui a régénéré la pensée des Védas en Afrique du Sud où il a lancé son premier combat pour libérer la communauté hindoue du racisme des Afrikaners. 

Bennabi dira de lui qu’il n’est pas « un politique se pliant inconditionnellement aux servitudes de l’action, mais un prêtre qui plie l’action aux exigences du sacré» (3). Voilà qui est pour lui plaire. Il aimait déjà Tagore pour les mêmes raisons. Voici maintenant que Gandhi, Vivekananda, Ramakrishna et bientôt Nehru oeuvrent à transformer une pensée religieuse en déclin en une pensée politique d’avenir qui va libérer l’Inde, puis devenir un fondement du non-alignement : « Au pays de la métempsycose, les choses ne meurent pas, elles deviennent » écrit Bennabi qui souhaite voir un tel phénomène se produire dans l’aire islamique et les Oulamas se dévouer à une telle mission. Ghandi sera assassiné en janvier 1948 par un hindou dans un cimetière musulman où il était venu se recueillir sur la tombe de Qotb-Eddin Bakhtyar (mort en 1235) qui venait d’être profanée par des extrémistes hindous.

Salah Ben Saï (1907-1990), le frère de Hamouda, vient de rejoindre à son tour Paris pour suivre une post-graduation en agronomie. Hamouda, lui, étudie à l’Institut des études islamiques de la Sorbonne où il prépare une thèse sur Ghazali. Tous les vendredis ils se retrouvent à trois au domicile de Bennabi pour continuer autour d’un dîner leurs discussions passionnées sur l’islam, l’Algérie, le monde musulman, la « lutte idéologique »… 

Au mois de mai, des événements graves se produisent dans la péninsule arabe où l’Imam Yahia, au Yemen, se prépare à attaquer Djeddah par mer. Bennabi se précipite chaque jour sur les journaux pour suivre cette crise qui le tient en haleine. Il est persuadé que c’est un complot ourdi par la France, l’Italie et l’Angleterre contre l’Etat nouvellement formé sur la terre sainte. Il vit la crise comme un drame personnel, lui qui attendait la fin de ses études pour s’établir en Arabie. Il en pleure chez lui et se tourne vers Dieu qu’il implore de sauver le jeune royaume. 

Mais il ne se contente pas de prier. Un soir, il prend des feuilles de papier et un stylo et rédige une lettre à l’intention de l’empereur du Japon à qui il demande de venir en aide à Ibn Séoud. Il réveille sa femme et lui lit le texte : « Mon chéri, c’est émouvant ! » lui dit-elle. Le lendemain, elle dépose la lettre à l’ambassade du Japon à Paris. On lit à cet endroit des Mémoires inédits : « Oui, je me rends compte à présent : c’était en effet émouvant. Mais quelle naïveté ! à faire pleurer le plus naïf des imbéciles ! Naturellement, le gouvernement japonais n’a pas envoyé la flotte du Mikado, alors largement occupée à faire le blocus des ports chinois, pour défendre Djeddah et le wahhabisme.» 

Fort heureusement, le complot échoue. Le roi bédouin prend de vitesse les forces yéménites et les détruit. Bennabi jubile. Par contre, il est malheureux de constater à la lecture d’un article de Ben Badis sur le sujet dans « ach-Chihab » que celui-ci, au lieu de prendre position sur le fond du problème, s’est limité à déplorer l’effusion du sang de frères musulmans, « comme si le vénérable cheikh n’avait pas discerné la grandeur du conflit où s’opposaient l’effort spirituel et matériel de la renaissance islamique incarnée par la pensée wahhabite, et les forces de la décadence que représentait l’Imam Yahia, soutenu comme par hasard par les puissances colonialistes. (4).

Pour lui Ben Badis, en adressant indistinctement aux deux protagonistes ses reproches, réagissait émotionnellement alors qu’il aurait dû saisir les enjeux politiques en cause et s’engager. En fait, Bennabi ne vise pas Ben Badis en particulier, mais veut dénoncer cette tendance dans le monde musulman à faire prévaloir dans la considération des événements la psychologie émotive sur l’analyse objective. 

Il écrira plus tard dans « Vocation de l’Islam » (1954) à l’occasion d’événements similaires : « Tout récemment, à la suite des trois coups d’Etat qui s’étaient succédé en Syrie, la presse arabe n’a fait que déplorer l’état d’instabilité de la jeune république syrienne (il s’agit des trois coups d’Etat de Zaïm, de Hannaoui et de Chichakli en 1949). Aucun correspondant de presse n’a essayé de pénétrer le sens profond des événements. On aurait pu pourtant se rendre compte que le Foreign Office ne menait plus le jeu à sa guise dans le monde arabe. Le colonel Zaïm s’était installé à son insu et son propre homme de paille, le colonel Al-Hannaoui, avait été chassé sans pouvoir parer le coup. Le coup d’Etat du colonel Chichakli prouvait à son tour que le monde arabe sait désormais mener techniquement une action politique et prendre en défaut cet organisme si bien organisé qu’est l’Intelligence Service : c’est cela l’aspect essentiel de la question, et non pas l’instabilité d’un Etat qui vient seulement de naître ».

Une délégation parlementaire « indigène » conduite par Bendjelloul ayant annoncé son intention de se rendre à Paris pour présenter les « revendications du peuple algérien », le gouvernement français annonce qu’il ne la recevra pas. En réaction, tous les élus algériens décident de remettre leurs mandats. 

Pour Bennabi, cette démission – acte collectif par excellence – est une véritable révolution. Il y voit un signe des nouveaux temps, mais le mouvement fait long feu. Après quelques menaces proférées par le préfet de Constantine, la « Fédération des élus » fait marche arrière et se retourne même contre les récalcitrants. Bennabi en est atterré.  

Sa hargne contre les « intellectomanes » reprend de plus belle, à la mesure de sa déception car pour lui « c’était le premier acte politique d’une certaine ampleur qui avait lieu en Algérie. Mais les chefs étaient-ils des hommes à tirer profit de ces circonstances inespérées qui montraient combien le peuple algérien est là quand on fait appel à son sentiment de l’honneur ? » C’est à partir de là que ses malentendus avec Larbi Tebessi qui s’est rangé à Tébessa du côté des « Elus » vont commencer. Ses relations avec les Oulamas vont devenir de plus en plus difficiles. 

Ce qu’il partage avec eux, c’est l’idée que l’islam est le principal levier de la psychologie algérienne. C’est ainsi qu’il voit l’ « Islah » : non pas une littérature ou un discours d’exhortation à davantage de dévotion, mais un mode opératoire pour sortir les Algériens du fatalisme et leur inculquer le sens collectif qui en ferait les éléments conscients et efficaces d’une résurrection civilisationnelle. 

Le jour où il avait rencontré pour la première fois Ben Badis en 1928 pour lui parler de problèmes concrets, comme celui des terres de la région d’Aflou encore préservées de la colonisation, il s’était étonné de l’indifférence avec laquelle l’avait écouté le cheikh qui ne voyait pas le rapport entre la question et l’ « Islah ». Bennabi en était sorti profondément affecté : bien sûr qu’il y avait un rapport ! Bien sûr que l’ « Islah » ne devait avoir pour but que celui d’agir sur le réel, de se préoccuper des problèmes pratiques qui se posaient au quotidien, comme celui du statut du sol, de la préservation des terres « arch » (terres collectives) ou de la lutte contre la progression du désert ! 

C’est cette différence de vue sur la manière de prendre en charge la problématique de la renaissance qui est à l’origine de ses mésententes perpétuelles avec l’ensemble des animateurs du mouvement national (Oulamas, Fédération des élus, Etoile nord-africaine, Communistes…) : « Je voyais les problèmes sous l’angle d’une civilisation, alors qu’eux les voyaient sous l’angle politique ». Il durcira plus tard son langage et précisera que ce que ces derniers croient être de la « politique », n’est en réalité que de la « boulitique », une démagogie creuse, un revendiquisme stérile, une mystification des citoyens… 

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Il aura les mots les moins indulgents envers les leaders des différents courants du mouvement national, y compris les Oulamas dont il se sent pourtant proche. Moralement seulement, car sur le plan intellectuel il se retrouve de moins en moins dans leurs analyses et leurs méthodes : « Ils voulaient réformer avec les moyens de la rhétorique arabe ; ils voulaient mener une réforme de grammairiensL’essentiel du drame séculaire de l’islam leur échappait totalement. (5). Par contre, il surmontera très difficilement les préventions que lui inspirent les « modernistes », les « civilisés », les «intellectomanes ». Les uns et les autres le lui rendront bien le moment venu.

Bennabi assiste aux conférences que donne de temps à autre Massignon à l’UCJG ou à la Mutualité. Il écrit dans ses Mémoires inédits en pensant à ce dernier : « Mes jugements qui ne portaient pas sur les formes mais sur le fond des choses devaient me donner pour l’esprit le plus dangereux qui se soit manifesté chez un « Indigène » de l’Afrique du Nord ». 

Rassuré sur la tournure des évènements internationaux en ce qui concerne l’islam, il replonge dans les équations et les graphiques. Sa mère lui demande par courrier d’envoyer sa femme auprès d’elle à Tébessa. Il défère à ses souhaits. A la fin de l’année universitaire, il se hâte de les rejoindre mais là, dès la descente du train, il apprend le décès de sa mère. Son ciel s’obscurcit. Il connaît un véritable effondrement tant il lui était attaché.  Son père n’est plus que l’ombre de lui-même, accablé par la perte de sa femme et l’oisiveté à laquelle le condamnait l’administration coloniale. Ces vacances sont particulièrement douloureuses pour Bennabi.  

Comme si cela ne suffisait pas, un incident provoqué par un israélite qui a uriné contre le mur d’une mosquée à Constantine déclenche des affrontements entre Algériens et Juifs le 05 août 1934. Ceux-ci se propagent à Tébessa où Bennabi s’interpose entre les deux communautés, allant jusqu’à organiser avec des amis un dispositif de sécurité autour des demeures juives pour les sauver de la vindicte populaire : « Nous nous opposâmes à Tébessa à ce que la minorité juive subisse le moindre dommage. La nuit, nous faisions même une garde sous le balcon d’un certain Moraly que nous pensions être le plus susceptible d’attirer une vendetta. L’imam de la ville fut sublime, rassurant jusqu’à sa porte un malheureux Juif attaqué par un voyou… Le cheikh Ben Badis fut durant ces pénibles événements d’un sublime courage, d’une parfaite dignité. » 

Le bilan de ces affrontements différera d’une source à l’autre, même parmi les historiens juifs. C’est ainsi que selon Benjamin Stora (6) il y aurait eu 22 morts parmi les Juifs et 21 parmi les Algériens, tandis que selon R. Ayoun et B. Cohen (7) il y aurait eu 25 morts du côté juif et trois du côté musulman. Selon Ahmad Mahsas, il y aurait 23 morts juifs et 4 musulmans (8).

Pendant ces mêmes vacances, Bennabi fait la connaissance d’un jeune Tébessien qui vient de terminer ses études secondaires et se prépare à aller faire sa médecine à la faculté de Toulouse : c’est Abdelaziz Khaldi (1917-1972), l’ami qui ne le quittera depuis lors qu’à sa mort. 

Khaldi est alors sous l’influence gauchiste d’un de ses professeurs. Pour l’en libérer, Bennabi lui donne à lire « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche. Se rappelant de cette circonstance, il écrit non sans humour dans ses Mémoires inédits : « Ce qui est à noter comme esprit de l’époque, c’est cette conscience d’une responsabilité collective vis-à-vis de chaque citoyen… Bref, il y avait à Tébessa une brebis égarée, le futur docteur Khaldi. C’est Nietzsche qui se chargea de la rabattre sur le troupeau qui avait en la personne de cheikh Larbi Tébessi son bon pâtre. » Khaldi deviendra tout simplement bennabiste. 

L’été tire à sa fin et le couple doit rentrer par bateau en France à partir de Skikda. Sur son chemin, Bennabi décide de s’arrêter à Constantine pour voir le Dr. Bendjelloul et Ferhat Abbas. La rencontre se passe mal. Il s’en va ruminant de noires pensées sur ces partisans de l’assimilation. Au cours de la traversée, le bateau essuie une violente tempête qui manque de le couler. Bennabi regrette secrètement que la mer ne l’ait pas englouti. 

A la reprise des études, il décide de s’inscrire à des cours par correspondance à l’Ecole des travaux publics. C’était en rapport avec son projet de s’installer au Hedjaz où il pourrait, espère-t-il, s’occuper du réseau routier du jeune Etat. Il aborde mal l’année scolaire car il est en pleine déprime. C’est alors que le couple décide de quitter Paris et de s’installer à Dreux.

Massignon publie « la Passion d’al-Hallaj », la thèse de doctorat qu’il a soutenue en 1922 et qu’il a dédiée à Charles de Foucauld, le missionnaire français qui s’est établi à Tamanrasset pour convertir les Touaregs. La guerre d’Espagne éclate. Mussolini envahit l’Ethiopie. Hamouda Ben Saï est à la merci de Massignon pour sa thèse. Les étudiants tunisiens et marocains de l’AEMAN rentrent dans leurs pays, diplôme en poche.                      

A suivre …

NOTES :

1 Cf. C.R.Ageron :  « Politiques coloniales au Maghreb », Ed. PUF, Paris 1972.

2 « Révolution africaine » du 25 septembre 1965.

3 « Universalité de la non-violence », « La République Algérienne » du 18 décembre 1953.

4 Cf. « Vocation de l’islam ».

5 Hamouda Ben Saï avait par contre une relation très affectueuse avec les Oulamas, surtout avec le cheikh Ben Badis dont il rapporte dans « Au service de ma foi » combien il aimait suivre ses cours à la mosquée, lire ses journaux et lui rendre visite à son bureau, rue Alexis Lambert, à Constantine, pour lui poser des questions. Il écrit : « Un jour, ayant écrit une longue réplique à un article de Mohamed Zerkine, chirurgien-dentiste et conseiller municipal à Constantine, je fis une critique serrée de la « politique d’assimilation ». Je la portais au cheikh qui la lut attentivement et dit à son secrétaire en faisant mon éloge : « Je ne croyais pas qu’il y avait dans notre jeunesse des esprits capables de penser aussi bien que ce jeune homme. » 

Là où Bennabi aurait explosé de colère, HSB se contente de penser : « Le cheikh, homme réfléchi et circonspect, estima que l’heure n’était pas favorable pour la publication d’une telle étude. Son éloge pour moi, car cette étude était mon premier écrit en langue arabe, me toucha profondément … Plus tard encore, en avril 1929, appelé comme rédacteur-traducteur au journal « An-Nadjah », je fis un long compte-rendu d’une conférence de l’écrivain Pierre Paraf sur « Le judaïsme dans la littérature française »… Fait inattendu dans le journalisme d’information en langue arabe, je fis de nombreuses observations témoignant d’une érudition sûre et d’un sens littéraire averti… Le Cheikh Ben Badis veut me voir en personne et me félicita chaudement. Il aimait la culture. Quelque temps plus tard, dénonçant la politique électorale faite de mensonge et de maquignonnage, je rédigeai un long article sous ce titre frappant : « Mirage de la politique et appel à la bonne direction du Coran ». Il eut du retentissement… Le cheikh Ben Badis de nouveau vint me voir. Son visage était rayonnant. J’avais traduit de façon saisissante ses propres pensées intimes… Un jour, causant avec le cheikh dans son bureau (car j’allais souvent le voir), je lui parlai de Beethoven. Il me dit qu’il le connaissait. Je lui parlai également de Socrate. Il me dit : « C’est le maître des sages !» … Sous son apparence de cheikh confiné dans les études religieuses, il avait des vues très larges. Il était de la classe des grands humanistes d’Occident… »        

6 Cf. « Histoire de l’Algérie coloniale », Ed. Rahma, Alger 1996. Dans le livre co-écrit avec Z.Daoud, « Ferhat Abbas, une autre Algérie » (op. Cité), il donne un bilan quelque peu différent du précédent : « 23 morts juifs, 3 musulmans et 81 blessés ». Huit ans plus tard, Stora reviendra sur ce bilan, écrivant dans un article sur l’Algérie : « Ce jour-là, un pogrom a déferlé sur Constantine et ses environs, sans intervention de la police ou de l’armée. On relève 27 morts, dont 25 Juifs, et parmi eux 5 enfants, 6 femmes et 14 hommes » (Cf. « Le Monde » du 07 juillet 2004). 

7 R. Ayoun et B. Cohen : « Les Juifs d’Algérie : 2000 ans d’histoire », Ed. Casbah, Alger 1994.

8 Cf. Ahmad Mahsas : « Le mouvement révolutionnaire en Algérie », Ed. Barkat, Alger 1990.                                                              

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