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Islamophobie, musulmanophobie et religiophobie : la terminologie au cœur du débat

« Ce soir ou jamais »  l’émission  présenté par Frédéric Taddéi offre assez souvent des débats d’un niveau très au-dessus de la moyenne. Les thèmes d’actualité y sont visités, commentés et débattus avec  une certaine pertinence et impertinence des invités. Mardi 20 octobre, l’émission qui s’interrogeait   sur « l’islamophobie » en France a tenu ses promesses.  En effet, elle a mis en lumière une terminologie riche : islamophobie, musulmanophobie et religiophobie. Mais que signifie-t-elle dans la bouche de ces protagonistes ?

L’Islamophobie est récusée au profit de la religiophobie

Durant cette émission, l’écrivain Pierre Jourde récuse le concept d’islamophobie (peur, rejet, voire hostilité de l’islam),  car trop souvent convoqué,  il représente selon lui un « abus de langage » même s’il reconnaît chez des personnes "peut-être un rejet viscéral de l’islam." D’autre part, pour le journaliste Jean François Kahn "c’est inapproprié et extrêmement dangereux."

Selon Kahn, de tout temps la religion (le christianisme et le judaïsme) et  pas seulement de l’islam a été la cible des critiques  Et comme des grands personnages, comme Voltaire, Hugo et Clémenceau se sont essayés, il faut plutôt parler de religiophobie (peur, rejet hostilité des religions).  A travers ces propos, on est ici en présence d’un exercice intellectuel visant à minimiser, voire noyer l’islamophobie dans le concert critique des religions. Faut-il rappeler à  ces deux invités que les actes religiophobes  en France concernent de plus en plus l’islam ?

Selon le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France), 262 actes délictueux islamophobes  ont été commis en 2011 contre des lieux religieux (mosquées) ou des personnes de confession musulmane (dont 84.7% sont des femmes).

La Musulmanophobie  existe et non l’islamophobie

Une des invités, Anne-Marie Delcambre, ancienne professeure d’arabe après avoir reconnue l’existence d’une « musulmanophobie » (peur et rejet des musulmans), où «  certains excités ont la phobie des musulmans », déclare explicitement que « l’islam n’est pas une religion de paix, l’islam est née à l’ombre des épées ». Par la suite elle dit préférer le terme «  musulman modéré » au terme « d’islam modéré »  Qu’entend t-elle par là ? On a du mal à suivre.  Y aurait-il des musulmans victimes (de la peur et du rejet de leur religion) et une religion, l’islam, coupable de tous les maux ? Mais ces musulmans modérés se réfèrent à l’islam.  Non ?

Par ailleurs, elle ajoute  que « l’islam est prosélyte et communautaire » et cite ce verset du Coran (Sourate 3, verset 110) à plusieurs reprises : « Vous êtes la meilleure communauté surgie entre les hommes ». Cette traduction formulée par cette dame dépeint l’islam comme une religion hégémonique et ostentatoire. Or, il semble que Mme Delcambre commet une faute (sans doute volontaire pour charger cette religion) de traduction car elle traduit le mot « li » (pour)  en  arabe  par «  bayna » (entre).  Ainsi le verset reconstitué donne cela : « Vous êtes la meilleure communauté sortie pour les hommes » et non « entre » les hommes. Cela change tout !  Ce verset demande aux musulmans de donner le meilleur de soi à  tous les hommes  et n’invite pas à la hiérarchie.

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L’islamophobie,  c’est la peur des islamistes ou des revendications religieuses ?

L’actrice Véronique Genest en affirmant que« l’islamophobie, c’est pas la haine du pratiquant ou de la religion en elle-même, mais la peur de cet islam totalement idéologique  politico-social, conquérant … dans le domaine public », pointe du doigt l’islamisme radical (le salafisme). Mais alors pourquoi employer le mot d’islamophobie ? Ne devrait-on pas dans un débat aussi pointu en terminologie le substituer et lui préférer le mot « islamistophobie » (peur, rejet voire hostilité des islamistes) plus proche de ce qu’elle dit ?

Certainement pas,  car  quelques minutes après,  elle déclare devant le géopolitologue Pascal Boniface médusé que les musulmans imposent en permanence leur religion et que «  le voile qu’on le veuille ou non … c’est le début de l’intégrisme ». Genest opère un glissement dangereux,  car elle fait des revendications religieuses des musulmans (somme toute normale dans une démocratie) des revendications idéologiques. La terminologie « islamistophobie » est peu probable dans ce type de débat ni même ailleurs, car elle rejetterait la faute non pas sur l’Islam en tant que religion mais sur quelques illuminés, littéralistes et incultes.

L’Occident et les musulmans du monde sont coresponsables de l’islamophobie

Pour le philosophe Bidar, la responsabilité de l’islamophobie est partagée. L’Occident projette une image de l’islam fantasmée  « entretenue …  récurrente véhiculant un islam agressif, formaliste, intolérant», tandis qu’«il y a une maladie de l’islam qui est traversée par des crises  et des immobilismes». Le géopolitologue Pascal Boniface y voit, lui, « la rançon du succès »à travers la visibilité et la participation à la vie sociale et économique des musulmans.

L’humoriste Yacine Benattar évoque « un fonds de commerce » médiatique en parlant de l’affaire Mérah et Charlie Hebdo. Enfin, l’omniprésence de l’islam dans certains quartiers populaires est analysée par des raisons socio-économiques. En effet,  le chômage deux à trois fois plus important dans ces endroits laisse place souvent à un repli identitaire et communautaire.

Si  tous les mots ont un sens et une importance,  l’émission « Ce soir ou jamais » en a recensé plusieurs sur la peur (ou rejet) de l’islam. L’islamophobie définit une responsabilité partagée dans le rejet. La religiophobie suggère un rejet minimisé, tandis que la musulmanophobie détourne le rejet vers le texte coranique.

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