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Zemmour, un énième livre pour rien ou pour le pire ?

« Les contemporains ne s’y méprennent pas qui ont parfaitement conscience d’entrer dans une époque nouvelle. « L’âge où nous entrons sera véritablement l’ERE DES FOULES », écrit Le Bon. »
Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche, éd. Folio Histoire.
« Quand on a accueilli le mal une première fois,
il n’exige plus que l’on croie en lui. »
Franz Kafka.
Le dernier livre d’Eric Zemmour, Un quinquennat pour rien, rencontre un vif succès de librairie. Ce dernier, sur tous les plateaux télé et à la radio est notamment repris sur la question de l’islam.
En effet, dès l’ouverture de son pamphlet, on est frappé par les titres qui nous donnent le ton : « La France au défi de l’islam », ou encore « Chroniques de la guerre de civilisation ».
En réalité le bilan du quinquennat du président François Hollande n’est que pur prétexte.
Subsiste cette obsession de l’Islam et des musulmans, toujours en arrière fond même lorsqu’il semble parler d’autre chose.
Il est interressant de se pencher sur les livres de Zemmour pour comprendre les ressorts de ce phénomène, qu’il appelle la voix du peuple, et le fil conducteur d’une pensée qui loin d’être originale raisonne comme un vieux refrain d’années sombres et tragiques de l’Histoire de France, et de l’Europe.
Sans en faire une analyse détaillée, à cause du format imposé par l’article, on essaiera toutefois d’en retirer l’essence de son idéologie selon quatre axes de reflexion :

  • En introduction, Une obsession Zemmourienne…
  • Une masse fantasmée d’envahisseurs.
  • La laïcité prise en otage : un débat franco-français.
  • Un contexte politico économique.
  • La concurrence des surmoi ou des ego.
  • Conclusion.

Une obsession Zemmourienne…

Eric Zemmour l’oublie souvent, lui qui a chauffé les bancs de Sciences Po. De par le passé, la question du terrorisme avait souvent des accents de radicalisation politique contre l’ordre établi que ce soit en Europe, ou de revendications tiers-mondistes d’auto-détermination, d’indépendance, de résistance contre l’occupant, le tout mâtiné d’idéologie marxiste ou de mythe national ; et ce n’est que plus récemment qu’elle a pris des relents de  guerre « des civilisations », de guerre identitaire, de guerre des valeurs (Radicalisations, Manière de voir, Le Monde Diplomatique, Février Mars 2017, N°151).
Au point où, Zemmour jouant sur la confusion, affirme que « le FLN avait appelé son journal Al-Moujahid (Le résistant), voilà une preuve de la filiation avec les Djihadistes terroristes d’aujourd’hui ! »
Zemmour le dit souvent sur les plateaux, « je remercie la France de m’avoir colonisé ». Il est même à deux doigts de demander le rétablissement du code de l’Indigénat. Il suffit de le lire dans le premier sexe, pour y voir encore et encore ce ton nostalgique : « du bon temps des colonies ».
Or, ce qu’il ne dit pas. C’est que depuis les attentats des années 80, liés à la tragique réalité palestinienne, puis les années 90  et la crise algérienne, les médias ont souvent à l’égard des populations musulmanes balancé entre la suspicion, si ce n’est du mépris, voire une compassion paternaliste pour tous ceux qui témoignaient contre cette barbarie, victimes du GIA jusqu’aux tournantes dans une cave de cité. Cela était considéré comme faisant parti du même monde (un monde obscur et fascinant) de la même culture (héritage d’un imaginaire d’orientalistes entre tyrannie et sensualité exotique), de la même violence sourde, sauvage et irrationnelle attribuée à l’autre, le « musulman médiatique et irrationnel ». Souvent ces victimes ou héros de l’enfer islamiste étaient recyclés dans des associations comme SOS racisme ou Ni Putes Ni Soumises, ou récupérés médiatiquement avec à la clé un livre témoignage, écrit le plus souvent par un nègre. Non pas le pauvre nègre des champs de coton, mais l’écrivain professionnel qui écrit pour les autres, notamment les déboires d’une beurette sexy et exotique, comme ces tableaux d’odalisques lascives et à moitié dénudées de Delacroix. Comme si la majorité des victimes n’était pas avant tout musulmane, sans vouloir systématiquement servir de projection aux fantasmes du beau « chevalier blanc », la sauvant de ces hordes sauvages. Comme si le tableau était aussi simple et aussi manichéen : nous les gentils et eux les méchants.
Déjà à l’époque on enjoignait les musulmans de France d’afficher leur réprobation, comme si cette violence était tacitement admise par eux, voire culturelle.
Et pourtant, c’était encore l’époque des discours et des volontés politiques d’intégration, voire d’assimilation : années Mitterrandiennes ou Chiraquiennes. L’époque de ces beurs que l’on trouvait sympathiques, dignes de recul critique à l’égard de leurs origines, de leur culture, de cet islamisme politique voire radical.
D’ailleurs Zemmour écrit dans le premier sexe, éd. Denoël : « Il y a une rencontre sociologique au cœur des grandes villes (européennes), entre homosexuels, militants ou pas, et femmes modernes, pour la plupart célibataires ou divorcées. Le cœur de cible de ce fameux électorat bobo. Mêmes revenus, même mode de vie, même idéologie « moderniste », « tolérante », multiculturelle. »
Voilà le cauchemar pour Zemmour. Il veut une conception du monde qui repose sur « la distinction, dans tous les sens du terme. » Distinguer l’indigène et l’étranger, le pur et l’impur. Ces histoires de pureté, ça rappelle quand même de mauvais souvenirs.
Puis, ce qui arrange sûrement Zemmour, devant l’échec des politiques d’intégration liées à des réalités structurelles de discrimination (Enquêtes IFOP, INSEE), a succédé l’époque de la résignation, celle des discours sur le communautarisme, voire le multiculturalisme… jusqu’à l’émeute des banlieues en 2005 et la déception des « printemps arabes », et l’avènement du terrorisme à l’échelle nationale (Merah, Charlie, Bataclan). Comme si le problème était nouveau et inexplicable, comme une conception ex-nihilo, ou plutôt explicative qu’à la lecture du Coran incréé (sic, Zemmour). On était encore loin d’imaginer qu’il existerait un jour le profil de Djihadistes français de souche, et de toutes catégories sociales. Loin d’imaginer qu’à l’heure de la mondialisation, même le terrorisme avait évolué en réseaux, et qu’il s’était délocalisé en cellules, voire engendré une économie de marché.
« Le secteur du terrorisme et du contre-terrorisme emploie plus que le secteur de l’automobile ! Il n’est plus un dysfonctionnement du système capitaliste et libéral, il en est devenu un rouage essentiel de notre système », selon Richard Labévière (Terrorisme Face cachée de la mondialisation, éd. Pierre Guillaume de Roux).
Laxisme crieront les uns, hypocrisie et instrumentalisation assèneront les autres : plus de quarante ans que ça dure !
Pendant ce temps, les débats sur « les effets positifs de la colonisation » ou encore l’apparition de films comme Indigènes ou Hors la loi, présageaient enfin un apaisement des mémoires et une issue pleine d’espoir quant au vivre ensemble. C’était sans compter sur le maintien de ghettos de délinquance et d’une mode cinématographique et musicale de Bad Boys nourris au Gangsta Rap et amateurs de braquage à l’italienne, allant se repentir à la Mosquée comme ces mafieux pliant le genou devant le crucifix (Pas pour rien que cette jeunesse soit fan du Parain de Scorcese ou encore de Scarface ou enfin des Sopranos, entres autres, bien avant Breaking Bad, ou qu’ils soient plus attirés par le Rap de JUL ou de Booba ou de Kaaris plutôt que le Rap conscient d’IAM ou de Kerry James ou encore de Médine).
Patatras ! Voilà que les chantres de l’identité, Renaud Camus, Richard Millet, Robert Ménard, De Villiers, Eric Zemmour, nous resservent de la vieille soupe… en se positionnant comme experts de l’islam, ou de la réalité sociologique des français musulmans, en nous faisant même de l’exégèse du Coran en direct à la radio ou à la télé (Zemmour), en se positionnant comme nouveaux muftis es docteurs en islamologie et spécialistes de la signification des Mots en langue arabe ? Mots, pour reprendre Pierre Bourdieu, qui s’inscrivent dans une réalité de violence symbolique, de classes sociales, de rapport de domination. Ces mêmes mots tels que Islam, Djihad, Charia, Salaf, qui ont été dévoyé de leur sens originel et à qui l’on a donné une acception fausse, voire criminelle. Tant pis pour le capital culturel. Mais dans une guerre idéologique, la guerre des mots compte bien plus qu’une simple guerre conventionnelle, surtout lorsque l’attirail médiatique fait tout pour propager la propagande des dominants, notamment l’ordre ultra-libéral et néo-conservateur, à renforts de révisionnisme historique (Zemmour, Shmuel Trigano), voire de citations de personnalités mythiques qui ont lutté contre les idées de Vichy (spécialité de Sarkozy et de Zemmour) tout en surfant sur la lepénisation des esprits. D’autant plus, dans un climat d’attentats barbares suscitant de fortes charges émotionnelles, qu’attendre de mieux ? Du nettoyage au Karcher de Sarkozy, au nettoyage des banlieues tout court, via « l’opération ronce » de Zemmour.
On sait très bien ce que cet appel au populisme a suscité de par le passé. (Pierre-Louis Basse, La tentation du pire, l’extrême droite en France de 1880 à nos jours, éd. Hugo Image)
Paradoxalement, même si ces nouveaux hérauts de « l’identité menacée » (Renaud Camus, Zemmour, Millet) en appellent à la légitime souveraineté de la France, ils gardent une profonde nostalgie de « la grandeur » de l’époque napoléonienne et de l’Algérie Française : âge d’or de la francophonie et de la colonisation. Lorsque la France « brillait » à travers le monde.
Or, depuis la constitution d’une Europe économique oligarchique, avec une poignée de PDG et de banques regroupant plus de richesses que les millions de citoyens européens et de milliards d’habitants à travers le monde ; voilà que reviennent des discours comme ceux de Zemmour, dignes d’un Edouard Drumont fustigeant non pas la « judaïsation de la France », mais « une islamisation de la France », à renforts de Grand Remplacement, de Changement de peuple, et de chroniques de la guerre de civilisations (Camus, Zemmour, Millet).
Le ministère de l’Identité Nationale mis en place par Sarkozy en garde une large responsabilité : celle d’un discours nationaliste voire xénophobe décomplexé. Depuis, les politiciens, les journalistes, les intellectuels, se lâchent, à l’instar de Robert Ménard qui était passé de Médecins sans frontières à facho sans frontières. (Cf, Gérard Noiriel, Racisme : la responsabilité des élites, éd. Textuel ; ou Pierre Tevanian, Le racisme républicain, Réflexion sur le modèle français de discriminations, éd. L’esprit Frappeur)
Comment sommes-nous passés du fameux discours De Villepin qui lors de l’assemblée à L’ONU face à Colin Powell, s’était opposé à l’intervention de la France aux côté de Bush dans la deuxième guerre du Golfe en 2003, à celle du va-t-en guerre qu’on a connu sous le mandat de Sarkozy (BHL) et de François Hollande ? Avec comme symptôme une banalisation du discours du Front National, à travers les élites politiques, et certains pseudos intellectuels tels qu’Eric Zemmour, et d’autres élites prônant la lutte contre le « totalitarisme islamique » (François Fillon), seule marge de manœuvre idéologique dans une Europe dominée par la Finance. Sans oublier que les premières victimes de DAESH à travers le monde sont à majorité musulmane (récemment les attentats à Istanbul).
Loin de la tour de Babel biblique, avatar de la mondialisation et du multiculturalisme, où les langues et les peuples se croisent et se rencontrent sans frontières en dignes descendants de Banu (fils d’) Adam, jamais la peur de l’autre et la peur de soi n’aura été aussi grande, entre stupéfaction et incompréhension ; jusqu’à traiter d’islamogauchistes tous ceux qui oseraient « collaborer » avec l’ennemi intérieur, parce que donnant des clés de compréhension fidèles aux explications et aux grilles de lecture des spécialistes en déconstructions des idéologies, têtes de fil du tiers-mondisme ou de l’anticolonialisme de gauche dignes des heures de gloire de Jean-Paul Sartre, d’Albert Memmi, et de Jean Daniel, et de bien d’autres encore. Toute cette clique de sociologues, de politologues, d’intellectuels objectifs, qui passent pour des « traitres » d’islamo-gauchiste (Cf, L’Express, n°3390, 22 au 28 juin 2016 ; Le J’accuse de Gilles Kepel, Nouvel Obs, n°2713, novembre 2016).
Fini les espoirs de mai 68, fini les années Mitterrandienne d’intégration ; aujourd’hui, on nous dit, on décrète que la machine à assimiler et à intégrer est cassée ! Pour les nouveaux migrants, il n’y a plus rien à voir, circulez ! Zemmour demande même à supprimer les droits de l’Homme ! (sic). Rien n’est moins sûr, ou peut-être est-ce ce trop de visibilité de populations de Blackos et de Beurs (pour reprendre le langage de Valls en off) au détriment des Blancos, qui dérange ?
Aussi, pourquoi Zemmour fait-il l’impasse intellectuelle, au niveau international, sur cet aspect de la dimension géopolitique et géostratégique, des jeux de rivalités entre grandes puissances, comme si toutes les causes et les évènements politiques dans le monde arabe et en Afrique, et les répercussions en Europe, ne pouvaient s’expliquer que par le Coran ?
A l’heure de la crainte des « territoires perdus de la Républiques » comme viviers de potentiels terroristes ou ennemis intimes, de la déception des « printemps arabes », du bourbier irako-syrien, comment ne pas faire le lien avec les décisions politiques et militaires des néoconservateurs américains, et des va-t-en guerre actuels ? Ou le soutien (ventes d’armes) et l’alliance avec l’Arabie Saoudite, nous impliquant indirectement dans le drame que vit le Yemen aujourd’hui ? Sans parler rétrospectivement de la guerre Iran Irak depuis Saddam, et de l’instrumentalisation des tensions entre chiites et sunnites, ou celle plus sournoise de la guerre au Liban entre chrétiens phalangistes et chrétiens antisionistes.
Pourquoi Zemmour préfère-t-il essentialiser la question de l’islam et des musulmans de France, plutôt que d’y voir de la complexité politique, économique, sociale et surtout historique ? Des choix, de la part des puissances occidentales, souvent mus par des intérêts nationaux au détriment  du bon sens et de la stabilité.
C’est pour cela qu’il est plus qu’urgent d’avoir une vision macro-systémique, globale, et non plus être focalisé sur notre nombril. Il en va de la paix de l’Humanité.
Dès lors, on peut comprendre les crispations autour de la question identitaire, et la prise d’otage idéologique autour de la question de la laïcité, surtout si l’on comprend les puissances impériales en jeu à l’échelle mondiale, guerre économique qui ne dit pas son nom… comment ne pas comprendre aussi la mystification de ces hordes d’envahisseurs (souvent des réfugiés politiques ou des immigrés économiques), et la concurrence des Surmoi ou du Surhomme qu’invoque chaque exalté nationaliste ou fanatique intégriste au nom de sa mythologie ?
En effet, Fukuyama avait prédit la fin de l’Histoire et Huntington le choc des civilisations… et si cela n’était que le dernier soubresaut de la civilisation matérialiste occidentale devant la crise écologique sans précédent, et l’amenuisement des matières premières ? Modernité qui a touché tous les peuples toutes les cultures, via le consumérisme et la marchandisation, ne l’oublions pas. (Cf, Hervé Juvin, Gilles Lipovetsky, L’Occident Mondialisé, controverse sur la culture planétaire, éd. Grasset ; ou encore Jean-Claude Guillebaud, Le commencement d’un monde, vers une modernité métisse, éd. Point)
Hélas, depuis la démocratie grecque ou depuis la révolution française, les républiques se sont succédé, alternant avec les Empires et les moments de Terreur, comme ces épisodes de Star Wars si chers aux cinéphiles. Mais la figure du Darth Vador a toujours fait planer des réalités sociales, sécuritaires, liberticides, moins sympathiques que la séance de cinéma où l’on paie pour se distraire, et moins pour se faire peur. Malheureusement, l’instant est grave, très grave pour le prendre à la légère. Plus qu’un Quinquénnat pour rien, le livre d’Eric Zemmour révèle une tendance nationaliste, xénophobe, islamophobe, peut-être une simple curiosité pour ceux qui ne sont pas d’accord avec lui mais qui le lisent, et qui espérons-le ne sera qu’un livre pour rien, plutôt qu’un livre pour le pire.

Une masse fantasmée d’envahisseurs

Cet extrait n’est pas la critique du livre de Zemmour, mais elle lui va si bien :
« Il y a beaucoup de choses dans cette France juive (islamisation de la France sous la plume de Zemmour), tant de choses, et si diverses, et dont on voit si peu les liaisons entre elles que l’on eût bien pu se méprendre aux vraies intentions de l’auteur, si lui-même, dans sa préface et surtout dans sa conclusion, avec une singulière et sereine audace de fanatisme, ne les eût que trop nettement accusées. (…) il est question de tout, mais il ne s’agit que des juifs (ici des musulmans). Si la France de M. Grévy, comme d’ailleurs tout le monde en convient, ne ressemble guère à celle de Louis XIV et encore moins à celle de Saint Louis, la faute, ou plutôt le crime, en est donc aux juifs (ici aux musulmans) ; si nous aimons l’argent beaucoup plus que l’honneur et presque autant que la vie, (…) c’est aux juifs qu’il faut nous en prendre ; coupables de tout ce qu’ils font, les juifs (ici les musulmans)le sont également de ce qu’ils ne font pas, mais qu’ils nous font faire : l’expédition du Tonkin, ou la Révolution française, ou le pamphlet même de monsieur Drumont (ici monsieur Zemmour), que M. Drumont, en effet, n’aurait pas écrit si les juifs n’existaient pas ; et, de jour en jour plus nombreux, plus puissants, plus riches _surtout plus riches (l’argument du Grand Remplacement contre les musulmans ou des Qataris qui rachètent des biens et des entreprises en France), les juifs réduiront enfin le chrétien à la glèbe pour peu que le chrétien tarde encore à « supprimer » les juifs (tout comme Zemmour qui préconise le nettoyage des banlieues par l’armée !!) : voilà bien si je ne me trompe, tout le livre de M. Drumont (ici, Zemmour). »
Cette introduction de F. Brunetière, extrait de la revue litteraire, critique de la France juived’Edouard Drumont 1886, n’a pas perdu de son actualité et de sa pertinence. Il y a même une troublante résonnance dans les écrits et les discours d’Eric Zemmour et de son pamphlet Un quiquénnat pour rien,qui dès l’ouverture du livre, nous dévoile ses vraies intentions et sa véritable obsession : l’islam et les musulmans, sans pour autant nous donner des éléments convaincants de compréhension : si ce n’est des caricatures ou des clichés poussant à l’essentialisme (Ce qu’Eric Naulleau n’a de cesse de lui reprocher).
Quand on lit le livre de Zemmour, un Quinquénnat pour rien, on a l’impression que l’on est à la solde d’une invasion barbare appelée indistinctement Les Musulmans, qu’il n’existe plus d’Etat de droit, que ne subsiste qu’une classe politique trop laxiste trop lâche et trop respectueuse des droits de l’Homme. Comme autrefois lorsqu’on stigmatisait Les Juifs. Oui, Zemmour n’aime pas le slogan de Marine Le Pen « La France apaisée », il lui préfère celui de « Au nom du peuple ». Il le regrette, en citant le credo du patriarche « « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne »Ce credo, écrit Zemmour,  est encore celui de Jean-Marie Le Pen et de sa petite fille, Marion. Mais ni l’un ni l’autre n’ont en main l’appareil du FN. En revanche, cette logique identitaire n’est plus celle de Florian Philippot et de son élève docile, Marine Le Pen »

On sent son profond regret.

Il explique même (sic), « Une « France apaisée » si chère au Front National répond en un troublant écho à la politique d’ « apaisement » de Chamberlain face à Hitler. » Comparatisme historique pour le moins troublant, surtout de la part de quelqu’un qui se vante d’avoir fait Sciences Po. Retournement de situation, les populistes doivent réagir selon Zemmour, pour ne pas devenir des victimes, voire des « collabos » non plus du nazisme, mais de l’islamisation de la France ! Il devrait lire La seule exactitude de Finkielkrault qui se refuse à de telles comparaisons avec cette période des années 30, pour d’autres raisons. En effet, Finkielkraut a raison de dire qu’il n’y avait pas de Djihadistes dans les années 30 et que l’on ne peut pas comparer la situation des juifs, mais pour reprendre la seule exactitude, titre de son livre, les juifs ne subissaient pas des interventions militaires occidentales au Moyen Orient et en Afrique, tout cela parce que le hasard géographique a voulu que la cartographie du terrorisme correspond à la cartographie des zones riches en pétrole et matières premières.
Or, ce que Zemmour feint d’ignorer, c’est que la crise identitaire que lui et ses amis (Renaud Camus, De Villiers, Ménard) dénoncent, cette identité malheureuse (Finkielkraut), est un phénomène mondial lié à la modernité. L’occidentalisation des modes de vie, et le consumérisme effrénés ont fait plus de dégâts à l’égard des cultures que ne l’a fait le salafisme le plus piétiste : on retrouve des indiens d’Amazonie ou des indigènes de Papouasie arborant des Teeshirt à l’effigie de Coca Cola ou de Big Brother. Le salafisme n’est qu’une réaction ostentatoire face aux effets de la modernité : acculturation, perte des valeurs, individualisme, etc.
J’avais d’ailleurs écrit un article sur Oumma.com pour évoquer cette réalité, publié le 9 avril 2012, intitulé De l’islam symbolique ou médiatique aux citoyens réels :
« Il y a une grande mauvaise foi ou ignorance chez ceux qui qualifient couramment de “communauté musulmane” des citoyens qui eux-mêmes ont des difficultés à se définir vu la diversité des opinions et la complexité sociologique: croyants, athées, agnostiques, cadres supérieurs, classes moyennes, couples mixtes, métisses… et de la même façon pour les musulmans qui se représentent comme tels. Celle-ci est un mythe, un fantasme qui est alimenté aussi bien par les franges islamophobes de la droite et de l’extrême droite que par les pratiquants qui sont tombés dans le piège de l’islam symbolique ou médiatique.
(…)
D’aucuns me diront « nos ennemis nous attaquent de toutes parts via leur mode de vie consumériste et ultra libéral », or il serait temps de se voir comme non plus issus d’un système traditionnel et patriarcal mais comme des produits de la modernité. En effet, l’emballage peut-être « traditionnel » ou « muslim wear », mais les comportements du Maghreb à Dubaï jusqu’en Indonésie sont les mêmes que le citoyens occidental lambda. Vouloir revenir à un modèle « mythique » et « idéalisé » du VIIème siècle alors que l’Arabie Saoudite elle-même est traversée par ses contradictions depuis sa constitution en État-Nation: entre modernité et ses effets pervers dont elle paie le prix (dépendante des pétrodollars au point d’accepter l’implantation de bases américaines sur son territoire), et modèle « idéal authentique »  à défaut de légitimité (Bani Saoud mis au pouvoir par les anglais, Cf Lawrence d’Arabie), ce qui explique pourquoi ils sont les premiers exportateurs de cette idéologie pseudo-salafiste où est privilégiée l’apparence au contenu : un islam symbolique ou médiatique dont les chaînes satellitaires nous font l’éloge à longueur de journées. »
Sans oublier les tensions nationalistes par ambassades interposées lors de la constitution du CFCM, entre le Maroc et l’Algérie sur fond de revendication d’indépendance du Polisario. Réalité qui donne des situations étranges, d’accords entre les mairies et des niches d’électeurs (technique du râteau pour favoriser tel ou tel élu, et telle ou telle communauté). Sans oublier les Mosquées Turques, comoriennes, africaines, qui représentent autant de langages que d’univers distincts, de diversité liée à une origine, à une culture, à une langue. Réalité que j’avais souligné dans mon article du 22 août 2012, Critique de la critique du concept d’islamophobie :
« À ce propos,  je peux faire part de mon expérience associative et politique dans la commune d’Avignon afin d’étayer ma réflexion. Avec l’association AJEA (Association Jeunesse Energie Avignonnaise) dont j’étais adhérent, qui était lors de sa création une structure citoyenne et laïque inscrite dans un programme d’espace d’affirmation des jeunes de quartiers sur les problématiques de revendications politiques, d’intégration, de lutte contre la discrimination, contre le chômage… ; il est intéressant de voir comment celle-ci s’est transformée en organisation communautaire et cela dans un jeu sournois des autorités qui fustigent officiellement le « communautarisme » mais qui l’entretiennent et l’encouragent officieusement ; toute cette instrumentalisation effectuée afin de bénéficier de voix électorales selon la supposée représentativité ou le poids sur le terrain qu’aurait cet organisme. »

La laïcité prise en otage : débat franco-français

A l’heure où l’on nous brandit la Laïcité comme valeur cardinale de notre démocratie et symbole de notre identité française judéo-chrétienne (Nadine Morano), comment ne pas avoir un sourire en coin ? Surtout lorsque l’on sait que cette même laïcité était décriée par la droite et l’extrême droite catholique (Pierre Birnbaum, Les fous de la République, éd. Points) et qu’elle était perçue et dénoncée comme une volonté de « judaïsation et de déchristianisation » de la société française. Cette même laïcité qui fût l’objet et l’est encore aujourd’hui, d’une lutte idéologique, et qui avait été le pretexte d’une montée de l’antisémitisme en France jusqu’au régime de Vichy.
A l’époque la figure du traitre était celle de Dreyfus, prototype du juif allemand, comme aujourd’hui l’est la figure du français musulman, suspecté et reconnu via son faciès (Cf, enquêtes sur les contrôles abusifs au faciès, et les discriminations à l’emploie et à l’embauche). Les fiches S ne peuvent que rappeler de terribles heures de l’Histoire. Mais comment faire autrement dans un climat de terrorisme et de guerre psychologique en Europe, et de bombardements massifs et réels en d’autres cieux du Levant et du Sahel ? Guerre civile larvée, qui cache une guerre économique qui ne dit pas son nom, mais que certains comme Zemmour appellent de leurs vœux.
Depuis quand des citoyens français musulmans ont-ils manifesté pour contester la laïcité ? Elle est la pierre angulaire et la garantie du vivre ensemble ! Même l’islamologue Tariq Ramadan la loue dans ses écrits comme un gage de neutralité, d’égalité et de vivre ensemble. Contrairement à ce qu’écrit Zemmour, qui apparemment n’a jamais lu aucun des livres de l’intellectuel suisse (il ne cite jamais Tariq Ramadan dans le texte), certainement un musulman parmi tant d’autres issu de cette masse informe et inquiétante, et qui n’a assisté à aucune de ses conférences, ce qui peut se comprendre (lui faisant porter des propos qu’il n’a jamais tenu en public) : « Lors d’une réunion à Lille, en février 2016, Tariq Ramadan n’a pas hésité à lancer à son public : « La France est maintenant une culture musulmane (…) », je dirais que ça ressemble plutôt à du Zemmour, confusion entre espace géographique et culture.
« Pendant des années, écrit-il, Tariq Ramadan a exhorté les jeunes nés en France de parents arabo-musulmans à ne pas s’intégrer(ne serait-ce pas le contraire ?), à refuser les tentations de la culture française(lesquels ? Ceux du savoir, de la connaissance ?), à rester des musulmans, à ne pas devenir des « blancs », comme il disait(où ça ?), des renégats, des apostats, des kouffars(qui parle ? Zemmour ou Ramadan ?). »
Surtout quand on sait que Tariq Ramadan a fait de nombreux débats et écrit de nombreux livres avec des personnalités comme Mgr di Falco ou Elie Barnavi (Faut-il avoir peur des religions, éd. Mordicus) ou encore Edgar Morin (Au péril des idées, Les grandes questions de notre temps, éd. Archi Poche).
Le drame des musulmans malgré les tentatives d’Edwy Plenel (Pour les musulmans, éd. La Découverte) de vouloir imiter la geste d’Emile Zola avec son J’accuse, c’est qu’ils n’auront pas eu d’affaire Dreyfus. L’affaire Omar Raddad aurait pu susciter l’indignation ? Même pas. Qu’il paraît loin le temps de Malik Oussekine, et des manifestations contre le racisme avec des mains estampillées Touche pas à mon pote !
Ce que Zemmour feint d’ignorer, à l’instar de De Villiers, c’est que les français musulmans sont comme la majorité des citoyens français. Ils ne sont ni dans une logique de Taqya (ruse de guerre), ni dans une volonté d’islamisation. Ils travaillent, paient leurs impôts, scolarisent leurs enfants, et aspirent aux mêmes rêves de réussite que la majorité de leur coreligionnaires. Ni plus, ni moins. S’il y a crise identitaire, elle est généralisée, du fait du consumérisme, de l’individualisme, et du monde virtuel via ses chaînes d’informations ou de désinformations avides d’instantanéité et de sensations (Cf, Bourdieu, Sur la télévision, éd. Raisons d’agir ; Ignacio Ramonet, La tyrannie de la communication, éd. Folio).
Dès lors, la laïcité n’est plus perçue comme un système de neutralité de l’Etat envers ses usagers, mais comme un outil idéologique de lutte contre la visibilité des musulmans. Autrefois, on reprochait aux juifs d’être trop assimilés, « de judaïser la France », « de détruire l’Eglise via la Révolution française et la Laïcité », pour leur imposer l’étoile jaune aux heures les plus sombres de l’Histoire.
Aujourd’hui, c’est l’inverse, à ceux qui comme leurs prédécesseurs qui étaient dans des Carrières ou ghettos (juifs), on leur reproche leur trop grande visibilité.  A tel point, qu’un effet grossissant les ferait passer pour majoritaire ou sur le point de coloniser la France (sic, Zemmour, Houellebecq). Quant aux accusateurs de la dhimmitude, il est à se demander ce que les palestiniens ou les jeunes d’une de nos banlieues marqués par le stigmate de leurs origines ethniques, culturelles, sociales, ont à leur envier ? A l’horizon de la conversion pour s’assimiler (Inquisition), s’est substitué celui du gage de francité jamais assouvi, car toujours suspect (Cf, Zemmour). Comme l’écrit Eric Zemmour, qui lui bien sûr a tout compris et a tout saisi grâce à son omniscience :
«La gauche, comme la droite, croyait _ et croit toujours_ au mythe du musulman arraché à son déterminisme ethnique et religieux, individu désincarné, déshistoricisé, déraciné dans une société libre. « Ils voudront tous acheter des Nike » : tel était le crédo consumériste, matérialiste, progressiste de nos dirigeants. Ce mépris des cultures, des racines, des religions, du passé, qui a constitué le bain de nos élites politiques, technocratiques, patronales, médiatiques et culturelles depuis quarante ans a fait le malheur de la France. Le peuple, d’instinct, n’y croyait pas, mais il n’a pas été écouté. »
Richard Attias, Daniel Cohn Bendit auront beau fait de lui dire qu’il n’a pas la science infuse dans l’émission de Franz-Olivier Giesbert Les Grandes Questionssur TV5, pour son livre précédent Le Suicide français, mais rien à faire. Choqués par le fait qu’il ait dit, à l’instar de Jean-Marie Le Pen, que la Shoah est un détail de l’Histoire, que de toute façon Hitler avec ou sans le génocide des juifs avait un projet de domination mondiale. Cela en dit long sur la démarche intellectuelle du monsieur.
Cet éloge du populisme surprend de la part d’un descendant de juif berbère d’Algérierécemment naturalisé ! (Cf, Shlomo Sand, La fin de l’intellectuel français ? De Zola à Houellebecq, éd. La Découverte), surtout lorsque l’on sait ce que l’extrême droite à laquelle Renaud Camus fait du pied, en étant son idéologue, a fait aux juifs par le passé. Ancien élève de Roland Barthes, il doit comprendre le sens et la puissance des mots, et les conséquences qu’ils peuvent entraîner.

Un contexte politico-économique

Comment ne pas comparer le contexte politico-économique actuel avec celui du Jeudi noir ou Krach boursier de 1929 ?
Certes au niveau national, la France a plutôt tenu le coup lors du Krach boursier de 2008, contrairement à la Grèce et à l’Espagne.
Mais à l’échelle internationale, on retrouve les mêmes tensions entre puissances impériales, et les mêmes ingrédients identitaires, idéologiques et nationalistes (peur des communistes et des juifs autrefois, aujourd’hui peur du musulman). N’oublions pas qu’à l’époque ce qui avait suscité la première guerre-mondiale, ce n’était pas seulement la question de l’Alsace Lorraine qui n’était qu’un prétexte, ou le ressentiment des guerres napoléoniennes, mais plutôt les aspirations colonialistes des uns (français et anglais) et l’ottomanophilie des autres (allemands à l’égard des Turcs). En effet, l’Allemagne avait contracté des alliances économiques avec la Sublime Porte (l’Empire Ottoman) alors que la France et l’Angleterre de leur côté avaient enclenché le processus du démantèlement (via la Banque Rothschild et la réclamation des indépendances) de « l’Homme malade » surnom de l’Empire ottoman (CF, la fin des ottomans, documentaires Arte).
Aujourd’hui, la Chine et la Russie ont remplacé l’Allemagne. Bien plus, comme le disait feu François Mitterrand dans son livre posthume, « nous sommes en guerre contre l’Amérique ».
Pourtant, la majorité de nos concitoyens continue à faire semblant de se boucher les oreilles, où peut-être l’ignore-t-elle vraiment ?  (Cf, Au nom de la loi… américaine, Jean-Michel Quatrepoint, Le Monde diplomatique N°754, janvier 2017).
Comment ne pas comprendre que ce qui se joue en réalité : les intérêts des différentes grandes puissances à l’heure de la mondialisation ?
Quant au non-bébat ou dialogue de sourds sur la question des musulmans de France, notamment depuis les émeutes de 2005 qui n’avaient suscitée qu’un couvre-feu rappelant une pratique de la guerre d’Algérie, sans revenir sur le fond des problèmes liés à la réalité des banlieues, qui pour certains restent « les territoires perdus de la république » (aujourd’hui « La France soumise ») et pour d’autres, au mieux, des ghettos communautaires qu’il faut prendre en considération. Que dire de Zemmour qui dans de récentes interventions à la radio et dans son livre, en appelle à des opérations militaires, voire de nettoyage (Cf, opération ronce selon lui dans les cartons de l’armée, à l’instar des manœuvres de Tsahal à Gaza) !! C’est sûr, cela est plus rapide et plus radical qu’un plan Marshal pour les banlieues, ou de réaménagement du territoire, ou autres.
De plus, la question fondamentale qui surgit dans l’actualité est, nos politiques et nos intellectuels ne savaient-ils pas que ces mêmes banlieues étaient laissées aux mains des médias de l’Arabie Saoudite qui propageaient leur venin wahhabite-salafiste (Cf, Les liaisons dangereuses, France 5, documentaire sur l’Arabie Saoudite, 12/12/2016) à travers les paraboles fixées sur les balcons des HLM ?? De même lorsque des pratiquants musulmans traditionnalistes se plaignent auprès de la Gendarmerie ou de la Préfecture de la dérive salafiste via d’obscurs imams formés on ne sait où… à quoi ont-ils eu droit le plus souvent ? A de l’indifférence, à de l’impuissance, si ce n’est du mépris. Et cela depuis plus de trente ans !! C’est pour cela que François Hollande aurait décerné à un prince saoudien, à la journée de la femme, la légion d’Honneur (pour des ventes record de Rafales et d’armements) ?! Si l’hypocrisie ne tuait pas, il y aurait de quoi rire.
D’autant plus étonnant, que beaucoup d’enquêtes issues de sociologues aujourd’hui fustigés d’islamo-gauchistes (par Gilles Kepel et d’autres) avaient déjà permis de mettre en évidence ces dérives extrémistes. Sauf que, dans le climat actuel de la destruction de l’Irak et de la Syrie, cela a permis à tous ceux qui voulaient en découdre avec l’impérialisme occidental, par factions interposées, d’aller vers cette nouvelle guerre, teintée souvent d’une dimension romantique pour ne pas dire apocalyptique, voire messianique. (Cf, Jean-Pierre Filiu, l’Apocalypse dans l’islam). On peut penser aussi au messianisme des colons sionistes, qui attendent la venue du Messie, et se rappeler de l’hystérie qui avait eu lieu autour de l’affaire Roger Garaudy, qui avait dans son livre Les mythes fondateurs de la politique israélienne, donné les intentions géostratégiques de destruction de l’Irak et de la Syrie et l’instrumentalisation des tensions entre chiites et sunnites (Kivounim Magazine, Septembre 1984). Cela en échos avec le pari des américains qui avaient soutenu le régime des Saoud qui ont toujours œuvré pour un panislamisme au détriment de Gamal Abdel Nasser qui  chantait les louanges d’un panarabisme mâtiné d’idéologie marxiste. On sait comment cela s’est terminé : la guerre des six jours, et la défaite du Raïs et de tout espoir laïc et de panarabisme sur fond d’Etat-Nations forts.
De même, plus récemment, le gouvernement Israëlien qui avait laissé le Hamas prospérer afin d’affaiblir la légitimité de Yasser Arafat, pour enfin liquider le leader de ce mouvement radical sur son fauteuil roulant, et sans oublier l’icône au Keffieh encerclé dans ses bureaux par des tanks israéliens et mort dans d’obscures circonstances.
Et Zemmour que fait-il avec ses mises en garde de colonisation, d’islamisation, de changement de peuple ou de Grand Remplacement, si chers à son mentor (R. Camus) ? Que fait-il, si ce n’est de la théorie du complot à l’envers ?
Et que dire de l’intervention française en Afrique ? Notamment de la chute de Bagbo, qui lui n’est pas musulman ! Et l’affaire d’Etat passée sous silence du bombardement de la base de Boaké, ayant tué nos propres militaires français ? (CF, Canal Plus, Spéciale Investigation). Tant pis, dirons certains cyniques, l’intérêt général passe avant tout, tant que cela assure le maintient de nos intérêts contre la montée de la Chinafrique.
Guerre sournoise, guerre économique au nom des droits de l’Homme et de la lutte contre le terrorisme, qui ont remplacé la Mission Civilisatrice. Mais les africains et les arabes ne sont plus dupes. Tout le monde sait que c’est un jeu de puissances, d’alliances, de coups d’états, d’interventions militaires. Mais les médias chantent en chœur les droits de l’Homme et la beauté de la démocratie : intervention de Bush « pour la démocratie et la liberté », et enfin « printemps arabes » pour déboucher sur le maintient du cauchemar arabe.
Mais plus personne n’y croit, même en Europe le rêve a fait place à la résignation et à l’impuissance, depuis le traité européen passé en force par Sarkozy, après avoir voté NON, la gauche comme la droite insultant les français d’imbéciles lors du référendum de 2005.
Les Eurosceptiques ont remplacé les Europhiles, pourquoi s’étonner alors de la montée de Marine Le Pen et de la banalisation du discours de Zemmour ?

La concurrence des Surmoi ou des Ego

S’il est un livre qui met en relief l’idéologie d’Eric Zemmour, notamment son problème lié à la virilité, c’est bien son livre Le premier sexe. En cela, il rejoint les mêmes appréhensions d’une société efféminées que n’envieraient en rien les salafistes-djihadistes ou les anciens partisans du IIIème Reich.
Il écrit, « A quoi ressemble l’homme idéal ? Il s’épile. Il achète des produits de beauté. Il porte des bijoux. Il rêve d’amour éternel. Il croit dur comme fer aux valeurs féminines. Il préfère le compromis à l’autorité et privilégie le dialogue, la tolérance, plutôt que la lutte. L’Homme idéal est une vraie femme. Il a rendu les armes. Le poids entre ses jambes est devenu trop lourd. Certaines féministes se sont emparées de cette vacance du pouvoir, persuadé que l’égalité c’est la similitude.
Aujourd’hui les jeunes générations ont intégré cette confusion. Les fils ne rêvent que de couple et de féminisation longue durée.
(…) Les hommes ont une identité à reprendre. Une nouvelle place à conquérir. Pour ne plus jamais dire à leurs enfants : tu seras une femme mon fils. »
Eric Zemmour nous dévoilerait-il ici, via une auto-psychanalyse, ce qui constitue sa faille profonde ?
Surtout quand Camus écrit dans une prose Barthésienne, dans le Corps tabou, internationale de l’imaginaire, éd. Babel : « Dans le livre, le corps de l’auteur, par définition, est absent ; l’auteur est là sans être là _à moins que le livre ne soit lu dans un lit à côté de l’auteur, une experience concevable, et non sans exemple, même, mais assez traumatisante pour les deux parties, je le crains. (…) On peut dire qu’à la lecture, pour le lecteur, l’auteur est absent, le corps de l’auteur est absent ».
Or le corps de Zemmour est omniprésent. Omniprésent du fait de sa surmédiatisation à la télévision. Omniprésent de par ce corps chétif, et cette tête protubérante. Un corps qui explique tout dans son livre Le premier Sexe, et cette obsession de la virilité. Cette nostalgie des « vrais » hommes.
Comment ne pas y voir la réminiscence du surhomme, non pas le fameux concept Nietzschéen, mais la vision de cet homme de descendance pure et virile dont rêvaient les nazis, ou encore le surmusulman salafiste-djihadiste (que critique Fethi Benslama) croyant redonner de la fierté aux musulmans et à l’islam, le sens du sacrifice, à l’instar de l’homme du kibboutz ou de la société idéale fondée par les premiers pionniers en Israël et vainqueur via son armée invincible, sans oublier celui du nouvel homme chinois préfigurant le communiste capitaliste new-age, ou enfin Poutine qui a redoré le blason des déchus du communismes, auquel Trump n’a pas manqué de donner des appels de phares pour ne pas dire des signes de virilité en élisant un proche du régime russe (Rex Tillerson) ? (Lire, Le monde selon Trump, de Michael Klare, Le Monde diplomatique, N° 754, janvier 2017)
Zemmour ne s’en rend pas compte, peut-être, mais il participe de ce mythe de l’Homme viril prêt à partir en guerre… mais lui, est-il prêt ?
Il écrit dans le premier sexe : « La machine est rodée. Implacable. D’abord, on ne lui parle que de grands principes, d’universel, d’humanité : il n’y a plus d’hommes, il n’y a plus de femmes, rien que des êtres humains égaux, forcément égaux, mieux qu’égaux, identiques, indifférenciés, interchangeables. Le discours qui confond ses propres valeurs avec celle de l’Humanité est celui de toutes les puissances dominantes, de l’Empire romain jusqu’à la grande nation, du bon temps des colonies et de l’american way of life. Des hommes avec ou sans majuscule au temps d’une société patriarcale. Et puis, dans un second temps, on suggère la supériorité évidente des « valeurs » féminines, la douceur sur la force, le dialogue sur l’autorité, la paix sur la guerre, l’écoute sur l’ordre, la tolérance sur la violence, la précaution sur le risque. Et tous, hommes et femmes, surtout les hommes, de communier dans cette nouvelle quête du Graal. »
Voilà le cauchemar de Zemmour, à travers son traité de savoir vivre-viril à l’usage de jeunes générations féminisées. On croirait lire un traité de Goebbels pour les jeunesses Hitlériennes.  Terrifiant.
Enfin pour conclure ce paragraphe, le surmoi, cette obsession de la virilité, du sacrifice, ne doivent pas primer sur la raison et la justice. Lui qui veut une société qui discrimine, qui classe, qui contient par la répression, le contrôle viril. A ce rythme, Eric Zemmour n’en n’a peut-être pas conscience, mais de son fauteuil de journaliste ou des salons parisiens qu’il fréquente, il risquerait de précipiter la société dans un désastre historique déjà vu. Dénoncer le totalitarisme, oui, mais il ne doit pas en nourrir un autre : « Les droits de l’Homme sont ainsi devenus l’arme atomique de destruction des peuples européens », écrit-il ! C’est à s’y perdre ! Zemmour l’enfant de l’école républicaine, qui remercie la France de l’avoir colonisée, respectueuse des droits de l’Homme, qui crache dans la soupe, n’aurait-il pas des tendances sadomasochistes ? Lui l’enfant de l’école de Jules Ferry ! Que propose-t-il ? Un régime sécuritaire, liberticide ? Où les gens sont fichés selon leurs origines, leur religion ? Séparant le pur et l’impur, comme ceux qui voudraient séparer les muhminin (croyants) des koufars (non-croyants)… Zemmour aurait fait un parfait salafiste djihadiste. Il en est leur miroir, une parfaite symétrie idéologique.

Conclusion

Prendre le recul historique nécessaire, voilà ce qu’il faut à nos journalistes, à nos analystes, à nos politiciens. Dire la vérité : nous sommes dans une guerre économique féroce contre l’Amérique, la Chine et la Russie… et contre l’extrémisme musulman (salafiste-djihadiste), l’extrémisme juif (colons extrémistes sionistes), ou chrétien (d’extrême droite), ou les moines bouddhistes de Birmanie, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent à travers le monde.
Les musulmans ne se sentent pas plus représentés par l’Arabie Saoudite contrairement à ce qu’affirme Zemmour en expliquant que ceux-ci pratiquent le vrai islam à coups de pétrodollars, que ne l’est le CRIF ou un colon israélien à l’égard d’un juif de la diaspora favorable à un état juif et arabe, pas plus qu’Enders Brevik ou les groupuscules d’extrême droite ne le seraient à l’égard de la majorité des chrétiens du monde.  La Mecque n’est pas le Vatican ! Il n’y a pas de pape en islam !
Les images de barbaries, les massacres de Daesh, révulsent les musulmans et les indignent autant que n’importe quel citoyen normalement constitué. Ils ont des enfants, des familles, et aiment la paix et la vie plutôt que la barbarie et la décapitation dignes des années de terreur sous Robespierre. Comme si Zemmour n’était jamais allé au Maroc ou en Algérie ou ailleurs en Indonésie ou au Sénégal, pour y voir des jeunes gens n’ont pas obsédés par le Djihad, mais plutôt par le VISA, par l’Eldorado occidental.
Et Zemmour pourra y aller de ses soi-disant citations coraniques, autant citer les passages de la Bible pour justifier les exactions des colons israéliens et de l’intervention des néoconservateurs pro Bush. Est-ce que cela est représentatif de tous les juifs ou de tous les chrétiens ? Bien sûr que non. Il en va de même des musulmans monsieur Zemmour.
Comment pouvons-nous faire semblant d’être aussi naïfs, lorsque l’on sait que l’on paie aujourd’hui encore les effets de la colonisation et de l’impérialisme occidental, notamment depuis les Accords Sikes-Picot (Cf, Jean-Pierre Filiu, Les Arabes leur destin et le nôtre, éd. La Découverte) ?
Juste un exemple : la question kurde n’est certainement pas tombée du ciel, mais est le fruit d’une trahison des britanniques.
Pour preuve, en France, il aura fallu attendre jusqu’aux années 2000 pour voir apparaître un film comme Indigèneou Hors la loisur nos écrans de cinéma en France !
En Afrique le traumatisme de la colonisation occidentale est encore fort, et les dirigeants autoritaires soutenus par nos démocraties, et renversés au gré des aléas politiques et des intérêts,  nourrissent la méfiance si ce n’est pas la grogne, voire l’animosité. (Sous la direction de Makhily Gassama, 50 ans après, quelle indépendance pour l’Afrique, éd. Philippe Rey)
Aujourd’hui, les conséquences du néo-impérialisme occidental et de ses jeux d’alliances, face aux aspirations impérialistes des américains, des chinois, des russes, des saouds, des iraniens, ne font que complexifier la donne. Un monde non plus bi-polaire, ni non plus uni-polaire, mais bien multi-polaire où chacune des puissances joue sa partition.
Or voilà, nous ne sommes pas dans un monde honnête, juste et parfait. Les idéologies, les mythologies, les propagandes, des uns et des autres, se télescopent pour donner un brouhaha gigantesque et une incompréhension totale. Laisser le peuple dans la stupeur, la perplexité, la peur,  et le mensonge.
Nous sommes dans un monde plus complexe et moins manichéen, comme l’écrit Jacques Huntzinger dans Les printemps arabes et le religieux, La sécularisation de l’islam, éd. Paroles et silence, « en réalité le monde arabe accomplit une transition historique dans laquelle les modernisations sociales et culturelles à l’œuvre depuis des décennies ont débouché sur des révolutions politiques. Cette sécularisation ne consiste pas en un abandon de l’islam mais en une redéfinition du rapport traditionnel entre religieux, politique, sociétal et juridique. »
Pourquoi ne pas dire les choses simplement ?
Le monde tel que nous le connaissons ne sera plus. Ce que nous vivons, ce sont ses derniers soubresauts. La nature ou l’écosystème a eu raison des aspirations matérialistes infinies de l’Homme. La COP 21 ou la COP 22 ce n’est pas seulement pour faire beau, et se donner bonne conscience : les climatologues et les scientifiques les plus sérieux parlent d’un bouleversement de l’ordre du néolithique ! Par notre faute, des milliers d’espèces animales et végétales disparaissent, et la menace climatique qui nous guette dépassera tous nos pires scénarios.
En attendant, peut-être qu’aujourd’hui, nous sommes à l’aube d’une troisième guerre mondiale, oui n’ayons pas peur des mots… une guerre économique qui ne dit pas son nom, et qui comme d’habitude trouve ses alibis chez des boucs émissaires désignés ou idiots utiles, pour couvrir les responsabilités de chacun en accusant l’autre.
Certains comme Zemmour appellent de leurs vœux à la guerre civile, de la mise en place d’un régime autoritaire en France, voire néo-nationaliste ou néo-impérialiste. La démocratie semble en effet menacée par l’oligarchie politico-financière, en danger de mort. On se croirait dans le dernier opus de la trilogie Batman, Gotham City à feu et à sang. Terrifiant.
En effet, s’il est un film qui résume à merveille le non dit, le taboude nos démocraties _que Zemmour accuse d’être le ventre mou de l’Occident, d’être trop ouvertes (droits-de l’Homme) ou trop permissives (multiculturelles) ou trop généreuses en accueillant trop de migrants, la fameuse Eurabia(théorie de Bat’Yor)_ c’est bien le film BABELd’Alenjandro Gonzalez Inarritu, avec Brad Pitt et Cate Blanchett.
Ce film comme me l’a fait remarqué un ami, n’aurait pas dû s’appeler BABELmais plutôt EMPIRE, tant les visages hagards et impersonnels de ces villageois berbères du fin fond du désert marocain ébahis devant l’arrivée de l’hélicoptère ramenant ces deux occidentaux tels deux anges tombés du ciel (Brad Pitt et Cate Blanchett) dans un climat de crasse et de terrorisme, qui eux ont le droit de circuler à travers le monde où ils veulent, sans barrières parce que nés du bon côté ; et tant la bêtise et la stupeur de la domestique (nounou) latina si chère au couple sauvé (Brad et Cate) précédemment cité, perdue dans le nomansland de la frontière mexicano-américaine, était patente d’absurdité et d’injustice : entre « ces damnés de la Terre » de l’époque coloniale ou ces sans papiers apatrides de la mondialisation, quoi de mieux pour décrire la situation dans laquelle s’inscrivent des milliers de citoyens à travers le monde (Cf, Jean Zeigler, L’Empire de la honte, éd. Poche).
Hélas, chaque jour, la réalité ne cesse de rattraper les faits… touchant même des citoyens reconnus mondialement, des citoyens pleinement assimilés et intégrés, mais pas assez apparemment… pas assez blancs. Notamment avec la dernière cérémonie des Oscars aux Etats-Unis qui n’a retenu aucun acteur et aucun réalisateur afro-américain, ambiance annonciatrice de l’élection de Donald Trump contre Hillarie Clinton du camp de ce « socialiste » et de ce « musulman » au patronyme douteux d’Hussein Barak Obama. Cette réalité, cette méfiance à l’égard de la couleur de peau ou de la religion, qui touche des milliards d’habitants à travers le monde (CF, Jean Zeigler, La haine de l’Occident, éd. Poche). Cette méfiance envers les minorités existe aussi bien en Orient  qu’en Afrique à l’égard des minorités zaydites et chrétiennes, ou musulmans Rohingya en Birmanie, notamment lorsque l’Etat n’existe plus et a laissé place au chaos ou lorsque celui-ci est dirigé par une junte militaire sans scrupules (ex, Birmanie).
Lorsque Zemmour parle d’abolir les Droits de l’Homme, et en appelle à la guerre civile, cela ne fait que confirmer cette vision néo-nationaliste voire néo-impérialiste. Pas pour rien qu’il admire Poutine et Trump… des nouveaux Gaullistes selon lui.
Il va falloir parler vrai pour sauver le vivre ensemble. Sinon comme le disait Gandhi : « La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée »ou encore « Un individu conscient et debout est plus dangereux pour le pouvoir que dix mille individus endormis et soumis ».
En attendant, les exilés climatiques et les réfugiés politiques, ne cesseront pas d’affluer. Et l’effet papillon de nos décisions politiques, et les répercussions historiques n’auront pas fini de nous surprendre.
Assemi Djamel.

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