in ,

Un regard « islamo-anarchiste », critique de la double impasse du dogmatisme néolibéral et néo-religieux…

« L’islam a commencé comme quelque chose d’étrange et finira comme quelque chose d’étrange. »

Hadith Sahih (propos recueillis du prophète par Abu Hurayra selon Muslim)

« Le monde a commencé sans l’Homme, il finira sans lui ».

Claude Lévi-Strauss,

in Sophie Bessis, La double impasse, L’universalisme à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchands, éd. La Découverte.

« Appelez cela Dieu, l’Absolu, si cela vous amuse, que m’importe, pourvu que vous ne donniez à ce mot Dieu d’autres sens que celui que je viens de préciser ; celui de la combinaison universelle, naturelle, nécessaire et réelle, mais nullement déterminée, ni préconçue, ni prévue (souligné par Bakounine.), de cette infinité d’actions et de réactions particulières que toutes les choses réellement existantes exercent incessamment les unes sur les autres. »

Rivière, Les contradictions économiques, tome 2. Cité par Daniel Colson, L’anarchie et les faits religieux, in lundimatin#55, 4 Avril 2016.

« Si le rôle des élites africaines est en cause – là aussi il appartient aux africains de démêler, pour leur propre compte, l’écheveau des responsabilités -, il faut reconnaître que les dés de la mondialisation libérale – à l’œuvre depuis les années 1970 – sont pipés. Dans cette vaste partie de poker menteur, l’Afrique cumule les désavantages : séquelles de la colonisation, règles systématiquement fixées par d’autres et changées à leur gré, marginalisation politique… Car, in fine, l’Occident décide de tout : keynésien, monétariste, interventionniste, libéral, communiste… Il fait toujours les questions et les réponses… »

Anne-Cécile Robert, L’Afrique au secours de l’Occident, éd. De l’Atelier.

« _Stalingrad. C’est là que les Britanniques renversent la situation. Dans le livre, Rommel n’aurait jamais opéré sa jonction avec les armées allemandes venant de Russie, celles que commandait Von Pallus. Et les allemands n’auraient jamais été capables d’aller dans le Moyen-Orient chercher ce pétrole dont ils avaient tellement besoin ou en Inde pour faire, comme ils y ont réussi, leur jonction avec les Japonais. Et… »

Philip K. Dick, Le maître du Haut Château, éd. Poche.

« Presque toutes les grandes découvertes, affirma-t-elle avec véhémence, ont été faites par des chimpanzés. »

Pierre Boule, La planète des singes, éd. Pocket.

En ces temps troubles de violences, d’attentats1 sur fonds d’exacerbations identitaires, de confusionnisme2, d’indignation à géométrie variable, de remise en cause de l’universel ou de l’idée abstraite de la vertu et de la morale (Platon), il est plus qu’urgent d’y placer de l’intelligibilité, un savoir empirique rationnel (Aristote), pour démêler, ou du moins essayer de comprendre les causes profondes de ce désarroi de l’Homme postmoderne face à ces tempêtes3 de l’Histoire et du temps. Les actions qu’elles soient volontaires ou involontaires sont le produits de plusieurs facteurs et de plusieurs causes. Elles ne se réduisent pas à l’essentialisation d’un individu ou d’un groupe, mais à des réalités plus complexes et en interactions les unes par rapport aux autres que nous essayerons de développer ici.

Tout d’abord, est-ce par pure provocation, dans un contexte de débat franco français passionné voire hystérique sur la « gangrène de l’islamo gauchisme dans nos universités » et de « séparatisme » que d’apposer au syntagme « islamo » le terme « anarchiste » en exergue de notre article ? Tant le mot islam aujourd’hui relève de la même obsession médiatique que ne l’était le communisme sous le Maccarthysme. Peut-être. Réflexion qui surgit dans la complexité d’une mondialisation vécue ici en France comme non pas heureuse, mais décliniste4, populiste5, voire ressentimiste6, contrairement à ce qu’avait prophétisé Alain Minc, mais ressemblant plutôt à ce que Christopher Lasch avait pressenti dès les années 70-90 dans La révolte des élites et la trahison de la démocratie7. Suscitant l’émergence d’inter-socialités8 ou retour des populismes9 pour reprendre Bertrand Badie. Et en échos à la réalité ou chaos que connait le Moyen-Orient10 et l’Afrique notamment au Sahel11 (réservoir de ressources pour notre civilisation énergivore), sans qui la mondialisation serait impossible, à l’instar du maintien ou plutôt de la perplexité voire l’incompréhension12, de ce que le père dominicain Adrien Candiard, Comprendre l’islam ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien13explique dans son excellent livre. Pour rappeler une énième fois, qu’il serait temps de restituer toute la complexité d’un sujet et d’une réalité qui ne peut se réduire à un manichéisme médiatique conduit par l’urgence de l’émotion14, et une échéance électorale en vue de préparer les présidentielles sur la thématique éculée de l’immigration, de l’insécurité et de l’islam. Comme si la responsabilité politique quant à la ségrégation territoriale et des problèmes d’urbanisation, de chômage et d’insécurité, n’étaient pas en jeu depuis des décennies, et issus d’un imaginaire ou de représentations15 maintenues soit par une forme de déni16 ou de laxisme, soit par des pratiques politiques historiques, voire systémiques17. En somme, une ghettoïsation18, voire américanisation de fait via la culture du Hip-Hop et du Rap et autre Gangsta-Rap véhiculés par des radios libres (ex, Skyrock). Et l’apologie d’une culture de la criminalité19 (Scarface, Heat, La Haine, Ma cité va craquer, Le prophète, Le monde nous appartient, etc.) oscillant entre fascination des codes américains des Bad Boys et une forme de fatalité, voire de misérabilisme d’une jeunesse perdue20 dérivant soit vers une délinquance nihiliste (Les Misérables) soit vers une « islamisation » ou radicalisation21 (Made in France). Renvoyant dos à dos l’analyse réactionnaire d’un Pascal Bruckner22 ou « pauvre petit blanc23 » et de toute une frange de l’intelligentsia proche des thèses identitaires voire d’extrême droite24. Et de façon plus générale, comme si toute l’histoire du christianisme et tous les chrétiens ne pouvaient se réduire qu’aux exactions d’extrémistes25, à l’instar du judaïsme et des juifs d’aujourd’hui26 assignés27 à une injonction identitaire28 voire communautaire29, autrefois fer de lance de la modernité et des mouvements avant-gardistes30. Postmodernité, crise identitaire, perte de sens, de repères, ce que Bernard Stiegler avait qualifié de disruption31. Pourquoi en serait-il différent pour l’islam et les musulmans32, ou du moins de culture musulmane ? La figure de l’Arabe33 n’a-t-elle pas été depuis la colonisation34 et la tradition orientaliste35 prise en otage pour des enjeux purement politiques et idéologiques36 ?

Dialogue de sourd37la tragédie de l’islam moderne pour reprendre Hamadi Redissi38 et la Décadence39 de l’Occident, qui courent de la même façon après leur glorieux passé, dans un monde multipolaire et complexe où ils ne sont plus le centre du monde, mais faisant partie du monde, comme le négatif, le miroir inversé que voudraient faire croire les plus extrêmes. Sorte d’Abel et Caïn inséparables.

C’est pour cela que la réflexion sur « l’islamo-anarchisme » est on ne peut plus sérieuse, et ouvre des perspectives multiples et de façon plus large, au-delà des origines ethniques ou d’obédiences philosophiques ou religieuses, en somme une lecture universelle. Même si cette pensée et cette réalité, et nous y reviendrons, se situe au-delà des cadres que l’on voudrait établis de façon arbitraire selon une vision traditionnelle de l’orientalisme ou de l’islamologie actuelle40 circonscrite à une arabité ou à un « islam insécable41 » que véhiculent nos médias avides de scoop et de buzz. Dont le néo-religieux42 ou plutôt le néo-traditionalisme43 instrumentalisé dans un jeu géostratégique et dans un contexte de concurrence économique et de marchandisation globale est rarement souligné voire critiqué. Ce que Georges Corm en revenant sur la réalité historique et géopolitique et la marginalisation voire l’occultation de la diversité de la culture44 et de la pensée critique arabe45 de la mémoire collective à des fins utilitaristes voire idéologiques ou profanes46, a analysé et disséqué dans ses excellents travaux et essais47. A l’instar de Daniel Colson48 et son analyse sur les brèches de l’Histoire, et la distinction entre le khabar (Le récit en cours), Al-tarikh (l’histoire officielle ou celle des vainqueurs) et le Kadr (Dessein divin ou possibles) dans une perspective néo-monadologique empruntée à Leibnitz, ouvrant de nouveaux champs de réflexion sur l’I(i)slam. Et dans une certaine mesure Olivier Roy lorsqu’il dénonce une religiosité sans culture49 et Hamadi Redissi qui va encore plus loin en montrant une hybridation de l’islam entre modernité protéiforme et tradition insaisissable50. D’ailleurs, il est étonnant de réaliser via le vol de l’Histoire51, pour reprendre le titre d’un excellent livre de Jack Goody52, combien il est criant de voir l’ignorance des nouvelles générations sur la culture53 de l’islam classique ou impérial54, pour ne pas dire traditionnel, qui a existé dans sa diversité durant des siècles et qui n’a eu de cesse d’être en relation avec ce que nous appelons Occident, ou disons l’étranger ou l’autre55. Qui n’est qu’une manifestation des possibles (Leibniz, notion islamique de Kadr) sans cesse renouvelés (Bergson, notion islamique de Khaliq) qui s’exprime dans sa pleine liberté voulue par le Rab Al 3alamin (Le Seigneur des Mondes). A l’instar de la fracture mythique56 entre l’Orient et l’Occident qui a souvent été instrumentalisée de façon idéologique57, depuis la révolution industrielle et la prise de conscience d’une supériorité technologique58 jusqu’à l’aune de la mondialisation, de la marchandisation et de l’uniformisation des modes de consommation, ce que d’aucuns appellent culture de masse59. Comme le démontre de façon pertinente Didier Musiedlak60, même le « terrorisme djihadiste »61 est issu de la modernité occidentale.

En cela, nous pourrions en dire de même que Jacques Ellul à propos du christianisme, à savoir la subversion de l’islam pour ne pas dire de l’islamisme62, en un mouvement inverse : de la diversité d’interprétation et de courants rencontrés dans l’histoire jusqu’à une « cléricalisation63 » (wahhabisation ou salafisation) souvent soutenue par ceux-là même qui veulent essentialiser environ deux milliards de musulmans. Reproduisant ainsi le schéma de deux blocs, comme au temps de la guerre froide, ou conforme à une vision simpliste binaire et biblique à laquelle s’attachent les néoconservateurs américains avec leur prétendu choc des civilisations (à l’instar d’Al-Qaïda, de Daesh64 et autres franchises terroristes65). Ce qui se joue ici à l’heure du « syndrome du Titanic66 » ou de l’Anthropocène67 est bien plus grave, et concerne chacun de nous, musulmans ou non qui vivons sur cette Terre et qui avons la responsabilité de la protéger. Dans le souci de la transmission de ces biens communs, la biodiversité et l’écosystème, en somme tout le patrimoine du vivant aux futures générations, qui ne peuvent être réduits à des objets en vue d’une marchandisation à outrance, où l’économie spéculative supplanterait le réel68. Il est temps de sortir de cette illusion69 du tout économique70 pour revenir au vivant et à l’humain, avant qu’il ne soit trop tard.

Nous esquisserons quelques définitions ou plutôt quelques mises au point sur l’I(i)slam et l’anarchisme. Pour écarter d’emblée les malentendus que peuvent soulever ces termes polysémiques. Et en quoi le Coran peut-il être interprété selon une grille de lecture anarchiste ?

Nous verrons en deuxième partie (Carbon Democracy et globalisation du wahhabo-salafisme ?), les liens incestueux entre les dirigeants ou tenants du néolibéralisme et les clercs et autres néo-religieux. En somme, le mythe de la malédiction du système de la rente pétrolière à ne pas pouvoir générer un système démocratique et égalitaire, ne traduit-il pas en réalité ce que d’aucuns appellent « la dépendance énergétique », et la survivance d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom ?

Nous reviendrons en troisième partie sur le dogmatisme marchand (différend du libéralisme classique) ou néolibéral (Le dogmatisme néolibéral entre Saint-simonisme et évolutionnisme ?). En quoi celui-ci emprunte-t-il étrangement les mêmes travers que le monothéisme qu’il critique, en se positionnant comme contre modèle. Alors qu’il a substitué un Dieu immanent et immatériel proche de l’idée que s’en fait la philosophie platonicienne du monde des idées, par un veau d’or dont il ne fait que chanter les louanges. En somme, pour reprendre l’image que donne Sophie Bessis71 dont nous nous sommes inspirés pour le titre de cet article, pour résumer la situation, une représentation de Janus dont le néolibéralisme et le néo-religieux constitueraient chacun des côtés d’une même pièce.

Et enfin en conclusion, nous esquisserons quelques pistes d’ouvertures empruntées ça-et-là à la pensée anarchiste pour renouveler la pensée générale sur le sujet.

Quelques mises au point

En effet, l’islam est souvent traduit par soumission (dixit Zemmour et consorts). Alors que la racine trinitaire SLM est polysémique. Lorsque les musulmans et les juifs disent Shalom Aleykhem ou Salam 3alaykum, cela voudrait-il dire qu’ils se saluent en se disant « que la soumission soit sur vous ? ». Ou encore la ville de Jérusalem s’appellerait-elle en réalité la « cité de la soumission » ? Ce qui donnerait un tout autre éclairage à la réalité de l’Occupation que subissent les palestiniens. Etymologiquement cela est certes ridicule, mais hélas dans les faits72… Revenir sur les déclinaisons telles qu’islamo-fascisme ou à l’inverse islamo-capitalisme (les deux ne sont pas incompatibles dans la pratique consumériste73), et bien d’autres, pour montrer comment celui-ci est utilisé selon les circonstances politiques et médiatiques, d’inspiration moderne. N’oublions pas que le fascisme est le produit de la modernité74 et cette question cruciale nous ferait sortir du format de l’article et nécessiterait un ouvrage entier sur le sujet, ce que d’autres se sont attachés à analyser75. Il est clair que cette acception ou définition du mot islam est tournée de façon idéologique, par nos médias et nos politiciens à des fins purement utilitaristes voire électoralistes. L’islam est-il de gauche ou de droite, vieux débat lancé par les réformistes dès le XIXè et début XXème siècle au lendemain de la Révolution d’Octobre et de l’essor du Capitalisme76, ce qui a donné différents courants chacun rattaché à l’époque soit au bloc communiste, soit au bloc atlantiste, soit cherchant une voie alternative.

D’ailleurs, tout au long de l’histoire de l’islam ont existé plusieurs groupes anti-autoritaires, souvent liés au soufisme et autres courants mystiques chiites77. La fin du XXe siècle a apporté des idées en relation avec un socialisme islamique et libertaire promues par des penseurs comme Hakim BeyAbdennour PradoLeda Rafanelli et Yakoub Islam.

Cependant, il faut reconnaître que les régimes arabes et musulmans en général sont et ont été pour la plupart sous l’autorité de califes, de sultans, de monarques, ou de présidents ou de raïs le plus souvent tyranniques78 et élus à vie, et transmettant le pouvoir de père en fils79.

D’aucuns à l’instar de Sayyid Qutb parmi tant d’autres, comme le rappelle Sabrina Mervin80, sont allés encore plus loin dans le rejet de tels dirigeants, « Selon son système de pensée, toutes les sociétés, qu’elles se prétendent musulmanes ou non, vivent en fait dans la jâhiliyya, c’est-à-dire dans l’ignorance de Dieu et de la loi sacrée, car elles adorent d’autres Dieu, ou bien un parti. Pour instaurer la souveraineté divine, il faut donc frapper les tyrans d’anathème (takfîr) et les combattre par le jihâd ; ainsi pourra-t-on créer un Etat islamique. »

Le nœud gordien entre les réformistes81 tels que Al Afghani, Muhammad Abdu’ et les révolutionnaires auxquels ils s’opposaient, se situe là. De là, la différence de stratégie entre les réformistes de tendance nationaliste panarabe, marxiste, les Frères musulmans et les salafistes-djihadistes. Pour les derniers à l’instar des salafistes quiétistes et autres wahhabo salafistes ils ont opté pour l’hégémonie culturelle82 via l’éducation, l’économie, les médias et la politique, et les djihadistes ont privilégié pour reprendre une acception anarchiste « la révolution par le fait ».

A relire cette citation de Qotb, la souveraineté de Dieu laissant à l’Homme le libre arbitre est-elle réellement remise en cause même lorsqu’un dirigeant ou une société selon lui est impie ? Nous ne le pensons pas. Et est même en contradiction par rapport à la thèse acharite et de l’islam sunnite classique qui avait séparé le religieux du politique, fondant ainsi les prémices d’une sécularisation83, suite à l’épisode du Mu3tazilisme qui avait imposé la rationalisation par la contrainte. Aujourd’hui l’Arabie Saoudite ou l’Iran, ou le prétendu Etat islamique qu’ils appellent de leurs vœux, incarnent-ils la souveraineté divine ? Non plus84. Tout au plus la réalisation du libre arbitre donnant une manifestation ou évolution possible, et certainement pas, pour reprendre le Pangloss de Voltaire dans Candide, « Le meilleur des mondes possibles ». N’y a-t-il pas un risque à l’instar des bolcheviks, de prendre en otage toute la population pour aboutir non pas à une libération mais à un système totalitaire85 ? Devons-nous pour autant nous enfermer dans ce même rapport dialectique fascisme-communisme sur lequel avaient débattu François Furet et Ernst Nolte86, et ici concernant la question de l’islam et du néolibéralisme ?

N’y a-t-il pas aussi un enseignement dans le fait comme le dit le Coran « Nous vous avons constitué en Ahzab » (courants, partis, sectes) ou encore « Nous avons fait de vous des peuples afin de vous rencontrer et de vous connaître ». Si la notion d’Etat-Nation ou de peuple n’apparaît pas au sens des penseurs de la philosophie et de la science politique moderne, et si le Coran parle de tribus et de peuples, ou que Muhammad n’aie constitué de son vivant qu’une Cité-Etat, est-ce un pur hasard ? On peut se le demander. Car après tout le Coran parle de diversité, et de recherche de la paix comme objectif ultime. Même si certains hadiths eschatologiques voire messianiques parlent de la finitude écologique voire cosmogonique : « Tout est voué à disparaître (l’Univers ou les univers) si ce n’est le visage d’Allah », ou « Ils détruisent leurs maisons (écosystèmes ?) avec l’aide des croyants ». Ou encore « Les terres seront mangées par les eaux » (réchauffement climatique ?) ou « vous n’aurez de cesse de les suivre, à tel point qu’ils iront dans un trou vous les suivrez », sans parler des hadith de 3ulamat Sa3a (Signes de la fin des temps87) qui prophétisent le chaos que connaîtra le monde en général, et musulman en particulier. Et le déclin que ne ce cessent de mettre en garde toutes les spiritualités et les traditions, ce que René Guénon n’a eu à cœur d’expliquer88. En somme le succès matériel de l’Occident et son déclin n’était-il pas annonciateur de tout cela ? Si les prophètes sont apparus dans des sociétés qui paraissent à nos yeux archaïques89 mais qui étaient en harmonie avec l’écosystème, la Nature et l’Univers, est-ce un hasard ? Pouvons-nous imaginer des prophètes se révéler dans des sociétés corrompues, et où la marchandisation et la pollution sont devenues prégnants dans nos vies ? Mais avant l’apocalypse90, il y a encore l’espoir…

Et contrairement à une vision occidentalo-centrée est-il juste d’imaginer l’islam comme une stase ou un monolithe en opposition totale avec ce que d’aucuns appellent la modernité ? Il suffit de connaître l’histoire de la civilisation islamique dans ses découvertes et l’élaboration des sciences91, et plus près de nous de voir le dynamisme, la constitution d’une classe moyenne connectée à la mondialisation dans le monde musulman, voire même intégrée au capitalisme et n’offrant aucun contre modèle92, pour contredire ce préjugé. D’ailleurs, Youssef Courbage et Emmanuel Todd l’ont démontré dans Le rendez-vous des civilisations93les chiffres sont là ! Et pourtant, les représentations d’un monde musulman monolithique, statique, réfractaire au progrès, perdure dans l’imaginaire collectif…

Déjà, à y relire les Muqadimat et les analyses d’Ibn Khaldun on ne peut qu’être frappé par cette contestation et instabilité du pouvoir qui a existé par le passé. D’aucuns diront volonté divine, et d’autres libre arbitre et penchants humains pour le pouvoir94.

D’ailleurs, il est étonnant de constater qu’au plus fort de l’impérialisme ottoman, et de bien d’autres, la diversité des cultures et des sociétés autochtones soumises à l’autorité impériale n’avaient pas été menacée à ce point comme ce le fut depuis l’uniformisation imposée par l’industrialisation et la culture de masse. Comme le rappelle si bien Gabriel Martinez-Gros, ces modes de gouvernances traditionnelles ne demandaient que le paiement de l’impôt, et selon la théorie Khaldunienne qui analysait pourquoi la marge (bédouins, nomades, « barbares ») renversait le centre (sédentaires, citadins, Empire), ce qui expliquait cette superposition de populations et de dialectes en mille feuilles comme une tour de Babel gardant chacun dans ses particularismes. En somme, la notion et la réalité d’Etat voire d’Etat-Nation issue de la modernité n’était en rien universelle, exécrant ce que d’aucuns appellent de nos jours multiculturalisme95 ou cosmopolitisme via l’assimilation96. Alors que les sociétés musulmanes étaient multiculturelles, multiconfessionnelles de fait, et dès l’origine. Peut-être faut-il en chercher cette crainte en France notamment dans les schèmes inconscients d’une interprétation biblique de la Tour de Babel ? Car après tout, cette uniformisation ou assimilation en quoi serait-elle différente du modèle iranien ou saoudien, où dans l’espace publique tout un chacun est sommé à l’uniformisation ? Surtout pas de diversité et de visibilité de l’autre dans sa différence !

D’ailleurs, Allessandro Barbero97 le démontre avec brio, en effet, ce ne sont pas les ottomans qui ont voulu rompre avec la réalité d’un empire multiethnique et pluriséculaire, mais bien les puissances occidentales qui ont précipité les guerres nationalistes et ethniques : « Ainsi Angleterre et France commencent et acceptent-elles de combattre aux côtés de l’Empire ottoman pour tenter de reconquérir la Crimée et de l’arracher au tsar.

En définitive, cette guerre est catastrophique et n’apporte guère de résultats, mais les Turcs, bien que se rangeant pour la forme du côté des vainqueurs, en paient un tribut très élevé, car désormais, la Grande-Bretagne et la France prétendront s’ingérer dans les affaires internes de l’Empire ottoman. Elles le font en se fondant sur une idéologie en apparence humanitaire, en se prétendant comme les défenseurs des sujets chrétiens de l’empire. Mais cette réalité équivaut à saboter la tentative du gouvernement impérial de créer cette nationalité unique, commune à toute les ethnies. Anglais et Français exigent et obtiennent le contraire absolu : que chaque ethnie au sein de l’empire bénéficie de son autonomie, qu’elle soit placée sous une tutelle spéciale et que les puissances occidentales soient reconnues comme les protecteurs des différentes nationalités. »

Quid de la situation actuelle au Moyen-Orient et au Sahel, avec cette question lancinante sur laquelle les courants historiographiques des futures générations d’historiens n’auront de cesse d’apporter des réponses multi causales et non mono causales comme le font nos médias : est-ce que ces volontés de séparatisme sont-elles inspirées par le peuple ou par des dirigeants pris dans des jeux stratégiques ou géopolitiques ? Nous pouvons poser la même question aux polémistes critiquant la dhimmitude98, concernant la situation des banlieues sur le territoire français, rebaptisées hypocritement « Territoires Perdus de la République », comme si nos dirigeants n’avaient aucune responsabilité sur cette situation qui dure depuis les bidons-villes de Nanterre99.

Il en est de même pour ceux qui imaginent un Califat ou une Oumma unis, à l’instar des identitaires et monarchistes ayant la nostalgie des rois thaumaturges représentants de Dieu et monarques absolus de « la fille aînée de l’Eglise », ou de Napoléon100 et de la centralisation jacobine dont l’Etat français a hérité. Quelle différence après tout ? Un idéalisme et un dogmatisme renvoyant à l’autre, dos à dos, à l’heure de ce que d’aucuns auront qualifié avec crainte « d’archipel français » l’antithèse du « village planétaire » ou de « la mondialisation heureuse » d’Alain Minc, traitant les uns de populistes et les autres de chiens de garde d’un système dont on ne sait plus la cohérence si ce n’est celle « du monothéisme du marché » ou « de la monarchie du pognon », pour reprendre une expression du groupe de rap IAM.

De la même façon, bien peu ne connaissent les griefs que les anarchistes ont porté à la prétendue démocratie représentative ou suffrage universel, qui à leurs yeux n’est qu’une mascarade afin de reproduire la domination des élites par le biais des urnes. David Graeber l’a bien démontré dans son excellent livre La démocratie aux marges, que pendant longtemps le terme démocratie101 était considéré comme synonyme d’anarchie par les élites qui lui préféraient celui de République102.

De la même façon, et peu connu, dans la sphère musulmane, Francis Dupuis-Déri revient sur un certain Mohamed Abdou103 (de son vrai nom Mohamed Jean Veneuse) qui a signé un mémoire de maîtrise en sociologie dans lequel il propose de fusionner l’anarchisme et l’islam. Coïncidence en résonance avec la succession de nos articles et analyses qui n’ont eu de cesse d’expliquer par un exercice de la raison et dans la continuité du mouvement réformiste en quoi le mot I(i)slam est devenu un terme fourre-tout, qu’il fasse référence à la civilisation, aux sociétés, et à la religion.

A l’instar de Mohamed Abdou (Jean Veneuse), et bien avant lui Ali Abderaziq comme nous l’avions montré dans un précédent article104, nous posons les mêmes questions (François Dupuis-Deri souligne), « Il demande «qui peut dire que l’islam doit être institutionnalisé, organisé, autoritaire, et répressif ?» et «prouve dans cette thèse que cela n’a pas à être comme cela».

(…)

Plus précisément, il cherche à offrir «une lecture alternative de l’interprétation classique du concept islamique de califat, l’État islamique». Il discute pour cela de principes et pratiques de l’islam, dont les consultations délibératives (Shura), le consensus (ijma) et le bien commun (Maslaha). D’autres interprétations traduisent des affinités possibles entre l’anarchisme et l’islam, par exemple cette phrase attribuée au Prophète, au sujet du gouvernement : «Par Dieu, nous ne confions pas ces fonctions à ceux qui les réclament ni à ceux qui les convoitent» (hadith d’Al-Bukhari et Muslim).

En effet la réalité historique est bien plus complexe, le monde musulman aura été pris en étau par le mouvement des croisades dans un contexte de pandémie de la lèpre, mais surtout par les invasions asiatiques de Gengis Khan ou de Tamerlan, et des turcs qui formeront le dernier empire, contredit cette centralité et cette vision occidentalo-centrée105 teinté d’un fort Hégélianisme. Celui-ci expliquant l’histoire selon une vision totalisante et générale ne peut que nous faire sourire en relisant Huntington et ses explications simplistes sur les civilisations en blocs monolithiques, vision ô combien messianique pour ne pas dire biblique du Bien et du Mal (que partagent les extrémistes musulmans). C’est dans ce contexte apocalyptique et messianique (Lèpre, invasion Mongol et croisades) que l’on peut comprendre l’actualité de la pensée d’Ibn Taymiyya106 loin d’une interprétation, selon Yahia Michot, des excommunicateurs contemporains empressés et des militants se réclamant de lui, et de cette vision fausse d’un parangon d’intolérance extrême imaginé par certains nouveaux orientalistes post 11 septembre.

Querelles byzantines, querelles sur l’interprétation et l’instrumentalisation des sources. Georges Corm pose une vraie question, qu’est-ce qui à partir du IXème siècle a fait que les arabes ont perdu l’usage du pouvoir, souvent gouvernés par des ethnies étrangères ? Ou n’étaient-ils pas eux-mêmes minoritaires et étrangers, bien loin d’une toute puissance de l’islam ou de l’arabité ? Car après tout qu’est-ce que l’islam et à qui appartient l’islam ?

Il en a été de même du grand schisme entre chrétienté de Rome et chrétienté d’Orient, ou encore entre catholique et protestants. Car l’Histoire se fait à travers le temps et au détriment d’un dogmatisme cléricale ou temporel ou séculier ou d’une propagande ou fabrique du consentement107, même si la tentation fut grande avant la critique des Annales et de la nouvelle historiographie de réduire celle-ci a une apologie voire à un narcissisme identitaire108. Qui d’ailleurs est aussi bien instrumentalisé à l’intérieur des sociétés musulmanes qu’à l’extérieur par des puissances étrangères, qui ont tout intérêt à maintenir le chaos ou le statuquo afin de justifier toute forme d’interventionnisme militaire au nom de raisons d’Etat ou d’enjeux stratégiques ou de la lutte contre le terrorisme. Comme si la complexité, la diversité, les déchirements, les revendications des populations, et l’émergence de l’individu et de ses espoirs et de ses désirs à l’instar de ce qui a été exprimé lors des printemps arabes était dénié, refoulé, méprisé. Comme si l’arabe du réel ou du futur109 ne devait pas supplanter l’arabe imaginaire qui a été savamment construit aussi bien par apologie des tenants d’une orthodoxie néo-religieuse, que néo-libérale héritière de toute une construction mythologique110 de l’islam et du musulman111.

Daniel Colson ne dit rien de moins à propos de l’I(i)slam en affirmant, « À une histoire achevée et faisant table rase du passé et de ce qui est, au temps immobile de la charia et des obligations religieuses se substituent ainsi des histoires incessantes, sensibles, matérielles et circonstancielles, qui, des vieilles croyances animistes et polythéistes aux imams cachés ou martyrisés, ne cesse de recommencer, dans l’attente impatiente de ce qui peut toujours advenir. A l’extériorité idolâtre, fétichiste et autoritaire des prescriptions religieuses se substituent l’intériorité et l’indétermination de la vie, de sa puissance et de ses espoirs à proprement parler inouïs. Aux intermédiaires dictatoriaux de la lettre et de la loi se substitue un rapport intime et direct avec la totalité de ce qui est. À la légalité oppressive et arbitraire d’un Dieu-Imperator ordonnateur du monde et qui confie aux hommes les plus obéissants et donc les plus « bornés », le soin d’en imposer les règles et les interdits, se substitue le caractère infini et sensible de la vie, de la subjectivité des êtres, de ce qu’ils peuvent, à partir d’eux-mêmes ; en bon comme en mauvais dirait Proudhon. Au néant d’une divinité qui s’approprie le monde en le vidant de sa substance, se substitue la surabondance de la vie. À la transcendance d’une puissance divine ne communiquant que par décrets et par normes (sunna) se substitue l’immanence imprévisible d’une puissance infinie dont le monde est porteur et à laquelle (par malheur et par soumission à la grammaire) on donne le nom de « Dieu ». A la « loi du Père » et à sa façon de nous couper du monde réel, à la castration qu’opèrent les tours de passe-passe du patriarcat, du symbolique, des représentants, des « brevets » et autres droits de propriété, se substitue – sous la figure des démons, des sorcières mais aussi du fond infini et obscur des désirs, de l’expérience et du cœur des hommes – la réalité de ce qui est. »

Certes. Pourtant les termes islam et anarchie semblent antinomiques. Mais ce paradoxe proudhonien que cite Gaetano Manfredonia dans son Histoire mondiale de l’anarchie en exergue comme définition « Peu de mots ont été utilisés d’une manière aussi contradictoire que celui d’anarchie. Synonyme de désordre, voire de chaos, dans le langage courant, l’anarchie est considérée comme « la plus haute expression de l’ordre » par ses partisans car elle reposerait, dans un tel Etat social, sur le respect d’un système de normes et de valeurs librement consenti et non pas imposé par une autorité quelconque. », peut convenir à une vision islamique, disons universelle.

On peut y reconnaître le « La Iqra fi Dine » (Nulle contrainte en religion) ou le « Lakoum Dinoukoum wa lya Dine » (A vous votre religion ou croyance et à moi la mienne). Et que dire de la profession de foi « La Ilaha Ila Lah » (Il n’y a de Dieu que Dieu) proche du Ni Dieu ni maîtres, que l’on peut rebaptiser ici en « Ni Dieux ni maîtres », proche du combat qu’ont mené les premiers musulmans contre l’ordre polythéiste et marchand des Quraychites alors tenants de la Mecque. Etrange retournement de l’Histoire quand on sait que d’autres idoles de la marchandisation ont remplacé ces divinités païennes dans la ville sacrée de la Mecque (Pétrole, Dollars, Coca-Cola, Burger King, KFC, etc.).

Et cela est d’autant plus vrai, que déjà, comme le rappelle Eric Geoffroy, « Le pluralisme religieux énoncé par certains versets coraniques a même gêné certains commentateurs musulmans (…). Ainsi du verset 48 de la cinquième sourate ; « à chacun de vous, Nous avons accordé une loi et une voie. Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté, mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les œuvres de bien. Votre retour à tous se fera vers Dieu ; Il vous éclairera, alors, de vos différends. » Dans le contexte des versets qui précèdent (44 et 46), et qui qualifient la Torah et l’Evangile de « guidance » et de « lumière », les exégètes les plus restrictifs ne pouvaient que conclure à la diversité des voies menant vers le salut. »

Concernant la question de la liberté religieuse et de l’apostasie, il explique « En islam, la liberté humaine est, spirituellement parlant, axiale, puisqu’aucune instance cléricale ne peut interférer dans le rapport direct de l’homme à Dieu. L’Homme jouit d’un espace intérieur sur lequel personne ne peut empiéter. Chaque individu, exerce pour lui, et à sa mesure propre, un magistère comparable, mutatis mutandis, à celui qui donne autorité au pape sur les catholiques. Louis Massignon qualifiait à cet égard l’islam de « théocratie égalitaire et laïque ».

(…)

A propos des versets établissant la liberté religieuse, le penseur tunisien Mohamed Charfi se livre à ces réflexions : « Avec des paroles aussi claires, on aurait pu s’attendre à ce que les ulémas construisent une théorie de la liberté de conscience. Il n’en est rien. Au contraire, ils nous ont légué une série de règles attentatoires à la liberté de conscience aussi bien à l’égard des musulmans que des Gens du Livre ou autres. »

(…) Tahar Jabir al-Alwani conclut son étude sur le sujet en ces termes : « Il est inconcevable que le Coran affirme la liberté de choix des êtres humains dans plus de deux cents versets, et qu’il y renonce en condamnant ceux qui exercent ce droit par une sanction aussi sévère [que la condamnation à mort]112. Le docteur Al Ajami va dans le même sens, et on pourrait citer beaucoup d’autres auteurs qui s’adonnent à une relecture des données scripturaires de l’islam : « Il n’y a pas dans le Coran de sanction prévue contre l’apostat et encore moins de condamnation à mort prononcée à son encontre. Bien au contraire, la vision coranique d’une société idéale et réaliste repose sur un pacte social113 intégrant ses différentes composantes114. (…) »

De même la cité-état de Médine, ne préfigure-t-elle pas au contraire ce que Proudhon vantait par l’exemple de la Renaissance et de ces cités-états ? Une forme de mutualisme, de fédéralisme, ou de communautés liées entre elles et autogérées par le bas. Pas si étrange que dans le Coran n’existe pas le terme Etat, mais bien celui de peuples, de tribus, d’organisations à une échelle réduite et appelées à se rencontrer se connaître et aujourd’hui dirions-nous à se connecter entre elles. Car après tout celui-ci a été révélé dans un contexte tribal. Et qu’en définitive, l’être humain n’a-t-il pas cette propension à s’organiser, à se regrouper en petits groupes d’affinités diverses, que ce soit dans les clubs, les associations, et même les réseaux sociaux ?

En effet, une autre voie plus spirituelle et qui est plus dans l’acceptation du Kadr (dessein divin ou champ des possibles) nous amène à ces questions : et si les états n’existaient plus ? Ou les modes d’organisation coercitifs comme le sont les idéologies totalitaires qui se prétendent de la tradition et de la voie enseignée par le prophète Muhammad étaient dans l’erreur ? Voire à l’opposé de son message fondé sur al-3aql (la raison) et la Shura (consultation proche de l’agora et de l’autogestion) ? Et que dire de cet épisode qui pourtant reste dans l’histoire sacrée comme un moment très fort, lorsque les Ansar (habitants de Médine) se sont séparés de la moitié de leurs biens (propriétés) et de leur seconde épouse qu’ils ont donné aux Muhajiroun leurs frères de lutte, frères en islam (exilés qui ont quitté la Mecque suite aux persécutions) ? Quels sont les musulmans qui seraient capables d’en faire autant aujourd’hui ? N’y a-t-il pas, ce que d’aucuns parmi les réformateurs de la Nahda ont perçu comme une forme de communisme, à savoir la propriété ou le bien personnel non pas comme une possession définitive ou acquise, mais comme un bien commun qui peut être partagé en vue d’acquérir une paix sociale, une fraternité ? N’y a-t-il pas là une vision égalitaire que ne renierait aucun anarchiste ? Etrange que les nouveaux religieux puissent être aussi attachés à leurs biens et à leurs propriétés. Car après tout, l’interprétation du Coran et des paroles prophétiques ont déjà donné par le passé une multitude de réflexions et de courants religieux et politiques. Imaginer qu’un seul serait le bon, à l’instar du Hadith Da3if (faible), qui explique qu’il y aurait 73 sectes, et seule la voie de ceux qui se prétendent Salaf connaîtra le salut, est aussi prétentieux que de prétendre connaître le Ghayb115. Et la responsabilité individuelle de tout un chacun auquel fait référence sans cesse le Coran est plus proche de l’individualisme de Stirner sur le rapport vertical, et de Proudhon et de Bakounine sur le plan horizontal : « celui qui aura fait le point d’un atome de bien ou de mal le verra » (responsabilité individuelle) ou « Vous êtes la communauté qui recommande le bien et condamne le blâmable » (intérêt commun). Car après tout que nous soyons dans un pays musulman ou non, ne sommes-nous pas confrontés à cette solitude de la postmodernité propre à la vie que rencontre chacun à un moment donné dans toutes les agglomérations ou mégalopoles, face à la tragédie de l’Homme moderne renvoyant et oscillant entre la possibilité d’une île116 et l’Eveil117. Le déphasage entre la théorie et la praxis, pour le dire en langage musulman Al Qul (le dit) wa Al Fa3il (L’action). Et le Coran de rappeler, « Ne dites pas ce que vous ne faites pas ». Et nous le mesurons chaque jour dans notre quotidien avec nous-mêmes, auprès de nos proches, nos voisins, nos concitoyens et nos dirigeants, que nous soyons ici d’Occident ou d’Orient.

Or quoi de plus remarquable que le prophète Muhammad ait établi une constitution, disons un contrat social118, et que malheureusement les pouvoirs successifs en aient fait un usage pour le moins coercitif. Makram Abbès119, tente avec justesse, ces remarques ô combien pertinentes, « Il est possible, à partir de ces remarques, de fournir quelques clés susceptibles de rendre intelligibles certaines situations politiques actuelles, sans toutefois qu’une relation de cause à effet ne soit établie entre le passé et le présent. Par exemple, l’absence d’une tradition constitutionnelle et le fait que la politea n’ait été comprise par les penseurs de l’islam que dans son sens individuel de conduite et de mode de vie pourraient expliquer les torsions qui sont infligées aux textes constitutionnels afin de s’adapter aux volontés des chefs et à la pérennisation de leur règne. La faiblesse du droit dans la tradition de l’islam classique et son incapacité à mettre des limites au pouvoir pourrait expliquer, de son côté, la raison pour laquelle certains régimes transforment l’état d’exception en mode normal de gouvernement donnant ainsi l’impression que le politique est une série d’accidents de l’histoire qui doivent être gérés dans l’urgence. Cet étiolement du droit est lisible à un autre niveau, celui du refus des Etats de se saisir de principes juridiques qui seraient à la fois leur source de légitimation et la marque de leur autofondation. A ce titre, le problème de l’extériorité du droit par rapport au politique qui est resté la marque fondamentale de la tradition juridique médiévale se manifeste davantage avec la mise en place, depuis la fin du XIX ème siècle, de la machine bureaucratique de l’Etat moderne dont les lois semblent être mobilisées pour servir les intérêts d’un clan dominant, d’un parti unique ou d’une idéologie exclusive au mépris, parfois, des notions élémentaires de l’engagement civique.

(…) Porteurs des stigmates de la Discorde et affectés par la discontinuité induite dans l’histoire de l’islam, les juristes ont élu le maintien de la cohésion de la communauté comme critère majeure de l’action de l’Etat. 

Etrange résonance avec nos dirigeants et les régimes illibéraux actuels et la tentation autoritaire, pour ne pas dire totalitaire.

Mais alors, suite à ce bref rappel historique et ces éléments qui montrent la complexité et les débats qui ont agité l’islam dès sa genèse, qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui il puisse être représenté comme relevant de la pensée magique ou d’une forme d’irrationalité ? Ou qu’il soit réfractaire à la raison ou au progrès ? Ce qui n’est pas sûr, vue qu’il y participe pleinement en vendant ses ressources naturelles, et en consommant comme n’importe quel citoyen de ce monde pris dans la spirale du marketing et de la publicité. Ou peut-être de façon utopique, opposé à ce type de progrès industriel et destructeur, dans une attente résignée messianique et eschatologique ?

Le père Adrien Candriard évoque une hypothèse très intéressante, notamment l’expérience Mu3tazilite (rationaliste) qui pourrait expliquer selon lui cette méfiance à l’égard de tout ce qui serait à prétention rationaliste. Il explique, « En général ces mu3tazilites ont pour eux les faveurs des Occidentaux : les rationalistes nous paraissent plus sympathiques que les croyants traditionalistes qui refusent les affirmations rationnelles. Plus sympathique, parce que théoriquement plus ouverts, plus tolérants. C’est là que notre préjugé issu des Lumières nous trompe. Car on se souvient que le pouvoir califal, au début du IXème siècle, désireux de donné à l’empire une doctrine cohérente, chercha à imposer l’approche mu3tazilite à tous les musulmans de l’empire, par la force au besoin : il créa une force de police, chargée de s’assurer que tous les imams acceptaient de reconnaître le credo mu3tazilite, en affirmant que le Coran était créé et non éternel. Pendant quinze ans (833-848), la répression s’abattit sur les croyants traditionnels, obligés de se cacher pour conserver le credo transmis.

Cet épisode de répression brutale a laissé des traces profondes dans la mémoire musulmane. L’intolérance et la violence ne sont pas associées à l’obscurantiste traditionaliste, mais au rationalisme à prétention universelle, qui, parce qu’il est rationnel, doit s’imposer à tous et ne laisse pas de place à la diversité. Dans l’histoire musulmane, l’Inquisition a été rationaliste ; Torquemada était logicien, et le chevalier de la Barre un croyant attaché à ses traditions. Cela nous est à peu près impossible à penser, mais il faut faire cet effort contre la tendance à croire que l’histoire intellectuelle de l’islam est une lutte entre un courant rationaliste ouvert, progressiste et tolérant, et un courant rétrograde et violent. C’est infiniment plus compliqué, évidemment ; et dans cette complexité, il faut retenir, comme clef d’explication de certains réflexes, que l’islam a fait l’expérience du potentiel violent de la prétention universelle du rationalisme.

L’école théologique qui s’est imposée à la suite de cette crise dans l’islam sunnite classique, l’école acharite, a cherché en réaction à maintenir une forme d’équilibre, en faisant usage de l’outillage rationnel, mais en refusant d’en faire un absolu. Cette prudence lui a permis de faciliter la cohabitation, au sein de l’islam impérial, entre des courants très divers, de la philosophie d’inspiration grecque jusqu’au textualisme d’Ibn Taymiyya, en ayant à cœur, pour éviter la violence théologique, moins de s’appuyer sur la rationalité grecque que de légitimer la diversité des approches. »

Quid du choc colonial120 et impérial121, et l’injonction à la modernisation de l’islam122.

Carbon Democraty123 et globalisation du wahhabo-salafisme ?

L’une des thèses les plus originales est celle de Timothy Mitchell124, revenant sur une approche géophysique et sur les raisons qui auraient selon lui accéléré la transition du charbon au pétrole, bouleversant la géographie énergétique du monde, et neutralisant les leviers démocratiques sur lesquels pouvaient agir les masses ouvrières et populaires. Cela ne peut que nous éclairer sur le rapport qu’entretient l’Occident avec ces pétromonarchies, pour le moins incestueux, si l’on peut considérer le paternalisme colonial et néocolonial et le maintien dans une forme de néo-orthodoxie perçue avec bienveillance par ceux-là même qui se considèrent comme les héritiers des Lumières125.

Timothy Mitchell explique, « Dans le Nord de l’Europe l’utilisation du charbon a créé la possibilité de la démocratie de masse, en rendant l’ordre politique vulnérable à cette nouvelle arme qu’était la grève. Pour la première fois dans l’histoire les travailleurs ont acquis la capacité de bloquer instantanément la totalité du système énergétique. A partir des années 1880 la dépendance accrue du système industriel à l’égard de l’approvisionnement en charbon conduit à une situation où des quantités extraordinaires d’énergie doivent passer par des canaux très étroits et très fragiles.

Entre le mineur et la ligne de chemin de fer, puis vers les docks, les dépôts et les sites de consommation, on trouve une série de ruptures de charge, vulnérables aux actions de blocage. L’interruption des flux au niveau de ces sites critiques par des groupes d’ouvriers relativement restreints peut neutraliser le système énergétique d’un pays tout entier. Les anciens systèmes énergétiques, basés sur le bois et les forêts, l’énergie hydraulique ou celle développée par les animaux offrait moins de prise au blocage.

A partir du milieu du XXème siècle l’émergence d’une énergie fossile de substitution, le pétrole, a fragilisé le compromis industriel politique issu de l’âge du charbon. D’une part, le système industriel est devenu moins dépendant à l’égard d’une source d’énergie fossile unique et, d’autre part, l’approvisionnement en pétrole a été massivement délocalisé vers des sites lointains – en particulier les champs pétrolifères du Moyen-Orient.

Les ouvriers arabes et iraniens du pétrole ont eux aussi tenté d’exploiter leur situation stratégique dans la chaîne d’approvisionnement pour formuler des revendications politiques et économiques, mais il était beaucoup plus difficile d’appuyer un mouvement de démocratisation sur le pétrole.

(…)

Pour toutes ces raisons, l’émergence du pétrole comme ressource énergétique dominante a affaibli les possibilités de démocratisation auparavant contenues dans le système associé au charbon – que ce soit sur les lieux de production ou là où il était consommé. De nombreuses matières premières sont extraites à grande échelle (par exemple le sable), mais toutes n’ont pas d’effets géopolitiques aussi importants que le pétrole.

On voit que, lorsqu’on construit de nouveaux modes de production d’énergie, on ouvre ou on ferme des possibles politiques. La transition politique est-elle un préalable à la transition énergétique ? Il paraît au contraire plus facile d’utiliser la transition énergétique pour produire le changement politique. La politique est inséparable des procédés techniques. On ne peut pas dire que l’un détermine l’autre, mais il existe une connexion entre les deux. »

Dès lors, l’on peut faire le lien non sans exagération de la politique extérieure des puissances ou enjeux géostratégiques, concernant la « défense de leurs intérêts » dans la course effrénée à l’exploitation des ressources énergétiques fossiles et autres minerais rares, et cette doctrine du laisser-faire ou statuquo pariant sur la stabilité de régimes forts plutôt que l’instabilité politique126. Même si dernièrement, la mondialisation via la concurrence chinoise, russe, turque et américaine a bouleversée la donne127.

Et il intéressant de voir à partir de l’analyse de Timothy Mitchell le rôle qu’ont joué et jouent les puissances étrangères, notamment la France, l’Angleterre et les Etats-Unis sur le maintien et le soutien de régimes forts conservateurs et non démocratiques et cette mythologie sur leur incapacité ontologique voire anthropologique à s’émanciper, et dont il faudrait chercher depuis l’époque coloniale les raisons dans le Coran et la tradition islamique128. Et comme nous l’avions souligné ailleurs, il est troublant de voir la corrélation entre la cartographie des ressources naturelles et l’implantation géographique des groupes terroristes. Comme par hasard là où il y a des ressources naturelles !

Personne ne peut oublier cette publicité qui circulait à la télé dans les années 80, « En France, nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des idées ». C’était le temps des relations exclusives de la Françafrique129, qui n’était pas encore menacée par la concurrence mondiale, ou ce que d’aucuns ont appelé la mondialisation heureuse.

Quid des représentations des Arabes comme rois du pétrole, ou des Africains comme dictateurs sanguinaires et dépensiers.

Ces lieux communs et ce mépris étaient partagés sur les deux rives de la méditerranée et datent en réalité depuis le Moyen Age, même si ça et là commençait à l’apogée de l’Empire ottoman, une forme de fascination réciproque130, et que la présence des juifs et des chrétiens d’Orient étaient établies de longue date131. Il ne faut pas oublier que la plupart des musulmans étaient d’anciens israélites ou chrétiens convertis, et donc l’altérité n’était pas aussi ressentie qu’en terres chrétiennes, où les musulmans étaient rares voire inexistants, si ce n’est dans l’imaginaire populaire, ou représentés par des gargouilles sur les toits des églises.

Fort heureusement depuis la seconde guerre mondiale et les indépendances, du Sarrazin païen au méchant Turc, la représentation à quelque peu évoluée pour endosser souvent une image misérabiliste du colonisé132, de l’immigré voire de l’Arabe des foyers Sonacotra que décrivait Abdelmalek Sayad dans la double absence133 et dans L’immigration ou les paradoxes de l’altérité134 ; jusqu’aux princes des pétromonarchies achetant des résidences luxueuses sur la côte d’Azur, ou le fleuron du football français à l’effigie de la tour Eiffel, en passant par les auto-entrepreneurs et ingénieurs, médecins, professeurs, managers, cadres, peu médiatisés, jusqu’aux Bad Boys du gangsta Rap cabrant sur des scooter volés ou faisant l’éloge de la « Moulaga135 ».

Or, depuis les années 80, notamment la révolution iranienne, et le soutien par la CIA des Moudjahidin en Afghanistan ou partout ailleurs pour contrer l’évolution du communisme, commençait à se profiler la figure du résistant selon un langage136 et des codes islamiques137. Ou plutôt d’un imaginaire révolutionnaire ou résistant romantique comme le fût la figure du Che Guevara.

Devant la crise du panarabisme et les désillusions des indépendances et du nationalisme, commençait à émerger souvent avec le soutien des puissances occidentales le panislamisme sur fond de terrorisme138. Bien sûr celui-ci existait déjà sous des formes marxistes ou révolutionnaires laïques ou d’obédience nationaliste lors de la lutte pour les indépendances. Mais de plus en plus, il prit forme selon une grille d’intelligibilité qui peut nous sembler archaïque, voire irrationnelle. Et pourtant, comme l’explique si bien Georges Corm, ceci n’étant qu’une façon de cacher des raisons bien profanes139 et utilitaristes des motivations et des enjeux géostratégiques.

Et Thimothy Mitchell de souligner, « D’un côté le XXè siècle se caractérise par une offre de pétrole surabondante, et donc par une menace permanente pour l’industrie pétrolière de voir cette fabuleuse rente s’effondrer tout à coup. Pour écarter la menace, l’industrie a donc dû s’employer à fabriquer et à entretenir la rareté du pétrole. De l’autre côté, des structures politiques sont apparues pour aider la réalisation de cet objectif. L’industrie pétrolière n’ayant jamais été assez puissante pour créer seule un ordre politique, il lui a fallu collaborer avec d’autres forces politiques, d’autres énergies sociales, d’autres formes de violence et d’engagement. Au Moyen-Orient, plusieurs forces étaient disponibles. Mais chacun de ces alliés avait ses objectifs, et il n’était jamais garanti qu’ils coïncident avec la nécessité de préserver la rareté du pétrole. Pour les raisons que nous avons vues, le contrôle politique de l’Arabie était le cœur du problème. Du fait de la géophysique particulière des réserves de pétrole, la rente issue du bien marchand le plus rentable au monde ne pouvait être prélevé qu’en exploitant l’énergie d’un mouvement religieux puissant.

Le McDjihad décrit cette déficience du capitalisme. Le mot renvoie non à une contradiction entre la logique du capitalisme et les forces et les idées qu’il rencontre, mais à l’absence d’une telle logique. L’extrême violence politique que les Etats-Unis, depuis plusieurs décennies, et avec plusieurs autres acteurs, ont promue, financée et entretenue dans une large partie du Moyen-Orient en est le symptôme persistant.140 »

Il est dès lors compréhensible de comprendre pourquoi les médias et les soi-disant experts de l’islam ne parlent jamais de cet âge d’or où ce qui a fondé l’islam impérial ou dynastique qu’analysait Ibn Khaldun dans ses Muqadimat (Prolégomènes). Et que cette alliance contre-nature entre les Etats-Unis et cette secte rétrograde wahhabo-salafiste soit à l’origine de la situation actuelle141, jusqu’à devenir, pour les idiots utiles qui s’en réclament, une référence. Encore une fois, faut-il y voir une généalogie plus lointaine dans la dernière école juridique sunnite, contemporaine des Mu3tazilites, celle fondée par Ahmad Ibn Hanbal (780-855) ?

Mais alors, pourquoi est-ce que l’Occident en général que ce soit au niveau médiatique et au niveau politique agit comme si ce mouvement wahhabo-salafiste qui était à l’origine minoritaire et sectaire avait déjà gagné le combat des idées et du politique ? Alors que la majorité des français de confession musulmane se distinguent de cette tendance rigoriste et littéraliste. Même si bon nombre de jeunes par ignorance à force d’y voir la publicité morbide pour ne pas dire la surmédiatisation qu’auront suscité les médias occidentaux via ces images des tours du World Trade Center ou vidéos de décapitation142, comme la preuve d’une lutte contre ce Goliath ou Taghout capitaliste. Et nos dirigeants en France en particulier, qui pourtant se réclament d’une tradition moderne, positiviste et séculaire, luttant contre l’obscurantisme n’ont de cesse de réduire l’islam et les sociétés islamiques à ce seul courant sectaire, pour en faire la part belle à laquelle s’attachent tous ces frustrés ou perdants nihilistes de la mondialisation143. Bien entendu que des jeunes acculturés, ignorants des quatre écoles juridiques et de l’islam impérial, voire la culture islamique qui a essaimé à son apogée ou âge d’or, jusqu’aux mouvements réformistes issus de la Nahda, seraient surpris de voir la richesse et la complexité des courants religieux, philosophiques et politiques dans l’I(i)slam. Car après tout, le terme Salaf qui n’apparaît que peu de fois dans le Coran, ne signifie ni plus ni moins que le terme Ancêtres. Et il se réfère aux peuples précédents aussi bien ceux qui ont eu le consentement divin que son courroux (populations de Sodome et Gomorrhe). Et que les prophètes dans le Coran se définissent comme Muslim (musulmans) et non comme Salaf (ancêtres).

De plus, il est étrange que ces derniers qui se revendiquent d’une tradition littéraliste n’acceptent aucun pluralisme religieux ou autre altérité. Surtout si l’on se réfère à la charte de Médine que d’aucuns voient comme un pacte social plutôt qu’une constitution, et qui reconnaissait de ce fait la communauté juive et chrétienne comme faisant partie de la Oumma. Cette globalisation d’une vision wahhabo-salafiste, ou ce que d’aucuns ont appelé l’islam mondialisé144, et comme le rappelle Olivier Roy, « nous assistons aujourd’hui à un mouvement de reconstruction de l’identité musulmane s’opérant à partir de l’individu et visant à ré-islamiser une communauté qui ne peut s’incarner dans un territoire donné, sinon sous une forme virtuelle et fantasmatique. Le surgissement de formes radicales de religiosité n’est pas un fait isolé ; il fait partie d’une mutation plus générale. Que ce soit sous la forme de la quête spiritualiste, du néo-fondamentalisme ou de l’internationalisme djihadiste, ce double processus d’individualisation et de déterritorialisation marque la globalisation de l’islam contemporain, et donc son occidentalisation. Loin d’exprimer un  » choc des civilisations « , les tensions qu’il manifeste sont le syndrome d’une déculturation mal vécue. »

Enfin Timothy Mitchell145 met en garde, et cela n’est pas sans rappeler la montée des populismes146, des crispations identitaires et des régimes illibéraux. Ou peut-être est-ce bien la preuve manifeste que le politique dépend des ressources naturelles ? Et que cette contingence inhérente de l’Homme face à la réalité physique ou matérialité et à l’épuisement de celle-ci, met en branle le mythe du progrès illimité ?

« Dans Des images et des bombes, Ian Boal et ses collègues posent que pour comprendre la politique actuelle du pétrole, il faut réussir à penser conjointement la violence employée pour préserver les dispositifs de production du pétrole et les formes de spectacles et de représentation qui apparaissent comme un aspect tout aussi efficace de cette politique _ au premier chef, la récente représentation du militarisme américain comme projet visant à apporter la démocratie au Proche-Orient.

Nous pourrons mieux comprendre la relation entre le spectacle et la violence, mais aussi entre d’autres éléments apparemment disparates ou discordants liés à la politique du pétrole, si nous examinons attentivement le pétrole lui-même. Non pas parce que ses propriétés matérielles ou sa nécessité stratégique déterminent tout le reste (…), mais parce qu’en retraçant les connexions établies entre les pipelines et les stations de pompage, les flux de dollars et le savoir économique, les experts en armement et le militarisme, on découvre comment s’est tissé un ensemble particulier de relations entre le pétrole, la violence, la finance, l’expertise et la démocratie.

Ces relations diffèrent totalement de celle de l’ère du charbon. S’il faut rattacher au charbon l’émergence de mouvements politiques de masse au début du XXème siècle, politique qui déboucha parfois sur des formes de démocratie redistributive, c’est aujourd’hui à partir du pétrole que l’on doit saisir les limites de la démocratie. La possibilité d’un avenir plus démocratique dépend donc des outils politiques que nous développerons pour affronter la fin de l’ère des combustibles fossiles. »

Ici se trouve le nœud gordien de toutes les crises sociales, économique, et politiques, et identitaires qui ont agité nos sociétés ces dernières années, à l’instar du sécessionnisme147 de nos élites et la crise des gilets jaunes148. Cela explique en partie les causes internes de « la maladie de l’islam149 » et le rôle de l’Histoire et de la perception occidentale, que d’aucuns appellent dépendance énergétique ou « maladie de l’Occident ». Car après tout, ce n’est pas un hasard que le colonialisme britannique ait attribué aux saoudiens la conservation des lieux saints de l’islam, et que l’adoption du pacte du Quincy (1945) entre Roosevelt et le roi ibn Saoud à l’instar du pacte de Najd (1745) entre Muhammad ibn Saoud et le fondateur du wahhabisme Ibn Abdel-Wahhab, ait permis l’émergence et l’hégémonie de ce courant sectaire comme nouvelle orthodoxie150 ; et la Mecque et Médine comme l’équivalent d’un Vatican sunnite. Alors que dans l’islam impérial ces lieux saints représentaient le symbole du pèlerinage et de la naissance de l’islam, dissociant l’aspect temporel ou politique de l’aspect spirituel. Car après tout, les cités impériales étaient bien à Bagdad, Damas, Cordoue, Fès, etc. Et comme nous l’avions vu plus haut à travers une analyse Khaldunienne de l’Histoire, et qui suscite la crainte des néo-religieux et une forme de chantage affectif, voire culpabilisant, comme le rappelle Amadou Hamidou Diallo151« Au sein de l’Islam, deux thèses s’opposent quant au comportement de l’individu face au pouvoir. D’un côté celle de la tendance Ahlu Sunna wal jama’a. Pour ceux-ci tout musulman doit respecter Dieu, le Prophète et l’autorité conformément à la recommandation du Prophète lui-même. Le respect des enseignements du Prophète exige un égard vis-à-vis de l’autorité dirigeante. D’ailleurs, le renversement du pouvoir est toujours lié à des risques tels que le désordre ou l’anarchie, autre forme de blâmable (munkar). Sous certaines formes même, la mutinerie contre l’Etat est perçue comme une opposition à la parole du Prophète. Cette philosophie pourtant coïncide avec le crédo du Salaf.

(…) Pour autant, une soumission aveugle et sans limite au pouvoir est-elle envisageable ? C’est là où intervient la seconde tendance. Celle-ci s’appuie sur le hadith du Prophète qui dit qu’ « il n’y a point d’obéissance au crée dans la désobéissance du créateur ». Cette recommandation interdit à l’individu de suivre aveuglément les ordres de celui qui désobéit à Dieu. Nous retrouvons ici la légitimation du renversement du pouvoir despotique qui n’obéit pas aux règles édictées par la morale islamique.

Les mutazilites sont plus proches de cette thèse. Elle vise, en définitive, à doter le citoyen musulman de moyens juridiques et moraux lui permettant de contrôler l’Etat pour éviter d’éventuelles dérives. Parmi les devoirs de l’individu, il y a la rébellion contre l’injustice.

(…) Nous pouvons en déduire que les mutazilites défendaient la théorie de la responsabilité. Chaque individu sera rétribué en fonction de ses propres œuvres. »

Peut-être que les foules de manifestants du printemps arabe étaient inconsciemment inspirées par cette lecture du Coran, cette vision mu3tazilite inconsciente d’une philosophie de l’action et du changement, voulant rompre avec le chantage affectif de ne pas se retourner contre l’ordre établi ou le raïs, fut-il un tyran, pour ne pas déclencher la Fitna152 ou le chaos ou l’anarchie. Anarchie bien entendue comprise dans son acception la plus caricaturale et réductrice. Car après tout, à l’instar de Saint Augustin Dieu n’est-il pas maître du temps et du Kadr (destin ou Histoire). Qu’y a-t-il de plus prétentieux que dans une vision autoritaire de se prendre pour Dieu même en invoquant le maintien d’une unité fictive ? On le voit très bien, quoi de commun entre un saoudien richissime et intégré à la mondialisation et les déshérités ou damnés de la terre au Moyen-Orient ou en Afrique ou les minorités musulmanes en Chine ou en Birmanie qui subissent les répercussions d’un jeu de concurrence mondialisée des exploitations des ressources naturelles auxquelles ils n’ont pas voix au chapitre, si ce n’est d’avoir ce rôle de fléau migratoire153 ou de victimes ou de dommages collatéraux154 ou de terroristes.

Peut-être faut-il et faudra-t-il y voir dans ces printemps arabes, sous l’œil inquiet des princes des pétromonarchies, des islamistes qui n’avaient pas été les initiateurs de ces manifestations spontanées, ou encore des raïs soutenus par nos dirigeants tout aussi surpris, les prémices des prochaines révolutions au Moyen-Orient et en Afrique sahélienne, là où l’Histoire actuelle se joue. Comme l’expliquent Robin Beaumont et Xavier Guignard155 le printemps arabe comme moment d’historicité d’un espace politique, « La séquence ouverte par les bouleversements socio-économiques de 2011 confirme en effet l’existence d’un espace politique régional, défini moins par une unité culturelle ou linguistique (qui perd en pertinence tant elle demande à être nuancée) que par l’interdépendance de ses sociétés politiques. Que ce soit dans les pays ayant connu un moment révolutionnaire, un changement de régime, une contestation populaire, ou dans ceux qui n’en ont reçu que les échos, le Printemps arabe a été, et à bien des égards demeure, ce que Thomas Hill définit (…) comme « sur le long terme, crucialement, l’expérience de la possibilité d’un changement de monde – et non ce nouveau monde lui-même. En ce sens, ce qui en subsiste, y compris politiquement, c’est le capital potentiel imaginaire, et donc politique, investi dans la mémoire collective de cette expérience : quelque chose qui n’a pas eu besoin d’une nouvelle réalité factuelle pour exister, et qui, à ce titre, pourrait survivre au prompt rétablissement des réalités pré-Printemps […] dans une contre-révolution régionale. »

Nous verrons dans quelle mesure le néolibéralisme et ses injonctions à maintenir le statuquo ou le soutien des régimes forts dans le monde arabe et africain, peut permettre cette mythologie pour ne pas dire mystification d’un monde en mouvement, bien entendu du Nord vers le Sud et l’Ouest et l’Est, conforme aux accords de Schengen et autre système Frontex, qui ne pourrait exister sans la pérennisation d’une forme d’impérialisme, voire de néocolonialisme. Dont aujourd’hui, même les classes des pays riches en bas de la hiérarchie sociale en subissent les revers, voire le mépris par des sobriquets de « perdants » de « fainéants » de « réfractaires » et « de gens de rien », ce qui n’aurait jamais été imaginable seulement quelques décennies auparavant. Et qui montre à quel point les islamistes ou idiots utiles du système mondialisé sont à côté de la plaque et servent d’alibi aux puissants pour mener des politiques d’Etat d’urgence, de contrôle, et imposer des lois liberticides au nom de la lutte contre la terreur. Favorisant non plus un climat de paix et de sécurité, mais de terreur. La COVID ayant davantage accentué le phénomène, et d’aucuns parlant même de Grande réinitialisation156.

Le dogmatisme néolibéral entre Saint-Simonisme et évolutionnisme ?

Maintenant qu’il y a une prise de conscience de cette contingence et de cette finitude des matières premières qui sont la source principale de notre civilisation, qui s’érigeait jusqu’ici en modèle indépassable et du mythe d’un progrès illimité. Sans parler de la réalité du réchauffement climatique et de la menace encourue sur les écosystèmes et la biodiversité par le mode de surconsommation et l’exploitation de ressources pour faire tourner nos sociétés énergivores. D’aucuns affirment que la nouvelle révolution industrielle viendra du numérique de l’agro-alimentaire et du pharmaceutique ?

Frederic Rouvillois157 nous explique, « Mais si cette question des racines importe, ce n’est pas seulement au regard de la biographie intellectuelle du président de la République française : c’est aussi, et plus largement, parce que ce dernier, avec l’accord plus ou moins enthousiaste de ses pairs, s’est posé depuis son élection en héraut du « monde nouveau » – qu’il conçoit conformément à ses convictions fondamentales, à partir des catégories et des thèses saint-simoniennes. Un monde nouveau remodelé par le numérique – de la même manière que celui où vivaient Saint-Simon et ses disciples leur semblait sur le point d’être révolutionné par la machine à vapeur et le chemin de fer ; le développement de l’industrie, des échanges et des communications devant, selon eux, entraîner un âge d’or de prospérité, de liberté et de paix universelle. Deux siècles plus tard, si la technique a changé, les mots sont les mêmes : « Le numérique », prophétise en 2016 le futur président, « n’est pas un secteur économique : c’est une transformation en profondeur de nos économies, de nos sociétés, de nos systèmes politiques. Il décloisonne en ouvrant des possibles aux individus », il prépare « une organisation profondément décentralisée où chacun peut jouer un rôle et reprendre du pouvoir. La multitude reprend forme car chacun peut avoir sa place […] ». La civilisation qui en découle « affaiblit donc toutes les formes classiques d’organisation intermédiaire de la société et en particulier l’État. Elle le déborde de toutes parts ». Un monde nouveau dominé par l’industrie, l’économie et la finance, où les frontières seront pratiquement abolies, les différences et les identités gommées au profit d’une approche globale et consensuelle – les États réduits au rôle d’administration des choses, les démocraties rendues universelles, mais soumises à la bienveillante direction des experts les plus capables. Un monde qui, à la suite de Saint-Simon, « sépare le signe et la chose », et reconnaît, « derrière le politique, la vérité de l’économie ». Un monde où tend à apparaître, suivant les analyses de Marcel Gauchet, un « sujet complètement autonome […], désaffilié, flottant car coupé de toute tradition et débarrassé de tout encadrement communautaire comme de toute fidélité à un passé national ; mais aussi, dégagé du poids des hiérarchies sociales, hormis celles qui sont manifestement requises par les exigences d’une production rationalisée à l’extrême ». Un Monde « en marche », un monde liquide, conformément aux analyses de Zygmunt Bauman, où tout n’est plus que réseaux et flux, d’images, d’informations, de marchandises, de populations, et où l’essentiel, souligne Macron, même « pour les plus fragiles », est d’obtenir « un accès ». Une possibilité d’entrer et de sortir, de se déplacer. De ne pas rester immobile. Surtout pas. Un monde de « communication généralisée », cette idée qui, selon Philippe Raynaud, « est au cœur des utopies modernes » et qui renaît aujourd’hui « dans la nouvelle figure du capitalisme mondialisé ».

Mais comme l’explique et le rappelle Barbara Stiegler, dans la critique de ces métaphores utilisées par le gouvernement Macron « De maintenir le cap » ou celui de la « pédagogie », dans un souci d’impératif ou d’injonction de changement ou d’évolution :

« Viser toujours la même direction, garder bien droit le gouvernail en dépit des remous, des vents contraires et des tempêtes –le fameux cap-, et y parvenir grâce à ce que le dictionnaire définit comme la « science de l’éducation des enfants »- la fameuse pédagogie-, ce serait donc là le nouvel art de gouverner. Ces deux métaphores, inlassablement reprises par l’équipe en place, comme par les gouvernements successifs, depuis des décennies, ne sont pas seulement ce que les communicants appellent des « éléments de langage ». Ce vocabulaire est bien plus intéressant. Il révèle de manière très rigoureuse le sens du nouveau libéralisme qui a émergé dans les années 1930 et qui n’a cessé de se diffuser ensuite à l’ensemble du monde, en se baptisant lui-même du nom de « néolibéralisme ».

Elle revient sur la réflexion issue du Lippmann-Dewey debate qui se trouve être le nœud gordien de cette dialectique entre souveraineté du peuple et légitimité de ses élus qui se targuent d’être ses représentants (par suffrage) ou experts qui se réclament comme les seuls à comprendre les enjeux qui dépasseraient les compétences des masses (Lippmann), face ou contre une démocratie radicale, horizontale plus proche des réalités régionales, voire locales (Dewey). Comme ce qui s’est joué dans l’épisode des gilets jaunes, ou encore dans la gestion hasardeuse de la COVID, démontrant au contraire l’impuissance organisée de l’Etat en France158. Ou, et plus ironiquement une forme de clergé qui impose le dogmatisme du monothéisme du néolibéralisme, comme doxa incritiquable et indépassable, quitte à sacrifier un réel débat public, voire la démocratie ? Nous sommes enclins à nous demander, n’est-ce pas une façon de maintenir une forme de domination via ces métaphores de « la pédagogie » ou du « cap » ? N’y a-t-il pas là quelque chose de proprement paternaliste, voire infantilisant, comme l’ont toujours vécues les populations du Sud face à ceux qui leurs imposaient les programmes d’ajustement structurels via le FMI, l’endettement159, à l’instar plus proches de nous et plus récemment nos voisins grecs et espagnols. Et n’ayant plus comme marge de manœuvre politique que la question identitaire au détriment du bien commun160 ? Prémisses d’une nouvelle ère, qui toucherait même les citoyens des démocraties les plus évoluées, qui l’eût cru ou imaginé vingt ans auparavant !

Barbara Stiegler de rappeler, et d’expliquer « Le cap, d’abord. Non pas « laisser faire », comme dans le libéralisme classique, mais imposer à la société la direction qu’elle doit prendre. Cette direction, c’est celle de son adaptation progressive à la division mondialisée du travail. Et sa destination finale, c’est celle d’un grand marché mondial dans lequel devront désormais prévaloir les règles d’arbitrage d’une compétition fair-play où, comme dans le sport, tous doivent avoir les chances égales de révéler leurs talents. Car ce que les nouveaux libéraux comprennent, dans le sillage de la crise de 1929 et à la suite de la décennie noire qui lui succède, c’est que le marché ne se régule pas tout seul. C’est qu’il n’y a aucune « main invisible » qui harmonise spontanément la lutte des intérêts, et qu’il faut donc impérativement en appeler à la main des Etats, architectes et arbitres de ce nouveau marché à construire.

(…)

Tels seraient la fin de l’histoire et le sens ultime de l’évolution de la vie et des vivants. Tel est en tout cas le cap, ce but transcendant qui ne peut ni se critiquer ni se discuter.

Ce faisant, le néolibéralisme réactive le vieil évolutionnisme de la fin du XIXème siècle, engoncé dans la croyance qu’il serait possible de connaître par avance la fin de l’évolution de l’histoire. Ce qui le conduit à accomplir une double trahison. A trahir la leçon essentielle de Darwin d’abord, qui a montré que l’évolution de la vie partait, au contraire, dans une multiplicité vertigineuse de directions, dont personne ne pouvait jamais prévoir ni le sens ni le but. A trahir la démocratie ensuite, car le sens de l’histoire est déjà fixé, les peuples n’ont pas à en décider ni même à en débattre, c’est au nouvel Etat libéral d’imposer à l’espèce humaine, de gré ou de force, ce que l’un des personnages principaux de mon livre, Walter Lippmann, appelle « la grande révolution ». A la lumière de ce rappel, on ne peut que s’étonner de l’antienne que les libéraux nous servent en boucle depuis la fin des années 1970, et selon laquelle, avec la crise du marxisme, on en aurait fini avec les « grands récits » et leur croyance naïve en un « grand soir ». On a certainement eu raison de vouloir disqualifier l’eschatologie marxiste, ce fantasme d’une fin de l’histoire qui, comme dans la résurrection chrétienne, était censée finir par nous sauver. Mais pourquoi ne pas avoir dit que c’était aussi la structure temporelle du grand récit néolibéral ? Comment ne pas avoir vu que c’était d’ailleurs ce qui lui donnait toute sa puissance de séduction et sa capacité à prendre le relais des anciennes espérances révolutionnaires ? »

Élites éclairées pour justifier une légitimité charismatique d’un tel ou tel président, invoquant l’Etat d’urgence161 et une certaine propagande reprise par tout un bataillon de journalistes, d’économistes ou experts comme autrefois les curés à la solde du Pape. A se demander si l’aspect religieux dans nos sociétés même sécularisées, même laïcisées, n’est pas resté inscrit au plus profond des pratiques politiciennes, souvent nimbées d’une forme de messianisme : en somme, avoir remplacé la religion ou la théologie par un Dieu-progrès, qui n’est au final qu’un Dieu de substitution. En somme, le matérialisme moins la transcendance et l’immanence, le désenchantement, ce que d’aucuns appellent le « silence de Dieu ». Mais ce déclin généralisé face à la réalité d’une planète en souffrance, et aux rêves de folie des grandeurs de nos dirigeants n’est pas sans rappeler le rêve pharaonique de vouloir atteindre ou surpasser le Dieu de Moïse ou de Muhammad.

Et Barbara Stiegler de souligner, « Sauf que, et Lippmann l’avait peut-être entrevu lui-même en s’inquiétant des conséquences écologiques de la mondialisation, le cap est en train de se fissurer de l’intérieur. Depuis les années 2000, depuis la prise de conscience mondiale d’une « crise environnementale », cette contradiction mortelle à l’intérieur du cap est devenue le talon d’Achille des élites dirigeantes. Voilà qui éclaire de façon lumineuse la séquence saisissante que vient de vivre notre pays à la fin de l’été 2018 : la démission spectaculaire du ministre de l’Ecologie, l’affaiblissement brutal et concomitant du pouvoir en place, d’ailleurs soupçonné à peu près au même moment de dérives autoritaristes, et surtout, la disqualification progressive du fameux cap qu’il avait à son tour, après tant d’autres, fixé pour le pays. Car comment le cap peut-il à la fois prôner la mondialisation des échanges, qui fait exploser les mobilités, et lutter contre le réchauffement climatique, la destruction des écosystèmes, et la prolifération des crises sanitaires ? Comment continuer à maintenir le cap avec autorité, quand tout le monde réalise que la fin glorieuse de l’évolution dissimule peut-être l’effondrement de nos systèmes sociaux et l’imminence de la fin du monde ? L’une des réponses improvisées fut de punir les déplacements des automobilistes en les taxant toujours plus. Un an plus tard, au moment de l’arrivée du virus, elle sera de dénoncer « l’indiscipline » des Français confinés, tout en les appelant à continuer à aller dehors pour se maintenir en forme et pour faire tourner l’économie. Mettez-vous en marche tout en restant chez vous ! Cette injonction contradictoire, marque du néolibéralisme en temps de crise, aura été le déclencheur de la crise des gilets jaunes. »

Peut-être d’aucuns y voient à l’instar de notre président, la nouvelle révolution industrielle à l’ère du numérique comme la preuve de ce « nouveau monde » qu’il est nécessaire d’imposer et auquel il faut s’adapter162. D’ailleurs lors de cette pandémie du COVID entre les commerces essentiels et ceux non essentiels, ceux qui auront tiré leur épingle du jeu163 sont ceux qui ont su s’adapter au numérique.

Mais comme s’en inquiète si bien Guillaume Carnino164, cette nouvelle téléologie progressiste n’est-elle pas annonciatrice d’un monde ô combien orwellien de solitudes à plusieurs dans les nouvelles smart cities (« villes intelligentes ») « visant à améliorer la qualité des services urbains en mobilisant les ressources du big data et de l’intelligence artificielle marquerait l’aube d’une révolution industrielle. On nous refait le coup ! ». Dénonçant une industrialisation renforcée via la segmentation des tâches, ce qui n’est sans nous rappeler le fordisme ou les temps modernes de Charlie Chaplin en une version 2.0, avec les algorithmes, via les travailleurs du clic. « (…) quitter l’imprécision statistique pour mettre en œuvre un profil type de consommateurs de plus en plus individualisé. Autrement dit, là où on découpait jadis les tâches de production pour ensuite les intégrer dans un processus mécanique de production industrielle, il est désormais possible d’étendre cette logique à la consommation elle-même : le consommateur prolétaire est dépossédé de ses savoir-faire, savoir-vivre et savoir-être. »

Comme l’explique Guillaume Carnino, « Autre paradoxe d’Internet : une « décentralisation qui concentre », la logique économique du « winner takes all » propre au Web aboutissant à la constitution de groupes oligopolistiques de taille sans précédent (les fameux GAFAM). Le numérique engendre enfin une « liberté qui contraint » : ce n’est plus par la force, par la norme ou même par la loi que l’on guide le comportement des consommateurs, mais bien par une logique de choix individuel permettant de faire coïncider l’irrationalité des pulsions de chacun avec un contrôle serré de la production industrielle au sommet.

Quid de l’ubérisation de plusieurs secteurs du travail, et de la flexibilité, de l’optimisation de la surproduction, ou de la tyrannie des notes (étoiles) du client qui peuvent faire licencier ces nouveaux esclaves modernes, à l’instar des hôtels tributaires des plateformes du Net (ex, Airbnb, Tripadvisor, etc), ou de libraires dépendant d’Amazon, ou des livreurs ayant fait une erreur de livraison ou endommagé un colis.

Jean-Claude Michéa165 a saisi en amont ce qui a permis à cette fausse révolution de s’imposer à l’échelle mondiale, contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire. Car il ne faut pas l’oublier les islamistes ou les radicaux sont souvent les frustrés ou les perdants de cette mondialisation, et que n’ayant pas atteint cette promesse messianique ici-bas, espèrent la précipiter dans leur mort qu’ils voudraient exemplaire, héroïque, alors qu’elle est inutile et participe du maintien du système et de cette antienne éculée et en partie fausse166 « ils veulent détruire notre mode de vie ». Alors qu’ils sont issus et eux-mêmes le produit de la culture de l’égoïsme167, et ce même dans leur acte de tuer les autres et de se tuer eux-mêmes. Souvent ils se mentent à eux-mêmes.

Il explique, « On sait qu’en américain le mot « libéral » est ambigu puisqu’il s’applique aussi bien aux partisans de l’économie de marché (qu’on classe généralement « à droite ») qu’aux défenseurs des « idées nouvelles » et de la « libération des mœurs » (qui sont supposés incarner « la gauche »). Bien entendu, cette ambiguïté frappe surtout ceux qui, refusant d’admettre « l’obsolescence du clivage droite-gauche », s’obstinant à croire que l’esprit du capitalisme contemporain s’accommoderait encore de l’éthique protestante ou de la défense de « l’ordre moral ». Pourtant, lorsque l’imaginaire d’une société est devenu celui du « cybermonde » et de la surconsommation généralisée, il est vraiment difficile de ne pas remarquer que la forme de sensibilité exigée par l’ordre établi est désormais cet « hédonisme » libéral-libertaire que doivent perpétuellement célébrer les secteurs les plus mensongers du spectacle moderne : la publicité, le show-biz et la prétendue « information ».

(…) En réalité, « l’état d’esprit qui correspond au monde de la consommation est bien plutôt un état d’insatisfaction et d’anxiété chronique […]. L’individu s’y trouve en permanence observé, non par des contremaîtres et des surveillants, mais par des experts en marketing et des techniciens du sondage, qui lui disent ce que les autres préfèrent et ce qu’il doit, par voie de conséquence, ou encore par des médecins et des psychiatres qui l’examinent dans le but de découvrir en lui quelques symptômes de maladies qui auraient pu échapper à un œil exercé. Tel est bien, en définitive, l’aliénation spécifique dans laquelle se débat de nos jours l’individu libéral-libertaire, prototype humain désormais fabriqué en série, dont la gauche n’a pas le monopole, bien qu’elle constitue à l’évidence son refuge de prédilection.

Cet individu, en effet, doit s’imaginer en permanence qu’il est dans la marge afin de pouvoir continuer à se tenir dans la norme ; il lui faut croire à tout instant qu’il vit dans la transgression, le libertinage et la volupté épicurienne – modes de vie évidemment au-dessus de ses pauvres moyens – pour demeurer le pantin pathétique qui s’agite désespérément dans l’univers ennuyeux, tyrannique et puritain de la consommation obligatoire et de ses changements incessants. »

Peut-être, face à ces clercs d’experts médiatiques et politiques, et cette figure de l’hyper président de type charismatique, fondée non pas sur la tradition mais sur les « qualités », voire sur les dons particuliers ou sur la révélation d’un individu, y voir les limites de la légitimation et de la pérennité de ce pouvoir qui après tout n’a été donné, au sens de De La Boétie, que par le peuple lui-même. Ou comme dit le Coran, « Dieu ne change pas la situation d’un peuple tant que celui-ci ne s’est pas réformé. En d’autres termes, nous avons les dirigeants que nous méritons. Cependant, lorsque le faux prophète ne fait plus de miracles, ou lorsqu’il est démenti par des événements, de même que lorsque le général victorieux conduit ses troupes à l’échec, la confiance est rompue et le chef charismatique peut perdre la face et perdre le pouvoir. Quant au chef traditionnel lui, peut être toujours soutenu par la tradition alors même qu’il est un piètre chef.

Cependant, seule l’autorité rationnelle semble compatible avec la société moderne contemporaine moderne. Car dans le cadre de la légitimité traditionnelle, la loyauté prime sur la compétence, tandis que dans la légitimité charismatique, les possibilités de continuité sont limitées. Nous le voyons pour les régionales dans la PACA, où La République en Marche peine à trouver des appuis locaux et des alliances (l’affaire Renaud Muselier du LR).

De plus, dans le cadre de la légitimité rationnelle via la démocratie par le bas, la modification conforme et issue du débat démocratique permet à la fois la souplesse et la continuité nécessaires à l’ordre social. Même si ici, nous avions vu qu’il est fortement menacé. Max Weber s’est intéressé aux fondements d’une certaine légitimité du pouvoir plutôt que le processus de légitimation. Même si celui-ci est lié à une historicité, et que tout un chacun n’est pas censé savoir, et ce que d’aucuns associent au Kadr (dessein divin) et au libre arbitre. L’Homme face à ses responsabilités. D’où cette injonction coranique primordiale, ouvrant les champs des possibles, Iqra Bismi Rabika Ladi Khalaq_ Khalaqa al-Insana Mine 3alaq_ Iqra Wa Rabouka al-Akram_ Aladi 3alama bi al-Qalam_ 3alama Al Insana Ma lam Ya3lam168.

Enfin comme le rappelle Barbara Stiegler, « Au nouveau libéralisme et à sa conception autoritaire de la pédagogie théorisée par Lippmann, le grand philosophe pragmatiste américain John Dewey n’a eu en effet de cesse, (…) d’opposer, dès les années 20-30, une nouvelle conception de la démocratie comme expérimentation et coéducation, dans laquelle ce serait les publics eux-mêmes qui, à partir de leurs propres problèmes, à partir de ce qu’ils subissent et de ce qui les fait souffrir, redéfiniraient les fins qu’ils décident de poursuivre ensemble. Au néolibéralisme qui fantasme un cap ultime pour l’évolution et un sens univoque à l’adaptation, Dewey oppose la vraie leçon du darwinisme, pour qui, dans le laboratoire expérimental de la vie, les valeurs et les fins de l’évolution sont toujours multiples, locales et provisoires. Résultant d’une interaction à chaque fois singulière entre les organismes et leurs environnements, les fins multiples de l’évolution sont aussi et surtout imprévisibles. S’il faut s’adapter, c’est à une multiplicité d’environnements locaux tous différents, que les organismes transforment eux-mêmes continuellement en leur imposant eux aussi leurs propres conditions. Sauf que, chez l’animal humain, cette transformation active des environnements ne passe plus par le jeu aveugle de la variation génétique et de la sélection. Elle passe par de lents processus expérimentaux de coéducation, qui expliquent l’émergence collective et l’invention de la démocratie. »

Quid des printemps arabes et des manifestations à travers le monde. Le Léviathan (Hobbes) versus le Contrat Social (Rousseau).

Conclusion

Plus que jamais, et à contre-courant des penseurs réformistes en admiration devant les prouesses technologiques occidentales et qui avaient essaimé dans le monde musulman depuis les Tanzimat (réformes) de l’empire ottoman le mouvement de la Nahda et de l’Islah, et dans le contexte actuel de ce que d’aucuns ont déjà qualifié de « syndrome du Titanic », peut-être est-il temps de réaliser que le modèle de civilisation marchande n’est pas Le seul et vrai paradis169. Comme le pose Anne-Cécile Robert en quatrième de couverture de l’un de ses livres publié en 2004, en pleine effervescence de la montée des mouvements altermondialistes de gauche, « Et si c’était l’Occident, et non l’Afrique, qui avait besoin d’aide ? Et si c’était au continent africain de venir au secours de l’Occident ? ». Questions certes ô combien provocatrices mais d’actualité, et qui renversent radicalement le regard porté sur notre « monde mondialisé ». Alors que le capitalisme globalisé est en train de mettre à sac la planète, l’Afrique et le reste du monde pourraient, en puisant dans leur patrimoine culturel, apporter une vision plus harmonieuse et plus équilibré des rapports entre les humains et la nature. » Et revenir sur ce « prétendu retard » qui avait été repris par les réformistes musulmans ou autres, comme un leitmotiv ou slogan faisant la part belle au mythe du progrès. Cette apologétique est compréhensible vue l’expansion impériale et coloniale des puissances européennes notamment, depuis le XVIIIème jusqu’au plus fort du XIXème et du XXème siècle. Mais avaient-ils prévu le déclin voire le désastre vers lequel ce modèle de civilisation aura abouti après les guerres mondiales, précipitant la planète et l’humanité entière dans ce que le matérialisme aura offert de plus morbide : l’intrication de l’économie, au sens de Polyani170, dans toutes les sphères écologiques et sociales. En somme une marchandisation généralisée exacerbée par des mouvements de « libéralisation » tous azimut des mœurs, de modes de vie, des représentations, jusqu’à prendre un virage à cent quatre-vingt degrés, et dont les dérives soi-disant libertaires mais plutôt consuméristes poussant à un conformisme et individualisme exacerbé n’auront échappé à personne, jusqu’aux récentes crispations identitaires et lois liberticides entretenues par une auto-psychose virtuelle et dérive totalitaire généralisée171. Ce que d’aucuns ont appelé autrefois modernisation ou occidentalisation ou américanisation ou acculturation des modes de vies jusqu’alors ouvertes sur le modèle de l’American Way of Life, pour en prendre les dérives des régimes illibéraux et populistes et une obsession du contrôle que n’auraient en rien refusé la Stasi ou l’ancien KGB. Ironie ou mouvement cyclique de l’Histoire. Face à cette réalité, de formidables « résistances culturelles » à ce modèle économique et dévastateur, ce que d’aucuns ont qualifié d’anarcho-indigénisme, en est la réalité la plus manifeste de ce que la diversité des pensées et traditions autochtones ont laissé au patrimoine de l’Humanité.

Oui il est temps, et cet espoir des printemps arabes, des soulèvements des peuples, d’accepter l’autre dans sa diversité, dans sa pluralité, et combattre cette hégémonisme politique culturel économique ou religieux qui voudraient uniformiser chaque citoyen dans un prêt à penser politiquement ou religieusement correct. Car après tout n’est-ce pas Allah qui a voulu qu’il y ait des croyants et des non-croyants ? Et ne dit-il pas lui-même dans les hadiths Qudsi, « Même s’ils venaient tous à croire en Moi ou inversement à mécroire en moi, cela n’augmenterait ou ne diminuerait en rien ma puissance ». Sortir de ces carcans dogmatiques en miroir, de la marchandisation et de la radicalisation religieuse, qui se nourrissent les uns les autres, comme l’huile et le feu. Plus que jamais la synergie des luttes populaires est nécessaire. Notamment devant la menace de ce que d’aucuns appellent la biopolitique ou théorie de l’évolutionnisme, qui met en exergue cette question fondamentale, est-ce à l’Environnement de s’adapter à l’Homme ou à l’Homme de s’adapter à son environnement ? Tout l’enjeu de ce XXIème siècle se situe là.

Peut-être faudrait-il ne plus voir le capitalisme comme une évolution indépassable. Et au contraire, comme nous l’avons vu plus haut, pointer les dérives autoritaires pour ne pas dire totalitaires d’une hiérarchie d’experts, ou dénoncer le travail héritier de l’esclavage qui continuerait sa mutation dans une nouvelle forme d’exploitation 2.0 (ex, Uber Eats), et la notion de consommation comme un idéal de destruction. Et comme se le demande David Graeber172« Et si le fétichisme était plus fort et plus rigide dans le capitalisme que dans les sociétés dites primitives ? »

En effet, comme le rappelle si bien Sophie Bessis173, retrouver à nouveau du sens : « La civilisation technique qui s’épanouit aujourd’hui a la capacité de tout produire, sauf du sens et des principes. Elle n’a plus de fondations que matérielles et se trouve donc incapable de proposer aux humains autre chose qu’une accumulation infinie de biens. L’entreprise étant impossible, du fait de la croissance démographique et du caractère limité des ressources terrestres, elle ne peut perdurer que par le mensonge et la contrainte. L’imposture consiste à faire croire que tout un chacun, pour peu qu’il se plie aux lois d’un marché élargi aux dimensions de la planète, peut accéder un jour au nirvana de la consommation. La répression s’exerce quand certains n’y croient plus et réclament une gestion plus prudente et un plus juste partage de la richesse disponible, ou lorsque les exclus d’une distribution léonine de la production mondiale se lèvent pour la contester. N’ayant pour horizon qu’un présent indéfiniment réitéré et défendue par des dispositifs et des appareils de contrainte de plus en plus sophistiqués, la civilisation de la complexité matérielle est en même temps celle de la panne de la pensée. Dans la pire des hypothèses, la pensée elle-même cèderait la place au travail de machines de plus en plus puissantes et autonomes, dont les connexions infinies remplaceraient utilement nos cerveaux trop humains pour être prévisibles. Le pire, toutefois, n’est pas forcément sûr et le post-humain n’est pas inéluctable.

Pour l’heure cette civilisation qui s’installe partout comme chez elle a trouvé des secours précieux dans les versions contemporaines de l’hégémonie de Dieu parmi les hommes. Contrairement à ce qu’on en dit souvent, le recours au religieux qui a prospéré sur les décombres des utopies terrestres n’est pas une réaction au scandale d’un monde commandé par la seule logique de l’avoir, même s’il prospère sur ses frustrations. Ni les gourous des multiples déclinaisons de l’évangélisme, ni les tenants d’un nouvel ordre islamiste qui aurait vocation à gouverner l’ensemble des musulmans, ni – a fortiori – les cohortes djihadistes pressées d’imposer par la guerre le cauchemar qu’elles présentent comme la loi divine ne proposent à ceux qui les suivent la perspective d’une société égalitaire ou, au moins, attentive à l’humain. Les prophètes des pauvres n’ont plus leur place dans un monde où l’argent ne s’oppose plus au salut mais y contribue. On l’a dit, ce n’est pas le moderne que combattent les entrepreneurs religieux d’aujourd’hui – ils en utilisent au contraire toutes les ressources – mais ce qui reste de la modernité. »

Amine Ajar

1 Attentat contre Samuel Paty, contre la fonctionnaire du commissariat de Rambouillet, le meurtre à bout portant d’un policier par un délinquant trafiquant de la ville d’Avignon, et plus récemment, au niveau international la violence d’Etat à l’encontre des palestiniens.

2 Pierre Corcuff, La grande confusion, Comment l’extrême droite a gagné la bataille des idées, éd. Textuel.

3 Aristote, Ethique à Nicomaque, éd. Vrin, Paris, 1959.

4 Oswald Spengler, Le déclin de l’Occident, éd. Gallimard.

5 Ilvo Diamanti & Marc Lazar, Peuplecratie, La métamorphose de nos démocraties, éd. Gallimard.

6 Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer, guérir du ressentiment, éd. nrf Gallimard.

7 Cheristopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, éd. Flammarion, Champs, essais.

8 Bertrand Badie, Inter-socialités, Le monde n’est plus géopolitique, éd. CNRS.

9 Bertrand Badie & Dominique Vidal, Retour des populismes, éd. La Dévouverte.

10 Georges Corm, La Nouvelle Question d’Orient, éd. La Découverte.

11 Sous la dir. d’Alexandra Monot, L’Afrique : du Sahel et du Sahara à la Méditerranée, éd. Bréal, Capes, agrégation.

12 Lire mon article, Amine Ajar, De « L’Utopie » à la « Praxie » : Le Coran comme caisse de résonance du « chaos » de la nature humaine ?, in Oumma.com, 16 septembre 2018.

13 Adrien Candiard, Comprendre l’islam ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien, éd. Champs Flammarion.

14 Anne Cécile Robert, La stratégie de l’émotion, éd. Lux. Même s’il est cocasse d’en lire la préface de Dupont-Moretti actuellement ministre de la Justice du gouvernement Macron.

15 Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels », Représentations de l’islam et politiques musulmanes à l’époque coloniale en France, éd. La Découverte.

16 Amine Ajar, Sortir de la culture de l’excuse et du déni… pour se réapproprier le réel, In Oumma.com, 17 mars 2017.

17 Sous la dir. de Omar Slaouti & Olivier Le Cour Grandmaison, Racismes de France, éd. La Découverte.

18 Amine Ajar, Je ne suis pas votre nègre ou la face cachée de nos démocraties, in Oumma.com, le 19 juin 2017.

19 Amine Ajar, Allahou Akbar ! La langue arabe criminogène ?, in Oumma.com, le 04 février 2017.

20 Amine Ajar, Lettre ouverte aux prétendus ’’Djihadistes’’, In Oumma.com, le 07 novembre 2020.

21 Ismaël Saidi, Djihad, éd. Librio.

22 Pascal Bruckner, Un coupable presque parfait, la construction du bouc-émissaire blanc, éd. Grasset. Lire aussi son interview, propos recueillis par Jean-Philippe de Garate et Sylvie Dutot, La France de 2021 ? C’est Byzance en 1453 !, Comment à Byzance, les sophistes ont pris le pouvoir, alors que la Cité est menacée de submersion, in Histoire magazine, N°8, Avril-Juin 2021.

23 Sylvie Laurent, Pauvre petit blanc, éd. De la Maison des Sciences de l’Homme, coll. Interventions.

24 Ibid, Pierre Corcuff, Pierre Corcuff, La grande confusion, Comment l’extrême droite a gagné la bataille des idées, éd. Textuel. Lire aussi Amine Ajar, Zemmour, un énième livre pour rien ou pour le pire, in Oumma.com, le 14 janvier 2017.

Publicité
Publicité
Publicité

25 L’interventionnisme militaire de W. G. Bush au nom d’un certain messianisme évangéliste, et autres mouvance d’extrême droite portant la même vision du monde qu’Anders Breivik ou Brendon Tarrant.

26 Dominique Vidal, Et s’ils avaient crié « Mort aux juifs » ? s’indigne le journaliste Dominique Vidal, in Oumma.com, 29 Avril 2021.

27 Amine Ajar, L’assignation communautaire et identitaire ou la fabrique de l’ennemi intérieur ?, in Oumma.com, le 24 octobre 2017.

28 Lire mon article, L’assignation communautaire ou la fabrique de l’ennemi intérieur, in Oumma.com, le 24 octobre 2017. Lire aussi Elisabeth Roudinesco, Soi-même comme un roi, Essai sur les dérives identitaires, éd. Seuil.

29 Sylvain Cypel, L’Etat d’Israël contre les juifs, éd. La Découverte. Lire aussi, Piotr Smolar, Mauvais juif, éd. Equateurs.

30 Enzo Traverso, La fin de la modernité juive, Histoire d’un tournant conservateur, éd. La Découverte, Poche.

31 Bernard Stiegler, Dans la disruption, Comment ne pas devenir fou ?, éd. Babel.

32 Sous la dir. de Mohamed Arkoun, Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen-Age à nos jours, éd. Albin Michel.

33 Todd Shepard, Mâle décolonisation, L’ « homme arabe » et la France, de l’indépendance algérienne à la révolution iranienne, éd. Payot & Rivages. Pierre Conesa, Hollywar, Hollywood arme de destruction massive, éd. Robert Laffont. Lire aussi du même auteur, La fabrication de l’ennemi, ou comment tuer avec la conscience pour soi, éd. Robert Laffont.

34 Olivier Le Cour Grandmaison, La République impériale, politique et racisme d’Etat, éd. Fayard. Ou encore, L’Empire des hygiénistes, vivre aux colonies, éd. Fayard.

35 Edward Saïd, L’Orientalisme, L’Orient vu par l’Occident, éd. Seuil.

36 Georges Corm, La Nouvelle Question d’Orient, éd. La Découverte.

37 Lire mon article, Amine Ajar, L’Orient et l’Occident : histoire d’un (non) dialogue amoureux ?, in Oumma.com, 15 décembre 2020.

38 Hamadi Redissi, La tragédie de l’islam moderne, éd. Seuil.

39 Michel Onfray, Décadence, De Jésus à Ben Laden, Vie et mort de l’Occident, éd. Flammarion.

40 Haoues Seniguer, L’islamisme décrypté, ed. L’Harmattan.

41 Georges Corm, Pensée et politique dans le monde arabe, Contextes historiques et problématiques, XIXè-XXème siècle, éd. La Découverte.

42 Hamadi Redissi, Une histoire du wahhabisme, Comment l’islam sectaire est devenu l’islam, éd. Points, Essais.

43 Haoues Seniguer, Les (néo)frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste, Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme, éd. Le bord de l’eau.

44 Exposition au MUCEM, L’Orient sonore, Musiques oubliées, Musiques vivantes, 22 juillet 2020- 04 janvier 2021.

45 Ibid, Georges Corm, Pensée et politique dans le monde arabe, Contextes historiques et problématiques, XIXè-XXème siècle, éd. La Découverte.

46 Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits, Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, éd. La Découverte.

47 Ibid, Lire aussi Georges Corm, La question religieuse au XXIème siècle, ou encore La Nouvelle Question d’Orient, éd. La Découverte, entre autres.

48 Daniel Colson, Trois essais de philosophie anarchiste, Islam – Histoire – Monadologie, éd. Léo Scheer, Manifeste.

49 Olivier Roy, La sainte ignorance, Le temps de la religion sans culture, éd. Points.

50 Ibid, Hamadi Redissi, La tragédie de l’islam moderne, éd. Seuil.

51 Jack Goody, Le vol de l’Histoire, éd. Fayard.

52 Ibid.

53 Jerry Brotton, Le bazar renaissance, Comment l’Orient et l’islam ont influencé l’Occident, éd. Les Liens qui Libèrent. Lire aussi, Sigrid Hunke, Le soleil d’Allah brille sur l’Occident, éd. Albin Michel. Lire aussi, Juan Vernet, Ce que la culture doit aux arabes d’Espagne, éd. Sindbad, Actes Sud. Lire aussi, Allem Surre-Garcia, Au-delà des rives, Les Orients d’Occitanie, éd. Dervy.

54 Gabriel Martinez-Gros, L’Empire islamique, VIIè-XIème siècle, éd. Points, Histoire.

55 Sous la dir de Gabriel Martinez Gros, Pays d’Islam et monde latin, 950-1250, éd. Atlande. Lire aussi, Jean-François Solnon, L’Empire ottoman et l’Europe, éd. Perrin, coll. Tempus.

56 Georges Corm, Orient-Occident, La fracture imaginaire, éd. La Découverte.

57 Georges Corm, L’Europe et le mythe de l’Occident, La construction d’une histoire, éd. La Découverte. Lire aussi Dino Costantini, mission civilisatrice, le rôle de l’histoire coloniale dans la construction de l’identité politique française, éd. La Découverte.

58 Ibid, Jean-François Solnon, L’Empire ottoman et l’Europe, éd. Perrin, coll. Tempus.

59 Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ?, éd. Climats. Lire aussi, Christopher Lasch & Castoriadis, La culture de l’égoïsme, éd. Climats.

60 Didier Musiedlak, L’atelier occidental du terrorisme, Les racines du mal, éd. Arkhé.

61 Gilles Feragu, Histoire du terrorisme, éd. Perrin, coll. Tempus.

62 Terme qui était usité par les orientalistes au XVIII et XIXème siècle, que l’on retrouve sous la plume d’Ernest Renan à l’instar des isme utilisés pour judaïsme, christianisme, hindouisme, bouddhisme. De nos jours il sous-entend une dimension politique.

63 Ibid, Hamadi Redissi, Une histoire du wahhabisme, Comment l’islam sectaire est devenu l’islam, éd. Points, Essais. Lire aussi, Carlo Degli Abbati, Les mouvements radicaux au nom de l’islam, une responsabilité partagée ?, éd. Persee.

64 Myriam Benraad, L’Etat islamique pris aux mots, éd. Armand Colin.

65 Mathieu Guidère, Atlas du terrorisme, d’Al-Qaïda à l’Etat islamique, éd. Autrement.

66 Nicolas Hulot, Le Syndrome du Titanic, éd. Poche, tome 1 & 2.

67 Claude Lorius & Laurent Carpentier, Voyage dans l’anthropocène, cette nouvelle ère dont nous sommes les héros, éd. Babel.

68 David Cayla, L’économie du réel face aux modèles trompeurs, éd. deboeck, supérieur.

69 René Passet, L’illusion néo-libérale, éd. Flammarion, Champs.

70 Carl Polanyi, La grande transformation, éd. Gallimard. Lire aussi en introduction, Jérôme Courant, Avez-vous lu Polanyi, éd. Champs Flammarion, Essais.

71 Sophie Bessis, La double impasse, L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchands, éd. La Découverte.

72 Vus les événements actuels (pogroms) contre les palestiniens de Jérusalem, en cette fin de ramadan 2021, on est enclin à se le demander. Nos médias parlent d’affrontements entre les fidèles musulmans au sortir de la prière du Tarawih et de la Police, occultant (à l’instar de France Culture) le fait que ce sont les colons extrémistes qui ont commencé les hostilités alors qu’ils étaient en Jama3a (prière commune).

73 Haoues Seniguer, Les (néo) frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste, Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme, éd. Bord de l’eau.

74 James Q. whitman, Le modèle américain d’Hitler, Comment les lois raciales américaines inspirèrent les nazis, éd. Armand Colin.

75 Zygmunt Bauman, Modernité et Holocauste, éd. Complexe. Lire aussi, Enzo Traverso, La violence nazie, une généalogie européenne, éd. La Fabrique.

76 Khaled Ridha, Le Capitalisme, L’Islam et le socialisme, éd. Publibook, Essai.

77 Ibid, Daniel Colson, L’anarchisme et les faits religieux, in lundimatin#55, paru le 04 avril 2016.

78 Alaa El Aswany, Extrémisme religieux et dictature, Les deux faces d’un malheur historique, éd. Actes Sud.

79 Alaa El Aswany, Le Syndrome de la dictature, éd. Actes Sud. Lire aussi, Moustapha Safouan, pourquoi le monde arabe n’est pas libre, Politique de l’écriture et terrorisme religieux, éd. Denoël.

80 Sabrina Mervin, Histoire de l’islam, Fondements et doctrines, éd. Flammarion, Champs, Histoire.

81 Malek Chebel, Changer l’islam, Dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours, éd. Albin Michel.

82 Mohamed-Ali Adraoui, Du Golfe aux banlieues, éd. PUF, coll. Proche Orient. Lire Olivier Roy, L’islam mondialisé, éd. Points, essai.

83 Jacques Huntziger, Les printemps arabes et le religieux, La sécularisation de l’Islam, éd. Collège des Bernardins, Humanités.

84 Myriam Benraad, L’Etat islamique pris aux mots, éd. Armand Colin.

85 Boualem Sensal, Gouverner au nom d’Allah : islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, éd. Folio. Lire aussi du même auteur, 2084, éd. Gallimard.

86 François Furet, Ernst Nolte, Fascisme et communisme, éd. Hachette Littératures, coll. Pluriel.

87 Traduction de Dominique Penot, Les Signes de la Fin des Temps dans la tradition islamique, éd. Alif.

88 Pour une introduction de sa pensée, lire Erik Sablé, René Guénon, Le visage de l’éternité, éd. Points, Sagesses. Lire aussi, René Guénon, La crise du monde moderne, éd. Folio, essais.

89 Claude Levi-Strauss, Race et histoire, éd. Folio, Essais.

90 Amine Ajar, Le confinement, Netflix, le Messie & l’Apocalypse, in Oumma.com, le 11 Avril 2020.

91 Ahmed Djebbar, L’âge d’or des sciences arabes, éd. Le Pommier. Lire aussi, Sous la dir. d’Abd-al-Haqq Guiderdoni, Sciences et religion en Islam, Des musulmans parlent de la science contemporaine, éd. Albouraq. Lire aussi, Danielle Jacquart, L’épopée de la science arabe, éd. Découverte Gallimard.

92 Haoues Seniguer, Les (néo) Frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste, entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme, éd. Les bords de l’eau.

93 Youssef Courbage et Emmanuel Todd, Le rendez-vous des civilisations, éd. Seuil.

94 Makram Abbès, Islam et politique à l’âge classique, éd. PUF, Philosophies.

95 Amine Ajar, « Le mythe d’Al-Andalus » au prisme de l’actualité : multiculturalisme versus identitarisme ? Quelle mondialisation ?, in Oumma.com, le 04 mai 2019.

96 Amine Ajar, De l’islam symbolique ou médiatique aux citoyens réels, in Oumma.com, le 10 février 2012.

97 Allessandro Barbero, Le divan d’Istanbul, Brève histoire de l’Empire ottoman, éd. Petite Biblio Payot, Histoire.

98 Comme nous l’avions déjà évoqué, ce débat sur le statut des minorités dans l’islam impérial ou classique est anachronique puisque contemporain des monarchies en Europe. De plus, les tanzimat (réformes) de l’empire ottoman allaient dans le sens d’une citoyenneté octroyée à tous. Mais cette polémique n’est-elle pas une façon de montrer l’arbre qui cache la forêt, ou de noyer le poisson quant à la situation actuelle des minorités dans les banlieues en France ou de la situation des palestiniens en Israël ?

99 Abdelmalek Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, éd. Raisons d’agir.

100 Dr Mohamed Chtatou, Napoléon était-il un grand admirateur de l’islam et de son prophète ?, in Oumma.com, le 05 mai 2021.

101 Julia de Funès, Coup de philo, 40 idées reçues passées au crible de la philosophie, éd. Michel Lafon, Poche. Lire le chapitre, La démocratie c’est le contraire de la tyrannie, p101.

102 Francis Dupuis-Déri, Démocratie, Histoire politique d’un mot aux Etats-Unis et en France, éd. Lux.

103 Pseudonyme en référence au fameux disciple d’Al Afghani, Muhammad Abduh disciple réformiste égyptien du XIXème siècle. Que l’on écrira de cette façon pour le différencier de son homonyme contemporain.

104 Amine Ajar, Reflexions sur l’I(i)slam et la politique : instrumentalisation ou servitude volontaire ?, in Oumma.com, 2 janvier 2021.

105 Gabriel Martinez-Gros, De l’autre côté des croisades, L’Islam entre croisés et Mongols, XIè-XIIIème siècle, éd. Passés/Composés.

106 Yahya Michot, Ibn Taymiyya, Mardin, Hégire, fuite du péché et « demeure de l’islam », éd. Al Bouraq. Ou encore du même auteur. Mécréance et pardon, éd. Al Bouraq.

107 Noam Chomsky & Edward Herman Fabriquer un consentement, La gestion médiatique des médias de masse, éd. INVESTIG/ACTION. Lire aussi, Edward Bernays, PROPAGANDA, Comment manipuler l’opinion en démocratie ?, éd. Zones.

108 Suzanne Citron, Le mythe national, histoire de France revisitée, éd. de l’Atelier.

109 Lire les excellentes BD de Riad Sattouf, L’arabe du futur, tome 1, 2, 3, 4, 5, éd. Allary.

110 Mohammed Arkoun, Quand l’islam s’éveillera, éd. Albin Michel.

111 Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels ». Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale, éd. La Découverte.

112 Taha Jabir al-Alwani, L’apostasie en islam. Un réexamen critique du corpus musulman, éd. Le scribe Harmattan, IESE Bruxelles, 2014.

113 Lire à ce sujet l’excellente contribution de Philippe Moulinet, Islam et contrat social, in Valeurs d’islam, sous la dir. de Dominique Reynié, éd. PUF, coll. L’innovation politique.

114 Docteur Moreno Al-Ajami, Que dit vraiment le Coran, éd. Zenith.

115 Al-Ghayb : Le mystère, le futur, le caché. Oubliant de dire, que dans la tradition islamique il est considéré que ceux qui se distinguent par ostentation et excommuniant les autres croyants, ou portant un jugement définitif et lapidaire sur les non-croyants, ou qu’ils aient un atome d’orgueil, fait d’eux qu’ils sont les alliés d’Iblis ou de Satan.

116 Michel Houellebecq, La possibilité d’une île, éd. Poche, J’ai Lu.

117 Ibn Tufayl, L’éveillé, éd. Libretto. Un enfant voit le jour sur une île déserte située au niveau de l’équateur. Cet enfant qui n’a ni père ni mère connus, est élevé par une gazelle. Il s’éveille seul – d’où le titre du livre – à la connaissance du monde puis à celle du Divin. C’est alors qu’un nommé Absâl fait naufrage sur l’île. Par son intermédiaire, l’enfant entre en contact avec la civilisation et la religion « codifiées ». S’il prend conscience qu’une vie normée offre bien des atouts quant à l’organisation de la société humaine, il déplore l’enfermement et le dogmatisme qui lui sont inhérentes. Las de cette vie dite civilisée, il décide de la quitter pour retourner vivre sur son île native et échapper ainsi à tout ordre établi, entraînant dans ses pas son ami Absâl.

118 Sous la dir. de Dominique Reynié, Valeurs d’islam, éd. PUF, L’innovation politique. Lire le chapitre de Philippe Moulinet, Islam et contrat social, p. 197.

119 Ibid. Makram Abbès, Islam et politique à l’âge classique, éd. PUF, philosophies.

120 Sous la dir. de Pierre-Jean Luizard, Le choc colonial et l’islam, Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre d’islam, éd. La Découverte.

121 Sous la dir de Henry Laurens, John Tolan, Gilles Veinstein, L’Europe et l’Islam, quinze siècles d’histoire, éd. Odile Jacob.

122 Hamadi Redissi, La tragédie de l’islam moderne, éd. Seuil. Lire aussi, Fatima Mernissi, La peur-modernité, Conflit islam démocratie, éd. Albin Michel.

123 Timothy Mitchell, Carbon Democraty, le pouvoir politique à l’ère du pétrole, éd. La Découverte.

124 Timothy Mitchell, « Pétrocratie », in L’âge industriel, 200 ans de progrès et de catastrophes, Hors-Série, L’Histoire, Les Collections.

125 Roland Desné & Marcel Dorigny, Les lumières, l’esclavage, la colonisation, éd. La Découverte.

126 Alaa El Aswany, extrémisme religieux et dictature, les deux faces d’un malheur historique, éd. Actes Sud.

127 Bertrand Badie & Dominique Vidal, Nouvelles guerres, éd. La Découverte. Lire aussi des mêmes auteurs, Qui gouverne le monde ?, éd. La Découverte.

128 Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels », Représentations de l’islam et politique musulmane en France à l’époque coloniale, éd. La Découverte.

129 Saïd Bouamama, « Planter du blanc », Chroniques du (néo)colonialisme français, éd. Syllepse.

130 Jean-Joël Brégeon, L’Egypte de Bonaparte, éd. Perrin, coll. Tempus.

131 Benjamin Stora et Abdelwahab Meddeb, Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours, éd. Albin Michel. Lire aussi Bartolomé & Lucile Benassar, Les chrétiens d’Allah, éd. Perrin, coll. Tempus. Lire aussi Haïm Zafrani, Juifs d’Andalousie et du Maghreb, éd. Maisonneuve & Larose.

132 Albert Memmi, Portrait du colonisé, éd. Folio.

133 Abdelmalek Sayad, La double absence, des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, éd. Points, Essais.

134 Lire aussi, Abdelmalek Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, éd. Raisons d’agir.

135 Moulaga, terme désignant l’argent sale, l’argent de la drogue.

136 François Burgat, comprendre l’islam politique, une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste, 1973-2016, éd. La Découverte.

137 Ibid. Haouès Seniguer, L’islamisme décrypté, éd. L’Harmattan.

138 Richard Labévière, Terrorisme face cachée de la mondialisation, éd. Pierre-Guillaume de Roux.

139 Ibid, Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits, Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, éd. La Découverte.

140 Timothy Mitchell, Carbon Denocracy, Le pouvoir politique à l’ère du pétrole, éd. La Découverte.

141 Carlo Degli Abbati, Les mouvements radicaux au nom de l’islam, Une responsabilité partagée ?, éd. Persée.

142 Michela Marzano, La mort spectacle, Enquête sur l’ « horreur-réalité », éd. Gallimard.

143 Fethi Benslama, La guerre des subjectivités en Islam, éd. Lignes. Lire aussi Tobie Nathan, Les âmes errantes, éd. Poche.

144 Olivier Roy, L’islam mondialisé, éd. Points, Essais.

145 Timothy Mitchell, PETROCRATIA, la démocratie à l’âge du carbone, collection chercheur d’ère.

146 Bertrand Badie et Dominique Vidal, Le retour des populismes, l’Etat du monde 2019, éd. La Découverte.

147 Ibid, Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, éd. Flammarion, Champs, essais.

148 Barbara Stiegler, Du cap aux grèves, Récit d’une mobilisation 17 novembre 2018-17 mars 2020, éd. Verdier.

149 Abdelwahab Meddeb, La maladie de l’islam, éd. Point, essais.

150 Ibid, Hamadi Redissi, Une histoire du wahhabisme, Comment l’islam sectaire est devenu l’islam, éd. Points, Essais.

151 Ibid. Amadou Hamidou Diallo, Mutazilisme, Philosophie et histoire des dissensions en islam, éd. L’Harmattan, Sénégal.

152 Hichem Djaït, Fitna, éd. Folio.

153 Didier Leschi, Ce Grand dérangement, L’immigration en face, éd. Gallimard, Tract N°22.

154 Roberto Saviano, En mer pas de taxis, éd. Gallimard.

155 Confluence méditerranée, Partis et partisans dans le monde arabe post-2011, éd. L’Harmattan, iReMMO, N° 96, Automne 2016.

156 Klaus Schwab & Thierry Malleret, COVID-19 : La grande réinitialisation, éd. Forum Publishing.

157 Frédéric Rouvillois, Liquidation – Emmanuel Macron et le saint-simonisme, éd. du Cerf.

158 Frédéric Farah, Fake State, L’impuissance organisée de l’Etat en France, éd. H&O.

159 David Graeber, Dette, 5000 ans d’Histoire, éd. Babel, essai.

160 Michel Pinton, L’identitarisme contre le bien commun, Autopsie d’une société sans objet, éd. FYP.

161 Vanessa Codaccioni, Répression, L’Etat face aux contestations politiques, lire aussi La société de vigilance, Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires, éd. Textuel.

162 Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter », Sur un nouvel impératif politique, éd. Gallimard, nrf essais.

163 Cyprien Boganda, Le business des faillites, Enquête sur ceux qui prospèrent sur les ruines de l’économie française, éd. La Découverte.

164 Guillaume Carnino, Numérique : la fausse révolution ?, in Hors-Série, L’Histoire, les collections, L’âge industriel, 200 ans de progrès et de catastrophes. Lire aussi du même auteur, L’invention de la science, La nouvelle religion de l’âge industriel, éd. Seuil.

165 Ibid. Préface de Jean-Claude Michéa in Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, éd. Champs Flammarion, essais.

166 Anne-Cécile Robert, Dernières nouvelles du mensonge, éd. LUX.

167 Christopher Lasch & Cornelius Castoriadis, La culture de l’égoïsme, éd. Climats.

168 Lis ! Au nom de Ton Seigneur qui a créé_ A créé l’Homme d’une adhérence (accroche ou relation)_ Lis ! Ton Seigneur le Généreux _ A enseigné à l’Homme l’usage du Qalam (Plume, écriture) _ A enseigné à l’Homme ce qu’il ne savait pas.

169 Christopher Lasch, Le Seul Vrai Paradis, Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques, éd. Flammarion, Champs essais. Lire aussi, Emmanuel Fureix & François Jarrige, La modernité désenchantée, relire l’Histoire du XIXème siècle français, éd. La Découverte.

170 Jérôme Maucourant, Avez-vous lu Polanyi ?, éd. Flammarion, Champs essais.

171 Ibid, Vanessa Codaccioni, La société de vigilance, Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires, éd. Textuel.

172 David Graeber, Des fins du capitalisme, Possibilités I, éd. Manuels Payot.

173 Sophie Bessis, La double impasse, L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand, éd. La Découverte

Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0

Nouvelle-Zélande: des manifestants empêchent la livraison de la cargaison d’un navire israélien

Pakistan : la “mosquée qui s’enlise” tient toujours debout depuis 400 ans !