Dans cette troisième chronique, Faker Korchane explore le rapport entre la raison et la religion en Islam, en se concentrant particulièrement sur la question de l’eschatologie, c’est-à-dire la science des fins dernières et de la fin des temps. Il met en lumière les différences entre la tradition mu’tazilite et la tradition classique musulmane, tout en soulignant l’importance de l’argument rationnel et de l’argument transmis (dalil) dans la compréhension des textes sacrés. Faker Korchane est professeur de philosophie, et fondateur de l’Association pour la renaissance de l’islam mutazilite. Il est également l’auteur du livre
Compte rendu de la chronique de Faker Korchane sur la raison, la religion et l’eschatologie en Islam
L’eschatologie et la raison
Korchane commence par définir l’eschatologie comme la science qui étudie la fin des temps. Il explique que cette question est un point de divergence important entre les Mu’tazila, une école théologique rationaliste, et les autres courants de l’islam, notamment la tradition classique. Pour les Mu’tazila, la fin des temps est un sujet qui relève principalement de la révélation et non de la raison, car il touche à des aspects métaphysiques qui dépassent l’expérimentation et la connaissance humaine.
L’argument rationnel et l’argument transmis
Korchane distingue deux types d’arguments dans la pensée islamique : l’argument rationnel et l’argument transmis. L’argument rationnel repose sur un processus de réflexion et d’analyse visant à vérifier la cohérence des propositions et des théories. Il s’appuie sur le monde perçu, c’est-à-dire ce qui est accessible à l’expérimentation humaine, comme la biologie, la physique, etc. En revanche, l’argument transmis (dalil) tire sa légitimité des sources scripturaires, comme les livres révélés (Torah, Évangile, Psaumes, Coran) et le livre de la nature (Kitabun), qui contient des signes divins.
Le Coran, selon Korchane, accorde une grande importance à la nature, comme en témoignent les noms de nombreuses sourates (la Vache, les Abeilles, la Lune, etc.). Ces références naturalistes invitent les croyants à observer et à réfléchir sur le monde qui les entoure, ce qui renforce le lien entre la raison et la révélation.
La raison et la fitra
Korchane souligne que la raison joue un rôle central dans la compréhension de la religion et dans l’effort d’interprétation (ijtihad). Elle permet de mettre en harmonie les enseignements religieux avec la fitra, la nature primordiale innée en chaque être humain. Cette harmonie entre la raison, la fitra et la révélation constitue, selon lui, la meilleure disposition pour vivre sa foi de manière apaisée et cohérente.
Cependant, Korchane reconnaît que la raison a ses limites, notamment lorsqu’il s’agit de sujets métaphysiques comme l’eschatologie. La fin des temps, étant un événement futur et imprévisible, ne peut être appréhendée par l’expérimentation ou la logique rationnelle. Elle relève du monde de l’occulte (‘alam al-ghayb), qui échappe à la connaissance humaine. Pour aborder ces questions, il faut donc se tourner vers les textes révélés, en particulier le Coran.
La fin des temps dans le Coran
Korchane insiste sur le fait que le Coran est très clair concernant la fin des temps. Contrairement à certaines traditions populaires qui évoquent des signes annonciateurs, des messies ou des événements spécifiques, le Coran affirme que l’Heure (la fin du monde) surviendra de manière soudaine et inattendue. Il cite plusieurs versets pour étayer son propos, notamment ceux de la sourate An-Nazi’at (79:42-46) et de la sourate Al-A’raf (7:187), qui soulignent que la connaissance de l’Heure appartient uniquement à Dieu.
Korchane critique l’idée d’un messianisme islamique, qui prévoit l’apparition d’un Mahdi (guide attendu) ou le retour de Jésus à la fin des temps. Selon lui, ces concepts ne trouvent pas de fondement solide dans le Coran, mais proviennent plutôt de hadiths (paroles attribuées au Prophète) souvent contradictoires et peu fiables. Pour les Mu’tazila, notamment les premiers représentants de cette école, l’eschatologie ne doit pas être encombrée de ces ajouts qui contredisent la clarté du texte coranique.
La critique des hadiths eschatologiques
Korchane met en garde contre les hadiths qui traitent de la fin des temps, en soulignant leurs nombreuses contradictions. Par exemple, certains hadiths prédisent l’apparition du Mahdi, d’autres évoquent le retour de Jésus, tandis que d’autres encore mentionnent des figures historiques comme Omar ibn Abd al-Aziz. Ces divergences rendent ces récits peu crédibles d’un point de vue rationnel. Pour Korchane, il est illogique de s’éloigner du texte coranique, qui est clair et univoque sur la question, pour se fier à des traditions incertaines.
Conclusion : la raison au service de la révélation
En conclusion, Faker Korchane défend une approche rationaliste de l’islam, où la raison est utilisée pour comprendre et interpréter les textes sacrés, tout en reconnaissant ses limites face aux questions métaphysiques. Il appelle à un retour à la simplicité et à la clarté du Coran, en évitant les ajouts et les interprétations qui s’éloignent de son message central. Pour lui, l’eschatologie doit être abordée avec humilité, en acceptant que certains mystères, comme la fin des temps, relèvent uniquement de la connaissance divine.
Cette intervention de Faker Korchane offre une perspective éclairante sur le rôle de la raison en Islam, tout en invitant à une réflexion critique sur les traditions et les interprétations qui façonnent la compréhension de la fin des temps. Elle souligne l’importance de rester fidèle au texte coranique et de ne pas se laisser entraîner par des récits incertains ou contradictoires.



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