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Quand la médecine est polluée par l’occupation israélienne

Quand Hillary Clinton a écrit sa lettre au donateur israélo-américain, Haim Saban, pour protester contre le mouvement populaire et pacifique de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), elle a présenté l’« État juif » comme une « démocratie dynamique dans une région dominée par l’autocratie… un miracle des temps modernes – une fleur pleine de vie au milieu d’un désert ». Pour faire bonne mesure, elle a juré que « nous devions veiller à son développement et la protéger».

Contrairement aux louanges de l’ancienne première dame américaine et ex-chef de la diplomatie d’Obama, nous, Palestiniens, subissons les terribles effets du racisme et de la discrimination qui s’infiltrent jusque dans les professions les plus humaines, sous l’occupation militaire brutale d’Israël.

Le mois dernier, un soldat israélien (il s’agit du franco-israélien Elor Azria, ndlr) est apparu sur une vidéo insoutenable, en train d’exécuter froidement un Palestinien sans défense, blessé et inconscient. Abed Al-Fattah Al-Sharif était soupçonné d’avoir commis une « attaque terroriste » ; une attaque au couteau qui ciblait non pas un civil mais un soldat, à un check-point militaire situé dans la ville occupée d’Hébron. L’Israélien qui l’a achevé d’une balle dans la tête, alors qu’il gisait à terre, n’était pas qu’un simple soldat, il faisait aussi partie du personnel médical. Si son acte abominable a d’abord été condamné par de nombreux Israéliens, il a été depuis célébré, et pire encore, des voix s’élèvent aujourd’hui pour appeler à lui décerner une médaille.

La terrible image d'Abed Al-Fattah Al-Sharif gisant à terre, dans l'indifférence générale, quelques instants avant d'être abattu comme un chien

La même caméra qui a filmé cette exécution sommaire a également révélé les images glaçantes de l’indifférence de plusieurs membres des équipes médicales israéliennes envers le Palestinien qui était allongé sur le sol, les bras et les jambes écartés, sa tête bougeant un peu. Ceux-ci apportaient les premiers secours à un soldat blessé (il avait une légère blessure au bras), mais ignoraient totalement le blessé palestinien, ne lui prêtant pas assistance, jusqu’à ce qu’il soit tué. À ce moment-là, et seulement à ce moment-là, le personnel médical israélien a daigné intervenir, mais uniquement pour emmener le corps.

L’exécution extrajudiciaire relève d'une politique israélienne réservée exclusivement aux Palestiniens ; environ deux cents Palestiniens ont été tués par Israël au cours des six derniers mois. Les forces de sécurité auraient pu, bien sûr, se modérer et les désarmer, comme elles l’ont fait pour Yishai Shlissel, ce juif ultra-orthodoxe qui a attaqué à deux reprises des participants à une Gay Pride, assassinant l’un d’eux. Shlissel n’a pas été tiré à vue, ni exécuté ; il a été arrêté et il comparaîtra devant un tribunal dans le cadre d’un procès régulier, à la différence des 200 Palestiniens qui, eux, ont été abattus, et dont beaucoup étaient des étudiants.

Je suis surprise que quelqu’un ait réussi à filmer l’exécution d’Al-Sharif, mais je ne le suis pas par l’exécution elle-même ; les soldats israéliens exécutent les Palestiniens de façon routinière, comme un exercice de leur pouvoir pour intimider la communauté. Un scandale, qui a plus de mal à être reconnu cependant, est celui de la complicité du personnel médical israélien qui est flagrante dans la vidéo, et de son silence qui suivra.

Une vague de soutien au soldat Elor Azria a été lancée par le tristement célèbre colon Baruch Marzel (un homme connu pour distribuer des pizzas aux soldats en signe de récompense pour avoir massacré des Palestiniens) ; ce dernier a organisé un rassemblement pour faire bloc derrière Azria, à proximité du tribunal militaire de Jaffa, tandis que le gouvernement local de Beit Shemesh a, de son côté, organisé le même rassemblement pour défendre le personnel médical assassin ; des affiches l’ont acclamé comme un « héros national ». Un sondage réalisé par Channel 2 TV a fait ressortir que 57 % de l’opinion israélienne estime qu’il n’y a pas lieu d’arrêter le soldat, ni d’enquêter sur l’incident, et que 42 % de la population qualifie son acte de « responsable » ; 24 % considérant que sa réaction, dans cette situation, était tout à fait naturelle.

Bien qu’odieux, ce qui précède n’est pas le seul exemple d’une médecine polluée par la politique en Israël. De récents rapports rendus publics par des hôpitaux de tout le pays, spécialement à Jérusalem, font état de la séparation qui est établie entre les malades arabes israéliens et les Israéliens juifs, en particulier les femmes qui viennent juste d’être mamans ; les femmes arabes palestiniennes sont en effet entassées et hospitalisées dans des conditions déplorables. Un membre de la Knesset, Bezalel Smotrich, a carrément twitté : « Il est tout à fait normal que mon épouse ne veuille pas être hospitalisée à proximité de quelqu’un qui vient de donner naissance à un bébé qui pourrait assassiner le sien dans vingt ans ».

Quant aux responsables médicaux, soit ils nient tout en bloc et réfutent les conclusions accablantes de ces rapports, soit ils cherchent à les justifier : « Les femmes arabes sont contentes d’être affectées à des salles de réveil de six personnes, parce qu’elles aiment bavarder », disent certains ; « Les femmes juives ont besoin de salles de deux personnes, parce qu’elles ne peuvent pas tolérer les fêtes arabes » affirment d’autres. Une infirmière palestinienne a observé que ses collègues israéliennes, opérant dans la salle d’accouchement, f
aisaient des commentaires racistes insupportables après la naissance d’un bébé palestinien, tels que « Et voici un autre terroriste ».

L’attitude cruelle du personnel médical israélien envers les Palestiniens est à la fois tristement banale et très ancienne. Il y a vingt ans, quand mon neveu est né, je me souviens être allée rendre visite à ma sœur, en compagnie de ma mère et de mon beau-frère, heureuse à l’idée de voir le bébé. L’équipe de sécurité de l’hôpital nous a arrêtés dans le hall, prétendant que ce n’était pas l'heure des visites. Or, au même moment, elle permettait à des Israéliens juifs d’entrer au service maternité. Quand mon beau-frère a demandé des explications, il a été aussitôt écarté, malmené et bousculé, restant meurtri par cette réaction brutale, ses lunettes cassées dans les mains. Cela se passait à l’hôpital Shaare Zedek, sous le nez de médecins et d’infirmières qui sont restés inertes et silencieux.

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La pratique discriminatoire des hôpitaux israéliens paraît toutefois dérisoire en comparaison de celle qui est mise en lumière dans les rapports établis par les services médicaux des prisons israéliennes. Les prisonniers politiques palestiniens affirment que le personnel médical et les tortionnaires sont alliés pour accomplir la même terrible mission : briser leur volonté.

Plusieurs rapports indépendants ont corroboré de telles affirmations. Les prisonniers rapportent que les professionnels médicaux vérifient s’ils sont aptes à être torturés ou à se rétablir, de sorte qu’ils peuvent continuer à leur infliger les pires sévices. Après sa libération, un prisonnier m’a confié qu’un membre du personnel médical de la prison, où il était détenu, avait prétendu qu’il était suicidaire pour justifier le fait de l’avoir suspendu en hauteur, « pour le protéger contre lui-même » selon l’effarante version officielle…

Le crâne d’un autre homme a été fracturé après qu’un garde l’ait délibérément projeté au sol ; ce prisonnier a été « examiné » par plusieurs médecins, mais aucun d’eux n’a fourni des explications précises sur l’incident, et n’a délivré aucune information sérieuse sur l’état physique du prisonnier. Certains ont ignoré l’importante enflure et les ecchymoses autour de son œil, d’autres ont dit que le prisonnier était tombé dans l’escalier, sans oublier ceux qui ont décelé l’incroyable conséquence d’une piqûre d’abeille…   

L’alimentation de force des prisonniers palestiniens en grève de la faim est une autre pratique médicale honteuse, utilisée à des fins politiques, violant l’éthique médicale et la dignité humaine dans le processus. Une législation a été votée au parlement israélien qui autorise l’alimentation de force des grévistes de la faim. Alors que le principe allégué de la loi est « le caractère sacré de la vie », sa véritable motivation est de réduire au silence et de miner la volonté des prisonniers palestiniens dans leur lutte pour être libérés de leurs chaînes, et de la détention administrative (une détention illégale au regard du droit international, sans inculpation ni jugement). Bien qu’il n’y ait aucune trace, à ce jour, d’un seul prisonnier palestinien mort des suites d’une grève de la faim, il existe des documents qui attestent que cinq détenus sont décédés après avoir été alimentés de force, entre 1970 et 1992. Ces malheureux ont été nourris sous la contrainte et tués par le personnel médical.

La médecine n’est pas seulement une profession, c’est une véritable vocation. Une vocation qui traite du bien-être humain dans des domaines qui dépassent la seule santé physique. La neutralité et l’impartialité sont des principes fondamentaux du code de déontologie qui régit le corps médical, mais nous voyons, malheureusement, certains de nos confrères israéliens capituler devant la bigoterie populaire, au lieu de soutenir les droits des malades quand ils sont palestiniens. Les professionnels israéliens de la médecine devraient soutenir leurs confrères palestiniens qui se font mitrailler dans les ambulances, devraient secourir les malades palestiniens qui se font arrêter aux check-points ou qui sont obligés de collaborer en échange d’un service de santé. Ils devraient condamner les bombardements des hôpitaux à Gaza, et les raids perpétrés dans les hôpitaux palestiniens de la Cisjordanie occupée en vue de kidnapper des personnes blessées.

Il est consternant de réaliser que, dans sa grande majorité, le corps médical israélien ne fait rien de tout cela. Force est de constater que l’occupation érode toutes les considérations éthiques, étouffe les cas de conscience, et que la haine des Palestiniens l’emporte sur les préoccupations et le comportement déontologiques.

Il ne peut exister de « démocratie dynamique » dans un système colonial, Madame Clinton ! Il n’y a aucune pureté, ni même de professionnalisme médical, dans une domination coloniale. L’occupation militaire d’Israël pollue tout.

Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous

A voir ou à revoir, l'effroyable exécution sommaire d'Abed Al-Fattah Al-Sharif par le soldat et membre des équipes médicales, le franco-israélien Elor Azria. Ames sensibles s'abstenir.

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