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Pour une foi dans l’Homme

Quelle belle coïncidence que l’Aïd al-Adha soit célébré le même jour que la fête de Kippour, ainsi que du souvenir du remarquable Saint François d’Assise. Cependant, nous apprenons qu’une jeune australienne de 26 ans a été la cible d’une violence inouïe. Victime d’une autre femme qui ne l’a pas seulement violentée, mais jetée du train en marche. Et cela sans que cette jeune fille ait commis aucun crime, hormis celui de porter le voile. Elle fut privée de la fête, et attaquée dans son intégrité physique ; sa famille est en détresse.
L’éloignement géographique de son agression s’allie à des causes idéologiques qui nous sont hélas familières. Combien d’articles lui sont dédiés dans la presse? Ou d’appels à des rassemblements? Mais non, je ne vous inviterai pas, mes frères chrétiens, à vous démarquer de cet acte barbare. Les bourreaux de tout bord justifient leurs actes par la peur et la défense contre un danger réel ou inventé, où l’ignorance est nourrie par la désinformation. Et la valeur des âmes humaines est loin d’être inconditionnelle.
Il est vrai que certaines mouvances de l’Islam souffrent de dérives qui nous inquiètent tant. Mais agissons dans la compassion et non dans la haine et l’exclusion. Je ne supporte pas la fumée de cigarettes, ni les parents qui battent leurs enfants. Je n’éprouverais pas pour autant de la haine envers ces fumeurs ou ces parents violents, alors que le mal infligé à autrui est bien plus flagrant que celui de mettre un voile.
Et osons reconnaitre, en nous y opposant, le rôle des pays occidentaux, dont l’ampleur des dégâts et le nombre de victimes, même sans inclure l’ère coloniale, dépassent de loin celles du terrorisme, qu’ils alimentent en même temps par les armes et les pactes d’intérêts financiers. Des vainqueurs qui réécrivent l’histoire pour leur gloire, sans reconnaissance envers ceux qui les ont sortis de la barbarie dans le passé, nourrissant des ressentiments et des réactions en chaîne.
Et l’Islam n’est pas le seul qui souffre de tant de maux. Nos trois monothéismes ont été pris en otage par trois “ismes” qui n’ont de l’isthme que le rétrécissement de leur horizon (je simplifie, certes) : le sionisme (malgré sa prétention laïque, mais on parle tout de même d’un Etat juif), le wahhabisme, le protestantisme  (dans sa version “évangélique”) ; leur trait commun est un autre “isme” fâcheux, le littéralisme réducteur. Tel celui qui réduit la “Terre promise”, lieu symbolique de réalisation spirituelle, à une portée purement matérielle.  Les défenseurs de ces “ismes” arrosent leurs mauvaises herbes au pétrole et les aspergent au gaz.  Leurs invasions militaires prétendant renverser des dictateurs ou des “envahisseurs” sont guidées par ces odeurs. Et mettent sur le trône des fanatiques les remplaçant, par lesquels on justifie de garder ces zones sous tutelle.
Ces trois axes forment un conglomérat hégémonique intimement lié à l’histoire de l’expansionnisme, appuyé historiquement par la Grande Bretagne. Ils accusent leurs opposants de blasphème et profanent simultanément la spiritualité, la liberté, la terre et la féminité.
Prenons alors  conscience d’une cause commune de notre souffrance: la généralisation à tous les champs de la vie d’une forme de “rationalité pratique”, qui voit la domination exclusive d’un paradigme économique, selon lequel l’humain devient une variable d’ajustement. A l’opposé de la rationalité théorique, cette rationalité économique est normative. C’est au nom de l’efficacité supposée infaillible du marché, qu’un grand nombre de vies humaines est déclaré sans valeur.
C’est la foi en la valeur de l’homme à laquelle j’appellerais tout croyant ou athée, une foi qui octroie une dimension transcendante à l’homme, ainsi qu’à tout ce qui est, vivant ou inanimé, au lieu de les réduire à des valeurs marchandes, à des potentiels de gain, aboutissant à une terre profanée…
Et c’est une telle dimension qui pourrait permettre à tous, croyants ou athées, de dialoguer au sommet, de rechercher ce qu’il y a de plus humain dans l’humanité. Non pas pour effacer les différences, qui sont inhérentes à notre richesse, mais de prendre une profonde conscience que nous partageons un destin commun, que nous sommes sur un même bateau qui commence à chavirer.
Alors, je fais appel à vous tous qui vous considérez filles et fils d’Abraham, non par la filiation du sang, mais à travers un ancêtre spirituel commun. Echappons à cet esprit de concurrence, qui prétend qu’humilier autrui permet de s’élever soi-même. S’élever soi-même requiert une élévation générale, alors que nous sommes tirés vers le bas par ceux que nous écrasons. Rappelons-nous que la moitié de la population des chrétiens et des juifs de la terre, approximativement, résidait autrefois en terre d’Islam, et formaient une civilisation judéo-christiano-islamique.
Retrouvons-nous au sommet, en célébrant la tradition primordiale, le fil autour duquel s’enfilent les perles du chapelet, pour paraphraser René Guénon. Un conte soufi nous donne cette image de chaque adepte de chaque religion creusant son puits, pour se retrouver ensemble au niveau de la nappe phréatique. Ne nous attardons pas aux flaques saumâtres à la surface, creusons plus loin. Il est utile de rappeler que ce n’est ni Ismaël ni Isaac qui sont cités dans le récit coranique du sacrifice, un mystère que la doctrine islamique médiévale ne cherchait guère à élucider ; contrairement à celle au présent, influencée par les conflits et l’occupation. Et cela devient même un détail lorsque nous en restaurons la valeur symbolique au lieu de nous attarder aux identités.
C’est au sommet que Mawlânâ Rûmî pouvait déclarer:  “Je ne suis ni chrétien, ni juif, ni guèbre, ni musulman…Je suis enivré de la coupe de l’amour, je n’ai que faire des deux mondes “.
Et méditons sur le sens du sacrifice. Cessons de sacrifier l’esprit aux dépens de la lettre. la valeur humaine aux dépens de la logique capitaliste et la justice aux dépens du bénéfice. Cessons de sacrifier tant d’enfants pour le règne et l’occupation. Cessons de sacrifier des otages pour défendre des causes qui sont des illusions. Cessons de sacrifier les vérités au profit de la manipulation. Cessons de sacrifier l’amour au profit de la haine. C’est notre égo que nous sommes appelés à sacrifier; nous saurions alors célébrer le sacrifice de notre père à tous, en commun. Sans nous confondre, mais en nous laissant fondre… dans l’Un. Par notre alliance, à travers nos résonances.

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Un commentaire

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  1. L’Islam n’a pas ramener le voile, la femme se couvrait bien avant l’Islam et dans toutes les sociétés.
    Le voile devient un problème dans les temps avancés, les musulmanes coupables d’activer la mémoire des sociétés.

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