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Ohé, l’Amérique : je suis musulmane. Si on en parlait ?

Depuis quelque temps, je veux crier sur les toits que je suis musulmane. Moi qui suis musulmane et ne porte pas le foulard, on me prend souvent pour une Latina, ou on m’attribue une origine qui correspond à mon teint. Maintenant que l’islamophobie fait son chemin dans ce pays, j’ai envie de leur dire : “Ohé, l’Amérique : je suis musulmane. Si on en parlait ?”

C’est cette envie qui m’a amenée sur le trottoir qui jouxte Park51, le centre communautaire avec mosquée qui est projeté près de Ground Zero. C’était le weekend prolongé du Labor Day. Pendant quatre jours, je me suis donc retrouvée à battre la semelle avec un groupe restreint, mais select, de manifestants qui, depuis tantôt trois semaines, se tiennent devant Park51 en brandissant des banderoles où on peut lire : “Paix Tolérance Amour” – comprenez : laissez-les construire.

Ces militants de rue volontaires sont un cocktail de non-musulmans et de musulmans, militants nouvelle génération dans la vingtaine et militants anciens combattants de la génération de leurs parents.

Nous ne prétendions pas défendre ou soutenir les promoteurs spirituels ou financiers de Park51. Nous étions là pour défendre le droit constitutionnel à la construction de Park51. Pour moi, l’opposition à ce projet fait partie intégrante du sentiment anti-musulman largement répandu qui a déjà fait opposition à d’autres projets de mosquées dans tout le pays, autrement plus graves que le cas de Park51.

Parmi les passants à qui j’avais à faire, les plus faciles étaient les “j’ai pas le temps”, ceux qui nous remercient ou nous injurient au vol.

A part ça, ces quatre jours sur les trottoirs de Park51 ont été riches d’enseignements. Tout d’abord, j’ai appris à ne pas traiter de racistes tous ceux qui étaient contre. Bon, des racistes, il y en avait, mais mes amis militants m’ont appris ceci : quand on traite les gens de racistes, ils se braquent, et ça déplace le vrai problème – le débat nécessaire sur le droit de construire Park51 – vers une situation où l’on se trouve devant des gens qu’on a vexés en les traitant de racistes.

Et ce débat nécessaire peut être fructueux. Deux femmes qui étaient venues vers nous depuis une manifestation concurrente voulaient nous poser des questions. L’une d’elles, Meryl, voulait en savoir plus sur le djihad. Je répondis que je condamnais tous les actes de violence commis au nom d’une religion quelle qu’elle soit, y compris la mienne. Après avoir débattu du pour, du contre, et de son contraire, Meryl et moi avons décidé de déclarer le djihad contre la violence inspirée par la religion et elle m’a prise dans ses bras.

“Pourquoi n’y a-t-il pas des millions de musulmans comme toi”, me dit-elle.

“Ils existent”, lui répondis-je.

Les gens me demandaient souvent comment moi, femme, je pouvais rester musulmane alors que l’islam traite les femmes si mal.

Je répondais que ce serait mentir que de prétendre que les femmes jouissent de l’égalité des droits dans les pays à majorité musulmane. J’ajoutais cependant que je faisais partie du mouvement Musawah (égalité), qui cherche à établir la justice et l’égalité dans la famille musulmane en éliminant les interprétations misogynes et machistes de l’islam.

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De nouveau, après un long échange d’arguments, Mary aussi me serra dans ses bras.

Un peu plus tard, une autre femme nous dit : “Vous ne voyez pas que vous agressez l’opinion en construisant tout près de Ground Zero ? Pensez donc aux familles des victimes”.

“Quand vous me posez des questions de ce genre, vous vous rendez compte que vous partez du principe que je suis moi-même associée aux attentats du 11 septembre 2001” ? ai-je répondu. “Oui, ces hommes étaient des musulmans, mais ils étaient 19. Nous, nous sommes totalement étrangers à ce qui s’est passé”.

“Mais pourquoi ne pas construire ailleurs” ?

“Là, vous êtes sur la pente savonneuse. Partout dans le pays, la construction de mosquées soulève des oppositions. Où est la limite ? A partir du moment où vous contraignez Park51 à se déplacer, n’importe qui pourra dire : ’Moi, je ne veux pas de musulmans dans ce quartier. qu’on les déplace’”.

Elle aussi m’a serrée dans ses bras !

Tous les soirs, je rentrais sur les genoux, en me demandant si ma présence avait pu en quoi que ce soit réfréner cette vague de sentiments antimusulmans. En parlant à six ou sept personnes, peut-on réellement changer quelque chose ?

Un autre passant, chrétien progressiste selon ses dires, passa un bon moment avec nous pour s’informer sur l’islam. Il était intarissable. Au bout d’une demi-heure, il me remercia disant qu’il n’avait jamais autant appris sur cette religion. Alors, j’en suis convaincue, ma campagne en vaut la peine. “Ohé, l’Amérique : je suis musulmane. Si on en parlait ?”.

En partenariat avec le CGNews

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