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L’islam et la mondialisation : Point de vue d’un musulman français

L’islam et la mondialisation : Point de vue d’un musulman français

I. Introduction

Après la partition du monde en deux blocs opposés puis la chute des régimes communistes et apparentés, l’occident triomphant entend imposer sa paix marchande au reste du monde en faisant la promotion de la mondialisation, notion surtout économique pour laquelle l’ensemble de l’humanité ne formerait qu’un marché unique de consommateurs avides de produits manufacturés.

Suivant cette vision idyllique de l’économie, le monde ne serait plus qu’un village global où chacun pourrait faire son marché, où le progrès économique profiterait à tous puisque les pays les plus pauvres bénéficieraient, du fait du prix peu élevé de leur main d’oeuvre, des délocalisations industrielles, les pays les plus riches étant les locomotives de la recherche et des services.

Ce “progrès économique pour tous” s’accompagnerait inéluctablement d’une démocratisation des sociétés qui évolueraient ainsi, du point de vue politique, vers un idéal également incarné par l’occident triomphant auquel les U.S.A. serviraient d’exemple.

II. De la vision idyllique à la dure réalité.

1. Une brève esquisse historique

En deux siècles, nous sommes passés de systèmes économiques moyenâgeux, dans lesquels les relations commerciales étaient basées sur des relations de clientélisme à un système de capitalisme financier dans lequel ni l’acheteur ni le vendeur ne se connaissent, et où l’échange de capitaux ne correspond plus, dans la majorité des cas à un échange de produits. Le système du clientélisme moyenâgeux fondait des relations beaucoup plus profondes et complexes que la simple relation d’affaire. Les relations clients-fournisseurs sous-entendaient des relations de protection politiques et tribales, des défenses d’intérêts mutuels et des interdictions d’alliances avec les concurrents. Un ensemble de relations interpersonnelles qui fut remis en question par les révolutions industrielles.

Cette ère de capitalisme industriel inventa les notions de marché, découvrit l’importance de l’offre et de la demande, mais surtout, au plan humain, rompit les relations personnelles qui unissaient le fournisseur et le client. On peut voir les guerres occidentales de la fin du XIXème siècle et du début du XXème comme des conflit entre grands groupes industriels nationaux, cherchant à éliminer des concurrents d’autres nations tout en se développant grâces aux commandes des Etats. De même que les guerres coloniales comme des tentatives d’accaparement des matières premières au service des industries impériales.

La fin de la deuxième guerre mondiale vit la fin des empires, la bipartition du monde en deux blocs, la menace nucléaire pesant sur tout conflit d’importance, les industriels, quelle que soit l’importance de leur industrie, n’avaient pas intérêt à déclencher de nouvel affrontement qui aurait d’emblée été suicidaire.

Les regroupements industriels au sein du camp capitaliste aboutirent à l’émergence de multinationales dont les budgets sont supérieurs aux nations mêmes les plus riches. Les nations furent fortement invitées à abolir les barrières douanières, créant ainsi un marché unique et la libre circulation des biens et des services.

Le maintien de la paix occidentale dans les colonies devenait trop coûteux et donc peu rentable, des dirigeants corrompus, rebaptisés héros de l’indépendance nationale, remplacèrent les gouverneurs, inaugurant l’ère du néocolonialisme, beaucoup plus rentable financièrement pour les multinationales.

2. Un monde déshumanisé

Le monde actuel est caractérisé par la tyrannie financière du libéralisme sauvage. La seule loi réelle est la recherche de profit, ce qui se traduit au plan financier par la volatilité des marchés, au plan industriel par un permanent accroissement de la productivité, une mécanisation à outrance et des délocalisations permanentes.

Les pays occidentaux, dit “développés” ne représentent que 17% de la population mondiale qui consomme pourtant plus de 70% des ressources énergétiques et des matières premières mondiales.

Le système s’est donc peu à peu déshumanisé, les relations humaines ne sont plus nécessaires. Les êtres humains ne sont vus qu’à travers leur capacité de générer du profit, à travers leur pouvoir d’achat ou à travers leur capacité à menacer le système en se révoltant.

Notre système de production est suffisant pour nourrir l’ensemble de la population mondiale. L’un des problèmes majeurs de notre agriculture est la gestion des stocks de surproduction.

Et pourtant un grand nombre d’êtres humains sont jugés par nos dirigeants comme des bouches inutiles à nourrir. On estime officiellement à 850 millions le nombre d’êtres humains souffrant de malnutrition, et à 8 millions le nombre de personnes menacés de mourir de faim.

Dans les pays du sud, seule une infime minorité d’habitants est ainsi nécessaire pour poursuivre l’exploitation des ressources minières indispensables à l’industrie. Les autres deviennent inutiles du fait de leur faible pouvoir d’achat, ils peuvent même devenir dangereux pour les grandes compagnies minières s’ils venaient à trop se révolter.

C’est le cas dans la région des grands lacs en Afrique. Il s’agit d’un des secteurs miniers les plus riches de la planète. Mais la région est également très peuplée. Plutôt que de fournir des infrastructures modernes aux peuples de la région, les multinationales occidentales, avec la complicité des gouvernements occidentaux, on préféré attiser les haines tribales entre hutus et tutsis, maintenir un sous-développement sanitaire chronique, entretenir des rébellions permanentes dans la région ce qui fait que le nombre de bouches inutiles à nourrir diminue constamment, augmentant d’autant la rentabilité des installations minières protégées par de véritables armées privées.

Il s’agit là d’une politique cynique visant consciemment à tuer un plus grand nombre d’êtres humains jugés inutiles.

On peut également analyser la politique algérienne sous le même angle. Ce qui intéresse les multinationales en Algérie, ce sont les ressources pétrolières et gazières. Le problème est que la population est nombreuse, disséminée dans la campagne, peu productive et qu’elle a une capacité importante à se révolter (voir la récente guerre d’Algérie).

Il semble qu’une des solutions retenues par certains stratèges ait été de terroriser les populations rurales pour désertifier les campagnes et regrouper les citoyens dans les villes où ils sont alors plus facilement encadrés et contrôlés. Pendant ce temps le business continue par l’accaparement des puits de pétrole et de gaz par des intérêts privés liés aux grandes compagnies internationales.

Deux interrogations récurrentes viennent conforter cette hypothèse :

‹ Il vaut mieux en Algérie être un puits de pétrole qu’un civil surtout isolé dans la campagne. En effet les puits de pétroles sont très protégés par les forces de l’ordre et l’armée. A l’inverse, on a noté à plusieurs reprises le refus de l’armée d’intervenir dans des massacres qui se déroulaient pourtant à quelques dizaines de mètres des casernes. Toujours sans explication plausible jusqu’à présent.

‹ Le pouvoir militaire refuse obstinément toute commission d’enquête indépendante dans quelque affaire que ce soit dans les très nombreuses affaires de massacres de civils attribués aux islamistes.

Dans ce type d’affaire, la classique question policière est : “A qui profite le crime ?” Autrement dit : quels seraient les intérêts des musulmans de massacrer les populations qui ont voté à plus de 80% en leur faveur ? Causer des troubles à l’ordre public pour prendre le pouvoir ? Par quel moyen ? Suivant quelle stratégie  ? Ceux qui tentent de nous faire avaler l’hypothèse d’un complot intégriste se gardent bien de nous l’expliquer !

Il faut condamner tous les auteurs des massacres de civils en Algérie, quels qu’ils soient et tout faire pour que ces criminels soient pourchassés, retrouvés, traduits devant des juridictions dignes de ce nom et condamnés pour leurs crimes odieux.

Dans la région des grands lacs comme en Algérie, les compagnies minières internationales sont complices de véritables génocides qu’il faut bien connaître pour mieux les condamner.

3. Un monde standardisé

Dans ce monde où seul le profit règne en maître, l’être humain n’a plus de valeur en tant que tel, il n’est plus jugé qu’en fonction de ce qu’il consomme.

Et pour faire consommer les êtres humains de la même manière sur toute la planète, il faut standardiser leur pulsions et leur désirs. Pour cela, la télévision et maintenant internet sont de formidables médias. L’industrie cinématographique et musicale standardisent nos désirs, nos fantasmes et nos comportements et par conséquence notre consommation. Les effets de cette standardisation se voient de manière quotidienne notamment à travers le phénomène des marques.

Nos jeunes sont appelés à juger quelqu’un non pas en fonction de ce qu’il dit ou ce qu’il fait mais en fonction de ce qu’il consomme :

En achetant telle ou telle marque les adolescents, qui sont naturellement en quête d’identité à cet âge, s’identifie à la tribu qui consomme cette marque. Les codes vestimentaires sont invisibles à nos yeux d’adultes mais extrêmement parlants à nos ados.

Cette identification les divisent en groupes à terme opposés. Elle a par ailleurs un coût prohibitif que les familles, modestes pour la plupart, ne peuvent assumer. C’est ainsi que nos adolescents puis nos jeunes adultes, pour intégrer puis se maintenir dans leurs tribus de consommation sont poussés vers l’illégalité qui seule leur permet de financer de tels besoins, vestimentaires. Qui sont ceux qui sont “le mieux habillés” ? Ce sont les dealers du quartier. Ceux qui sont au plus haut de cette grille d’analyse ont abandonné toute référence à leur religion.

Cette illégalité permet de contrôler les quartiers et de faire pression sur les jeunes.

Nos jeunes doivent être conscients qu’en rentrant dans ce système de marques, ils sont manipulés par des industriels qui ne souhaitent pas leur bien, ils cautionnent un système qui exploite des enfants misérables dans le tiers monde, ils risquent d’être amenés à remettre en question leurs propres valeurs.

III. L’islam face à ces défis

1. Une situation imprévue

L’islam a vu 14 siècles de penseurs se succéder. L’islam, s’il ne possède pas de clergé, s’est petit à petit constitué en corps de pensée logique basé sur les sources du raisonnement islamique :

la source principale : le Coran

les sources secondaires :

  • Le hadith avec leurs classification

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  • Le consensus (Ijmaa)

  • Le quias (raisonnement analogique)

  • L’ichtihad

Parallèlement survenait une classification des devoir et des interdits :

  • Les piliers (Roukn)

  • Le Fardh

  • Les Ouadjib

  • Les recommandations

  • Ce qui est déconseillé

  • Ce qui est interdit.

Grâce à ces réflexions les musulmans qui étaient devenus les principaux gestionnaires du monde, on vu émerger des grandes école du Fiqh, la jurisprudence islamique qui, loin d’être un corpus figé, est une structure qui, dans sa partie concernant les mouamalat, évolue sans cesse suivant la situation locale.

Mais la plupart des penseurs qui ont structuré la pensée sociale du monde musulman n’imaginaient pas qu’un jour Allah nous ferait vivre un temps sans que nous puissions nous référer à un Amir El Mohminin (Comandeur des croyants). Et une très grande partie des raisonnements du fiqh musulman n’est pas valable à l’heure actuelle du fait de cette absence de référentiel à la fois politique et religieux.

D’autre part, la plupart des lois de la charia était prévue pour une société dans laquelle les musulmans étaient très largement majoritaires. Or nous vivons, en occident pour le moins mais aussi, souvent, dans des pays dits islamiques, dans des sociétés dans lesquelles les musulmans sont minoritaires.

Dès lors, la plupart des règles du Fiqh ne sont pas applicables à notre société. Il nous reste à redécouvrir les règles d’un fiqh moderne adapté aux sociétés occidentales actuelles dans lesquelles les musulmans sont minoritaire. Cette situation existait déjà du temps du Prophète de l’islam qui avait envoyé un groupe de musulmans en Abyssinie chrétienne. Ces musulmans étaient minoritaires et leurs règles de vies peuvent pour nous être une source importante de réflexion.

Ainsi, les règles que l’islam traditionnel enseignait à nos aînés ne sont pas, pour leur partie modifiable, conformes à notre société. Il nous reste à définir des grilles d’analyse simple en nous référant à l’islam et aux principe de la foi en oubliant les règles qui régissaient il y a quelques décennies dans les sociétés traditionnelles dont sont issus la plupart de nos parent.

2. Des musulmans attaqués

Il existe une grande incompréhension entre les musulmans et les sociétés occidentales dans lesquelles ils vivent. Dans les médias, la présentation des musulmans est caricaturale et souvent, nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes ainsi souvent agressés dans notre identité.

La manière simpliste dont on nous présente est soit des musulmans “modernes”, ayant abandonné la pratique de leur religion et qui sont “intégrables” soit des intégristes refusant tout dialogue avec la modernité et appliquant des règles incompatibles avec la civilisation occidentale et dont l’exemple caractéristique est représenté par les talibans afghans.

Je me suis souvent interrogé sur le pourquoi de cette présentation trop simpliste.

La réalité est que l’occident a besoin d’ennemis qu’il diabolise et qu’il caricature. Les talibans, par leur ignorance de l’humanisme de l’islam, rendent ce grand service aux dirigeants occidentaux.

A la limite, il faudrait choisir entre un islam amer, rébarbatif, fait de contraintes et d’absence de gentillesse, totalement inadapté à des organisations sociales modernes et un occident technologiquement développé, humaniste, démocratique et altruiste.

L’islam des talibans est l’islam que nous a choisi la C.I.A : “vous voulez l’islam ? Le voilà pour vous et bon courage ! Si vous ne voulez pas de cette caricature inhumaine, abandonnez vos croyances et rejoignez l’occident moderne !”

3. L’islam, une alternative réelle à la mondialisation

En effet, les dirigeants qui dominent notre monde ne souhaitent pas que les musulmans s’investissent dans les affaires du monde occidental et dans la société dans laquelle ils vivent.

En France en particulier, les grands systèmes de pensée qui auraient pût se poser en alternative au libéralisme sauvage, ont été broyés par l’histoire des deux derniers siècles. Les églises se cantonnent dans un rôle uniquement religieux, les idéologies sociales ont montré leur incapacité à proposer des solutions qui ne soient pas pire que le mal.

Les musulmans ne doivent pas rejeter ou nier les bonnes choses de notre société. L’État de droit, la démocratie, le progrès scientifique et économique sont des avancées considérables qu’il faut intégrer. Mais contrairement au capitalisme sauvage, l’islam met l’être humain au centre de la société.

L’islam ne refuse pas la consommation mais consommer n’est qu’un moyen pour pouvoir mieux servir Allah. Il est hors de question de juger quelqu’un en fonction de ce qu’il consomme ou en fonction uniquement de sa situation sociale.

Il existe une sourate à ce sujet : la Sourate 80 : “Il s’est renfrogné”. Le Prophète discutait avec les notables Quoraïchites non-musulmans (tribu qui gouvernait La Mecque). Un vieil aveugle musulman vient tirer le vêtement du Prophète pour attirer son attention et lui poser une question. A plusieurs reprises le Prophète ne lui répondit pas et finit même par le repousser. C’est alors que fut révélée la Sourate N° 80 qui, pour une des très rares fois dans le Saint Coran, reprends en la condamnant une des actions du Prophète, lui reprochant de préférer discuter avec des notables non-musulman plutôt que de répondre à des question islamiques d’un vieil aveugle.

Ainsi, un vieil aveugle, pauvre et socialement inutile vaut plus aux yeux d’Allah et donc au regard des musulmans que les plus puissants des seigneurs de la Mecque de l’époque.

L’islam a pour but de faire rentrer les individus au Paradis en leur apprenant à dominer et canaliser ses pulsions. Il propose donc à chacun un plan individuel. Puis vient la construction du couple, de la famille directe, des proches et de l’ensemble de la société.

Le but n’est pas le profit maximal mais simplement un gain qui permette de remplir nos devoirs et ensuite d’améliorer l’ensemble de la société. Ce gain ne doit pas se faire au détriment du bien être des autres humains.

En cela, l’islam remet les fondements même du système capitaliste en cause.

Et Allah est Le plus Savant, Assalamaleicum.

Dr. Abdallah

10/06/2000 Conférence Dr. Abdallah à Charleville Mézierres

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