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L’excision en Europe: amalgames et responsabilités

Ce 6 février 2012, à l’occasion de la journée internationale de « Tolérance zéro Excision ou Mutilations Génitales Féminines », le monde entier se mobilise avec espoir et détermination pour l’élimination définitive de la pratique de l’excision, injustement attribué à l’Islam. Pourtant, les communautés musulmanes ont condamné et légiféré cet acte avec conviction au nom de l’esprit du Coran qui recommande la tolérance et qui protège la vie.

À cette occasion, les manifestations et les campagnes de sensibilisation se multiplient sur ce sujet perçu encore comme tabou et délicat.

Avec les flux migratoires, l’excision est malheureusement devenue une réalité européenne qui menace désormais chaque année des milliers de jeunes filles de Paris à Berlin en passant par Rome, Amsterdam et Bruxelles. Environ 500 000 femmes excisées vivent en Europe, selon le Parlement européen, et chaque année, près de 180 000 femmes subissent cette pratique, parfois même sur le sol belge.

Quand les « leaders religieux » dénoncent et découragent la pratique des MGF

Cette condamnation puise sa légitimité dans un retour aux sources de la jurisprudence islamique. Pourtant dans certaines communautés musulmanes d’Afrique, l’excision continue de faire l’objet de débats parfois houleux, passionnés et contradictoires entre les partisans et les adversaires de cette tradition.

La majorité des savants, à l’instar de Muhammad Rashid Ridha qui avait émis une Fatwa en 1904 déjà, sont formels et s’accordent pour dire que les chaînes de transmission des ahadiths relatives à l’excision sont faibles, d’authenticité douteuse et ne peuvent faire force de loi.

Aujourd’hui, les savants sont unanimes sur la nécessité d’abandonner cette pratique aux conséquences tragiques sur les plans médicaux, psychologiques et sociaux.Au cours de l’année 2010, deux événements majeurs ont permis d’immenses progrès sur le traitement de cette question taboue :

Le forum de la pensée islamique et du dialogue entre les cultures a rassemblé une trentaine de savants qui ont débattu pendant deux jours sur le thème des MGF en Mauritanie. Rappelons que déjà en 2006, le grand mufti d’Egypte, Dr. Ali Gomaa et dix autres éminentes figures du monde musulman, ont, ensemble, tranché la question. L’université Al-Azhar du Caire, plus haute référence religieuse du monde musulman, a édicté une fatwa contre les mutilations génitales féminines, qualifiées de « crime contre l’espèce humaine » ;

En mai 2010 se tenait un colloque au Mali, dont l’objectif était de rédiger une déclaration (dite de MOPTI) qui rappelait trois appréciations essentielles de l’Islam à l’endroit des personnes afin de dénoncer cette pratique, à savoir que l’Islam prône le respect du corps, de la religion et des biens de l’âme, aussi bien pour l’homme que pour la femme.

Une responsabilité double et mutuelle

La problématique de l’excision est un sujet socioculturel sensible et complexe qui ne saurait être évoqué sans une extrême prudence et beaucoup d’habileté pour obtenir des résultats concrets à terme. En Europe, les secteurs médicaux et sociaux de la société civile ont, d’ores et déjà, pris à bras-le-corps cette problématique. La prévention ainsi que la prise en charge médico-sociale des femmes déjà excisées se sont accrus ces dernières années.

Toutefois, cela ne sera véritablement efficace que si les acteurs religieux sont pleinement impliqués et associés aux actions visant à y mettre fin : la promotion pour l’abandon de la pratique de l’excision ne peut se faire sans l’implication constructive, critique et réelle des organisations musulmanes actives sur le terrain qui doivent se sentir interpellé dans cette lutte.

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D’autre part, un grand nombre d’organisations de la société civile ainsi que les Gouvernements européens s’engagent sur le terrain depuis quelques années en apportant un soutien médico-psychologique aux victimes et en légiférant sur la question ; malheureusement ils oublient trop souvent d’agir de concert avec le tissu associatif musulman et les responsables religieux.

En Afrique, les imams et les ONG (Organisations Non Gouvernematales) débattent de cette question et s’engagent ouvertement pour combattre cette pratique. Cet engagement porte ses fruits car le travail d’information et de sensibilisation sur le plan de la santé est doublé et justifié à partir d’arguments en provenance des hautes sphères de références religieuses unanimement respectées dans cette partie du monde.

Il est du devoir des Gouvernements européens et des ONG d’impliquer les responsables et acteurs religieux tant sur le plan politique qu’au niveau des actions à mener sur le terrain et de travailler main dans la main et sensibiliser les populations à risque avec des spécialistes en médecine pour expliquer les conséquences nuisibles de cette tradition.

Enfin, la connaissance et l’éducation sont des armes incontournables pour lutter contre cette pratique traditionnelle. Nos imams peuvent véritablement jouer le rôle de leader d’opinion dans cette lutte en faisant un travail de sensibilisation auprès des parents en plein cœur des mosquées européennes : éduquer, sensibiliser et appuyer chaque argument par le texte sacré permet de faire reculer l’excision.

En Afrique, le fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a reconnu et félicité le travail des dignitaires religieux en collaboration avec les ONG. L’expérience africaine est un bel exemple : le travail collectif mené avec les autorités sanitaires et les acteurs religieux ont un impact important auprès des interlocuteurs qui se sentent en confiance face à la parole sacrée.

Il ne peut être question de « forcer » l’abandon de cette pratique par la répression uniquement, il faut en outre et surtout éduquer les gens pour qu’ils s’impliquent en connaissance de cause et parviennent progressivement à se détourner de cette tradition.

Les victoires sont fragiles et c’est une lutte de longue haleine qui s’annonce, mais le temps est venu pour les communautés musulmanes, l’Europe et les ONG de prendre leurs responsabilités et de pallier aux manquements des uns et des autres par un travail collectif afin d’éradiquer un acte aussi blessant que traumatisant sur le plan physique et psychologique. Il est à souhaiter que le discernement et la remise en question mutuels l’emporteront pour le bien être de millions de femmes, de petites-filles et de l’humanité…

Vous pouvez lire cet article dans son intégralité sur European Muslim Network

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