Nous le répéterons autant qu’il le faudra : penser religieusement, c’est-à-dire éthiquement, est un impératif pour les musulmans, et plus spécifiquement ceux vivant en France :
« n’ont-ils pas un cœur apte à réfléchir ? » interroge le Coran (C.22, 46)
Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de suivre le courant majoritaire qui favorise la pensée aveugle et ignorante. C’est un impératif éthique en islam que d’activer son « troisième œil » que le Coran nomme « l’œil du cœur » :
« ce ne sont pas les yeux qui sont aveugles mais les cœurs qui sont dans les poitrines » (C.22, 46).
Le Prophète de la miséricorde (ç) va nous y aider. Dans l’épisode précédent nous avons vu cette rencontre entre le bédouin et Mohammed (ç), et l’interrogation sur l’arrivée de l’heure que le premier posa au second. L’homme ayant posé la question trois fois et n’ayant pas eu de réponse à sa question s’était rassis.
Mais le Prophète(ç) qui donnait une leçon aux fidèles demanda, une fois celle-ci terminée : « où est le questionneur sur l’heure » ? « Ici », répondit le bédouin. Alors le Prophète (ç) donna cette réponse : « l’heure n’arrivera que lorsque la ‘amana (responsabilité/confiance ?) aura été perdue ». Le Bédouin, sagace, demanda davantage au Prophète (ç) : « et comment aura-t-elle été perdue » ? Le Prophète (ç) répondit alors : « lorsque l’autorité sera donnée à des gens qui n’en seront pas dignes ».
Nous voici aujourd’hui à nous poser souvent cette même question : mais comment en sommes-nous arrivés là ? En France, la transmission de la pensée éthique a disparu, le confrérisme comme le salafisme et l’agnosticisme musulman (une confuse idée de Dieu) gangrènent les mentalités amnésiques de la jeunesse musulmane, accélérant ainsi un encombrement psychique. Cela aura pour conséquence de faire sortir cette jeunesse de la pensée éthique et ce, en l’amenant vers une forme de mimétisme niais.
Autrement dit, il s’agira de l’amener à se focaliser sur l’accessoire et l’inutile. Il ne s’agira plus d’aider le musulman à respirer l’âme du Coran pour qu’il puisse redonner à l’humanité « une interprétation spirituelle de l’univers, une émancipation spirituelle de l’individu et les principes fondamentaux de portée universelle orientant l’évolution de la société humaine sur une base spirituelle », ce que la première génération insuffla à l’humanité du 7èmesiècle.
Avec cette parole du Prophète (ç) expliquant les raisons de la désagrégation de la confiance mutuelle, qui est le ferment qui anime une société fondée sur des « principes fondamentaux », étant elle-même portée par des hommes et des femmes ayant le sens des responsabilités. Il nous est facile de voir le nœud du problème, mais aussi d’entrevoir les moyens pour y remédier.
Les questions que les recteurs de nos mosquées doivent se poser eu égard à ce hadith, ainsi que nos imams, présidents d’associations musulmanes et autres éducateurs sont : suis-je à ma place en prenant une telle responsabilité ? Suis-je digne de mes fonctions au service des autres, sans chercher à me servir des autres ?
Nous savons que le Prophète (ç) n’a pas donné la responsabilité du gouvernorat à Abi Dhar (r), non pas parce qu’il n’était pas sincère, mais parce qu’il n’était pas à sa place dans ce type de fonction.
Nous connaissons tous ce moment coranique où le roi d’Egypte rassura Joseph (ç) avec ces mots : « tu auras désormais auprès de moi pouvoir et confiance ». Joseph (ç) sut reconnaître sa place : « Prépose-moi, dit Joseph, à tes entrepôts agricoles. Je suis homme d’économie et de savoir » (C.12,5).
Tant que chacun d’entre nous ne retrouvera pas sa juste place avec un réel sens des responsabilités, la confiance mutuelle au sein des communautés musulmanes ne reviendra pas. Faut-il rappeler que l’absence de confiance dans une société est une calamité selon le Coran, et qu’elle est la preuve que la Providence nous désapprouve et nous éprouve en faisant de nous une épreuve pour les autres ?
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