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Le FLN vu par l’écrivain Malek BENNABI (partie 2 et fin)

Interruption des relations épistolaires avec le FLN

A partir de cette date, les contacts avec ce qu’il appellera les « zaïmillons » deviennent rares et Bennabi se consacre entièrement à son œuvre, après avoir constaté l’échec de sa tentative de jouer un rôle actif au profit de la révolution algérienne. Il avait renoncé à percevoir l’aide financière que lui versait le FLN en tant que réfugié au Caire[1].

Dans une lettre à « Messieurs du FLN et de l’ALN au Maroc » écrite le 18.7.1958 à propos de la réédition dans ce pays de « SOS-Algérie », l’écrivain tient « à dissiper une idée qui pourrait fausser totalement votre jugement : je ne suis candidat à aucune charge officielle dans le futur Etat algérien. Par conséquent, je juge le comportement de Mr Lamine et de ses camarades de la façon la plus désintéressée, avec la conviction d’accomplir un simple devoir ».

Ce renoncement aux honneurs l’a amené à rester au Caire, où il était pris par la publication de nombreux textes. Il est rentré en Algérie plus d’un an après le cessez-le-feu, après l’insistance de Khaldi (qui a été proche de Ben Bella, jusqu’aux premiers désaccords apparus après la rédaction de la « Charte d’Alger » à l’issue du congrès du FLN d’avril 1964, puis de Boumédiène) pour le convaincre d’occuper le poste de recteur de l’Université d’Alger, puis celui de Directeur de l’Enseignement Supérieur.

Ce sont sans doute les observations recueillies au Caire sur la conduite des « intellectomanes » devenus chefs du FLN qui ont inspiré à Bennabi les principales idées de son livre sur « La lutte idéologique dans les pays colonisés »[2] . Il y étudie des aspects de la « guerre psychologique » moderne et déplore la dépendance intellectuelle qui amène à prendre comme maître à penser Sartre, pour les uns, et Mauriac pour d’autres. Cette démission dans le domaine de la pensée lui paraissait inadaptée aux exigences de l’édification d’une nation indépendante, et laissait prévoir en partie les échecs post-coloniaux.

Le problème des « interlocuteurs valables ».

C’est par les thèmes de la dissimulation et de la manipulation exposés déjà dans ce dernier livre que débute le témoignage de mars 1962 qui impute aux « mains invisibles de Paris et d’Alger » le maintien d’une obscurité autour des principaux épisodes de la guerre.

Selon Bennabi, la recherche des « interlocuteurs valables » par le gouvernement G. Mollet en vue de trouver une solution négociée a été un tournant dangereux dans toute l’histoire de la révolution algérienne.

Depuis l’annonce du tryptique-« cessez-le-feu, négociations, élections »-, les contacts se sont multipliés et le nombre des intermédiaire accru. Il y a eu la rencontre secrète à Alger entre Abane Ramdane et Me Verny, un avocat dépêché par P. Mendès-France quand celui-ci était encore membre du gouvernement G. Mollet[3]. Moins mystérieuses étaient les initiatives de Farès qui a cherché à voir Benkhedda et Abane Ramdane, sans doute à la demande du gouvernement, bien avant la parution en septembre 1956 dans le Monde de l’interview dans laquelle il recommandait ouvertement la négociation avec le FLN[4].

Il y a eu également la tentative de Hamza Boubakeur qui voulait être préféré à tous les autres « interlocuteurs valables » en essayant de parler au nom de la wilaya 1 des Aurès. Par l’entremise de Me Mallem, un de ses anciens élèves du lycée Bugeaud devenu avocat à Batna, Boubakeur (qui était par ailleurs conférencier sur l’Islam du 5° Bureau chargé de l’Action Psychologique depuis 1955[5]) a pu avoir l’accord d’Omar Ben Boulaïd qui a succédé à son frère Mustapha comme chef politico-militaire de la wilaya des Aurès. Mais l’interception du courrier adressé par Mallem a valu à Si Hamza une perquisition des paras dans son domicile de la Redoute en décembre 1956. Le professeur d’arabe dit avoir agi à la demande de membres éminents du cabinet civil du ministre-résident R. Lacoste, le colonel Schoen et Lucien Paye qui sont restés dubitatifs, sans doute par refus d’assumer la paternité d’une opération non concluante[6].Il y a eu d’autres candidats au statut d’interlocuteurs valables : en février 1956, le cheikh B. Brahimi a écrit de Ryad à Tewfiq Madani, le secrétaire général de l’association des Oulémas qui était encore à Alger pour lui demander de convaincre le gouvernement de négocier avec lui. Il a ajouté une recommandation d’associer F. Abbas à ces pourparlers, « compte tenu de son expérience »[7].

Il y avait également les contacts d’Abdelmadjid Mécheri (frère du préfet Chérif Mécheri qui était un collaborateur du président Coty) avec Ben Bella au Caire, avec l’accord de G. Mollet[8].

Le cadi Lakhdari aurait effectué des missions similaires avant de s’installer au Caire[9], etc,…

Bennabi était au courant d’une partie de ces contacts que la presse ébruitait de temps en temps[10]. Lors d’une rencontre, en compagnie du Dr Khaldi notamment, avec C. Bourdet au siège de France-Observateur en février 1956, ce dernier leur a expliqué que G. Mollet veut négocier, mais qu’il ne le fera pas avec les « militaires ». « Cette opinion mettait en cause, visiblement, la structure même de la révolution…Notre ami posait alors indirectement mais clairement …le problème de « l’interlocuteur valable » »[11].

Contestation radicale de la ZAA et du Congrès de la Soummam.

Selon Bennabi c’est en raison de ce problème que la « révolution algérienne, qui suivait son cours normal, prît le 20 août 1956, le chemin du congrès de la Soummam ».[12]

Il « laisse à l’historien l’étude de l’organisation matérielle de cette réunion »[13].

Il note que ce congrès « modifie fondamentalement les structures de la révolution, en mettant le CCE à la place du « NIDHAM », supprimant d’ailleurs le mot lui même du vocabulaire révolutionnaire…Mais le congrès de la Soummam comptera surtout par le bouleversement qu’il avait apporté dans la hiérarchie révolutionnaire elle même : le pouvoir qui était entre les mains des Moudjahidines, des combattants, passent entre les mains des « politiques ».

En somme le problème de « l’interlocuteur valable » était inscrit entre les lignes, sinon dans les lignes, au programme du congrès. ..Je note simplement que le vœu du journaliste parisien a été exaucé. Simple vœu ou suggestion par personne interposée ? » [14].

Bennabi propose au chercheur d’examiner attentivement l’évolution qui a conduit au renversement du congrès de la Soummam. Il observe que cela avait été précédé par le statut particulier conféré à la Zone Autonome d’Alger. « Je pose la question : y a-t-il eu dans l’histoire de toutes les révolutions , sauf la nôtre, quelque chose de comparable à ce qu’on a baptisé dès le début de 1955, la zone autonome d’Alger, la fameuse ZAA ? »[15].

Pour Bennabi, la ZAA a été le « premier faux pas » de la révolution d’où ont découlé tous les autres : « le congrès de la Soummam, le GPRA, le wilayisme, le régionalisme, le « Bien Vacant », et l’UGEMA-il ne faut pas l’oublier- qui a préparé ces « lendemains qui chantent » dans certains cafés de la rue Didouche Mourad »[16]

On apprend dans ce document inédit que le cheikh L. Tébessi avait « exprimé son étonnement » devant cette exception à la règle de l’unité du commandement. Lénine aurait déclaré une « Zone Autonome de Moscou le foyer de la contre-révolution qu’il faut anéantir avant la contre-révolution de Wrangel »[17]

Bennabi se permet une sévère comparaison avec Mouçaïlima, le faux prophète qui voulait partager l’Arabie avec Mohamed : « En somme, Mouçaïlima voulait sa ZAA… »[18]

Il met cause nommément Abane Ramdane qui « s’est prêté au jeu de l’illusionniste pour décapiter la direction de la révolution qui avait lancé son volant le 1° novembre 1954, pour usurper son pouvoir et tenter de l’utiliser contre la révolution elle-même »[19].

Après la Soummam, « la révolution n’eut plus une direction, mais une intendance qui pourvoyait d’ailleurs à des besoins d’apparat plus qu’aux besoins des combattants »[20].

Abandon de l’ALN par les politiques de l’extérieur.

Le reproche d’abandon des combattants de l’intérieur est sévèrement formulé dans le texte rédigé en arabe en 1962. « Le commandement français a pu ériger en toute quiétude la ligne Morice électrifiée, et la nouvelle direction de la révolution n’a rien fait pour s’attaquer à ce barrage, ni même pour retarder son achèvement. Dans le même temps, cette direction interrompt l’approvisionnement de l’ALN en armes et en munitions… »[21].

Pour les « Zaïms » « l’Armée servait surtout pour les revues organisées en présence des journalistes à la frontière pour leur propre publicité »[22].

Le congrès de la Soummam est encore vilipendé pour avoir affirmé la primauté du politique sur le militaire, ce qui revenait à « mettre Ben Boulaïd et ses frères moudjahidines sous l’autorité de Messieurs F. Abbas, Francis, etc, … »[23]. Il s’agit d’un coup de force qui a écarté « ces héros qui avaient créé l’ALN » au profit des « politiciens qui, pour la défense de leurs intérêts, ont créé un syndicat qu’ils ont baptisé « Front de Libération Nationale » pour abuser le peuple avec des mots »[24].

Bennabi s’interroge sur l’intégrité de « Abderrahmane Yalaoui à qui ont été confiées les finances du FLN à Damas », le patriotisme de « Lakhdari à qui il a été permis de s’adresser au peuple algérien par la Voix des Arabes, alors que nous savons qui il est », et même la compétence de M’hamed Yazid[25].

La parole au peuple, commissions d’enquête et Congrès extraordinaire.

Les « situations exécrables » vécues pendant la guerre ne prendront fin que si le peuple est suffisamment informé de façon à éviter à « l’édifice politique et social » de l’Algérie indépendante de « reposer sur la trahison, le stratagème et l’irresponsabilité »[26].

Pour cela, Bennabi propose que la parole soit donnée au peuple, après la réunion d’un congrès dans le cimetière où seront transférées les cendres de Mustapha Ben Boulaïd. Avant l’organisation des élections le congrès devrait examiner les rapports de plusieurs commissions d’enquête sur différents sujets, comme :

-les conditions de la création de la ZAA.

-les circonstances de la mort de M. Ben Boulaïd, Laghrour Abbas, Zirout Youssef, Amirouche, « Colonel » Mohamed Bahi, AbdelhaÏ, etc..[27].

-les circonstances de la désertion d’anciens officiers algériens de l’Armée Française, comme le commandant Idir, qui a rejoint le FLN à Alger, alors qu’il était en garnison à Khenchela.

Ces DAF (Déserteurs de l’Armée Française) ont pris la place des officiers de l’ALN qui avaient été éliminés. Bennabi cite le commandant Mostéfa Lakehal « qui a été assassiné par les services de Monsieur Boussouf près du Kef en Tunisie. D’autres ont été dégradés et abandonnés à leur sort dans les rues de Tunis et de Rabat »[28]

-l’assassinat au siège du GPRA au Caire en février 1959 de Amirat Allaoua, après avoir ébruité, au retour de Beyrouth, des contacts douteux qu’avait F. Abbas[29].

-le budget de l’ALN, pour le comparer à celui des ministères politiques et révéler le train de vie des membres du GPRA. La représentativité du CNRA devrait être examinée. Toutes les régions du pays, n’y sont pas équitablement représentées.

Bennabi conclut son témoignage en indiquant qu’il a pour but « d’éviter au peuple d’entrer dans la bataille des élections dans l’obscurité totale qui lui cache la triste réalité : la révolution qui a été une période de souffrances et de deuil pour le peuple, a été fastueuse pour ses Zaïms, ceux-là mêmes qui ont dépensé son sang dans leurs banquets où coulent champagne et whisky. Leur comportement est identique à celui des émirs arabes qui construisent des palais des Mille et une Nuits avec les recettes du pétrole de leurs pays ».[30]

L’auteur regrette qu’ « aucune voix d’intellectuel ou de Alem (savant religieux) ne se soit élevée pour dénoncer cet état de faits et faire prendre conscience au peuple de ses devoirs. Au lieu de cela, chacun veillait à prendre place au banquet des Zaïms, ou à attendre son tour… »[31].

Il précise enfin qu’aucun des Zaïms à qui il a demandé de lire ce document à la tribune de la Conférence de Tripoli, où s’est réuni le CNRA en mai 1962, n’a accepté de le faire. Il tient à préciser que ses interrogations sur l’arraisonnement de l’avion de Ben Bella, qui a arrangé les partisans du Congrès de la Soummam favorables à l‘entrée dans le FLN des « interlocuteurs valables » en vue de l’ouverture des négociations, ne signifie en aucun cas « un parti-pris en faveur d’un Zaïm contre les autres »[32].

Ces appréciations sans complaisance sont conformes à la vision qu’a toujours eue Bennabi de la politique en Algérie, et à sa grande méfiance de la presque totalité de la classe politique algérienne traditionnelle[33]. Cela l’avait amené à critiquer sévèrement le cheikh Ben Badis après sa visite à Paris avec la délégation du Congrès Musulman Algérien, en août 1936. Il déplorait que les Oulémas, qui avaient une mission plus importante de renaissance morale, aient accepté d’être à la remorque de Bendjelloul et de F. Abbas dont il contestait la conception de la politique, et à qui il reprochait une certaine déculturation.

Les artisans du premier novembre 1954, comme Ben Boulaïd- qu’il cite abondamment, sans doute parce qu’il l’avait connu avant 1954, lors de ses tournées de conférences dans le Constantinois, et notamment à Batna où les frères Bensaï le mettaient en contact avec de futurs chefs de l’ALN, comme Maache et d’autres- lui paraissaient traduire les aspirations du peuple algérien, au même titre que les dirigeants du mouvement islahiste de 1925, et d’avant la « déviation » de 1936. Il identifie le CRUA au peuple algérien : « C’est le peuple algérien qui, finalement, rompit l’intermède. Il lâche en effet en 1954, tous ses directeurs de conscience pour s’engager tout seul dans la révolution »[34]. Du fait du 1.11.1954, la direction de la révolution incombait aux militaires, estimait Bennabi qui contestait la légitimité des politiques issus des partis traditionnels, à ses yeux incapables de sortir de l’impasse dans laquelle ils avaient engagé le mouvement national.

Il a été inquiété de voir des « intellectomanes » de la deuxième génération se « rallier, apparemment, à la révolution. En fait ils se rallièrent aux Zaïms qui distribuaient bourses et prébendes à Tunis et au Caire »[35].

Malgré ses appréhensions, il a quitté le cadre paisible de la vallée de Chérisy pour rallier la révolution au Caire, à cause des craintes inspirées par le ralliement de F. Abbas, de Francis et, même, de Tewfiq al Madani qu’il juge sévèrement, notamment à cause de son « sabordage du Jeune Musulman »[36].

Bennabi n’a pas pu être un acteur de la révolution algérienne, sans doute en raison de son refus des compromis et de sa fidélité à l’état d’esprit avec lequel il s’était engagé dans les années 30 dans un militantisme atypique, avec son « maître » H. Bensaï[37], à qui il avait cédé sa place de secrétaire général de l’AEMNAF, après le raz-de-marée en sa faveur aux élections de fin1931[38].

Cet échec est surtout imputable à la grande méfiance des dirigeants du FLN vis-à-vis des intellectuels qui refusent d’échanger leur liberté d’expression contre la fonction de scribe, et qui n’étaient pas réceptifs à sa critique de l’étroitesse d’esprit inhérente au nationalisme, considéré par lui, dans la plupart de ses écrits, comme un passage obligé après l’échec patent de la colonisation[39]. Le FLN ne comprenait pas ses craintes, formulées dans « l’Afro-Asiatisme » de voir la « haine des petits remplacer le mépris des grands », et ses citations d’Abu’l Kalam Azad, l’ancien compagnon musulman de Gandhi devenu ministre de l’Education Nationale de l’Inde, avec lequel Bennabi avait des échanges épistolaires et qui préconisait une prévention de la rancune des colonisés par une réforme des programmes scolaires[40].

A défaut d’avoir pu agir au sein de la révolution algérienne, il en a été le témoin attentif et sans complaisance. Malgré le caractère excessif de certains de ses jugements, sa liberté de ton devrait encourager encore une écriture de l’histoire démystifiée de la guerre d’Algérie. Aussi bien les Algériens que les Français ont besoin de cette démystification, quarante ans après la signature des accords d’Evian qui avait inspiré à Bennabi son témoignage censuré.

Ces inédits montrent également que cet « humaniste musulman du XX° siècle »[41], partisan d’une « réforme intellectuelle et morale » et hostile à l’empirisme politique, qui citait Bonald et Péguy et se référait à Djamal Eddine Afghani, était également favorable à une « démocratie musulmane »[42]. Sa critique est concentrée contre le congrès de la Soummam qu’il assimile à un coup d’Etat destiné à écarter les premiers chefs de l’ALN qu’il croyait en mesure de faire de la politique sur des bases plus saines que celles des hommes de partis. Ceux-ci sont jugés sévèrement à travers sa grille de lecture de l’actualité qui était déduite de sa conception à lui de l’histoire, comme il s’en est expliqué dans un de ses articles écrit en arabe peu après son retour en Algérie[43].

Son jugement sur le FLN repose sur l’affirmation de la primauté de l’intérieur et le refus de la prééminence des politiques sur les militaires. D’où la dureté des reproches adressés aux politiques installés à l’extérieur. Il a sans doute été le seul à avoir exprimé en « temps réel » des critiques à l’intention des dirigeants de ce mouvement qui n’a fait l’objet d’un libre examen qu’à la parution des écrits de Mohamed Harbi dans les années 1970. Sans prendre parti pour un clan contre les autres, et en prenant des risques considérables, Bennabi voulait introduire le débat d’idées dans la vie politique algérienne dont la plupart des acteurs avaient des inclinations totalitaires, refusaient systématiquement toute remise en cause, et n’hésitaient pas à mettre la contestation sur le compte de la trahison. Pour avoir fait valoir son droit d’exprimer librement son point de vue, il a eu à subir des persécutions qui étaient destinées à le faire taire pour de bon[44].

Son témoignage inédit mérite d’être ajouté à l’ensemble des documents peu connus, que l’ouverture des archives en France et en Algérie rend accessibles, et dont l’examen aidera à éclairer les zones d’ombre de l’histoire contemporaine de l’Algérie et à revoir les stéréotypes, comme ceux qui ont été diffusées sur M. Bennabi lui-même, par des politologues notamment[45].

  

Article paru en avril 2002 dans le n° spécial “Aspects Militaires de la Guerre d’Algérie” de la revue “Guerres Mondiales et Conflits Contemporains”.


Notes :

[1] Dans une lettre à la délégation du FLN au Caire datée du 29.1.1958, Bennabi annonce son refus de continuer à percevoir cette mensualité de 25 livres égyptiennes, dont le versement avait été interrompu un temps par le Dr Lamine qui entendait sanctionner ainsi l’écrivain pour son esprit critique. « Mon renoncement était motivé par le fait que cette mensualité constituait en quelque sorte un lien de complicité entre les délégués du FLN et moi-même », Tableau analytique de ma correspondance avec la délégation du FLN au Caire depuis juillet 1956. Document daté du 18.7.1958, dont une copie a été conservée par S. BensaÏ.

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Lamine Debaghine est né en 1918 à Hussein-Dey. Docteur en médecine, il faisait partie de « l’aile extrémiste du PPA. Il aurait songé à créer un organisme analogue aux Frères Musulmans. …c’est un pur, incapable de transiger, pratiquant sa religion, ne vivant que dans l’idée de l’Islam, de l’arabisme et de la patrie algérienne. Il condamne ouvertement tous ceux qui pactisent ». Notice individuelle du SLNA. Dossiers du secteur d’Alger-Sahel. SHAT-1H1241. Le Dr Lamine a été envoyé en 1956 au Caire par Abane Ramdane pour contester le rôle de Ben Bella avec lequel Bennabi a commencé par avoir de bons rapports avant l’arraisonnement de son avion le 22.10.1956.

Il est probable que ce militant islamisant ait pris ombrage de l’arrivée d’un théoricien de l’Islam susceptible d’avoir la confiance des chefs de l’ALN, du moins ceux qu’il connaissait personnellement dans le Constantinois. Bennabi fait allusion à cette rivalité en parlant de « la volonté sourde et tenace qui m’a systématiquement écarté de tout ce qui touche à la révolution , comme si cette volonté omniprésente…avait voulu mettre une séparation étanche entre les idées pour lesquelles j’ai lutté et la conscience algérienne ». Tableau analytique de ma correspondance avec la délégation du FLN au Caire…18.7.1958. Il va sans dire que les colonels de l’ALN passés à l’extérieur ont été décevants aussi bien pour les combattants restés à l’intérieur que pour Bennabi qui critique les colonels Boussouf et Krim Belkacem aussi sévèrement que F. Abbas et le Dr Lamine.

[2] As Sira’ al Fikri fi’l Bilad al Mousta’mara, Dar al Ourouba, Le Caire, 1960. Des passages de ce livre ont été traduits par Anouar Abdelmalek dans son « Anthologie de la Littérature arabe contemporaine », Seuil, 1965.

[3] Entretien avec Benyoussef Benkhedda, Alger, mars 2002. Abane Ramdane a exigé que tout accord soit garanti par les autorités religieuses et par des organisations internationales.

[4] Un récit détaillé de ces contacts est fait à partir de l’interrogatoire d’Arezki Oucharef, ami commun de Benkhedda et de Farès qui a été arrêté durant la bataille d’Alger. SHAT. Carton 1H1241.

[5] SHAT-1H2408 (Programme d’Instruction du stage « AFN » de Guerre Psychologique ; octobre 1955).

[6] SHAT. 1H1610. C’est après cette déconvenue que H. Boubakeur(1913-1995) est venu s’installer à Paris. Il avait une carte de la SFIO, et une autre du MRP. Celle-ci l’avait rapproché de L. Massignon le président du jury d’agrégation d’arabe qu’il a passé après son échec aux élections de 1948 de l’Assemblée Algérienne, et sa vaine tentative de devenir le chef de la confrérie des Ouled Sidi Cheikh contre l’avis de ses moqaddems(entretien avec Cheikh Bouamrane, mars 2002, et rapports du SLNA, 1949). G. Mollet lui a promis de le nommer recteur d’académie. Mais devant les hésitations de l’Education Nationale, le président socialiste du conseil l’a « agréé » « recteur » de la mosquée de Paris. Le Conseil d’Etat a dénoncé ce coup de force dû à une contestable application à l’Islam en France des pouvoirs spéciaux votés en mars 1956.Boubakeur est devenu un fervent partisan du détachement du Sahara de l’Algérie, avec Max Lejeune et le général Pigeot. Voir Cheikh Ibrahim Bayyoud, A’amali fi ath Thaoura(mes activités durant la révolution), éditions Djamiat at Tourath, Ghardaïa, 1990.Pour avoir contrarié les desseins politiques de H. Boubakeur, I. Bayyoud, qui était le chef de la communauté ibadite du M’zab, est durement attaqué par ce personnage qui se réclamait tantôt de la politique, tantôt de la religion, dans son « Traité Moderne de Théologie musulmane », Maisonneuve-Larose, Paris, 1985.

[7] SHAT-1H1244.

[8] Entretien avec l’ancien Secrétaire d’Etat Abdelkader Barakrok.

[9] Entretien avec Ahmed Foitih(ancien collaborateur de N. Bammate à l’Université Paris VII) qui avait rencontré le cadi.

[10] Bennabi était en contact avec un groupe d’officiers syriens qui faisaient un stage à l’Ecole Militaire à Paris. Par eux il était au courant de ce qui se disait dans les milieux militaires français sur l’évolution de la guerre en Algérie et des tentatives de négociations.

[11] Retour aux sources, article écrit pour Révolution Africaine, mais non publié. Une copie a été conservée par S. Bensaï.

[12] Ibid. Le colonel Ali Kafi confirme ce point de vue en révélant que le congrès du 20.8.1956 avait pour finalité l’accélération des négociations avec le gouvernement français. « L’an prochain à la rue d’Isly », a dit Ben M’hidi, selon Kafi qui était à ce congrès dans la délégation de la wilaya 2, sans toutefois participer aux travaux. Voir « Mémoires d’Ali Kafi »(en arabe), la Casbah, Alger, 2000. Lors d’une rencontre organisée sur la « Base de l’Est » à Souk-Ahras en mars 2000, le colonel Benaouda a déclaré que « le congrès de la Soummam a été une erreur ». (entretien avec A. Mahsas, avril 2000).

Par ailleurs, l’analyse des documents récupérés sur Zirout Youssef, qui a été tué au combat le 26.9.1956 près d’El Harrouch(Nord-Constantinois), a permis au 2° Bureau de conclure que l’ouverture des négociations était prévue pour octobre 1956 et que les modalités d’application du cessez-le-feu aux échelons inférieurs avaient été examinées au congrès de la Soummam. Note de renseignement du 2° Bureau de l’Etat-Major de la X° Région Militaire, 9 octobre 1956. SHAT-1H1613. La négociation était assimilée à une trahison par l’émir Abdelkrim Khattabi. Le héros de la guerre du Rif condamnait notamment les négociations séparées des Tunisiens et des Marocains avec la France , qui contrariaient le projet de guerre de libération à l’échelle de tout le Maghreb. SHAT. 1H2583. Bennabi et S. Bensaï ont rencontré l’émir Abdelkrim et son frère Abdesslem dès leur arrivée au Caire en mai 1956.

[13] Ibid. Bennabi note également la disparition du titre de « Cheikh », qui était utilisé pour désigner des chefs charismatiques comme Zirout Youssef, Chihani Bachir et Mustapha Ben Boulaïd, au profit des grades empruntés à l’armée française et aux armées orientales(Sagh al Awal, Sagh Thani…). Dans le récit de l’évasion en 1955 de M. Ben Boulaïd de la prison d’El Koudia de Constantine, Tahar Z’biri(qui faisait partie des évadés et finira colonel, cpm de la Wilaya 1), révèle que le premier chef de la Zone 1(des Aurès-Nememchas) était appelé « le cheikh Mostfa » et dirigeait la prière collective . Ce récit a été publié dans un ouvrage collectif paru en arabe récemment à Alger(cité de mémoire).

[14] Ibid.

[15] Ibid. Après l’arrestation de Rabah Bitat(chef de la Zone 4), le 23.3.1955, Alger a été déclarée Zone Autonome par Krim et Ouamrane sans consultation des autres responsables de la révolution. Abane Ramdane, qui assistait Bitat pour la propagande depuis sa libération de prison en janvier 1955, est devenu chef de la ZAA dont la création lui a permis d’être l’égal des autres artisans du 1.11.1954, puis « chef d’orchestre ». Voir M. Belhocine, le Courrier Alger-Le Caire-1954-1956, Casbah Editions, Alger, 2000, p. 42. L’ascension fulgurante d’Abane Ramdane, dont les qualités d’organisateur sont incontestables, s’est faite grâce aux tout premiers coups de force de l’histoire de la révolution algérienne.

Après le départ du CCE d’Alger, la ZAA a conseillé l’abandon du préalable de la reconnaissance de l’indépendance pour permettre aux négociations d’avancer. Voir SHAT-1H1612. Documents récupérés à l’arrestation de Yacef Saadi en septembre 1957. Un responsable de la ZAA, Kamel(Hadj-Smaïn) a pu se rendre d’Alger à Tunis en juillet 1957 pour recommander plus de souplesse dans les négociations. Ce déplacement était sans doute destiné à faciliter la mission de Goeu-Brissonnière qui avait fait escale à Alger pour y rencontrer Lacoste avant d’aller à Tunis proposer au FLN, au nom du gouvernement de Bourgès-Maunoury, l’ouverture des pourparlers. Cf J.Y. Goeu-Brissonnière, Mission secrète pour la Paix en Algérie, Lieu Commun, Paris, 1992. Voir également la lettre manuscrite au CCE écrite de prison par Y. Saadi et reproduite dans les mémoires de Salan

[16] Retour aux Sources, article censuré par Révolution Africaine .Bennabi critique l’UGEMA(Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens, devenue après 1962 UNEA : Union Nationale des Etudiants Algériens dirigée par des marxistes) qui a été créée en 1955 à Paris à la suite d’un désaccord opposant des étudiants islamisants à des laïcisants se réclamant du marxisme.

[17] Ibid.

[18] Ibid.

[19] Le problème des idées dans le monde musulman, édition El Bay’yinate, Alger, 1990, p. 104. Ce jugement est à comparer avec celui des services français : « Les anciens responsables de l’UDMA (Abbas, francis, Aït Ahcène..) ayant pris rang parmi les leaders du FLN poursuivant leur pression auprès des intellectuels musulmans (anciens UDMA) afin de les rallier au FLN. Cette manœuvre préconisée par Abane Ramdane leur servirait pour prendre la direction effective du FLN à l’extérieur, afin d’éliminer les éléments intransigeants pour faciliter l’ouverture des négociations, sur un programme plus souple, avec le Gouvernement français », Synthèse Mensuelle de Renseignement, Secteur d’Alger-Sahel, Zone Nord-Algérois, Août 1957, SHAT-1H1247.

[20] Ibid, p. 118.

[21] Témoignage pour un million de martyrs.

[22] Ibid.

[23] Ibid. L’entrée des chefs de l’UDMA et des Centralistes dans le FLN était critiquée dans l’ALN. Voir la protestation du conseil de la Wilaya 4 réuni en décembre 1956 sous la présidence du colonel Si Arezki (alias Ouamrane). SHAT-1H1613.

[24] Ibid

[25] Ibid. A. Yalaoui a été le représentant des Oulémas en France à la fin des années 40.Bennabi était conférencier dans les Nadis ouverts par le Oulémas à l’intention des travailleurs immigrés, malgré ses désaccords avec les délégués dépêchés par Ben Badis et, surtout, Brahimi. Le cadi Lakhdari avait été pressenti pour être nommé à la tête de la Mahkama dont la création, projetée à la mosquée de Paris en 1948, a été durement critiquée par la République Algérienne qui y voyait une reconstitution sous une autre forme de la « Brigade Spéciale de Police Nord-Africaine », créée fin 1924 par le Cartel des Gauches, et dissoute en 1945 par le général De Gaulle. M. Yazid est un ancien Centraliste, qui s’occupait de la section parisienne du MTLD, où il entretenait des relations épistolaires avec Abane Ramdane quand celui-ci était emprisonné à la prison d’Albi à partir de 1950(entretien avec A. Mahsas, Alger, mars 2000). Il a rejoint le FLN avec le groupe des Centralistes, avant d’être dépêché à New-York où, Aït Ahmed et lui ont réussi à faire inscrire l’affaire algérienne à l’ordre du jour de l’ONUà la session de 1955. Après septembre 1958, le GPRA en fait son ministre de l’Information. Bennabi dit avoir été « sidéré par son ignorance » lorsqu’il l’a rencontré au Caire en tant que ministre du GPRA. « Témoignage pour un million de martyrs ».

Les relations secrètes d’Abane Ramdane (qui appartenait à l’OS) avec les Centralistes et la révélation de sa première appartenance à l’UDMA (entretien avec l’historien M. Harbi) sous l’étiquette de laquelle son père était déjà conseiller municipal à Fort National de 1947 à 1951(SHAT-1H1241), expliquent qu’il ait si facilement réussi le ralliement au FLN de ces deux courants politiques rivaux. L’organisateur du Congrès de la Soummam voulait faire de F. Abbas ce que Néguib avait été à Nasser, et faciliter ainsi les négociations avec le gouvernement français qui réclamait des « interlocuteurs valables ». Il est difficile de savoir si le CCE était alors disposé à se contenter de l’autonomie interne, comme le recommandait Moulay Hassan à F. Abbas et à T. Madani rencontrés fin 1956 à Tanger, après la visite du prince héritier chérifien chez G. Mollet (Révélation faite par T. Madani dans ses mémoires « Hayatou Kifah » (Une Vie de Combat), SNED, Alger, 1979, tome 3).

[26] Ibid.

[27] « Colonel » M. Bahi était le surnom d’un capitaine qui dirigeait la zone de Khenchela dans les Aurès, et faisait partie du groupe d’opposants au congrès de la Soummam regroupés autour de Abdelhaï. Il est cité dans une lettre du colonel Bentobbal (cpm de la Wilaya 2) au CCE à Alger. SHAT- 1H1248. Bentobbal souligne l’usage de « l’instinct militariste des Chaouias » par A. Mahsas, qui, au nom de Ben Bella, s’opposait aux décisions de la Soummam et demandait aux partisans de Abdelhaï(qui contrôlaient la « Base de l’Est », dite Wilaya de Souk Ahras) de « refuser d’être gouvernés par les transfuges de l’UDMA et du Comité Central » après l’indépendance.

Dix huit parmi ces officiers ont été exécutés en Tunisie fin 1956-début 1957 par le CCE représenté par le colonel Ouamrane( Entretien avec A. Mahsas en mars 2000).

Les partisans d’Abdelhaï étaient appelés les « Soufis », parce qu’il y avait parmi eux des Algériens de Tunis originaires de l’Oued Souf. Abdelhaï, de son vrai nom Saïdi, était originaire de Guémar et avait étudié à l’Institut Ben Badis de Constantine (entretien avec Abdelmadjid Chérif, qui est lui-même issu d’une famille de soufis vivant entre El Oued et Tunis ; il est un des rares rescapés du groupe d’Abdelhaï ; après avoir été secrétaire général du ministère algérien des affaires religieuses, il a occupé le poste de vice-recteur de la mosquée de Paris de 1989 à 1998).

En outre, Bennabi se fait ici l’écho d’une thèse assez répandue dans l’ALN assimilant la mort de plusieurs de ses chefs à des éliminations indirectes qui auraient été facilités de l’extérieur par l’usage de vieux codes dans les transmissions de façon à permettre à la goniométrie militaire française de localiser le destinataire de ces communications. Ces accusations ont été proférées notamment à propos de la mort des colonels Amirouche (mars 1959) et Si M’hamed (mai 1959), et celle du commandant Si Tarek(15 août 1961) . Cet ancien responsable de la zone 4 d’Oran a été élevé au grade de commandant pour être nommé en janvier 1961 à la tête de la wilaya 5 par le chef de la wilaya 4 le commandant Si Mohamed qui a ainsi défié l’Etat-Major de l’ALN en protestant contre l’installation à Oujda du conseil de la wilaya 5. Si Mohamed a été tué le 7 août 1961. Voir SHAT 1H1646, carton contenant une quantité impressionnante de documents saisis à la mort de Si Mohamed à Blida, à la suite de la localisation de son PC par la goniométrie militaire.

[28] Témoignage pour un million de martyrs. Après avoir fait son service militaire à Hussein Dey en 1953, M. Lakehal est l’adjoint de Ali Khodja dans le commando de la zone 1 de la wilaya 4. Cf Lakhdar Bouréga, Témoin de l’assassinat de la révolution(en arabe), Dar al Hikma, Alger, 2000.

C’est lui qui avait tendu l’embuscade de Sakamody du printemps 1956. Affecté à l’extérieur où il a été promu au grade de commandant chargé de l’approvisionnement de la wilaya 4 en armes et en munitions, il a été exécuté en mars 1959 après l’échec de la tentative de renversement du GPRA par le Colonel Lamouri et de ses partisans. Voir M. Harbi, Le Complot Lamouri, in « La Guerre d’Algérie des Algériens », sous la direction de C.R. Ageron, A. Colin, Paris, 1997, pp. 151-182.

[29] Allaoua Amirat avait été représentant du FLN à Madrid en 1958. Il était entré en conflit avec Boussouf pour avoir refusé de faire partie de ses services secrets. Il a été nommé représentant du GPRA à Beyrouth par le premier ministre des Affaires Etrangères du Gouvernement Provisoire, Lamine Débaghine dont il était proche. C’est son prédecesseur à ce poste, Brahim Kabouya, qui était proche de F. Abbas, qui l’a mis en accusation. Interrogé par des collaborateurs de Boussouf au 5° étage du siège cairote du GPRA, A. Amirat a été défénestré le 10 février 1959. Voir Fathi Dib, Abdel Nasser et la Révolution Algérienne, L’Harmattan, 1985, p. 304.

[30] Témoignage…

[31] Ibid.

[32] Ibid.

[33] Pour avoir repris à son compte cette méfiance de Bennabi vis-à-vis de la politique politicienne, Mourad Kiouane (frère de l’avocat centraliste Abderrahmane) qui dirigeait la revue « Jeune Islam » a été critiqué, en 1952, dans la République Algérienne par des intellectuels de l’UDMA qui croyaient pouvoir régler l’ensemble des problèmes algériens par l’augmentation du nombre de leurs élus dans les différentes assemblées.

[34] « Le Problème des idées… » op cit., p. 117

[35] Ibid. p. 117.

[36] Lettre du 10.4.1957 à S. Bensaï. Sur un ton très polémique, Bennabi va jusqu’à parler d’une « récompense de Borgeaud » au Secrétaire général des Oulémas pour cet acte anti-national ! L’accusation est sans doute excessive, mais elle renseigne sur le profond désaccord avec une partie des Oulémas et la presque totalité de la classe politique algérienne. Aux uns et aux autres, il reprochait l’insuffisante place accordée à la vie intellectuelle, pour lui non moins importante que l’action politique dans une œuvre de longue haleine d’édification d’une nation.

[37] Comme il il‘appelle dans la dédicace de son premier livre, « Le Phénomène Coranique », Nahda, Alger, 1947.

[38] Bennabi, Mémoires d’un témoin du siècle- l’Etudiant, tome 2 (en arabe), Dar al Fikr, Beyrouth, 1970, pp.55-59.

[39] « Quand nous parlons d’un nationalisme quelconque, nous savons que nous parlons d’un certain complexe où entrent un certain chauvinisme, une certaine intransigeance. Il correspond bien par ses côtés négatifs, à une certaine fermeture sur soi-même, à un étranglement des consciences, à un rapetissement des cœurs. Voilà donc ce que peut être, sous son aspect négatif, un nationalisme, qu’il naisse en Europe, en Afrique du Nord ou en Amérique ». M. Bennabi, de Conscience à Conscience, Le Jeune Musulman. Numéro 15 du 13 février 1953.

[40] Bennabi désapprouvait la création du Pakistan, par opposition à toute idée d’Etat confessionnel. Il a soutenu également la mise à l’écart du pouvoir des Frères Musulmans, en 1953, par les « Officiers Libres » égyptiens pour les mêmes raisons. Il est satisfait que ce nouveau régime se tienne « à l’écart du confessionnel, d’une part, et décide de s’épurer du courtisanat de l’autre… En Egypte, le pouvoir se libère, en effet, de la cour faroukienne d’un côté, et, de l’autre, il tient à l’écart les Frères Musulmans qui s’étaient d’ailleurs écartés d’eux-mêmes, de la vie politique », La fin d’une psychose, Le Jeune Musulman, numéro 18, du 27 mars 1953.

[41] Pour reprendre le titre un des rares articles très bien informé que lui a consacré le spécialiste américain de l’Algérie Allan Christelow dans The Maghreb Review, Vol. 17. Nos 1-2. 1992. pp. 60-83. Christelow affirme que « Bennabi aurait condamné Khomeyni » comme il avait vilipendé « Messali le démagogue ».

[42] Il citait la phrase de Bonald : « De l’Evangile au Contrat Social, ce sont les livres qui font les révolutions » ; celle de Péguy : « Toute politique suppose une idée de l’homme… », et Afghani l’intéressait comme « professeur d’énergie »(Louis Massignon).

[43] Al Hadathou wa at Tarikh(l’événement et l’Histoire) publié dans l’éphémère journal « Université et Révolution » ( cité par l’Annuaire de l’Afrique du Nord de 1966).

[44] M. Bennabi, Miladou Mujtama(Naissance d’une Société), Dar al Orouba, Le Caire, 1962, pp. 159-151.

[45] Voir, entre autres, G. Kepel, les Banlieues de l’Islam, Seuil, 1987 ; et O.J-L Carlier, l’Algérie entre Djihad et Nation, Presses de Sciences-Po, 1996. Les deux politologues se contentent d’une tradition orale imprécise, et parfois inexacte, concernant l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages qu’ils négligent de lire.

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