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Interview exclusive de Jean-Pierre Chevènement candidat à l’élection présidentielle

Sans verser dans un discours de « victimisation », force est de constater que les citoyens français de culture musulmane issus notamment de l’immigration continuent à faire l’objet de discriminations dans l’accès au travail particulièrement ? Dans l’hypothèse où vous seriez élu, que ferez-vous pour lutter contre ces discriminations ?

 L’arsenal juridique permettant de sanctionner les discriminations est suffisamment développé. Par contre, son application laisse beaucoup à désirer. Pour tenter de combler le fossé entre droit et accès au droit, j’ai, en 1999, créé les Commissions d’accès à la citoyenneté (CODAC). Malheureusement, ces structures de dialogue ne disposent pas, aujourd’hui, des moyens nécessaires pour être efficaces. Il faut les renforcer et mieux les faire connaître. Ce doit être l’affaire de tous les secteurs de l’action gouvernementale

Dans le domaine du logement, il faut relancer la politique de mixité sociale et lutter contre la formation de ghettos ethniques. Il faut aussi favoriser l’entrée des jeunes issus de l’immigration dans l’administration et la fonction publique. L’Etat doit être, dans ce domaine, un employeur exemplaire. La présence de jeunes issus de l’immigration dans l’enseignement, la police, les services de santé etc. ne peut être que bénéfique à l’intégration. Vous savez que je ne cesse de plaider en ce sens depuis des années.

 Le processus de consultation des musulmans de France dont vous êtes à l’origine et qui a été poursuivi par votre successeur au Ministère de l’Intérieur M.Daniel Vaillant, vise à doter les musulmans de France d’un organe représentatif. Or cette consultation suscite beaucoup d’inquiétudes auprès de nombreux musulmans attachés aux valeurs de démocratie et d’indépendance. Certaines associations et mosquées qui siègent à cette consultation sont en effet sous l’influence quand elles ne sont pas complètement inféodées à des Etats étrangers qui ne partagent pas nos valeurs démocratiques. Quel est exactement votre point de vue sur cette question ?

 Les pouvoirs publics avaient le devoir de lancer la Consultation qui doit permettre à l’Islam d’avoir en France le même statut que les autres religions. Mais ce sont les musulmans qui choisissent leurs représentants et le gouvernement n’a pas à choisir ses interlocuteurs.

Cette Consultation a reçu un accueil positif des acteurs du culte musulman. En témoigne le taux important de réponses positives (77%) des lieux de culte sollicités pour organiser l’élection du Conseil Français du Culte Musulman qui doit avoir lieu le 26 mai prochain. Cette instance représentera la communauté musulmane auprès des pouvoirs publics et témoignera, enfin, de l’existence d’un Islam de France.

Vous déplorez le fait que des associations ou des lieux de culte subissent une forte influence de la part de certains Etats étrangers. Justement, au-delà de la création d’une instance française représentative de l’Islam, la Consultation doit aussi aboutir, à travers les nombreux groupes de travail créés à cet effet, à l’organisation d’une pratique musulmane indépendante et respectueuse des valeurs de la République.

 En 1998, à l’initiative du ministère de l’Intérieur chargé des cultes notamment (dont vous étiez en charge), un projet de création d’un grand Institut d’Etude Islamique (sous l’autorité de l’éducation nationale) était à l’étude. Ce projet qui avait suscité de nombreux espoirs aussi bien auprès des musulmans de France que des grands noms de l’islamologie française, a débouché sur la création d’un « minuscule » Institut d’études des sociétés du monde musulman ( IESMM) qui n’a même pour vocation d’enseigner notamment la théologie musulmane. Sans déroger aux principes de laïcité, la France qui compte plus 5 millions de musulmans sur son territoire, ne mérite- t-elle pas d’avoir un véritable d’Institut d’Etudes Islamiques qui ne pourrait que renforcer son prestige auprès du monde arabo-musulman.

 Oui, je pense qu’un tel institut est une nécessité, notamment pour former les futurs imams et participer à l’élaboration de l’Islam de France. L’initiative originelle que vous évoquez avait cette vocation. Il est malheureusement devenu, entre les mains du ministre de l’éducation nationale de l’époque, une peau de chagrin. Je regrette qu’il n’y ait pas une véritable volonté pour lui donner vie aujourd’hui.

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 Depuis 1998, l’Union européenne tient annuellement des réunions avec les 6 pays du Conseil de coopération du Golfe -Arabie saoudite, Bahreïn, Oman, Koweït, le Qatar et les Emirats arabes unis. Les Palestiniens réclament depuis des années un renforcement du rôle de l’Union Européenne dont la présence en tant que co-parrain du processus de paix est jugée trop timide et partant, peu susceptible de contrer le soutien indéfectible des Américains aux Israéliens.

Comment comptez-vous rétablir l’équilibre et renforcer la place de la diplomatie européenne en vue de parvenir à la paix ?

 Le renforcement de la diplomatie européenne est une chose. Les Européens doivent en décider ensemble.

En tant que candidat à la présidence de la République, c’est sur la politique française que j’ai à me prononcer. Je souhaite que la France fasse davantage entendre sa voix dans les affaires du monde. Notre pays est en Europe le seul qui puisse conduire une politique réellement indépendante. Son objectif doit être de desserrer l’étau de l’unilatéralisme américain, particulièrement dramatique dans le cas du Moyen-Orient. La France doit promouvoir la multipolarité, garante de la diversité des intérêts. Au Moyen-Orient, la seule solution, c’est la paix. Et celle-ci suppose la reconnaissance du droit légitime des Palestiniens à un Etat viable, ce qui est la meilleure garantie pour la sécurité d’Israël. Israëliens et Palestiniens doivent pouvoir vivre côte à côte, dans des frontières sûres et reconnues.

 Lors du sommet du Golfe, la position de l’Union européenne est demeurée inchangée, consistant en un appel réitéré aux autorités irakiennes à autoriser le retour des experts du désarmement de l’ONU. Au vu du caractère terriblement meurtrier de ce blocus (les organisations humanitaires et de défense des droits humains comme la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) estiment que 230 civils irakiens continuent de périr quotidiennement en raison des sanctions qui leur sont infligés !) N’est-il pas plus que temps de mettre un terme à cet embargo ?

 Je ne cesse de le répéter depuis 1991 : cet embargo est cruel et inutile. Il détruit un peuple et menace le développement et la paix dans cette région. L’Irak doit être réintégré dans la communauté internationale. L’embargo doit être levé, sauf sur les armes. Quant aux menaces d’attaques que les Américains font planer sur ce pays, elles sont inacceptables et dangereuses, comme le sont les bombardements anglo-américains depuis 1998.

 L’accord d’association signé le 19 décembre dernier entre l’Union européenne et l’Algérie suscite les craintes de nombreux observateurs. Cet accord conclu dans le cadre du partenariat euro-méditerrannéen visant à la création d’une zone de libre-échange économique en 2010 et qui prévoit la libéralisation de tous les secteurs de l’économie algérienne et une collaboration accrue en matière de police a été qualifié de « catastrophique » par Amnesty International.
De fait, les défenseurs des droits de l’homme y voient là un blanc seing accordé aux autorités algériennes afin de poursuivre en toute impunité la répression ordonnée contre le peuple algérien et les atteintes aux droits de l’homme au prétexte d’intensifier la lutte antiterroriste. Que répondez-vous à ces accusations ?

 Vous savez, il faut faire preuve, pour l’Algérie, d’esprit de responsabilité et voir loin. Notre devoir est de soutenir les efforts qui sont faits pour construire un Etat de droit et pour acclimater des règles démocratiques de fonctionnement. Le Président Bouteflika n’a pas une tâche facile. Par ailleurs, l’Algérie, comme tous les autres pays de la rive sud a signé un accord d’association avec l’Union européenne. C’est une bonne chose si ce pays parvient à en tirer profit pour son développement et son insertion dans la communauté internationale.

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