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Est-il permis de critiquer l’islam ?

Est-il possible de critiquer l’Islam ? Plusieurs courants se rejoignent pour s’alarmer des difficultés de plus en plus grandes qu’il y aurait à s’exprimer librement sur l’Islam.

Il y a tout d’abord, et à l’évidence, le vieux fonds de commerce raciste hérité à la fois du colonialisme et de la décolonisation. La législation rendant plus difficile l’expression de ce type d’idées, on va s’en prendre à l’islam pour mieux taper sur les Arabes. La critique de la religion, posée comme principe libertaire et progressiste, ne s’exerce qu’à l’encontre des musulmans. Le raciste se cache derrière l’iconoclaste.

Le deuxième courant regroupe les intégristes de la laïcité. Par définition ce courant est non-religieux, mais certains de ses partisans développent non pas une indifférence ou une neutralité face aux religions, mais une hostilité à leur égard. Or, actuellement la religion qui est la plus revendicative, car ayant moins de droits reconnus, est bien l’islam. Dès lors, elle apparaît comme excessivement offensive – alors que les musulmans ont le sentiment de demander une mise à niveau, un rattrapage – et menaçant la laïcité.

Un troisième courant est constitué par quelques inconditionnels d’Israël qui voient dans la mise à l’index des musulmans le moyen de resserrer les liens autour d’Israël au-delà des communautés juives. L’islam serait l’ennemi des libertés en France et source de terrorisme au niveau international, il faudrait dès lors non pas mettre des bâtons dans les roues du gouvernement israélien, mais saluer sa position à la pointe du combat contre l’extrémisme musulman. Il y a un ennemi commun à combattre. Plus l’islam apparaîtra dangereux, moins on questionnera le gouvernement israélien sur sa politique.

Il y a enfin un quotidien courant, sans doute le plus large, qui pose tout simplement le principe de la liberté, y compris de blasphème. Qui s’inquiète des dérives de la censure, du renforcement de la législation répressive dans le domaine du débat d’idées de la montée du politiquement correct, de l’adoption de lois mémorielles, etc.

Ceux qui se rattachent à ce courant s’alarment d’un renversement des tendances. Au nom de la protection des minorités (ethniques, sexuelles, physiques) la liberté d’expression qui s’était affirmée tout au long du 20ème siècle commence à reculer.

La limite aujourd’hui est de confiner le discours critique ou le droit de se moquer aux seuls membres de la communauté concernée. Musulmans, Chrétiens, Juifs ou Noirs pourraient mettre en cause respectivement Musulmans, Chrétiens, Juifs ou Noirs. Seuls les homosexuels pourraient se montrer critiques face à la communauté gay.

Les blagues sur les gens de petite taille seraient réservées aux nains. Seuls les Parisiens pourraient tourner en dérision les habitants de la capitale, etc. On voit se refermer le piège croisé du politiquement correct et du communautarisme. Ce ne serait d’ailleurs qu’un premier pas, car bientôt, ceux qui auraient encore le goût d’utiliser leur sens critique, fût-ce dans ce cadre réduit, seraient accusés d’être animés par la haine de soi ou d’être des traîtres.

C’est pourquoi la réaffirmation du principe de liberté d’expression, du droit à la critique et même à la moquerie me paraît devoir être confortée envers et contre tout. Car il faut avoir confiance dans l’intelligence collective de ses contemporains. Ce qui est excessif sera rejeté par l’immense majorité si le débat est vraiment libre.

Les trois premiers groupes cherchent d’ailleurs à élargir leur influence auprès du 4ème courant qui représente en fait la majorité. Je le distingue des trois autres par sa cohérence. C’est une différence fondamentale. Il fixe les mêmes règles pour tous et pour toutes. La limite entre l’acceptable et l’inacceptable ne doit être définie ni par la qualité de celui qui émet l’opinion, ni en fonction du groupe attaqué.

Le respect dû a un groupe ne doit pas être indexé sur son poids social. Et la condamnation des dérapages ne peut être à géométrie variable. Pourquoi fustiger les propos de Georges Frêche sur les Noirs et se taire sur ceux de Pascal Sevran ou d’Alain Finkielkraut ? C’est là qu’on voit l’étendue du jeu social. Frêche est puissant dans sa région, mais n’a pas de poids dans le microcosme parisien, auquel appartiennent les deux autres. L’entre-soi fonctionne dès lors. La loi est la même pour tous, mais pas la loi médiatique. D’où l’apparition d’un fort malaise dont l’affaire Redeker est le symbole.

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Il y a quelque chose de troublant à voir la façon gourmande dont les médias se sont emparés de cette affaire. La plupart des médias n’ont offert qu’une vérité partielle et ont occulté le caractère raciste des propos de Redeker. Certes les menaces de mort contre un individu sont inacceptables et doivent conduire à une mobilisation pour la défense de celui qui a été menacé.

Mais le traitement médiatique de cette affaire a été hors de proportion, avec d’autres menaces toutes aussi réelles, toutes aussi inadmissibles dans d’autres cas. On aimerait que les responsables de journaux expliquent pourquoi ils n’ont pas accordé la même pagination, le même volume d’indignation pour l’affaire Schoelmann par exemple ?

« La prochaine n’arrivera pas par la Poste ». Douze personnes ont reçu ce type de menaces anonymes envoyées par courrier accompagnées d’une balle ! « A partir du moment où l’on prend des positions aussi tranchées sur le conflit israélo-palestinien on prend le risque de recevoir des menaces de cet ordre », ce n’est pas un prédicateur musulman qui affirme cela, mais maître David Sellam, avocat de Raphaël Schoemann, qui avait menacé ainsi douze personnes dont Alain Lipietz, José Bové, Eyal Sivan, et chez lequel on a retrouvé un véritable arsenal. Notons que le parquet n’a requis contre lui que dix mois de prison avec sursis.

Je trouve choquant que ceux qui se sont mobilisés pour Robert Redeker n’aient pas donné signe de vie à cette époque. Les médias qui ont fait leurs choux gras de l’affaire Redeker ont donné à l’autre affaire une importance très réduite. Quelques échos en page intérieure, pas de Une. Bien sûr, pas d’émission spéciale à la télévision. Et on pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type de réaction à géométrie variable.

Une partie de ceux (mais pas tous) qui soutiennent Redeker ont, dans un passé récent, fait la chasse à de nombreuses personnalités dont le seul tort était de prendre des positions sur le conflit israélo-palestinien qui ne leur plaisaient pas. Ajoutant l’injure à la faute, ils les ont accusés d’antisémitisme. Ils ont très souvent exercé à leur égard un terrorisme intellectuel de mauvaise foi, aux antipodes des principes de liberté qu’ils prônent aujourd’hui. Mais pire encore, quelques-uns d’entre eux ont tout simplement voulu réduire au silence ceux qui n’étaient pas sur leur ligne.

Tentative d’interdire la diffusion d’un film d’Eyal Sivan, refus de publier des livres qui ne sont pas dans « la ligne » sur Israël, pressions pour faire interdire professionnellement ceux qui déplaisent (j’en sais quelque chose), procès intentés à Daniel Mermet, Edgar Morin, Danielle Sallenave, Sami Naïr. Les combattants de la liberté sur la critique de l’Islam sont de farouches Ayatollahs dans d’autres circonstances.

Le problème est qu’ils ne se contentent pas de combattre ceux qui ne sont pas d’accord avec eux, ils mettent en œuvre une diabolisation morale de ceux qu’ils considèrent comme des adversaires et qu’ils proposent de ce fait d’interdire professionnellement. Le principe voltairien « je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrais pour que vous puissiez vous exprimer » est devenu « je me battrais pour que vous puissiez vous exprimer si je suis d’accord avec vous » avec pour corollaire « je me battrais pour que vous ne puissiez pas vous exprimer si je ne suis pas d’accord avec vous » . Ce « deux poids, deux mesures » semble être devenu leur logiciel intellectuel.

L’affaire Redeker est en fait l’arbre qui cache la forêt. Une expression hostile à l’islam a déclenché des représailles inadmissibles contre celui qui les a proférées. Combien de cas où ces propos anti-musulman sont restés sans riposte ou sans réponse possible dans les médias eux-mêmes qui les avaient accueillis sans précautions ? Combien d’exemples où, au contraire, elles ont valu à leur auteur une promotion médiatique ou autre, qu’il n’aurait pu espérer dans d’autres circonstances ? La critique des Musulmans, des Arabes, présente en général peu de risques (Redeker est une exception) et permet une promotion médiatique certaine (Redeker confirme ici la règle).

-L’IRIS vient de consacrer le dernier numéro de La revue internationale et stratégique (Dalloz) à la question « Est-il permis de critiquer l’islam ? » avec les contributions notamment de Jean Baubérot, Jean Daniel, Vincent Geisser, Marek Halter, Robert Hue, Théo Klein, Arnaud Montebourg, Michel Taubmann, Pierre Tavanian, Michel Tubiana, Monseigneur André XXIII…


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