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Des lois contre les musulmans, pour plus de laïcité ?

La décision de la Cour de Cassation, rendue le 19 mars et annulant le licenciement par la crèche Baby-Loup, d'une salariée de cet établissement, et surtout les réactions qu’elle a suscitées, prouvent que le combat pour la liberté de conscience reste plus que jamais une nécessité. Les musulmans, à ce propos, restent une cible facile.

Depuis la promulgation de la loi du 15 mars 2004, interdisant l’accès des filles voilées à l’enseignement public, les tentatives de substituer un laïcisme radical et dangereusement liberticide, à la laïcité ne cessent de se multiplier. Rappelons-nous que la commission Stasi avait conseillé, malgré son rapport à charge, que soient décrétés les jours fériés pour les fêtes juives et musulmanes.

Les musulmans, (toujours derniers recours comme bouc-émissaires des politiques),  n’ont  bien évidemment pas été dupes du caractère hypocrite de cette mesure, passée depuis aux oubliettes. Aujourd’hui, en réponse à la décision de la cour, une loi « contre le voile en entreprise » se prépare, et une  « contre les nounous voilées » votée par le sénat, sera soumise aux députés.

Au lieu de conforter le principe de neutralité qui ne peut s’imposer qu’à l’Etat, la laïcité est donc invoquée pour mobiliser le parlement vers une nouvelle loi qui va sauver la face d’acteurs politiques engagés, dès le début de cette affaire,  contre la salariée de Baby-Loup. On ne peut négliger l’aspect psychologique de cette affaire ; comment une femme voilée, inférieure aux yeux de cette France snobe, peut ainsi avoir gain de cause devant la Justice de la République, alors que les perdants sont ceux qui s’estiment être les hussards de celle-ci ? C’est de l’ordre du lèse-majesté.

Les musulmans de France ont cru regagné un minimum de dignité après l’humiliation subie avec la loi inique de 2004, mais la décision de la cour de cassation vient déclencher une nouvelle offensive contre leur visibilité. François Hollande qui avait fait de la finance un ennemi lors de sa campagne présidentielle, s’est vite rendu compte de l’impertinence de son propos… Son ministre de l’Intérieur, Manuel VALLS a désigné, depuis, le véritable ennemi ; la lutte contre le voile qui doit demeurer, selon lui, un combat pour la république

Une proposition de loi sera déposée par le groupe UMP, avec la bénédiction de la gauche. "S'il y a un vide juridique à combler, il faudra, oui, une initiative législative", a déclaré le ministre de l'Intérieur.  Il n’y a bien sûr aucun vide, mais il est facile de faire dire à la laïcité ce qu’on veut. Un militant de gauche, de droite, tout comme un fanatique identitaire peut s’en réclamer sans souci.

La France ne cesse d’être montrée du doigt par les instances internationales pour sa laïcité de combat, qui tend de plus en plus à bafouer des droits fondamentaux des musulmans. Si vide il y a, c’est dans la capacité du gouvernement à apporter de réelles solutions aux problèmes sociaux que connait la France. Le racisme prolifère toujours lorsque la situation s’enlise. C’est donc très opportunément que les décideurs politiques s’attaquent à ces musulmans qui ne posent problème que par ce qu’ils osent être visibles. La laïcité stigmatisante, pour reprendre le qualificatif de jean Baubérot, prend lieu et place de la laïcité protectrice des libertés individuelles.

En France, cette laïcité sensée « ne reconnaitre aucun culte », reconnait paradoxalement l’islam dans tous les actes des individus « d’apparence musulmane » pour reprendre l’expression sarkozyste ! Des actes qu’elle se précipite de pénaliser par peur de contagion, ou de perdre une identité fantasmée et figée…

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C’est donc une religion d’état qui s’installe jour après jour. Finies les illusions d’une France ouverte, diverse, et respectueuse des choix individuels. Place aux réflexes colonialistes, rappelant les pages de l’Algérie française où les épouses des officiers français organisaient des manifestations de dévoilement symbolique des femmes algériennes. Le voile, signe d’appartenance au FLN, est devenu le symbole de  l’adhésion à « l’intégrisme» dont la définition, bien que floue, se dilate de plus en plus, au point de le confondre à l’islam.  

Aussi, si la loi est faite pour protéger le faible salarié que l’entreprise risque d’écraser, de part les convictions de son patron,  les politiques qui nourrissent le fantasme du musulman dangereux ont le pouvoir de lever cette protection, avec un engraissement de l’arsenal juridique des plus obsessionnels.  

Les moyens d’y parvenir ne manqueront pas. Je n’ai d'ailleurs pas vu d’un bon œil les sondages qui ont surgi après l’énoncé de la décision de la cour de cassation, avec des tweets et des mails qui m’invitent à voter. Je suis persuadé que les sondages sont un bon moyen pour légitimer les lois les plus injustes. D’autres sondages ont d’ailleurs suivi, après les premiers dont le résultat confortait la liberté de religion,  pour faire pencher la balance.

Des émissions télé suivront, des reportages à charge avec, si possible, une femme voilée, de préférence excitée  et casse-pieds,  passeront à la télé pour nourrir la peur de toutes les femmes voilées. Des imams « éclairés » expliqueront aux musulmans qu’ils se trompent d’époque et de lieu, et que le plus important c’est le comportement. Des musulmans progressistes, laïcs, hâtés, démocrates, ouverts, républicains, dociles et sympathiques passeront à la télé pour dire tout le mal qu’ils pensent de ces femmes qui réclament juste d’être respectées pour ce qu’elles sont.

Des fanatiques de tous horizons, surtout dans des bleds où guerres et terrorisme sévissent, vont s’exprimer pour fustiger la France, et nos médias se chargeront de transformer leurs inepties en un cri sensé être partagé par tous les musulmans. Une fois la loi promulguée, les instances « officielles » de l’Islam recommanderont aux musulmans d’être patients et de respecter les lois de la République. Chacun devra choisir son camp ; ceux qui seront contre les nouvelles lois seront à coup sûr contre la rép
ublique….

Bien que je le souhaite, ce n’est pas une prédiction farfelue, mais la reproduction de ce qu’il s’est passé avant la promulgation de la loi du 15 mars 2004. Il n’est donc pas un luxe de s’opposer à ces projets de loi dangereux. Il en va de la dignité des musulmans. Il faut donc interpeller les députés et les mettre devant leurs responsabilités.

La pleine citoyenneté ne se donne pas ; elle se réclame.

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