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Belgique : proposition juridique de résolution définitive de la question du port du foulard dans l’enseignement officiel de la Communauté française de Belgique

1989-2009

20 ans de tergiversations et de déni de droit.

Il est venu le temps de la conciliation.

Il est venu le temps de la réconciliation.

Il est surtout venu le temps… de tourner la page.

Le respect des convictions et des libertés religieuses est avant toute chose une question politique importante qui touche aux fondements de notre démocratie (principe de neutralité, enseignement obligatoire pour tous/tes, liberté de culte, …). Par ailleurs, la situation actuelle est l’expression d’un désarroi et d’une souffrance réels vécus par des élèves et leurs familles.

Cela fait une vingtaine d’années que nous tergiversons et faisons du surplace sur cette question alors que la situation pour les usagers va en s’empirant. Ainsi, plus de 90% des écoles interdisent le port du foulard en Communauté française. Cette tendance liberticide ne peut qu’aboutir, si tant est que cela ne soit déjà le cas, à une situation d’exclusion et de repli sur soi alors que l’école doit être le premier lieu d’émancipation et de socialisation des jeunes.

Cette fausse situation de « statu quo », avec une poignée d’écoles qui autorisent le port du foulard et une écrasante majorité qui l’interdisent, contribue à la création et au maintien d’un enseignement à plusieurs vitesses et d’écoles dites « ghettos ».

De surcroît, les débats de ces deux dernières années sur les décrets « mixité » et « inscription » permettent de mettre en évidence encore une fois l’incroyable hypocrisie d’une politique unanime pour considérer qu’il est indispensable de rétablir l’égalité d’accès à l’école, d’éradiquer les mécanismes de favoritisme existants, mais qui considère que pour une partie des élèves en Communauté française, il est normal de se satisfaire de n’avoir accès qu’à moins de 5% des établissements de son réseau.

C’est une rupture manifeste du principe constitutionnel d’égalité et l’expression d’une profonde injustice.

Rappelons qu’en 2002, le Gouvernement de la Communauté française, présidé alors par Hervé Hasquin (aujourd’hui président du Centre pour l’Egalité des Chances), a failli faire aboutir une formule d’autorisation générale du port du foulard à l’école après avoir fait adopter en mai 2002 par son gouvernement une position commune « pour peu que ce dernier (le port du foulard, ndlr) ne soit pas arboré dans un esprit de prosélytisme ou par pression et qu’il n’entre pas en contradiction avec la mixité des cours. Ce voile nécessitant d’ailleurs parfois d’être retiré lors de séances de photos d’identité ou de cours de gym » (La Dernière Heure, 3 juin 2002).

C’était sans compter que moins d’un mois plus tard, pour cause de dissensions au sein de la majorité, le texte allait faire l’objet d’un enterrement de première classe.

Toujours est-il qu’il est intéressant de noter que, durant ce bref sursaut de courage politique jamais renouvelé, le gouvernement Hasquin a demandé à la fois au Conseil d’Etat et au Centre pour l’Egalité des Chances de donner un avis sur une éventuelle interdiction générale du port du foulard.

La section d’administration du Conseil d’Etat a refusé de trancher sur cette question en se déclarant incompétente. Elle a argué ainsi du fait qu’elle doit décliner sa compétence lorsque les questions posées sont potentiellement litigieuses, ce qui est selon elle le cas, dans la mesure où la méconnaissance de l’interdiction générale, partielle ou conditionnelle de porter des signes à connotation religieuse ou philosophique conduirait à infliger des mesures disciplinaires pouvant être soumises à la censure de la même section d’administration.

Le Centre pour l’Egalité des Chances, par l’entremise de sa directrice adjointe de l’époque Evelyne DeProost, avait conclu que « juridiquement, la question est tranchée : la Convention européenne des droits de l’Homme, qui garantit la liberté religieuse, entraîne l’impossibilité de toute interdiction de principe du port du voile », position confirmée par la direction actuelle.

Notre initiative, qui s’inscrit dans le prolongement de la solution avortée de 2002, est née il y a quelques mois d’une réflexion qui prend appui sur un arrêté de gouvernement de la Communauté française entré en vigueur le 1er septembre 2008 et qui a imposé l’inscription dans le règlement d’ordre intérieur de toutes les écoles secondaires de son réseau d’une série d’articles ayant trait au phénomène de la violence à l’école.

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L’arrêté de gouvernement en question a non seulement rempli son rôle (toutes les directions d’école se sont exécutées), mais de plus les directions d’école n’ont formulé absolument aucune objection en termes d’autonomie (une archive vidéo en atteste).

Cela montre donc que les deux arguments non-idéologiques qui étaient invoqués jusqu’à aujourd’hui par la Communauté française pour justifier la situation actuelle concernant le port du foulard à l’école (à savoir, d’une part, la nécessité d’adopter un décret, et d’autre part, la nécessité de respecter l’autonomie des directions d’école, supposée englober la question du port du foulard) n’ont aucune assise juridique et cachent un immobilisme politique fort commode, mais qui n’a que trop duré.

C’est pourquoi, en nous inspirant de la logique juridique encadrant l’arrêté de gouvernement sur la violence à l’école, nous avons conceptualisé un arrêté de gouvernement définissant les dispositions communes en matière de port du foulard dans les écoles secondaires qui font partie du réseau officiel de la Communauté française.

Au gré de la réflexion, nous avons en outre conceptualisé un deuxième arrêté de gouvernement, définissant, lui, les dispositions communes en matière de port du foulard dans les écoles supérieures qui font partie du réseau officiel de la Communauté française, qui sont aussi traversées par des règlements d’ordre intérieur liberticides.

A travers ces deux textes, nous souhaitons réaffirmer le principe de neutralité de l’enseignement officiel, rappeler la conformité du port du foulard à l’école aux normes conventionnelles (article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme), constitutionnelles (articles 19 et 24 de la Constitution) et décrétales (décrets « neutralité » de 1994 et 2003, décret « enseignement » de 1997) et inviter la Communauté française à cesser de couvrir les violations de ces normes par les établissements scolaires en réhabilitant le principe suivant : en matière de droits fondamentaux, l’interdit est l’exception.

(Remarque : la question du port du foulard à l’école est indépendante de la thématique générique des « accommodements raisonnables ». Un accommodement raisonnable désigne une forme d’assouplissement visant à combattre la discrimination causée par l’application stricte d’une norme qui, dans certains de ses effets, porte atteinte à l’égalité d’un citoyen. Or, en matière d’interdiction du port du foulard à l’école, il n’y a précisément aucune norme qui obligerait à élaborer une quelconque forme d’assouplissement. Au contraire, les normes existantes consacrent explicitement le droit de porter le foulard à l’école, comme composant du principe de « liberté religieuse ».)

[Les deux arrêtés de gouvernement qui font l’objet de notre proposition ainsi que toutes les informations relatives à cette initiative sont consultables sur www.neutralite.be.]

Dans le cadre du chantier neutralite.be :

Abdelghani Ben Moussa, militant antiraciste

Hajer Missaoui, juriste

Hava Yildiz, avocate

Inès Wouters, avocate

Mehmet Saygin, juriste

Michael Privot, islamologue

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