Son nom à la consonance venue d’ailleurs, de l’autre côté de la rive méditerranéenne, a-t-il constitué un obstacle rédhibitoire pour décrocher un entretien au sein du très prisé et huppé Collège Saint-Pierre de Jette de Bruxelles, inspirant à son directeur une réponse bateau laconique sonnant comme une sempiternelle fin de non recevoir ?
Pour en avoir le cœur net, Samira, une professeure de français de 32 ans, littéralement passionnée par son métier, qui a déjà essuyé nombre de refus de cet ordre sur le chemin semé d’embûches de l’emploi, a voulu une fois pour toutes dissiper son doute cruel en remaniant son curriculum vitae.
Le prénom Cécile mis à la place du sien, accompagné d’un patronyme fleurant bon le terroir, le tout rehaussé par une photo d’une jeune femme blonde trouvée sur Internet, avec de légères variantes apportées à son parcours et à ses diplômes revus à la baisse, son cv test était prêt à l’emploi et à lui démontrer si elle avait été bel et bien victime d’une discrimination arbitraire.
Samira n’aura pas attendu longtemps avant de constater, non sans amertume, que l’imaginaire Cécile, bien que nettement moins qualifiée, avait fait forte impression sur le papier, sa candidature créée de toutes pièces suscitant une réaction positive, voire même enthousiaste, de la part du même directeur qui avait écarté préalablement la sienne en ces termes : "Mes rendez-vous étant déjà fixés, je vous recontacterai si nécessaire".
"Tout mon corps tremblait et j’ai eu envie de vomir. J’avais la confirmation que c’est bien ce que je suis qui pose problème", a-t-elle confié dans un entretien au site La libre.be.
"Depuis le début de ma carrière, je vis la discrimination à l’embauche. Au téléphone, je ne donne pas mon nom et l’entretien se déroule bien. Dans la minute qui suit, j’envoie mon CV et ma lettre de motivation et on me répond que le poste n’est plus à pourvoir", s’est indignée l’enseignante belge qui s’est entourée des compétences d’un avocat pour lutter contre cette injustice de trop, en déposant une plainte contre le Collège Saint-Pierre de Jette au tribunal du travail.
"Il n’est pas normal dans un État de droit de ne pas être protégé de ce type de pratique. Je veux savoir pourquoi Samira qui a plus d’expérience et qui postule un jour avant n’a pas la même chance que Cécile. Je suis issue d’une famille nombreuse où tous les enfants ont très bien réussi leurs études. Mais deux membres de ma famille n’ont pu s’émanciper qu’à Londres où ils exercent des fonctions haut placées. Ils sont persuadés qu’ils n’auraient jamais évolué aussi bien en Belgique", a souligné celle qui est devenue professeure par vocation en ayant à cœur de faire partager sa passion pour la langue de Molière aux chères têtes blondes.
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