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Sortie du film « Un racisme à peine voilé » : retour sur la polémique du « foulard islamique »

Au cinéma comme ailleurs, face à une question qui fait débat dans l’espace social, il y a deux manières de réagir : s’inscrire dans le sens commun politique ou journalistique ou au contraire le mettre en question et revenir sur la genèse de la construction du « problème ». Le film «  Un Racisme à peine voilé » s’inscrit dans la seconde catégorie. Avec rigueur, le réalisateur Jérôme Host cherche à comprendre les logiques profondes de la polémique et de la loi qui en est issue. Pourquoi, aujourd’hui, ce foulard fait-il problème dans la société française ? Quelle est l’origine des peurs et des fantasmes qui semblent se cristalliser sur quelques adolescentes ?

A contre-courant de nombreuses pratiques journalistiques à l’œuvre durant ces quelques mois de débats en noir et blanc, il a pris soin de lire les études sérieuses sur le sujet, d’écouter des filles et des femmes concernées, de rencontrer des sociologues et de suivre des acteurs de la vie sociale : féministes et militants des collectifs « une Ecole pour tous (tes) » qui luttent contre la loi interdisant les signes religieux à l’école tout en dénonçant les conséquences concrètes d’exclusion d’adolescentes de l’école publique.

Ainsi ce jeune vidéaste (c’est son premier film), membre du collectif strasbourgeois « la flèche production » qui sort ici son quatrième documentaire, tente de “dévoiler” ce qui se cache réellement derrière la volonté d’exclure ces jeunes filles de l’école publique en revenant sur les arguments du camp prohibitionniste.

Car, la véritable question sous-entendue dans le « débat » sur la « laïcité à l’école » reste sans doute l’inconscient, ou plutôt l’implicite colonial français. Parlant d’intégration, certains s’enferment dans un paradoxe. Ils reprochent à ces françaises qui portent le foulard de ne pas l’être, ou de ne pas l’être assez, comme si l’identité française se résumait à l’apparence et au style de vie des groupes sociaux dominants. Comme à l’époque coloniale, les valeurs et les modes de vies des musulmans sont systématiquement caricaturés et uniquement présentés sous l’angle du sous-développement ou de la barbarie (la soumission, le fanatisme, le double langage, la fourberie). Le film nous rappelle ainsi la force des mécanismes sociaux et politiques d’assignations des enfants ou petits enfants d’immigrés à des positions subalternes. L’objet implicite de cette loi, c’est en quelque sorte de remettre de nouvelles générations de français à des places qu’ils ont définitivement quittées : celle du colonisé puis de l’immigré. Lutter contre cette loi autant que contre ses conséquences, c’est donc et avant tout faire reconnaître les droits de chacun à la pleine citoyenneté et la liberté de s’auto-définir.

« Un racisme à peine voilé » a enfin le mérite de rappeler que cette loi est aussi fondamentalement une loi sexiste. D’une part parce qu’elle prétend imposer aux femmes l’image à laquelle elles devraient se conformer. Le fait, pour l’administration scolaire, d’accepter des perruques à la place du foulard en est particulièrement révélateur. D’autre part, parce qu’elle va aboutir à retirer un droit fondamental, le droit à l’éducation, et qu’elle va précisément le retirer à des femmes. Encore une fois, sexisme et racisme apparaissent comme un couple infernal.

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Ce film est très complet dans son argumentaire, notamment grâce aux contributions de Saïda KADA (co-auteure avec Dounia Bouzar du livre « L’une voilée, l’autre pas ») et de Pierre TEVANIAN (« Dictionnaire de la lepénisation des esprits », « Le ministère de la peur »..). Sa principale qualité est peut-être de ne pas tomber dans le piège du misérabilisme humanitaire. À voir donc, que ce soit en vidéo ou dans le cadre des projections publiques organisées dans toute la France à partir du mois de septembre. A se procurer aussi pour le faire voir et l’utiliser pour ce qu’il peut être : un instrument de plus des luttes pour l’émancipation.

Pour voir la bande annonce, des photos, le dossier de presse, connaître la date de projection publique dans votre ville, et commander le film : allez à www.laflecheproduction.com

La Flèche production
BP 73
67061 Strasbourg Cedex

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