La série de Nida Manzoor raconte l’intégration d’Amina, jeune femme pieuse et naïve, dans un groupe de punk.
Sur le créneau, somme toute assez neuf, des séries qui interrogent le fait d’être musulman dans une société occidentale, les femmes étaient attendues. La bonne nouvelle est qu’elles sont arrivées. Et elles sont très en forme.
Fruit d’un travail patient, voire laborieux (trois ans se sont écoulés entre la diffusion du pilote et celle des épisodes suivants), la série écrite et réalisée par Nida Manzoor débarque en France, après avoir secoué les téléspectateurs de la respectable Channel 4 outre-Manche. Récompensée début septembre par le jury étudiant du Panorama international du festival Séries Mania, We Are Lady Parts confirme les choix judicieux opérés par BrutX : de Veneno à Adult Material, la plate-forme a des airs de boîte à bijoux.
« On fait de la musique pour être représentées, être entendues. » We Are Lady Parts montre qu’être une femme musulmane oblige à faire un peu plus de bruit que les autres. Le mégaphone créé par Saira, Ayesha et Bisma est un groupe de punk nommé Lady Parts (littéralement « parties intimes féminines »), aux allures de panel : Saira porte le cheveu court et des chemises à carreaux, la manageuse Taz est voilée d’un niqab – qui ne l’empêche pas d’avoir la langue bien pendue –, Bisma est mère de famille, Ayesha est lesbienne.
Récit d’apprentissage
Quand les quatre jeunes femmes, qui peinent à percer avec leurs chansons mélangeant références à Allah et névroses générationnelles, se mettent en quête d’une nouvelle guitariste, elles tombent par hasard sur une oie blanche nommée Amina. Issue d’une famille nettement moins conservatrice qu’elle, Amina a deux obsessions : être une gentille fille et trouver un mari. Dépassée par la rugosité du monde qui l’entoure, Amina réagit au stress en vomissant. Et finalement, quoi de plus punk que de vomir sur scène ? La jeune femme est enrôlée et Lady Parts enchaîne répétitions, auditions et showcases avec un succès tout… relatif. Mais après tout, Lady Parts cherche moins la célébrité qu’un moyen de « crier notre vérité avant que des connards la déforment », explique Saira à son employeur.
Plaidoyer faussement naïf en faveur de l’art et de la sororité, We Are Lady Parts est aussi un récit d’apprentissage qui met en scène les tourments du passage à l’âge adulte en posant la question de la fidélité – envers sa famille, sa religion, ses rêves. La série prend néanmoins son rôle de sitcom très au sérieux : avec autodérision et un certain sens du burlesque, les comédiennes dézinguent au bazooka les représentations habituelles des communautés musulmanes. Cela devrait plaire à tout le monde, et c’est sans doute sa limite : sans être platement consensuelle, la série rassemble large par son ton irrévérencieux, son humour à l’efficacité toute britannique et son féminisme non négociable. La série y perd un peu de son mordant, et se révèle finalement moins politique qu’elle n’y paraît. Cette dépolitisation n’est, au fond, peut-être pas tout à fait involontaire.
A les regarder, on devine qu’elles sont bien intégrées dans leur pays, la Grande-Bretagne.
Ne se seraient-elles pas toutefois trompées de pays ?