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Une auxiliaire de puériculture voilée victime d’une flagrante discrimination à l’embauche

Elles sont légion, illégales, iniques, sournoises ou criantes, c’est selon, mais elles sont bel et bien réelles dans la France sinistrée de 2013, les discriminations à l’embauche qui excluent les femmes voilées de la sphère professionnelle, au mépris de la loi et de leurs droits fondamentaux, s’abattent sur elles avec l’assurance que confère l’islamophobie ambiante désinhibée.

A 22 ans, Sahra Beddiar, qui vit à Ermont, dans le Val-d’Oise, n’était pas trop jeune, ni trop femme, ni même pas assez qualifiée ou motivée pour postuler à l’emploi d’auxiliaire de puériculture, son cœur de métier dont elle a obtenu le diplôme en juillet dernier, mais trop voilée, ça oui, manifestement ! Pour sa première recherche d’emploi dans son secteur de prédilection, c’est une terrible déconvenue qui a refroidi l’enthousiasme de la jeune femme dont l’apparence extérieure ne lui avait jamais valu un rejet aussi flagrant, glacial et dénué de scrupules, jusqu’à ce 27 septembre de toutes les désillusions.

Sahra n’a pas eu droit à une seconde chance, et pour cause ! Son interlocutrice du centre de santé Saint-Yves de la Courneuve ne lui en a laissé aucune et ce, dès l’instant où son regard s’est porté sur cette candidate très avenante mais revêtue d’un hijab, qui attendait, fébrile, un rendez-vous déterminant pour son avenir.

Oumma.com : Sahra, avez-vous tout de suite compris que votre voile était rédhibitoire et que votre entretien allait tourner court et en votre défaveur ?

Non, pas immédiatement, je pensais même au début que Madame L. était une patiente, car quand elle est entrée dans la salle d’attente, elle m’a ignorée. J’ai été d’abord accueillie par une secrétaire médicale qui m’a invitée à patienter, puis Madame L. est arrivée, ne me disant pas bonjour. J’ai compris qui elle était quand sa secrétaire lui a indiqué que son rendez-vous l’attendait, et tout de suite, sa première réflexion a été désobligeante. Sur un ton très méprisant, elle a lancé à sa secrétaire en me regardant : « C’est la dame, là ? ».

J’ai dû patienter encore une bonne dizaine de minutes avant qu’elle me demande de la suivre de manière peu courtoise et guère rassurante. Et là, stupeur ! Elle a refusé de me faire entrer dans son bureau, et c’est sur le pas de la porte, dans le couloir, que nous avons eu un entretien bref et hallucinant, qui n’avait plus rien d’un entretien d’embauche. Elle m’a poussée vers la sortie sans ménagement et en un temps record…

Oumma.com : Comment a-t-elle justifié son refus de vous recevoir et a fortiori de vous recruter, d’autant plus que vous étiez disposée à retirer votre voile pour travailler ?

Très simplement, sans prendre de gants et sans craindre de tomber sous le coup de la loi pour une discrimination flagrante. Elle m’a dit sur un ton autoritaire : « Bon, ça va être rapide », puis a lâché : « On ne prend pas les femmes voilées ». J’étais très perturbée par la manière dont les choses se passaient, mais j’ai quand même essayé d’argumenter en lui disant que ce n’était pas un problème, puisque j’étais prête à travailler sans voile. Peine perdue, Madame L. n’a rien voulu savoir et m’a dit que je n’aurais jamais dû me présenter voilée. Mon seul tort était donc d’être libre de mes choix dans un pays de droits comme la France, et peu importe mes compétences, ma motivation ! C’est une discrimination révoltante et le pire c’est que Madame L. l’assume pleinement !

Oumma.com : De retour chez vous, qu’avez-vous ressenti au fond de vous-même et aviez-vous déjà été confrontée à un tel affront dans votre quotidien ?

J’étais à la fois sidérée, abattue, choquée, j’en ai parlé à ma sœur qui m’a immédiatement soutenue dans cette épreuve. J’ai choisi de porter le voile à l’âge de 18 ans, après une réflexion longuement mûrie, en pesant le pour et le contre, au risque de détonner dans ma famille, puisque je suis la seule à être voilée.

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C’est un choix intime qui a marqué un aboutissement spirituel et que je ne regrette absolument pas, même après cette humiliation. Dans ma vie de tous les jours, j’ai bien sûr croisé des regards réprobateurs ou méprisants, mais heureusement je n’ai jamais été insultée ni agressée, comme d’autres jeunes filles récemment.

Je n’avais pas entendu parler du projet de loi contre les nounous voilées, et même si je sais que l’islamophobie existe et fait des victimes, pour moi, porter le voile, c’est tellement naturel et une liberté tellement essentielle que je n’imaginais pas que cela puisse me nuire ainsi.

Oumma.com : Une semaine après les faits, vous avez décidé de ne pas en rester là et de réagir contre cette injustice. Comment vous y êtes vous prise ?

Tout à fait. Plus les jours passaient, moins je me remettais de cette injustice, et j’ai voulu faire éclater la vérité au grand jour. Dans un premier temps, j’ai rappelé Madame L. pour m’excuser de m’être présentée voilée devant elle, ce qui était un faux prétexte pour tester sa réaction. Elle m’a répondu que je n’avais besoin de m’excuser, que de toute façon rien ne la ferait revenir sur sa décision, que la religion, on devait la garder pour soi, se disant elle-même croyante. Elle a de nouveau insisté sur le fait que l’on ne devait pas porter le voile en France, en précisant que des musulmanes travaillaient dans le centre de santé, mais toutes non voilées. J’ai eu beau répéter que j’étais prête à retirer mon voile pour obtenir ce travail, dont j’avais vraiment besoin, rien n’y a fait. Et pour conclure, elle m’a assuré que le poste était pourvu.

Pour vérifier ses dires, une amie d’origine haïtienne, au nom bien français, l’a appelée, se faisant passer pour une candidate. Surprise, le poste soi
-disant pourvu était toujours vacant, et Madame L. lui a fixé un rendez-vous ! Mon amie s’y est rendue voilée, munie de deux téléphones portables, l’un pour enregistrer la conversation et l’autre pour filmer son interlocutrice. Même scénario qu’avec moi, même discours, même rejet, mais cette fois-ci nous avons des preuves de ce flagrant délit de discrimination à l’embauche !

Oumma.com : Que comptez-vous faire à présent ?

Je veux porter plainte et me tourner vers la justice pour faire reconnaître la discrimination scandaleuse dont j’ai été victime et pour que cela ne se reproduise plus. Tout soutien me sera bien sûr très utile, notamment sur le plan juridique, et je remercie d’avance toutes celles et ceux qui pourront me conseiller et m’accompagner dans mes démarches.

Cette épreuve, à laquelle je n’étais pas préparée, m’a rendue plus méfiante et combative aussi. Je suis bien déterminée à m'épanouir professionnellement et à prouver que je suis digne de confiance et compétente, contrairement à ceux qui voudraient m'écarter de la vie active et de la société. Désormais, je n’irai plus à un entretien sans avoir le réflexe d’enregistrer la teneur de la conversation si jamais elle dérape et s’avère aussi discriminatoire.

Propos recueillis par la rédaction.

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