in ,

Sur les Propositions de loi, visant les mères accompagnatrices des sorties scolaires portant un foulard : Défense de la Laïcité ou chasse aux femmes voilées ?

Un étrange détournement des faits :
L’attaque haineuse et raciste d’un élu RN du Conseil de la région Bourgogne-Franche-Comté contre une mère accompagnatrice d’une sortie scolaire, portant un foulard, a relancé le débat sur la laïcité, et notamment sur la neutralité des personnes bénévoles de l’éducation nationale.
J’avais déjà publié, en 2013, sous le même titre, une présentation détaillée sur le principe de neutralité en lien avec la « jurisprudence » créée par l’affaire de la crèche Baby Loup et le débat qui l’a suivi.
Face à l’arrogance de l’élu du RN et son ignorance caractérisée du principe de laïcité, la présidente du Conseil Régional a rappelé fermement le droit en la matière et a mis en évidence la mauvaise foi de cette formation politique qui n’a d’autres projets pour la France, si ce n’est la division, la haine et la discrimination entre les français.
La mère violemment agressée devant son enfant et ses camarades, dans l’enceinte de l’un des symboles de la démocratie républicaine, est restée digne et respectueuse de ce symbole qu’elle voulait faire découvrir aux futures générations de citoyens. Aujourd’hui, elle a raison de porter plainte contre cet élu qui n’est plus digne de ses fonctions.
L’affaire aurait pu en rester à « des violences commises en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique sur mineur et majeur à caractère raciale », qui doivent être sanctionnées par la justice et un rappel du droit à ceux qui l’ignorent ou font semblant de l’ignorer.
Au lieu de se pencher sur cette forme d’extrémisme (politique), dont sont victimes les femmes musulmanes portant un foulard et la menace que cet extrémisme présente pour la cohésion de notre pays, le débat s’est déplacé sur l’opportunité de légiférer ou non sur l’interdiction du port des signes religieux aux accompagnatrices des sorties scolaires !
Au lieu de se pencher sur le terrorisme qui se réclame de l’islam, cette tumeur dont les musulmans sont également victimes, et de le prendre dans sa véritable nature en tant que crime commis par des personnes mues par une idéologie mortifère, le débat s’est déplacé sur la pratique religieuse musulmane !
Dans ce climat délétère, les extrémistes de tout bord trouvent un terreau fertile pour cultiver leur propre existence : victimisation contre victimisation, slogan contre slogan, amalgame contre amalgame, fanatisme contre fanatisme et obscurantisme contre obscurantisme.
Retour aux fondamentaux de la loi 1905 : Débat sur le port de la soutane.
Dans ces conditions, nous aurions pu ignorer ce débat sur le port des signes religieux qui resurgit à nouveau par réfraction. Mais face à des voix d’hommes politiques de premier plan appelant à interdire aux femmes portant un foulard d’accompagner les sorties scolaires, il serait utile de faire un retour aux fondamentaux de la loi de 1905, comme le suggère le président du Sénat dans sa sollicitation du président de la République.
Il serait utile de se replonger dans les moments de gestation de cette loi.
Le 26 juin 1905, Charles Chabert Député de la Drôme, présenta un amendement : « Les ministres des différents cultes ne pourront porter un costume ecclésiastique que pendant l’exercice de leurs fonctions ». Il y fait feu de tout argument possible et imaginable, dont voici quelques extraits :
Il est étrange, il est véritablement incompréhensible, qu’un projet de loi (celui de 1905) si longuement et si mûrement étudié […] ne dise pas un mot d’une question qui a une importance extrême, capitale, le port du costume ecclésiastique.
– Est-ce que par hasard la Chambre estime indigne d’elle de s’occuper de tels détails ? Veut-elle laisser libre le port de la soutane ?
– Dans les premiers siècles de la chrétienté, les ecclésiastiques s’habillaient comme tout le monde et ce n’est que plusieurs siècles après la naissance de la religion nouvelle qu’ils jugèrent à propos de se différencier des autres citoyens.
Pourquoi maintiendrait-on aux ecclésiastiques le privilège de conserver et de porter un costume qui jure si étrangement avec les mœurs et les goûts modernes ?
– Sous le régime que nous allons installer, alors que l’État se sera installé dans la neutralité la plus absolue serait-il possible que nous aurions quand même le port d’un costume spécial.
Ce costume favorise l’autorité sur une partie de la population et c’est précisément une des raisons principales pour lesquelles l’Église attache au costume de ses ministres une telle importance.
Par l’effet du costume qui les sépare et les distingue du vulgaire, les prêtres apparaissent aux yeux des fidèles – et c’est là ce que veut l’église – comme autre chose et plus que les hommes.
Le costume religieux n’est-il pas essentiellement un emblème ? Son port n’est-il pas au premier chef une manifestation confessionnelle ?
Les choses de la conscience, dans la conscience : tel est bien l’esprit de la loi que nous élaborons.  Mais la soutane en public, ce sont les choses de la conscience dans la rue.
D’autre part, vous avez pu être témoins des manifestations diverses que provoquent assez souvent dans nos villes le passage d’une soutane (…) ils exposent les prêtres à de désagréables surprises. Eh bien ! Ne devons-nous pas empêcher que cet état de choses se perpétue ?
En Suisse, en Angleterre, en Amérique, les ecclésiastiques s’habillent comme tout le monde… Libre à chacun de s’habiller comme il lui plaît, voilà qui paraît simple et facile. Oui, quand vous aurez ôté à telle ou telle façon de se vêtir sa signification ou son prestige.
Le prêtre obligé de sortir en soutane est aussitôt remarqué, ses moindres démarches sont connues et commentées. … le costume le (le prêtre) rend prisonnier de sa propre ignorance, je dirai presque de sa propre bêtise. C’est à cause du costume qu’il y a une telle distance entre les séculiers et les ecclésiastiques.
Voyez ce jeune prêtre qui passe dans la rue : son regard est timide, presque fuyant, son pas est lent et compassé, sa tête est penchée sur l’épaule, ses mains qui se perdent dans de larges manches sont croisées sur sa poitrine : est-ce un homme ? 
Il y a des prêtres, je le reconnais, qui pour rien au monde ne consentirait à quitter leur habit, mais un plus grand nombre d’entre eux – et ce sont les plus intelligents, les plus instruits – attendent avec anxiété cette loi qui les rendra libres.
De ce serf, de cet esclave faisons un homme. C’est ce que je vous demande au nom de la logique, au nom de l’humanité.
A l’occasion de son audition du 23 novembre 2009 sur le voile intégral, Jean Baubérot  avait déjà fait remarquer que tout a été déjà dit en 1905:
–  La soutane n’est pas une obligation religieuse, puisque dans certains pays les prêtres ne la portent pas. C’est donc un vêtement politique lié au fanatisme et à l’obscurantisme.
–  La soutane est une atteinte à l’ordre public car elle induit des « manifestations diverses » d’agressivité de la part de passants heurtés par la vision de soutanes dans la rue.
–  Les prêtres qui portent la soutane manifestent des sentiments anti-sociaux : ils croient être « plus que des hommes », ils la portent pour établir une « barrière infranchissable entre eux et la société laïque »
–  La soutane est un signe « d’obéissance directement opposée à la dignité humaine » qu’il faut interdire si on est soucieux « de la liberté et de la dignité humaines ». En ôtant sa soutane au prêtre, vous libèrerez son cerveau, vous mettrez fin à sa situation d’« esclave ».
–  D’ailleurs, un grand nombre de prêtre attendent cette interdiction « qui les rendra libres » et ils deviendront partisans de la loi de séparation si elle leur permet d’enlever leur « robe ».
Ces arguments du député Chabert furent balayés par Aristide Briand, le rapporteur de la loi 1905, par un rappel très instructif sur les objectifs et finalités de cette loi dont voici quelques extraits :
Au risque d’étonner l’honorable M. Chabert, je lui dirai que le silence du projet de loi au sujet du costume ecclésiastique qui paraît le préoccuper si fort, n’a pas été le résultat d’une omission mais bien celui d’une délibération mûrement réfléchie. Il a paru à la commission que ce serait encourir, pour un résultat plus que problématique, le reproche d’intolérance et même s’exposer à un danger plus grave encore, le ridicule que de vouloir, par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes de modifier la coupe de leurs vêtements. 
– Ce que notre collègue voudrait atteindre dans la soutane, c’est le moyen qu’elle procure de se distinguer facilement des autres citoyens.
– Quant au prestige dont jouit la religion dans nos campagnes, je crois qu’il serait téméraire de l’attribuer uniquement à la soutane.
La commission a pensé qu’en régime de séparation la question du costume ecclésiastique ne pouvait plus se poser.
La soutane devient dès le lendemain de la séparation un costume comme un autre …. C’est la seule position qui nous ait paru conforme au principe même de la séparation.
Que dit le droit ?
Après le rappel de cet échange historique, oh combien instructif, nous ne devons pas perdre de vue que la proposition de loi visant à imposer la neutralité à des personnes (les mères accompagnatrices en exemple) qui n’incarnent pas l’Etat réaliserait une ingérence forte et explicite dans l’existence d’au moins deux droits fondamentaux : La liberté de conviction dont fait partie la liberté de religion et la liberté d’opinion.
De ce fait, elle se trouve en contradiction manifeste avec le principe de laïcité et va à l’encontre des objectifs poursuivis par les grands textes nationaux et internationaux, traitant des droits fondamentaux que tous les pays démocratiques ont signés tels que : La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, complétée en 1966 par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, L’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations Unies du 25 novembre 1981, sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, les articles 1er et 31 de la loi de décembre 1905, etc..
La liberté de manifester sa conviction peut être limitée, si elle entrave certains critères stricts résultant du corpus législatif et de la jurisprudence nationale : les règles de sécurité ; les règles d’hygiène ; l’interdiction du prosélytisme ; l’organisation nécessaire à la mission ; l’image de l’entreprise.
La mission du législateur est de concilier des droits fondamentaux antagoniques, en examinant le caractère acceptable, car proportionné, de l’atteinte portée à l’un d’entre eux pour un motif réputé d’intérêt public. Ce contrôle de proportionnalité impose, in fine, qu’il soit statué sur le point de savoir si la restriction d’une liberté apparaît véritablement nécessaire dans une société démocratique comme la nôtre, et non déséquilibrée en regard de l’exercice des autres libertés.
L’exigence de neutralité, instrument permettant d’atteindre les objectifs du principe de laïcité que sont la liberté et l’égalité des citoyens, pèse sur les fonctionnaires qui incarnent l’État dans l’exercice de leurs fonctions et non sur les personnes privées. L’État doit agir dans le respect de la laïcité pour garantir aux citoyens de convictions différentes d’être traités à égalité. Mais les personnes privées ne doivent pas être soumises à cette obligation de neutralité, car, en leur refusant de manifester leur conviction, on leur interdirait de fait l’exercice de leur liberté d’expression et leur liberté de conscience.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme retient que le port de certains vêtements (le foulard pour les femmes en Islam, la kippa ou le turban pour les hommes de confession juive ou sikh) relève d’abord de l’accomplissement d’une pratique religieuse avant d’être l’expression publique de l’appartenance à une religion (CEDH 10 novembre 2005 Sahin c/Turquie) ….
Il convient de rappeler également que selon le Conseil d’Etat, le port du foulard ne constitue pas, par lui-même, en l’absence de toute autre circonstance, un acte de pression ou de prosélytisme (CE, 27 novembre 1996, n° 170209, publié au recueil Lebon)».
Toujours, selon le Conseil d’Etat, dans son avis du 3 mai 2000, Dlle Marteaux, après avoir rappelé l’obligation de neutralité des agents du service public, il conclut par : « … le fait pour un agent du service de l’enseignement public de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ;
Les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l’administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté » (CE- Avis du 3 mai 2000-Dlle Marteaux).
Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser dans deux arrêts (CE 27 juillet 2001 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière ; solution réaffirmée dans CE 29 mai 2002 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière) relative au versement d’une prime de sujétions spéciales aux membres des congrégations religieuses apportant leur concours aux établissements pénitentiaires, que « ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposaient à l’intervention, exclusive de tout prosélytisme, dans les prisons, de surveillants congréganistes qui apportent leur concours au fonctionnement des établissements pénitentiaires pour l’exercice de tâches relevant non de la surveillance des détenus, mais de fonctions complémentaires de soutien ». En l’espèce, les missions exercées par les religieuses étaient celles d’assistante sociale, de bibliothécaire et d’infirmière.
Protéger la liberté de conscience des enfants sans entraver les droits des parents.
Il importe de préciser que le cas des religieuses apportant leur concours aux établissements pénitentiaires évoqué ci-dessus, n’a pas suscité, à notre connaissance, et à juste titre, la volonté exprimée aujourd’hui par certains d’imposer la neutralité aux agents privés en charge d’un service même public.
Les quelques cas de prosélytismes, s’ils en existent, et qui peuvent être réglés dans le cadre légal existant, ne sauraient justifier de prendre le risque de voter une nouvelle loi contraire aux principes et fondements de la République.
Le devoir de nos responsables et de nos représentants est certes d’émettre des lois et de veiller à leur application, mais il est encore plus important de le faire dans un esprit de sérénité et d’équité. Nous devons tout faire pour que toutes les libertés de conscience des enfants et celles de leurs parents (croyants, ou non croyants) soient respectées de manière stricte, sans pour autant accepter que les libertés de conscience des parents bénévoles soient entravées.
 

Publicité
Publicité
Publicité

9 commentaires

Laissez un commentaire
  1. J’avoue ne plus rien comprendre à cette laicité pour preuves quand des juives fêtent hanouca en plein paris avec chandelles ça dérange personne .Quand ils installent des espaces interdit aux goys ça passe ,quand ils repoussent la date des examens pour cause de fête religieuse ça passe encore .

  2. Le roy té laid stigmatise toujours ces pauvres islamistes venus en paix envahir la terre de ses ancêtres. Quelle mouche tsé-tsé l’a piquée?
    Ohé du roy du nord, si seulement ils étaient pas venu les chercher, s’raient toujours chez eux les gougnafiers !
    « Les territoires sur lesquels l’haleine de l’Occident, lourdement chargée de pensée scientifique, a passé une fois et, en passant, a laissé une marque durable, ne peuvent plus jamais être ce qu’ils étaient auparavant. » Lord Cromer

  3. Cette affaire est une occasion en or pour les islamistes. Et l’élu du RN est un con.
    Ainsi les larmes d’un enfant sont médiatisées alors que celles des six orphelins des quatre victimes du djihadiste de la préfecture de police ne le sont pas.
    Par pudeur sans doute.

    • Vous n’avez pas le droit de rajouter le mot jihad dans votre dictionnaire la rousse, et lui donner un synonyme plus politique que littéraire.
      Si jihad veut dire, dans la justice Française, crime, c’est votre problème , ce n’est pas le mien.
      Un croyant qui n’a pas le jihad dans l’âme ne vaut rien.
      Nous avons la même notion du bien et du mal, sauf que les politiques foutent la merde.

  4. Il faut qu’à chaque élection, les personnes justes, pas seulement musulmanes, interpellent les candidats sur leurs positions sur cette question de liberté fondamentale et que des campagnes pour voter contre les candidats qui s’opposent aux libertés pour les musulmans ou pour d’autres soient organisées. Un vote barrage est le « service minimum » que peuvent faire les musulmans confrontés à des reculs permanents de leurs libertés. Par ailleurs, il faut tendre à organiser une participation des musulmans à l’organisation de listes électorales proposant, à côté de cette question des libertés fondamentales, un programme positif pour l’ensemble des citoyens en matière de droits sociaux, de lutte contre toutes les inégalités, de lutte contre les taux d’intérêts et l’usure, de soutien aux politiques de coopération internationale, de désarmement, de sortie de l’OTAN et de non engagement militaire à l’extérieur du pays. En associant libertés pour les musulmans et pour tous les autres à un programme socialement progressiste, les musulmans s’intégreront dans un mouvement plus vaste et potentiellement majoritaire.

  5. Il faut que les sœurs, arrêtent le bénévolat (accompagnatrices des sorties scolaires disque les racistes qui les dénigrent aillent au travail tranquillement, faire de gâteaux pour l’école….). Réveillez-vous chères Sœurs !!

    • Elles s’enfermeraient dans un cercle vicieux : pas de sorties, pas d’ouverture sur le monde de leurs enfants et ceux de leurs voisins, voisines, niveau d’éducation moins élevé de leurs enfants…
      La solution face à une loi liberticide, c’est l’organisation en groupe de pression qui peut prendre différentes formes : voire ce que dit Baraa plus haut, organisation d’un enseignement privé, non pas musulman mais véritablement laïque respectant la liberté de conscience des uns et des autres, il faudrait trouver des alliances avec d’autres membres de la société humanistes athées, juifs, catholiques… qui défendraient ce modèle.
      Le hic avec cette proposition, c’est la contribution à la destruction du service public de l’enseignement et en fait, j’ai l’impression que c’est ce que cherche à faire Dark Blanquer en faisant feu de tout bois pour dégouter les citoyens musulmans ou non de l’école publique.
      Encore une alternative : la désobéissance civile des femmes voilées, que ce passera-t-il si elles ne respectent pas la loi (si jamais elle est adoptée ce qui est loin d’être gagné grâce à notre constitution), pas grand chose je pense.

Laisser un commentaire

Chargement…

0

Présidentielle Tunisie: les grands enseignements d’un scrutin

Benghazi, ville en ruines : où en est la reconstruction ?