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« Sheikh Jackson », le film égyptien qui met en scène la crise de la foi d’un salafiste, fan de Michael Jackson

A l’annonce du décès de la méga-star planétaire, Michael Jackson, sur les ondes radiophoniques, un prédicateur égyptien ultra-conservateur, qui l’adulait lorsqu’il était adolescent, est tellement bouleversé par la triste nouvelle qu’il en perd ses moyens et le contrôle de son véhicule.
C’est par un accident de la route, sous le coup de la vive émotion provoquée par la mort de l’idole d’un salafiste, répondant au nom de Sheikh Hani, que commence le film réalisé par Amr Salama, 34 ans, en prélude à la double crise de conscience et de la foi qui va entièrement submerger son personnage principal.
Pour son premier long métrage intitulé « Sheikh Jackson », le cinéaste égyptien né à Riyad, qui était lui-même un fan inconditionnel du roi incontesté de la pop, avant de succomber aux sirènes du salafisme pendant ses années universitaires et de finir par être heurté par l’intransigeance de sa doctrine, a choisi de braquer ses caméras sur ce mouvement dont les membres sont connus pour leur interprétation littérale et rigoriste des textes fondateurs de l’islam, ainsi que pour leur rejet systématique de la musique et de tout autre divertissement culturel ou récréatif, jugés décadents.
« Je ne pleure plus, quand je prie. Cela signifie-t-il que ma foi est en train de faiblir ? », s’interroge Sheikh Hani, en proie aux nombreux doutes qui l’assaillent, dans une scène marquante où il confie ses états d’âme à une psychiatre. « Car pleurer en priant reflète la peur de Dieu », poursuit celui qui était surnommé Jackson quand il était jeune pour son imitation parfaite de la gestuelle de la légende de la pop music, suscitant le courroux de son père décrit comme « machiste ».
Un père qui, à la mort de sa femme, ira jusqu’à battre son fils en lui reprochant d’être « efféminé », l’insulte suprême, alors même que de son vivant, la mère de Hani admirait ses talents de chanteur et de danseur. C’était le petit secret qui liait tendrement une maman aimante à son jeune fils.
La disparition de Michael Jackson est le point de départ du cheminement chaotique de Sheikh Hani pour découvrir sa propre identité, révélant un être déchiré entre les traditions islamiques et la culture occidentale, à l’ère de la virtualité des échanges et de l’immédiateté de l’information sur des réseaux sociaux tentaculaires, qui ont tissé leur immense toile à la surface de la terre.
« Le film va au-delà de la seule étude du salafisme, il s’agit avant tout de l’être humain, il vous dit que l’identité d’un individu ne se résume pas à une seule dimension et qu’elle n’est pas immuable », souligne Amr Salama, avant de citer une autre scène édifiante : « Lorsque le salafiste Hani découvre sa propre fille, âgée de 6 ans, en train de regarder des vidéos de Beyonce, que fait-il ? Il désactive nerveusement le Wifi et crie à une « danse  du diable ».
Alors que le film, qui concourra à l’Oscar du « Meilleur film étranger », le 4 mars 2018, sera projeté prochainement dans les salles obscures d’Egypte, son réalisateur, craignant sans doute une levée de boucliers, clame haut et fort : « Je n’ai ni glorifié, ni disséqué les Salafistes. Ce sont des êtres humains comme nous ».

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