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Référendum : un nouvel épisode de la « malédiction de la Constitution » ?

Le référendum voulu par Tebboune pour se donner une Constitution qui le légitimerait aux yeux des Algériens et de l’étranger, et ferait oublier les conditions dans lesquelles il est venu au pouvoir, a eu lieu à la date qu’il a choisie, le 1er novembre 2020.

Il escomptait du choix de cette date fondatrice du Récit national, consensuelle parmi les Algériens toutes tendances politiques confondues et entourée d’une ferveur révérencielle sans pareille, une association d’idées qui ajouterait une touche de sacré à son projet de « nouvelle Algérie ». 

A l’indépendance du pays en1962, le pouvoir avait cru intelligent d’imposer au peuple algérien une Constitution sans prendre son avis. Il a systématiquement fondé son discours de légitimation unilatéral sur la symbolique de cette date, alors que le peuple voyait en lui, au fil des mandats des uns et des autres, le fossoyeur des idéaux liés à cette date. 

Pour lui, ces promesses d’une « République démocratique et sociale » sont le sacro-saint legs des martyrs de la lutte de libération (1954-1962), et non des faire-valoir démagogiques entre les mains d’un pouvoir putschiste, dictatorial, incompétent et corrompu qui les a trahis, au vu des résultats qui placent aujourd’hui l’Algérie parmi les prochains pays éligibles à la cessation de paiement et à un désastre socio-économique.

C’est pour traduire cette idée que le pouvoir a toujours été sur une rive et le peuple sur une autre que j’ai publié, le 24 avril 2011, dans le quotidien « Le soir d’Algérie » un article intitulé « La malédiction de la Constitution » où je montrais, faits et dates à l’appui », comment les présidents algériens qui se sont octroyé des Constitutions sur mesure ont eu à subir une sorte de némésis, de malédiction. 

En le republiant sur ma page Facebook, le 9 septembre dernier, dans une sorte de message à Tebboune, j’avais clos le post-scriptum que je lui avais annexé sur ces mots : « Gare au prochain ! ».  C’est-à-dire lui, mais il devait être tout à ses chimères pour s’y arrêter ou prendre au sérieux cette mise en garde aux accents mystiques.

Autre prémonition concernant Tebboune dont je m’excuse presque : j’ai publié, le 16 août 2017, sur ma page Facebook un article où j’avais pris sa défense après son humiliant renvoi par le trio Saïd Bouteflika, Ali Haddad et Ouyahia. Cet article était intitulé : « Tebboune… Une affaire dont on ne sortira pas ! ». J’y prédisais tout simplement que la manière dont il avait été démis de ses fonctions de Premier ministre était la goutte qui allait faire déborder le vase. Je l’ai reposté sur ma page le 25 octobre dernier.

Depuis, il y a eu mon « Appel à une révolution citoyenne » entre septembre 2017 et janvier 2018, la chute de la maison Bouteflika en avril 2019, l’emprisonnement de ceux qui l’ont humilié et lui devenu, comme dans une adaptation algérienne du « Comte de Monte Cristo », président de la République en décembre de la même année. 

Nous voilà depuis hier, 1er novembre 2020, dans une sale affaire où Tebboune n’est plus dans le rôle de la victime mais du coupable, après avoir voulu, lui aussi, sa petite Constitution : il dort dans un hôpital à l’étranger, affecté par le coronavirus et d’autres pathologies à ce que l’on dit, plusieurs membres de sa famille viennent de décéder subitement, et le référendum du 1er novembre auquel il avait accroché tous ses espoirs vient de lui infliger un cinglant « NON » !

Je ne sais pas ce qui va être décidé par Tebboune et/ou l’armée sur la base des résultats de ce référendum, mais pour éviter au pays une fuite en avant périlleuse, j’aimerais verser dans le furieux débat qui ne va pas manquer d’éclater sur le sujet quelques observations à chaud : 

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1) Il y a une différence juridique et politique entre un référendum, qui est la réponse par « oui » ou par « non » à une question précise posée à un peuple dans sa globalité sur un sujet engageant son avenir pour des décennies ou des siècles, et un vote pour un ou des candidats de différents bords politiques à des fonctions électives sur la base d’un programme limité dans le temps et dont la mise en œuvre sera soumise au débat et au vote de conseils municipaux ou du parlement. 

2) Les résultats d’un référendum ne sauraient être regardés et traités comme les résultats d’un vote aux législatives, aux municipales ou à une présidentielle. Le taux de participation a une signification éminemment différente dans les deux cas. 

3) Le référendum est une APPROBATION ou un REJET d’une option capitale par un peuple dans sa généralité, et l’élection une compétition entre des personnes. Cette définition est conforme à l’esprit et aux termes des articles 208 et 209 de la Constitution en vigueur : 

L’article 208 traite de L’APPROBATION de la nouvelle (ou l’amendement de l’ancienne) constitution : « La révision constitutionnelle est décidée à l’initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l’Assemblée populaire nationale et le conseil de la nation dans les mêmes conditions qu’un texte législatif.  Elle est soumise par référendum A L’APPROBATION du peuple dans les 50 jours qui suivent son adoption. La révision constitutionnelle, APPROUVEE PAR LE PEUPLE, est promulguée par le président de la République » (cet article est devenu le 219 dans le projet de révision soumis au référendum).

On peut considérer comme élu un candidat à une élection quelle qu’elle soit, avec un taux de participation de 23,7% et un nombre de voix même insignifiant s’il est le plus élevé, mais L’APPROBATION d’une révision constitutionnelle ne peut s’accommoder de tels chiffres. Il faut absolument que le taux de participation et de réponses par « Oui » soit supérieur dans les deux cas à 50% +1 voix.

L’article 209, lui, traire du REJET de la nouvelle (ou l’amendement de l’ancienne) constitution : « La loi portant projet de révision constitutionnelle REPOUSSEE PAR LE PEUPLE, devient caduque. Elle ne peut être à nouveau soumise au peuple durant la même législature » (devenu le 220).

4) Une approbation ou un rejet ne peut pas être entaché de relativité, mais être franc, clair, mathématique, indiscutable et donc impliquer forcément la majorité du peuple et la totalité des wilayas, ce qui est loin de la réalité montrée par des chiffres qui ont dû être gonflés autant que faire se peut pour réduire l’étendue du fiasco.

5) Le deuxième membre de l’article 209 de l’ancienne constitution, repris tel quel par la nouvelle, sonne le glas du régime : le projet de révision rejeté par le peuple « ne peut être à nouveau soumis au peuple durant la même législature ». Je suis sûr que le pouvoir n’a pas envisagé ce cas de figure où il devra attendre cinq ans avant de reproposer au peuple ce projet de nouvelle constitution ou un autre.

Il est temps de changer de fusil d’épaule, Messieurs les généraux ! Façon de parler, car il s’agit en fait de changer votre vision de l’Algérie.

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