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Pour lutter contre le fondamentalisme, le Bangladesh mise sur les imams

Par Ian Hamel, Dhaka

Souvent considéré comme le vivier le plus important pour fournir des recrues à l’Etat islamique, le Bangladesh (170 millions d’habitants, dont 90 % de musulmans) a fait de la formation des imams l’une de ses priorités.

La Fondation islamique, placée sous la tutelle du ministère des Affaires religieuses, ne plaisante pas avec l’éducation. Outre les études islamiques, elle dispense des cours sur l’agriculture et la forêt, la pêche, l’environnement et la pollution, la lutte contre la corruption, le trafic de femmes et le mariage des enfants. Sans oublier l’histoire du Bangladesh et la dénonciation du fondamentalisme. Cette formation, qui dure 45 jours, s’adresse aux imams. La Fondation islamique, qui supervise le fonctionnement et les finances des mosquées et des établissements scolaires religieux, paye les frais de transport et rémunère les “étudiants“ durant leur séjour d’0un mois et demi.

Selon le Daily Star, l’un des quotidiens anglophones du pays, 84 485 imams ont déjà bénéficié de cette formation, dispensée par des professeurs d’études islamiques, mais aussi par des officiers de police et de l’armée, des agronomes, des professionnels de la santé. « Les imams sont en contact permanent avec une très grande variété de personnes. Qui mieux qu’eux, s’ils sont bien formés, peut faire comprendre le vrai sens de l’islam aux populations, et combattre le fondamentalisme, expliquer que ceux qui créent le chaos et qui tuent n’ont rien à voir avec l’islam », souligne l’un des responsables de la Fondation islamique. 

5 000 entreprises de vêtements

Pour un pays aussi pauvre que le Bangladesh, cette formation représente un effort financier considérable. Quatre fois plus petit que la France, l’ancien Pakistan oriental compte 170 millions d’habitants ! Chaque année, deux ou trois millions sont chassés de leurs terres par la montée des eaux. L’essentiel du Bangladesh est une plaine fertile, occupée par le delta du Gange et du Brahmapoutre, mais sujette aux inondations, aux cyclones, aux raz de marée. En 1970, un cyclone a provoqué la mort de 500 000 personnes ! Il suffit que l’eau monte d’un mètre pour que la moitié du pays soit inondée.

Si les grandes marques de vêtements se sont installées là, c’est en raison du très faible coût de la main-d’œuvre. 5 000 entreprises qui réalisent 80 % des exportations. Dans un bureau de change, pour un euro, vous obtenez 80 takas (la monnaie locale). Certaines ouvrières perçoivent que quelques dizaines de takas par jour. D’autres Bangladais travaillent, sans protection, aux désossements des gros navires, comme des porte-avions, des tankers, en fin de vie, du côté de Chittagong, le principal port du Bangladesh.

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Une population très accueillante 

A Dhaka, la capitale (15 millions d’habitants), la circulation est devenue si dense, les embouteillages si fréquents, qu’il faut souvent deux à trois heures à l’aller – et autant au retour – pour le moindre rendez-vous. Dans ces conditions, face à une telle misère, peut-on s’étonner si le péril djihadiste menace le pays ? Depuis plusieurs mois, des groupes extrémistes s’en prennent aux minorités (hindouistes, bouddhistes, chrétiens), mais aussi à d’autres représentants de l’islam, notamment les soufis, les chiites, et à la minorité Ahmadiyya. Des étrangers ont également été tués ou blessés. Des agressions revendiquées par l’Etat islamique.

Malgré tout, il est très exagéré de présenter le Bangladesh comme un nouveau sanctuaire islamiste. Le pays, dirigé par une femme, Sheikh Hasina, se veut tolérant et laïc. Durant notre séjour, dans la capitale, mais aussi vers le nord à Bogra, à l’ouest, à Rajshahi, au sud, à Khulna, nous avons partout rencontré une population très accueillante. A aucun moment nous ne nous sommes sentis en danger. Malgré l’extrême pauvreté, les Bangladais développent une joie de vivre que l’on ne rencontre plus guère en France.

Le recrutement des imams 

Un exemple significatif : les collégiens, emmenés par leurs enseignants, se bousculent pour visiter les ruines d’un des plus grands monastères bouddhistes du monde, à Paharpur, ou pour découvrir le temple de Shiva. Quand ils se débrouillent en anglais, ils n’hésitent pas à engager la conversation avec les étrangers.

Bien évidemment, tout est loin d’être parfait. Le quotidien The Daily Star ne manque pas de se poser des questions sur la sélection des imams qui assistent à cette formation de 45 jours. La Fondation islamique s’adresse-t-elle aussi aux religieux considérés comme “radicaux“ ? Et surtout, ensuite, a-t-on un retour lorsque les imams reviennent dans les mosquées ? Mettent-ils en avant l’enseignement qu’ils ont reçu, et sont-ils devenus les plus farouches adversaires du fondamentalisme ?

    

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