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Marianne et la « guerre ethnique »

J’ai signé l’appel pour les assises de l’anticolonialisme. Je ne suis pas surpris des polémiques suscitées par ce texte. Car cet appel est un cri. Un cri de toutes celles et tous ceux qui constatent qu’en France le racisme et l’idéologie néo-coloniale, loin de s’atténuer, progressent, sous le triple effet de la crise économique et politique, du rapport de la France à son passé et son présent colonial et de la rhétorique bushienne du « choc des civilisations ». Un cri que certains ne veulent pas entendre.

Le dossier de Marianne n°413 (Ceux qui veulent la guerre ethnique) confirme que cet appel vise juste. Ce dossier est une parfaite illustration de deux phénomènes que nous entendons dénoncer : 1) la négation de la continuité qui existe entre la « France coloniale d’hier » et la « France coloniale d’aujourd’hui » ; 2) l’utilisation d’une rhétorique profondément coloniale qui n’a rien à envier aux encyclopédies françaises du début du 20ème siècle.

1) Marianne reproche à l’appel le fait qu’il « réduit la France à un passé dont elle s’est déjà amendée  ». Loin de s’être « amendée » de son passé, la France le défend fièrement : Un exemple ? Loi du 23 février 2005, article 4, alinéa 2 : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Rupture ou continuité ?

2) L’article sur les « casseurs » dans les manifestations lycéennes est un modèle de rhétorique coloniale. Dans cet article, qui utilise un singulier qui rappelle le documentaire animalier, (« le casseur est né dans une cité (…), il est d’origine africaine (…), il s’attaque aux plus vulnérables… »), on apprend que « le casseur  »fait partie d’une « tribu », que ses parents sont passés « sans transition de la brousse sahélienne aux boîtes d’intérim », qu’il travaille « en petits groupes, comme les zoulous des années 80  », ou encore qu’il « progresse de façon aussi imprévisible et anarchique qu’un criquet ».

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Tribu, brousse, zoulou, criquet… On croit avoir sous les yeux un journal d’extrême droite, ou des articles datant d’un autre temps. Mais non, nous sommes en 2005, et il s’agit bien de Marianne, qui s’insurge par ailleurs contre la rhétorique « folle », « réactionnaire et régressive », « fascisante par certains aspects » de l’appel pour les assises de l’anticolonialisme. On ne peut que recommander à Marianne de balayer devant sa porte. Oui, « la gangrène coloniale s’empare des esprits ». Et des dossiers comme celui de Marianne n’en sont pas seulement l’illustration. Ils y contribuent.

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