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L’extrémisme est contre l’Islam (partie 2 et fin)

Comme le reconnaît le journaliste français, Jean François Kahn « c’est grâce à cet apport de l’islam rationnel et pré-moderne que la chrétienté, à son tour, redécouvrit la pensée grecque » (voir son article Marianne du8 au 14/10/01 p15). Tout ceci s’est passé bien avant le XVIème siècle, celui de la Renaissance, inaugurant l’entrée de l’Occident dans la « modernité » qui sera parachevée, sous sa forme intellectuelle, avec la pensée des Lumières avec Diderot, Montesquieu, Voltaire et les autres.

Et maintenant on ose pointer du doigt les musulmans qualifiés par-ci, d’obscurantistes, par-là d’intégristes comme s’ils étaient imperméables à toutes les grandes idées qui rythment la marche en avant de l’Humanité. A qui est-ce la faute ? Certainement pas à l’islam dont le premier verset de la première sourate est consacré à l’exhortation à la quête de la science « Iqra’ = lis » ! Non plus à son Messager qui a prêché, au plus haut niveau, la curiosité intellectuelle : « La connaissance de toute chose vaut mieux que son ignorance ilm kulli shay’in afdalu min jahlihi ». Seule l’autocritique peut être salutaire car aboutissant nécessairement à la prise de conscience. Cette dernière est l’acte I du long processus que constitue la prise en main de son destin afin de devenir de dignes représentants d’une religion aussi pleine d’humanisme, de tolérance et d’ouverture.

Pourtant, c’est, animé de cette audace, qu’Ibn Khaldoun (XIV ème siècle) arriva à inaugurer l’ère proprement dite de l’histoire et de la sociologie au sens d’une démarche scientifique. Plus près de notre époque contemporaine Jamâlu Dîn Al-Afghânî a poussé, à son paroxysme, la radicalité de la critique sociale dans un contexte très difficile.

Cette évolution est possible surtout que le Livre de base de l’islam, le Coran, est des plus ouverts. Dans le sens que « texte » va forcément avec « interprétation » et cette dernière est l’expression de la différence qui n’est point synonyme de querelles idéologiques dogmatiques où on se considère meilleur que l’autre-différent qu’on qualifie de mécréant ou encore d’Ahl al-bid’a. « La divergence de points de vue entre les oulémas est signe de la miséricorde divine » n’est-ce pas là un hadîth du Prophète sur lequel la majorité des savants s’accorde ? Même si, par dogmatisme et intolérance, certains sont méfiants à l’égard de cette culture d’ouverture qui se dégage de l’esprit même de l’islam, il appartient aux musulmans de saisir la grande liberté que leur offrent les textes fondateurs et s’investir dans une réflexion profonde sur leur sacré. C’est la seule solution. Car vouloir décrypter le message de l’islam, comprendre les textes fondateurs avec les clefs de la « fermeture de la porte de l’ijtihâd » ne fera que refléter une image dont on ne peut rester fier. Et puis le texte coranique qui ne ferme point la porte aux efforts de réflexion nous y convie d’une manière ou d’une autre avec les appels incessants à l’usage du plus grand don de Dieu évoqués plus haut : la Raison (al-’aql en arabe). Il ne faudrait pas qu’à cause d’une minorité qui croit servir l’islam en lui causant les plus grands torts que les intellectuels musulmans abdiquent. Ceci aboutirait à une situation aussi amère que celle qu’on a l’impression de vivre de temps à autre, suivant les dérives de ceux qui, par leurs actes prennent toute une communauté en otages. En d’autres termes si toutefois l’islam, par manque d’audace de la part de ses intellectuels, cesse de « sonder ses origines » et d’interroger son passé riche d’enseignements des plus avant-gardistes pour mieux éclairer son avenir de plus en plus complexe, on donnera raison à ceux qui tirent déjà triomphalement les conclusions du type : « Et la mosquée se ferma aux intellectuels. Elle brûla leurs oeuvres (…) Ne s’interrogeant plus sur lui-même, menacé par l’occident, l’islam se ferma au monde (…). Il n’y aura plus, de siècle en siècle, qu’un seul mot d’ordre : emmurer les textes pour mutiler les hommes ».1 De toute manière, de tous temps, des voix s’élèveront pour rappeler à la raison, à l’ouverture et à la tolérance.

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Nos guides religieux, apôtres des différentes confréries, par leur intelligence des textes et de la société à laquelle s’adressait leur message ont réussi leur pari : implanter l’islam dans une société à laquelle il était « étranger ». C’est par une adaptation sociologique, sans heurts et avec philosophie qu’ils ont fait accepter le message de paix qu’est l’islam à la majeure partie du pays. Tous ont donné des leçons de sagesse que le cadre exigu de cet article ne permet pas de rappeler exhaustivement ici. Mais tout le monde sait que Cheikh El Hadj Malick a donné une belle leçon de tolérance par sa cohabitation exemplaire avec les chrétiens vivants à son époque à Tivaouane. Cheikh Ahmadou Bamba a clairement énoncé qu’il a pardonné à ses « ennemis » d’hier qui, pourtant l’ont entraîné dans un exil de plus de sept ans. Par cette sagesse, ils sont parvenus, ainsi que les autres grands personnages de l’islam au Sénégal, à faire des confréries et de l’islam une source intarissable de repères sociaux pour élaborer de véritables projets de société.

Pourtant aujourd’hui encore des penseurs musulmans s’attèlent à cette lourde tâche, en prenant des risques pour de simples réflexions qui devraient aller de soi. On peut citer par exemple le cas de l’universitaire algérien Ali Mérad.

Nous pensons qu’il incombe aux musulmans, à leurs penseurs, dans toute leur diversité, de fournir les efforts qui ne peuvent plus attendre afin d’en découdre avec cette sorte de mutisme, laissant libre cours à des actes irresponsables qui se drapent de la couverture « islam » alors qu’ils en sont loin.

[1]
Propos de Martine Gozlan dans un article publié au magasine français Marianne du 8 au 14 octobre 2001. P44.

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