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Lettre à mes concitoyens musulmans tentés de voter Marine Le Pen

La situation demeure marginale mais elle n’est plus de l’ordre de l’anecdotique. Désormais, il n’est pas rare de voir des citoyens français musulmans défendre l’idée d’un vote en faveur de Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielles.

Impensable il y a quelques années, cette nouvelle configuration exige de notre part des clarifications pour défaire cette alternative qui n’est qu’illusoire. Plus largement, cette posture inquiète car elle illustre le désarroi de nombreux musulmans devant une élection où, une fois encore, ils ont la fâcheuse sensation d’être les éternels laissés-pour-compte.

1 – D’abord, l’histoire du mouvement. Rappel nécessaire tant il est consternant de remarquer que ces musulmans tentés par le vote frontiste font fi du passé. Le FN plonge ses racines dans une histoire sulfureuse qui glorifie Vichy et les pages les plus noires de l’histoire de France. Nombreux sont ceux au Front national qui persistent à voir en l’Allemagne nazie un modèle et restent nostalgiques de l’époque coloniale ainsi que de l’Algérie française. Malgré la vaine tentative de Marine Le Pen de banaliser sa formation, l’héritage de son parti est trop lourd pour être ignoré.

Souvenons-nous que celui qui demeure le fondateur du FN et son actuel président d’honneur a pratiqué la torture pendant la guerre d’Algérie. Les descendants des résistants algériens morts sous les sévices apprécieront peut-être de voir une partie de leurs enfants voter pour les scélérats qui les ont passé à la gégène. Et puis, comment voter pour ce FN qui pendant des années s’est essuyé les pieds sur l’honneur de nos parents et a bafoué leur dignité en les considérant comme les pestiférés de la société française ? La liste est longue de ces injures, insultes, témoignages de mépris qu’ont essuyé la première génération de travailleurs maghrébins et d’Afrique noire et dont certains des enfants ont été lâchement abattus par des colleurs d’affiche du Front national comme à Marseille en 1995. Oublier ce passé c’est avoir la vue très courte et, d’une certaine manière, insulter la mémoire de nos pères.

 

2 – L’actualité du parti frontiste, en plus de son histoire, ne plaide vraiment pas pour ce choix. L’antisémitisme du parti a, même s’il reste puissant dans de larges couches du mouvement, désormais laissé place à une islamophobie complètement débridée. Marine Le Pen a fait de la stigmatisation des musulmans un véritable axe de sa campagne électorale et ses dernières déclarations insultantes et complètement fausses sur la viande halal est le dernier épisode d’une longue série où le rejet du fait musulman devient un point cardinal de son programme électoral.

Nouvelle championne d’une laïcité falsifiée, le discours de Marine se double de la défense d’une imaginaire « identité française » qui serait aujourd’hui souillée par les étrangers (entendez les musulmans).

Point n’est besoin ici d’énumérer toutes les sorties islamophobes de la candidate où l’exploitation de la peur de l’islam a eu pour effet de dévier  l’opinion nationale des vrais débats: prières de rue, Quick halal, voile islamique à interdire jusque dans la « sphère publique», etc. Remarquez que quand il s’agit de faire du business, les cadres du FN se permettent des entorses au règlement et glissent sans scrupule vers ce qu’il convient d’appeler une hypocrisie très lucrative. Tel ce grossiste du Nord de la France et conseiller régional FN, qui a fait fortune dans la viande halal alors que sa présidente la considère comme une des manifestations insupportables de la visibilité de l’islam en France… Dans le rayon populiste, on peut difficilement faire mieux.

3 – Pour se départir de son image sulfureuse de parti antisémite, la candidate frontiste s’est engagée dans une politique de main tendue envers Israël lourde de conséquence. L’idée est donc de soutenir Israël pour balayer les accusations d'antisémitisme. Cette offensive de charme à l’égard d’Israël n’a quasiment plus de limite et  lors d’un entretien avec le quotidien israélien Haaretz, Marine Le Pen s’est laissée emporter par une déclaration fracassante : « Le FN est un parti sioniste ».

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En toile de fond de cette déclaration, c’est toute la stratégie de la diabolisation de l’islam comme ciment d’une nouvelle configuration politique qui fait son chemin. Comme pour Geeret Wilders aux Pays-bas, le FPO autrichien ou l’UDC suisse, on assiste à un rapprochement inédit entre formations d’extrême-droite européennes et l’ultra-droite israélienne, le but étant de contrer la menace que représenterait la présence musulmane en Europe.

Il s’agira donc de cogner dur sur l’islam. Farid Smahi en a fait les frais. Après 15 ans de bons et loyaux services, celui qui siégeait au bureau politique du FN à été expulsé manu militari lors du Congrès de Tours de janvier 2011. Ulcéré par le tournant pro-sioniste du parti suite au sacre de Marine et regrettant d’avoir joué le rôle de « l’arabe de service », ce dernier avouera que « Marine montre qu’on ne veut pas de musulmans au FN »…. Tout un programme.

4 – Parmi les motivations de ceux qui souhaitent voter Marine le 22 avril prochain, on trouve cette propension du vote par protestation voire frustration. Dépités et floués par une classe politique qui détourne la laïcité pour mieux les stigmatiser, beaucoup de musulmans rejoignent les bataillons des déçus de la politique et s’enferment dans une attitude victimaire.

Cette posture d’un vote négatif doublée pour certains d’un antisystème primaire revient à adopter la politique du pire qui est loin de coller à l’éthique islamique. Il s’agit donc de remettre les choses dans l’ordre et de convoquer cette éthique afin d’apprécier sagement un évènement important qui mérite d’être pris avec considération. Le vote, comme tout acte de la vie d’un musulman, revêt un caractère de responsabilité qui ne doit céder ni à l’émotion gratuite, ni aux sauts d’humeur intempestifs.

5 – Le propos ici est bien de mettre en garde des dangers de vote FN et non pas de se faire le relais de tel ou tel parti. Ni d’enfermer la population musulmane dans un vote éternellement marqué à gauche ou à l’extrême gauche. Ceci est d’autant vrai que le PS fait presque quotidiennement la démonstration qu’il est incapable de répondre aux doléances légitimes des habitants de quartiers.

Pire, François Hollande, candidat du « changement » a en matière d’islam tout fait pour s’inscrire dans la trajectoire sarkozyste d’une politique islamophobe. La récente polémique autour de la proposition anti-nounous du Sénat en est la dernière illustration. Face à ce triste constat, beaucoup de musulmans semblent désemparés devant un choix cornélien qui revient à voter pour le moins pire.

Pour notre part, nous espérons que ces élections du printemps seront les dernières où nous voterons par défaut car nous préparons 2014. La perspective des élections locales est en effet un formidable moment de démocratie participative où les marges de manœuvre sont réelles car elles offrent des possibilités d’influer sur le jeu électoral. C’est maintenant que ces échéances se préparent. Et cette fois-ci c’est sûr, il faudra compter avec nous et 2014 ne sera qu’un début.

Quant à toi Marine tu ne mérites vraiment pas qu’une seule voix musulmane puisse apporter de l’eau à ton moulin qui transpire la haine.

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