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L’estime de soi à la lumière du Coran et de la tradition prophétique

Nombreux sont les Versets Coraniques et les Hadiths du prophète qui incite le croyant à suspecter son égo, voire à l’accuser sans même lui faire bénéficier de la présomption d’innocence, car l’égo ordonne et incite au mal. Le Très Haut dit dans la Sourate 12, Verset 53 :

« Je ne m’innocente cependant pas, car l’égo est très incitateur au mal ».

Et le prophète (Saws) dit : « Le sagace, c’est celui qui remet continuellement son égo en question et œuvre pour préparer son devenir après la mort ».

Ainsi, le croyant est encouragé à pratiquer l’examen de sa conscience afin de relever et analyser ses fautes, et par conséquent de découvrir les défauts dont elles sont l’expression, tels que la vantardise et l’orgueil qui gâchent ses bonnes œuvres et l’exposent à la colère divine.

Dieu rappelle, à ce sujet, l’exemple de Satan qui, refusant d’obéir à Son ordre de se prosterner devant Adam, tout juste pétri d’argile et sorti du néant, justifie sa désobéissance ainsi : « Je (Moi) suis meilleur que lui : Tu m’as créé de feu, alors que Tu l’as créé d’argile »1.

Son attitude orgueilleuse l’exposa aussitôt au châtiment : « Descends d’ici, Tu n’as pas à t’enfler d’orgueil ici », lui ordonna le Tout-Puissant. De même, le Coran nous rapporte l’histoire de l’homme qui, fier de ses biens et de son clan, se vantait devant son frère en lui disant : « Je (Moi) possède plus de biens que toi, et je suis plus puissant que toi grâce à mon clan »2. La punition divine fut sans appel, « Et sa récolte fut détruite »3.

En référence à ces textes coraniques, la fameuse expression arabe « Ana wa aoudo bi Llahi mine qawlate ana (Moi, et que Dieu me préserve de ce dire [Moi])» prend tout son sens. Mais, qu’en est-il de la parole du prophète – que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui : « Je suis le meilleur des fils d’Adam ; je le dis sans prétention » ? Ou de celle du prophète Joseph qui, parlant de lui-même avec une grande assurance, déclare dans le verset 55 de la Sourate 12 : « Assignes-moi les dépôts du territoire : je suis bon gardien et connaisseur » ?

Le musulman pourrait-il s’estimer et parler de lui-même avec une telle assurance ? Pourrait-il afficher une bonne estime de lui-même sans pour autant s’enorgueillir ? L’Islam, à travers ses enseignements, favorise-t-il le développement d’une bonne estime de soi ?

Les dires des prophètes de Dieu, qui restent des exemples pour toute l’humanité, rapportés ci-dessus, répondent clairement « Oui ». Oui, le musulman, cheminant vers son Seigneur, peut aussi bien afficher et développer son estime de lui-même que pratiquer son examen de conscience pour réduire son égo orgueilleux et jouissant.

Se donner une valeur

Se donner une valeur est un besoin fondamental chez l’homme, et sa satisfaction appropriée contribue significativement à son bien-être. Ainsi, le Parfaitement Connaisseur de ce qu’Il a créé informe et ne cesse de rappeler à celui-ci sa valeur, et ce, tout au long de Son Livre Saint : « Lorsque Ton Seigneur confia aux anges : [Je vais établir sur terre un vicaire (Khalifa)] »4.

L’Homme est donc Son « Khalifa (lieutenant) » sur cette terre. Aussi, c’est devant lui que les anges du Très Haut, créatures de lumière et adorateurs infaillibles, se sont prosternés. « Et lorsque nous demandâmes aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l’exception de Satan qui refuse, s’enfla d’orgueil et fut parmi les mécréants »5. Aussi faible qu’il semble paraître, l’homme prend alors une place prépondérante au milieu des créatures de Dieu. Quelle belle parole fut celle de l’Imam Ali Ibn Abi Ttalib à son sujet :

وَتَحْسًبُ أَنَّكَ جِرْمٌ صَغِير # # # وَفيك انطَوَى العالمُ الأكبرُ ٌ

« Tu crois que tu n’es qu’un petit astre, alors que l’univers entier réside en toi »

Toutefois, l’Islam ne se contente pas uniquement d’informer l’homme de sa valeur, car cela ne peut être suffisant pour procurer un sentiment solide de celle-ci, Il lui propose aussi des clés de retrouvailles avec lui-même, et l’accompagne sur un chemin bien balisé vers son accomplissement, prenant en compte tous les aspects constituant son être.

Dans cet article, je rapporterai des textes ainsi que des agissements du prophète de l’Islam qui soulignent des éléments favorisants et constitutifs d’une bonne estime de soi, à savoir le sentiment d’appartenance, la connaissance de soi, l’affirmation de soi et la confiance en soi.

Le sentiment d’appartenance

Le Très Haut dit : « Ô vous qui croyez ! Craignez Dieu et soyez avec les véridiques »6.

Être avec ses frères et sœurs permet de renforcer ou de reconstruire le sentiment d’appartenance. Celle-ci n’est point une contrainte ou encore une marque autoritaire du collectif sur l’individu, mais elle lui est plutôt une source de solidarité et de soutien dans les obstacles rencontrés, d’identité partagée et une assurance d’une acceptation de ce qu’il est.

« Le croyant est pour le croyant comme l’édifice dont une partie supporte l’autre » « Tout ce qui appartient au musulman est prohibé au frère musulman : son sang, ses biens et sa dignité »7dit le prophète Mohamed- paix et bénédictions de Dieu soient sur lui.

La connaissance de soi

Avoir une bonne estime de soi signifie aussi que l’on a une conscience nette de l’extension réelle de ses qualités, de ses capacités et de ses limites. A ce niveau, comme le montre le hadith du prophète « Le croyant est le miroir du croyant »8, le croyant demeure, pour son frère, un instrument qui lui permet l’acquisition progressive d’une vision claire et authentique de lui-même. « Tu possèdes deux qualités aimées de Dieu : « La mansuétude et la patience »9 dit une fois le prophète à Ashaj ‘Abd al-Qays.

De même, Abou Dar a rapporté qu’un jour il a dit au prophète : « Ô Prophète, pourquoi ne m’utilises-tu pas ? Il lui tapa sur les épaules et lui dit : Ô Aba Dar ! Tu es faible et ceci est une responsabilité regrettable le jour du jugement, sauf pour ceux qui ont sérieusement appréhendé et honoré leurs dus »10. Des paroles justes qui permettaient à chacun des compagnons de se voir et de se regarder dans le miroir que leur offrait le prophète de l’Islam. Et en même temps, il les mit en garde contre ces miroirs trompeurs, où l’on fait paraître le faux avec un certain éclat.

Il dit alors dans un hadith : « Lorsque vous voyez des louangeurs, jetez-leur de la terre au visage »11. En effet les louangeurs alimentent le mensonge par leurs éloges et condamnent leurs victimes à une dépendance à l’approbation d’autrui, en cédant leur esprit et leurs valeurs à ses seuls désirs. Le résultat est que l’individu laisse paraître à l’extérieur ce qu’il n’est pas en vérité, ce qui provoque un sentiment de fourberie. Le « Tartuffe » attend alors avec anxiété et appréhension que son imposture soit découverte. D’où la parole prophétique : « La véracité procure la tranquillité et le mensonge fait vivre dans l’appréhension »12.

L’affirmation de soi

A la dépendance de l’opinion des autres s’oppose l’autonomie et l’affirmation de soi. Une des formes les plus nettes de celle-ci est son pouvoir nu de dire « non » quand les autres disent injustement « oui ». Autrement dit, l’appartenance au groupe des croyants n’empêche pas l’appartenance à soi-même, sinon elle devient plutôt synonyme d’aliénation.

Le prophète disait : « Nul d’entre vous ne doit être une marionnette qui dit : “Je suis avec les gens, s’ils font du bien, j’en fais et s’ils font du mal j’en fais également”. Au contraire, soyez décidés et positionnez-vous bien : si les gens agissent bien, agissez bien comme eux, et s’ils agissent mal, ne faites pas d’injustice en les suivant »13.

Agissant ainsi, le musulman reste fidèle à ce qu’il est et ne se renie point, ce qui lui procure une satisfaction profonde et une sécurité intérieure.

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La confiance en soi

Elle est étroitement liée à l’action et renvoie au degré de confiance que l’individu a dans ses capacités de faire. Elle est le résultat d’une accumulation des expériences positives et des actions entreprises avec réussite. D’où l’encouragement du musulman à agir. Le Très Haut dit : « Et dis : [Œuvrez, car Dieu va voir votre œuvre, de même que Son messager et les croyants »14.

Un homme est venu demander une aumône au Prophète Mohamed, ce dernier l’orienta plutôt vers l’action. Pour cela, il l’aida à vendre un bien qu’il possédait chez lui, l’encouragea à acheter une corde, une hache pour aller ramasser le bois et le vendre dans le marché de Médine. Cet homme réussit et s’accomplie. Connaisseur de l’âme humaine et de ses faiblesses, le prophète a su alors l’accompagner dans cette difficulté qui consiste à passer à l’action, lui permettant de devenir financièrement autonome et de renforcer la confiance en ses capacités à faire face aux défis et aux difficultés de la vie.

N’est-ce pas lui qui disait : « La main haute (en référence à celle qui donne) est meilleure que la main basse (celle qui reçoit) »15. Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur Mohamed. Effectivement une « main basse » ne peut qu’être révélatrice d’une basse estime de soi, en même temps, une « main haute » est source d’une haute estime de soi. C’est pour cela que Dieu décrit Ses adorateurs ainsi : « Les nécessiteux que l’ignorant croit riches parce qu’ils n’importunent personne en mendiant »16, par considération à ce qu’ils sont : les adorateurs du Riche.

Agir et expérimenter signifie aussi que l’on prend le risque de se tromper, d’échouer ou de perdre. Cela explique pourquoi certaines personnes, par appréhension, préfèrent l’inaction et par conséquent continuent à vivre avec une faible confiance en elles-mêmes. Le prophète Mohamed- paix et bénédiction de Dieu sur lui- ne manquait point de les rassurer sur leur valeur intrinsèque en rappelant que « Tout être humain commet des fautes, et (que) le meilleurs de ces fautifs sont ceux et celles qui se repentent continuellement »17.

Loin de la promotion d’un égo jouissant et orgueilleux, les enseignements de l’Islam offrent au musulman le moyen de bâtir son estime de lui-même sur des bases solides et de s’accomplir, en respectant l’équilibre entre toutes les dimensions de son être. Un équilibre qui lui garantit son bien-être et une bonne vie. Cela dépendra, cependant, de la réunion de trois conditions. Que l’on soit, d’abord, véridique tant avec soi qu’avec les autres.

La cohérence entre son fond et son apparence procure une tranquillité et une sécurité intérieure, et par conséquent une bonne image de soi. Ensuite, que son regard ne soit pas détourné des croyants véridiques, car parmi ceux-là, le musulman apprend à se connaître davantage ; Il est également aimé pour Dieu, soutenu et sa valeur est reconnue. Enfin, que l’on soit accompagné par des Hommes de science, comme l’a été l’homme mendiant par le prophète de l’Islam, paix et bénédictions de Dieu sur le bien-aimé Mohamed.

Grâce à un tel accompagnement, le musulman trouve du soutien pour surmonter ses obstacles, apprend à accepter avec bienveillance ses limites tout en déployant des efforts pour les dépasser et bâtit des relations saines avec les autres, en respectant tant sa singularité que celle d’autrui.

 

Notes :

1 V12/S7

2 V34/S18

3 V42/S18

4 V30/S1

5 V34/S1

6 V119/S9

7Rapporté par Muslim et Attirmidhi

8 Rapporté par Abû Dâwoud

9 Rapporté par Muslim

10 Rapporté par Muslim

11 Rapporté par Muslim

12Rapporté par Attirmidhi

13 Rapporté par Attirmidhi

14 V105/S9

15 Rapporté par Muslim

16 V273/S2

17Rapporté par l’imam Ahmed

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