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Les Nouveaux Penseurs de l’Islam

Coran et lunettes

Albin Michel Spiritualités inaugure une toute nouvelle collection intitulée “L’Islam des Lumières” avec le livre de Rachid Benzine – chercheur en herméneutique coranique – paru sous le titre : “Les Nouveaux penseurs de l’Islam”.

Loin de l’image d’Epinal d’un monde musulman monolithique et passéiste, l’auteur prend le pari de faire découvrir au public francophone les ressources intellectuelles de l’islam à travers des auteurs à la pensée aussi variée qu’Abdul Karim Soroush (Iran), Mohamed Arkoun (Algérie-France), Fazlur Rahman (Pakistan), Amin al-Khuli (Egypte), Muhammad Khalafallah ( Egypte), Nasr Hamid Abu Zayd (Egypte), Abdelmagid Charfi (Tunisie) et Farid Esack (Afrique du Sud).

Au-delà du discours apologétique sur l’islam.

Leur pensée n’est pas identique, remarque Rachid Benzine et cependant ils ont entre eux un “air de famille” que leur confèrent tout à la fois leur formation et les choix qu’ils opèrent.

La plupart n’ont ni une formation religieuse traditionnelle ni une formation scientifique. Ils ne sont donc ni des oulémas ni des “ingénieurs de l’islam” à l’instar de nombre d’islamistes issus des filières scientifiques. Ce qui prévaut chez eux ce sont les sciences humaines. Abdul Karim Soroush a étudié la philosophie des sciences, Mohamed Arkoun a enseigné à la Sorbonne l’histoire de la pensée islamique tandis que de son côté Nasr Hamid Abu Zayd a étudié la linguistique, l’anthropologie, la sociologie et l’herméneutique. Avec eux apparaît à côté de l’ouléma et de l’islamiste, la figure de l’intellectuel qui traite de l’islam en recourant à la pensée critique… ils sont donc bien les nouveaux penseurs “de” l’islam, au double sens où ils sont de confession musulmane et où l’islam est l’objet même qu’ils s’efforcent de penser voire de repenser.

Ce qui les réunit également, ce sont les choix qu’ils opèrent, à commencer par leur refus de l’instrumentalisation politique et idéologique dont l’islam est l’objet de la part des gouvernants et de leurs oppositions voire aujourd’hui des chantres du “choc des civilisations”. C’est ensuite la volonté de ne pas se satisfaire d’un discours apologétique sur l’islam, face aux critiques dont il est l’objet. Ils n’entendent plus montrer seulement que l’islam est compatible avec la science, la rationalité et plus généralement la modernité, comme le firent en leur temps les réformistes (Sayyid Ahmed Khan, Gamal al-Din al-Afghani, Abd al-Rahman al-Kawakibi, Muhammad Abduh, Rashid Rida, Kasim Amin), tout en circonscrivant soigneusement ladite modernité aux seuls domaines des techniques et des sciences.

L’approche critique des interprétations traditionnelles de l’islam.

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Car désormais, c’est le corpus même des interprétations traditionnelles de l’Islam qu’ils se proposent non plus de sacraliser mais de soumettre au contraire à la pensée critique, à l’aide des outils épistémologiques élaborés par les sciences profanes, afin de mieux distinguer ledit corpus du texte coranique stricto sensu. Ce corpus nous disent-ils a une histoire, qu’ils passent au crible d’un examen critique à l’aide des sciences humaines (linguistique, sémiologie, histoire comparée des religions, sociologie…). On découvre par exemple que le concept de Charia a été l’objet d’une lente élaboration tout au long des deux premiers siècles de l’islam, tandis que le dogme du Coran incréé ne s’est imposé qu’à l’issue de trois siècles d’âpres débats théologiques ponctués d’interventions du pouvoir politique.

Rendre le texte révélé intelligible à une conscience moderne.

Enfin si cette approche permet de mener une “investigation dévastatrice du passé” (cf Amin al-Khuli) elle permet également grâce à l’histoire, de réduire la distance temporelle et culturelle existant entre le texte révélé et une intelligence moderne que tout éloigne de la société mekkoise du VIIè siècle. De même la linguistique permet-elle de mieux appréhender le mode de fonctionnement du texte coranique. De leur côté les études herméneutiques nous font comprendre qu’aucune lecture ne peut prétendre au statut de lecture unique et définitive tant elle est tributaire du lecteur lui-même Quant à la dimension symbolique du Coran, elle souligne son caractère de vérité éternelle, parce-que le symbole parle au croyant de son passé, de son présent et de son futur.

En définitive, les nouveaux penseurs de l’islam dépassent le face à face islam versus modernité, pour en arriver à une étape où ils intègrent pleinement la modernité dans leur approche de l’islam. Avec eux s’opère une véritable révolution épistémologique dans le rapport à la tradition, condition indispensable de la modernisation des sociétés musulmanes dans leur ensemble, et non plus seulement dans les domaines somme toute restreints des sciences et des techniques.

La rédaction

“Les Nouveaux penseurs de l’Islam”, Rachid Benzine Collection : “L’Islam des Lumières” Albin Michel Spiritualités. 2004. 289 pages. Parution le mercredi 4 février 2004.
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