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Le féminisme en Islam : combattre la théologie par la théologie

Peut-on être Musulmane et féministe ? L’Islam et le féminisme peuvent-ils coexister ? Les textes Islamiques sont-ils compatibles avec les droits des femmes ?

Pour les féministes Islamiques, la réponse est oui.

Le féminisme Islamique est un discours féministe qui promeut l’égalité des sexes et la justice sociale dans un cadre Islamique et ce, afin de parvenir à une réconciliation normative entre l’Islam et les droits de la femme.

Selon les féministes Islamiques, l’Islam a évolué de façon à s’opposer aux droits des femmes non pas parce que l’essence-même de cette religion est inconciliable avec l’égalité des sexes, mais plutôt à cause de l’hégémonie des interprétations patriarcales qui ont déformé la loi Islamique. « En s’accrochant à la jurisprudence médiévale, le clergé masculin et les savants conservateurs ont transformé l’Islam en un discours misogyne qui favorise la hiérarchie selon le sexe, » explique à Al-Akhbar Ziba Mir Hosseini, anthropologue juridique Iranienne et l’une des principales universitaires féministes Islamiques.

Au nom de l’Islam et du patriarcat approuvé par l’état, les femmes musulmanes sont confrontées à un grand nombre de pratiques répugnantes et de lois injustes qui à la fois garantissent leur assujettissement et les qualifient comme citoyennes de seconde classe.

« Les féministes Islamiques ne cherchent pas à se soustraire à la religion. Elles contestent ceux qui prétendent que la supériorité masculine est divinement mandatée en démystifiant les interprétations étroites des textes Islamiques approuvées par les conservateurs à travers la rhétorique même par laquelle ils ont été formés, » explique Mir Hosseini.

En se basant sur les méthodes de l’ Ijtihad et le Tafsir classiques (interprétation du Coran et aussi du Hadith qui est le recueil des paroles du Prophète Mohamed QSSSL), l’interprétation féministe reprend le message égalitaire de l’Islam en apportant leurs propres expériences et problèmes en tant que femmes dans leurs lectures des diverses formulations de la Charia.

Certaines femmes contextualisent, d’un point de vue historique, social et politique, des Versets du Coran et des citations du Hadith dans le but de briser et vaincre les interprétations subjectives qui se placent du côté de l’homme et de libérer les Musulmans de la lecture littérale, tandis que d’autres utilisent les outils de la linguistique et de l’anthropologie dans l’espoir de rétablir le principe de l’égalité entre les sexes, déjà inscrit et pourtant ignoré.

En outre, les féministes Islamiques s’attachent également à mettre en évidence des Versets qui confirment clairement l’égalité entre les hommes et les femmes dans le Coran.

Les hommes et les femmes sont nés du même nafs

Amina Wadud est une musulmane afro-américaine et professeure agrégée des Études Islamique à l’Université du Commonwealth de Virginie. Elle estime qu’il « n’y pas de différence majeure dans la valeur attribuée aux femmes et aux hommes, » car tous deux ont une « valeur intrinsèquement égale, » et « jouissent d’une considération identique ou égale et sont dotés d’un potentiel identique ou égal. »

Pour cela, Wadud cite des Versets du Coran qui démontrent justement que le « véritable Islam » considère l’homme et la femme comme deux entités égales nées d’un seul nafs, c’est-à-dire d’un seul et même souffle vital.

« Ô gens ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés à partir d’un seul et même souffle vital. Il lui en créa sa propre épouse et Il dissémina à partir d’eux des hommes en grand nombre et des femmes et craignez Dieu au nom de qui vous vous implorez les uns les autres ainsi que les matrices car Dieu vous observe en permanence. » [4:1]

De même, Sisters In Islam (SIS), une association féministe Islamique fondée en 1987 et qui plaide pour les droits des femmes Musulmanes en Malaisie, utilisent les Versets Coraniques dans leur livre intitulé Unveiling the Ideal : A New Look at Early Muslim Women [Dévoilement de l’Idéal : Un nouveau regard sur les premières femmes Musulmanes] afin de prouver que l’Islam et l’égalité des sexes sont en réalité conciliables.

SIS cite également les Versets [4:124], [33:35], [9:71-72], [16:97], [49:13] et plusieurs autres qui montrent que dans le Coran, les hommes et les femmes sont traités équitablement en ce qui concerne leur relation avec Dieu. Par ailleurs, la même récompense leur est réservée suite à leur bonne conduite et la même punition pour leurs mauvaises actions. « Quiconque a fait bonne œuvre, qu’il soit homme ou femme, tout en étant croyant, Nous lui assurerons certainement une vie agréable (dans ce monde) et Nous leur donnerons leur salaire selon le meilleur de ce qu’ils faisaient. » [16:97]

Selon SIS, il est important de mettre en exergue les Versets qui confirment l’égalité des sexes et de réinterpréter ceux qui recèlent des significations multiples car il est tout simplement insoutenable qu’il existe au 21ème siècle un droit familial Musulman qui « régit les relations entre les hommes et les femmes dans un cadre qui attribue la supériorité à l’époux et la subordination à l’épouse. »

La polygamie est anti-Islamique

Dans les pays à majorité musulmane, la loi Islamique est la source principale de la loi relative au statut personnel et une partie intégrante de la constitution. L’utilisation de l’Islam politique, la croyance que l’Islam doit guider la vie personnelle, sociale et politique, donne la possibilité à l’élite masculine de manipuler la législation de façon à promulguer la supériorité masculine.

Pour Asma Lamrabet, médecin, auteure et présidente du Centre des Études Féminines au Maroc, la montée de l’Islam politique a réitéré la nécessité de démontrer la compatibilité de l’égalité des sexes au sein de l’Islam.

Elle explique à Al-akhbar : « En insistant sur la différence entre la Charia ; fixe et divinement mandatée et la jurisprudence islamique ou Fiqh ; faite par l’homme et modifiable, les féministes Islamiques au Maroc ont été en mesure de déconstruire les interprétations patriarcales du Coran et ont, au bout du compte, réussi &
agrave; faire pression sur d’importantes réformes juridiques dans le code du Statut personnel Marocain, Moudawana, en 2004. »

Bien que la Moudawana de 2004 soit basée sur la Charia en ce qui concerne la femme, elle [Moudawana] a donné aux femmes des droits équitables à ceux des hommes dans des questions cruciales comme le mariage, le divorce, la garde des enfants, l’héritage, tout en assurant les droits matrimoniaux et en interdisant la violence domestique.

Par exemple, dans le Moudawana, la polygamie est très limitée car elle nécessite l’autorisation d’un juge, une justification exceptionnelle et réelle, l’approbation de la femme, et les ressources économiques suffisantes pour faire vivre les deux épouses et les familles.

La polygamie est l’une des questions sensibles dans l’Islam, car à l’origine prévue dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, elle s’est transformée une pratique fréquente et détournée de ses objectifs initiaux par des hommes dont la motivation est la convoitise.

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À la lumière de cette question, l’association SIS a publié un ouvrage intitulé L’Islam et la polygamie pour expliquer précisément la polygamie dans l’Islam.

Selon SIS, le problème avec ce verset est le fait de l’isoler « de son contexte et d’en faire une règle universelle ou une injonction morale. »

La première partie du verset [4:3] au sujet de la polygamie, nous dit : « Si vous craignez d’être injuste avec les orphelins, n’épousez que peu de femmes, deux trois ou quatre, parmi celles qui vous auront plu. »

SIS considère que la polygamie peut être autorisée dans le cas où un grand nombre de femmes ont été rendues yatim, à savoir orphelines ou/et veuves en raison de guerres dévastatrices. L’association considère donc le verset comme une déclaration explicite que « la polygamie n’est pas un droit, mais une contrainte avec la responsabilité de veiller à ce les orphelins soit traités de façon juste » .

En outre, SIS estime que les musulmans qui considèrent la polygamie comme un « droit » ont oublié ou délibérément négligé la deuxième partie du verset [4:3] qui affirme : « Mais si vous craignez encore d’être injuste, alors n’en épousez qu’une seule ou une esclave. Cette conduite vous aidera plus facilement à être juste ».

De l’avis du SIS, lorsque « le Coran incite explicitement à une juste conduite envers les femmes et à l’égalité de traitement entre les femmes, il reconnaît également l’impossibilité de vivre pleinement selon ces idéaux, » lesquels rendraient presque impossible la polygamie.

« Vous ne pourrez jamais traiter également toutes vos femmes, quand même vous le désireriez ardemment. Gardez-vous donc de suivre entièrement la pente et d’en laisser une comme en suspens ; mais si vous êtes généreux et craignant Dieu, il est indulgent et miséricordieux ». [4:129]

La violence domestique n’est pas sanctionnée par le Coran

Deux autres sujets sensibles parmi d’autres et abordés par la Moudawana et aussi par les féministes islamiques partout dans le monde, sont la tutelle masculine et la violence domestique.

Selon le Moudawana « les femmes sont les sœurs des hommes devant la loi. » Quand il s’agit de mariage, les femmes ne peuvent pas être mariées contre leur volonté et elles n’ont pas besoin de l’approbation de leur tuteur, père ou frère. En outre, une femme peut demander le divorce si son mari ne remplit pas ses obligations selon le contrat de mariage ou lui cause un préjudice en abusant physiquement d’elle ou en l’abandonnant.

Ces législations contestent ouvertement l’exégèse coranique traditionnelle du verset [4:34], qui a été exploité pour justifier à la fois la supériorité intrinsèque des hommes sur les femmes, et le droit des hommes de battre les femmes.

« Les hommes sont les protecteurs et les garants (qawwamun) des femmes, à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises ; elles conservent soigneusement pendant l’absence de leur mari ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre le manque d’obéissance ; vous les reléguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu’elles vous obéissent, ne leur chercher point querelle. Dieu est élevé et grand. » [04:34]

Certains concepts misogynes se sont ancrés dans le discours académique islamique à la suite de commentaires sur ce verset venus d’exégètes classiques qui ont sans doute été influencés par le paradigme patriarcal de l’époque médiévale d’où ces commentaires sont issus.

Yusuf al-Qaradawi, le bien connu spécialiste de l’Islam contemporain, affirme dans son livre Le licite et l’interdit dans l’Islam que l’homme a « le droit à l’obéissance et à la coopération de sa femme, » et que s’il ne les reçoit pas, il peut en dernier recours « la battre légèrement avec les mains, en évitant le visage et d’autres zones sensibles. »

Même si le différend sur la première partie du verset et le mot qawwamuna est vif et très critique, il est encore plus intense quand il s’agit de la deuxième partie du verset et du mot idribuhunna.

Laleh Bakhtiar, savante irano-américaine et auteur de plus de 20 ouvrages sur le soufisme, la psychologie et d’autres sujets, a publié une traduction anglaise du Coran en 2007 et a dit avoir passé près de trois mois sur ce verset en particulier.

Au lieu de traduire le verbe racine daraba par « les battre légèrement, » Bakhtiar traduit ce verset clé par « s’éloigner d’elles », soutenant ainsi que idribuhunna, tel qu’il apparaît dans le verset, ne signifie pas « battez-les » mais « quittez-les. » Elle fonde son interprétation sur certains versets où le même mot est utilisé avec des significations et des traductions différentes.

Dans le verset [4:94] , le mot est utilisé pour signifier « aller à l’étranger » ou partir ; « Ô vous qui croyez , quand vous allez à l’étranger (darabtum) pour la cause de Dieu, pesez vos démarches ; que la soif des biens de ce monde ne vous fasse pas dire … »

Aussi dans le verset [14:24] le mot
est utilisé à nouveau, mais avec un sens différent : « N’avez-vous pas vu comment Dieu propose (daraba) en exemple, un bon mot comme un bel arbre dont la racine est ferme et les branches [hautes] dans le ciel ? » Hadia Moubarak , une militante syro-américaine qui défendait les droits des femmes et première femme à servir en tant que présidente de l’Association Nationale des Étudiants Musulmans, a posé six significations possibles pour le verbe daraba et préfère la traduction « pour créer un effet sur elle. »

Les féministes islamiques utilisent également des versets précis afin de montrer comment le Coran condamnent les hommes qui oppriment les femmes ou les maltraitent. L’un de ces versets est le [4:19] ; « Ô vous qui croyez, il ne vous est pas permis de vous constituer héritiers de vos femmes contre leur gré, ni de les empêcher de se marier (quand vous les avez répudiées), afin de leur ravir une portion de ce que vous leur avez donné, à moins qu’elles ne soient coupables d’un crime manifeste. Soyez honnêtes dans vos procédés à leur égard. Si parmi vos femmes, il y en a que vous n’aimez pas, il se peut que vous n’aimiez pas celles dont Dieu a voulu faire un riche trésor. »

Même si les musulmans, hommes et les femmes, commencent à reconnaître la nécessité de revoir et de réinterpréter le Coran afin qu’il s’adapte à leur vie quotidienne, les féministes islamiques ont un chemin long et potentiellement risqué puisqu’elles s’aventurent dans un monde dominé depuis des siècles par des religieux musulmans traditionalistes et conservateurs qui ne se rendront pas sans combattre.

Al-Akhbar – Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten…
Traduction : Info-Palestine.eu – Claude & Niha

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2 commentaires

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  1. une bonne partie de ce qui est dit sur ce site est absolument faux. la polygamie ne necéssite pas de permission de la premiere femme et elle n’est en aucun cas exceptionnelle. elle est permis pour tout les homme qui peuvent se le permettre. Et dans certains aspect de la vie l’homme a des responsabilité plus importante que la femme et das d’autres aspect la femme en as d’autres tout aussi important… et que on le veuille ou non l’islam est et restera une religion patriarcale. La seule raison pour laquelle vous vous y opposer c’est parce que les sociétés occidentales hyper sexualisé vous ont pourri le cerveau et vous ont inculqué des valeurs anti islamique.

  2. Je ne sais pas à quel degrés votre cerveau a subit des dommages, mais je pense qu’une séance de désintoxication s’impose. Je suis un Homme, musulman et l’islam ne peut que me réconforté dans mon statut d’homme. Mais je ne suis pas un malade, une espèce d’hypocrite qui abuse de ses droit vis-à vis d’autrui. Mais je dis bravo à toutes ces féministes qui à force de pratiquer l’islam, ce dernier ne nécessite pas un cerveau, car toutes vous pensées et idéologies, ne comptent plus. Désormais , vous réfléchiraient avec le coran, et penseraient également avec ce saint livre. Et comme la théorie de l’involution naturelle, suppose que les organes naissent et disparaissent selon leur utilisation, je me permet de penser que les femmes musulmanes n’ont plus de cerveau à présent !

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